Obligation des États de protéger et d'aider les migrants objets de trafic illicite

En vertu du droit international, les États ont l'obligation claire de protéger la vie et la sécurité des migrants. Le trafic illicite de migrants est un acte illégal auquel les migrants ont donné leur consentement, mais cela n'affecte pas le devoir de l'État :

Article / Quotes

Lorsqu’il applique le présent Protocole, chaque État Partie prend, conformément aux obligations qu’il a contractées en vertu du droit international, toutes les mesures appropriées, y compris, s’il y a lieu, des mesures législatives, pour sauvegarder et protéger les droits des personnes qui ont été l’objet des actes énoncés à l’article 6 du présent Protocole, tels que ces droits leur sont accordés en vertu du droit international applicable, en particulier le droit à la vie et le droit de ne pas être soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Source

article 16 (1), Protocole des Nations Unies relatif au trafic illicite de migrants.

Le trafic illicite de migrants implique généralement le consentement des personnes transportées clandestinement pour franchir de manière irrégulière les frontières. Il est toutefois possible que les migrants rétractent leur consentement au cours de l'opération (par exemple, s'ils jugent les conditions de transport trop dangereuses). Après avoir retiré leur consentement, les migrants peuvent être contraints de poursuivre le processus de trafic illicite, devenant ainsi des victimes de la traite (pour en savoir plus sur la distinction entre trafic illicite et traite des personnes, voir Le trafic illicite de migrants et la traite des personnes). Dans de tels cas, les migrants - désormais des victimes de la traite - peuvent prétendre à certains droits, notamment des droits à la protection et à l'assistance, aux besoins élémentaires, aux soins médicaux et psychosociaux, et à un logement temporaire, entre autres (voir Traite des personnes et formes connexes d’exploitation et d’abus).

Policy Approaches
Une réponse multipartite pour protéger et aider les migrants objets de trafic illicite
  • Reconnaître le rôle clé des agents de surveillance des frontières et des unités d'intervention maritime, qui sont souvent les premiers à entrer en contact avec les migrants objets d'un trafic illicite :
    • Former les fonctionnaires à donner la priorité à la vie et à la sécurité des migrants et à identifier les migrants qui ont besoin d'être aidés et protégés ;
    • Établir des lignes directrices officielles sur l'interception comprenant des conseils en matière de protection et d'assistance ;
    • Renforcer leur capacité de sauvetage.
  • Mettre au point des mécanismes de coopération entre les fonctionnaires, les forces de l'ordre et les ONG afin de protéger et d'aider les migrants objets d'un trafic illicite et d'évaluer leurs besoins en matière de protection.
  • Appuyer les communautés locales et les ONG qui apportent une assistance aux migrants objets d'un trafic illicite.
  • Veiller à ce qu'en matière pénale la priorité soit donnée à la vie et à la sécurité des migrants, ainsi qu'à la protection des témoins et de leurs familles contre d'éventuelles représailles.

Les migrants qui ont enduré des formes particulièrement périlleuses de trafic illicite peuvent avoir besoin d'une protection et de soins urgents.

Les migrants désireux de coopérer avec les autorités et de témoigner contre les passeurs risquent de subir des représailles de la part de groupes criminels organisés (Pour en savoir plus, veuillez consulter la section Non-criminalisation des victimes du trafic illicite de migrants de ce chapitre). De plus, parmi les personnes faisant l'objet de trafics illicites dans le cadre de flux migratoires complexes, peuvent figurer des individus ayant des besoins de protection spécifiques, tels que des réfugiés, des demandeurs d'asile, des victimes de la traite des êtres humains ou des enfants non accompagnés. Les migrants objets d'un trafic illicite sont également très vulnérables à la traite des êtres humains car les dettes qu'ils contractent pour payer les frais des passeurs les exposent à des risques d'exploitation.

Protection humanitaire

Réfugiés et demandeurs d'asile

Le Protocole des Nations Unies contre le trafic illicite de migrants exige des États qu'ils luttent contre ce trafic illicite tout en protégeant les droits des migrants consacrés par les droits humains, le droit humanitaire et le droit des réfugiés. L'article 19, dit clause de sauvegarde, stipule que :

Article / Quotes

Aucune disposition du présent Protocole n’a d’incidence sur les autres droits, obligations et responsabilités des États et des personnes en vertu du droit international, notamment du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains et en particulier, de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés et au principe de non-refoulement qui y est énoncé, le cas échéant.

De fait, le Protocole reconnaît qu’une personne qui fait appel aux services de passeurs est susceptible d’être un réfugié ou un demandeur d’asile, et que la gestion de chaque cas spécifique doit respecter l’obligation de l’État envers le migrant, de même que la législation nationale.

Policy Approaches
Assurer aux migrants objets d'un trafic illicite l'accès à la protection
  • Mettre en œuvre des mesures visant à prévenir le trafic illicite de migrants ; veiller à ce que ces mesures ne portent pas atteinte au droit des personnes à demander l'asile et n'exposent pas les réfugiés et les demandeurs d'asile à un risque de refoulement.
  • Veiller à ce que les activités de lutte contre le trafic illicite ne portent pas atteinte au droit de demander l'asile.
  • Mettre en place les cadres et systèmes nécessaires en matière de protection et d’assistance dotés de ressources suffisantes, afin de pourvoir aux besoins multiples et complexes des migrants.
  • Veiller à ce que les procédures opérationnelles standards et les mécanismes d'orientation pour gérer les cas impliquant des réfugiés et des demandeurs d'asile soient accessibles à tous les agents qui s'occupent des migrants victimes d'un trafic illicite, dans un format clair et sans ambiguïté.
  • Garantir que les autorités ou organes compétents évaluent les demandes d’asile et décident ou non de les accepter en suivant des procédures légales. Les migrants ayant fait l'objet d'un trafic illicite n’ont pas besoin de demander l’asile spécifiquement. Il leur suffit d’indiquer qu’ils craignent de retourner dans leur pays d’origine ou de dernier départ.
  • Veiller à ce que le principe de non-refoulement soit respecté, même lorsque la personne concernée n'a pas - ou n'a pas encore - officiellement obtenu le statut de réfugié (pour en savoir plus sur l'application des principes de non-refoulement, voir Droits humains des migrants : vue d'ensemble.
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Retour des migrants ayant fait l'objet d'un trafic illicite

Policy Approaches
  • Étudier les considérations de non-refoulement avant de renvoyer des migrants objets d'un trafic illicite.
  • Effectuer les retours de manière ordonnée et en tenant dûment compte de la sécurité et de la dignité de la personne (conformément à l'article 18[5] du protocole des Nations Unies relatif au trafic illicite de migrants) ainsi que de tous les droits accordés au migrant en vertu du droit national ou de tout traité ou accord bilatéral ou multilatéral pertinent.

 

(Pour en savoir plus sur le retour des migrants, voir Retour et réintégration des migrants.

Enfants objets d'un trafic illicite

Certains des migrants objets d'un trafic illicite sont des enfants (on entend par « enfant » toute personne âgée de moins de 18 ans). Ces enfants bénéficient de droits spécifiques en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant. Les passeurs peuvent également utiliser des enfants à différents postes, comme celui de skipper, parce qu'en raison de leur âge, ils ne peuvent pas être poursuivis.

Policy Approaches
Protection et assistance aux enfants objets d'un trafic illicite de migrants
  • Inscrire le principe de l'intérêt supérieur des enfants objets d'un trafic illicite dans toutes les politiques et procédures.
  • Veiller à ce que les enfants objets d'un trafic illicite jouissent des mêmes droits que les ressortissants ou résidents permanents en matière d'accès à la santé, à l'éducation, à l'alimentation et aux systèmes de protection et de prise en charge des enfants.
  • Doter les agents de première ligne des moyens de s'occuper en priorité des enfants objets d'un trafic illicite et de les mettre en contact avec les autorités chargées de la protection de l'enfance, les organisations internationales et les ONG chargées de la protection de l'enfance.
  • Désigner un tuteur légal pour les enfants victimes jusqu'à ce qu'une solution pérenne soit trouvée pour les protéger.
  • Si l'âge des migrants objets d'un trafic illicite ne peut être vérifié, partir du principe qu'il s'agit d'enfants jusqu'à preuve du contraire ; apporter toutes les garanties nécessaires sur la base de cette hypothèse.
  • Appliquer tous les droits de l'enfant à tous les enfants migrants objets d'un trafic illicite, quel que soit leur statut migratoire. Pour en savoir plus, voir Enfants et migration.
Protéger les migrants objets d'un trafic illicite par mer

De nombreux migrants choisissent de prendre la mer, souvent parce que c'est le moyen le moins cher ou le seul moyen de quitter leur pays d'origine. D'autres entament leur périple sans rien savoir de l'itinéraire ou des moyens à utiliser en cours de route.

En mer, les passeurs doivent souvent naviguer de nuit pour ne pas se faire détecter. Ils peuvent également décider de naviguer malgré des conditions météorologiques défavorables et peu clémentes dans le but de se faire repérer et secourir, voire montrer aux migrants comment saboter l'embarcation dans laquelle ils voyagent pour qu'un sauvetage s'impose. Ces deux méthodes présentent des risques importants pour les migrants à bord, de même que pour les sauveteurs (ONUDC, 2011b).

En vertu de l'article 9(1) du Protocole des Nations Unies relatif au trafic illicite de migrants, les États doivent veiller à la sécurité et au traitement humain des personnes à bord des embarcations en mer lorsqu'un État partie prend des mesures contre le trafic illicite de migrants par mer conformément à l'article 8 (voir section I.2 Poursuites des passeurs de migrants et enquêtes sur leurs activités).

La protection des migrants objets d'un trafic illicite par mer est également régie par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (UNCLOS), la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (Convention SOLAS) et la Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes (Convention SAR). L'obligation de porter secours à toute personne en détresse en mer est bien établie. Toutefois, dans la pratique, certaines personnes en détresse ont été abandonnées à leur sort en raison de différends quant au lieu de débarquement des migrants secourus, en violation de l'obligation de sauvetage énoncée dans les traités et le droit international coutumier.

Policy Approaches
Interception, recherche et sauvetage en mer
  • Mettre en place des procédures opérationnelles standards en matière de gestion des migrants secourus en mer qui soient claires. Ces procédures doivent comprendre des directives visant à mettre en place des centres d’accueil, à les équiper, à coopérer avec des organisations non-gouvernementales (ONG) et internationales, ainsi qu’à procéder à des évaluations de vulnérabilité, dans la perspective de définir les besoins individuels des personnes secourues en matière de protection.
  • Faire débarquer les migrants dans des lieux où leur sécurité et leurs droits humains ne sont plus menacés.
  • Éviter les mesures d'interception dangereuses, y compris les expulsions arbitraires ou collectives.
  • Fournir à tous les migrants des informations accessibles sur leurs droits, dans une langue qu'ils comprennent et dans des formats accessibles, y compris des informations sur leur droit à une assistance consulaire s'ils le souhaitent.
  • Tenir compte du principe de non-refoulement et du risque de persécution avant de contacter les services consulaires dont relèvent les migrants.
  • Veiller à ce que les autorités frontalières soient conscientes des risques particuliers auxquels pourraient être confrontés certains groupes, tels que les demandeurs d'asile et les réfugiés, ainsi que les migrants en situation irrégulière et les personnes LGBTI, si leur cas était porté à l'attention des autorités consulaires à leur insu et sans leur consentement éclairé.
  • Installer et entretenir des balises de sauvetage le long des routes migratoires dangereuses et les afin de permettre aux migrants dont la vie et la sécurité sont en danger d'envoyer des signaux de détresse et d'être secourus.
  • Fournir une assistance immédiate, y compris, en cas de besoin, sur les lieux de sauvetage, d’interception ou de débarquement, ou à proximité. Une telle assistance doit prévoir des soins médicaux, suffisamment de nourriture et d’eau, des couvertures, des vêtements et des produits d'hygiène, ainsi que l'opportunité de se reposer.
  • Mettre en place et renforcer les dispositifs de filtrage et d’orientation afin de s’assurer que la situation de chaque individu et que son motif d’entrée dans le pays sont établis et traités au cas par cas.
Good Practice
L'opération de sauvetage mare nostrum en Italie

En 2013-2014, l'Italie a mené des opérations de recherche et de sauvetage (appelées mare nostrum) en pleine crise migratoire en Europe. Les opérations mare nostrum ont permis de sauver des dizaines de milliers de vies en mer grâce au débarquement en toute sécurité de migrants en détresse en mer. Cette initiative nationale visant à sauver des vies a été saluée par l'ensemble de la communauté internationale. L'opération a ensuite été remplacée par une initiative plus large menée par Frontex, l'opération Triton.

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Protéger les migrants victimes de violences, d'exploitation et de mauvais traitements

La plupart des passeurs de migrants facilitent l'entrée en toute sécurité de leurs « clients » vers leur destination, comme convenu entre eux. Toutefois, dans certains cas, les passeurs peuvent soumettre les migrants à des mauvais traitements, à des violences, à des agressions physiques ou sexuelles, ou à l'exploitation, ou encore les faire chanter, les enlever, demander des rançons, voire même les tuer. L'article 16 du Protocole des Nations Unies relatif au trafic illicite de migrants concerne la protection et l'assistance aux migrants dont la vie est mise en danger du fait du trafic illicite dont ils font l'objet.

En pratique, l'article 16 ne crée pas de nouveaux droits. Il exige plutôt des États parties qu'ils respectent les obligations existantes en matière de droits humains en vertu du droit international et qu'ils accordent une assistance et une protection appropriées aux migrants dont la vie ou la sécurité sont menacées par des passeurs. Lorsqu'une personne est identifiée comme victime de la traite des personnes, elle peut prétendre à certains droits, notamment celui de bénéficier d'une protection et d'assistance, d'une réponse à ses besoins élémentaires, de soins médicaux et psychosociaux, ainsi que d'un logement temporaire, entre autres. (Pour en savoir plus sur la protection des victimes de la traite, voir la traite de personnes et les formes connexes d’exploitation et de mauvais traitements.

Protéger les migrants objets d'un trafic illicite placés en détention

La protection et l'assistance aux migrants objets d'un trafic illicite sont compliquées par le fait que les migrants en situation irrégulière chevauchent souvent des lignes de fracture politiques. Dans de nombreux pays, la mise en détention des immigrants (et les alternatives à la détention) est un outil de gestion des migrations, conformément à la législation administrative ou pénale. Depuis quelques années, le problème de la détention des immigrants bénéficie d'une attention croissante. Des appels ont été lancés pour que la détention ne soit considérée qu'en dernier recours, après épuisement d'autres solutions, pour que des normes minimales soient respectées lorsque des migrants sont placés en détention, et pour qu'aucun enfant ne fasse jamais l'objet de ce traitement (Association pour la Prévention de la Torture [APT], Coalition internationale contre la détention [IDC] et HCR, 2014).

Dans la pratique, les migrants, y compris les demandeurs d'asile, peuvent être privés de liberté à de nombreux stades du processus de migration. Ils peuvent être privés de leur liberté pendant les procédures d'identification et de détermination de leur nationalité, et dans l'attente d'une décision sur leur demande d'asile. Les États peuvent les priver de leur liberté afin de les empêcher d'entrer sur leur territoire et d'appliquer des mesures d'expulsion. En transit, les personnes peuvent être retenues aux frontières terrestres, dans les aéroports, dans les ports ou sur les embarcations en mer, afin qu'ils ne puissent pas poursuivre leur voyage clandestin. Ils peuvent passer de longues périodes, souvent en situation irrégulière, dans des pays de transit où ils n'ont pas accès à la justice ou aux soins de santé et sont confrontés à toute une série de violations des droits de l'homme (CHR et Groupe mondial sur la migration [GMG], 2018: 7). Certains peuvent même être placés en détention pendant une durée indéterminée.

Les États ont le droit de gérer les migrations comme ils le jugent le plus approprié, mais ils doivent le faire dans le respect des obligations qui leur incombent en vertu du droit international.

Pour en savoir plus sur les approches politiques en matière de détention, voir Réglementation de la migration : Gestion des frontières.

 

Messages clés
  • Les mesures de lutte contre le trafic illicite doivent être menées dans le plein respect du droit international, du droit international des droits humains et, le cas échéant, du droit international des réfugiés.
  • Les personnes qui utilisent les services des passeurs peuvent être des réfugiés ou des demandeurs d'asile, et leur traitement dépendra des obligations de l'État à cet égard, ainsi que du droit national préexistant.
  • Certains des migrants objets d'un trafic illicite sont des enfants (on entend par « enfant » toute personne âgée de moins de 18 ans), qui bénéficient de droits spécifiques, en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant.
  • La législation nationale est un outil efficace pour mettre en œuvre l'article 16 du Protocole des Nations Unies relatif au trafic illicite de migrants concernant la protection et l'assistance des migrants objets d'un trafic illicite.
  • Avant de contacter les services consulaires et de renvoyer les migrants objets d'un trafic illicite, il convient de tenir compte du principe de non-refoulement, et de garantir l'application des droits humains des migrants, conformément au droit international.
  • L'article 18 du protocole énonce les principes relatifs au retour des migrants objets d'un trafic illicite.
  • La détention des migrants objets d'un trafic illicite doit être conforme aux principes des droits humains et à des normes minimales.