Résumé
Learning Objective
Objectifs d'apprentissage
  • Comprendre le crime de trafic illicite de migrants, ses conséquences sur la gestion de la migration et la menace qu’il représente pour les individus et les États.
  • Connaître le principal instrument juridique international qui régit la conduite des États en ce qui concerne le trafic illicite de migrants
  • Identifier les réponses politiques efficaces pour lutter contre le trafic illicite de migrants, poursuivre les passeurs, protéger les droits des migrants objets de trafic illicite et coopérer pour atteindre ces objectifs.
  • Comprendre comment tirer parti des partenariats internationaux, régionaux, transfrontaliers et nationaux pour lutter contre le trafic illicite de migrants
Introduction
Le trafic illicite de migrants dans son contexte

Le trafic illicite de migrants est un crime transnational en plein essor qui met en danger la vie et compromet la sécurité des migrants tout en portant atteinte à l'intégrité des frontières et aux systèmes de gouvernance des migrations des États.

Une réponse complète à la question du trafic illicite de migrants exige une approche coordonnée et harmonisée entre les pays situés sur le continuum migratoire (des pays d’origine aux pays de destination en passant par les pays de transit) ; Cette approche implique, pour commencer, une conception commune du crime de trafic illicite de migrants. Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (UNTOC) fournit aux États Parties une définition du trafic illicite de migrants et définit un cadre de coopération.

Glossary
Trafic illicite de migrants

Le « trafic illicite de migrants » désigne le fait d’assurer, afin d’en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel, l’entrée illégale dans un État Partie d’une personne qui n’est ni un ressortissant ni un résident permanent de cet État.

Source

Protocole des Nations Unies relatif au trafic illicite de migrants, article 3[a]).

En d'autres termes, le trafic illicite de migrants désigne la facilitation, à des fins de profit ou de gain financier ou matériel, de la traversée illégale d’une frontière internationale terrestre, aérienne ou maritime par une autre personne. (Pour en savoir plus, voir Définition du crime).

Traverser clandestinement les frontières est souvent le seul moyen pour de nombreux migrants d'entrer dans un pays plus développé. De nombreux migrants en situation irrégulière font appel à des passeurs pour accéder à leur pays de destination, et arrivent à leurs fins. Leur exemple attire plus de personnes sur le marché du passage clandestin des frontières, fortifiant de fait les réseaux de passeurs.

Le protocole des Nations Unies contre le trafic illicite de migrants appelle à la criminalisation du trafic illicite de migrants et à la poursuite de ceux à qui profite le crime. Le protocole ne criminalise pas les migrants qui recourent aux services de passeurs, mais se concentre sur les passeurs en quête de gain financier.

L'importance de lutter contre le trafic illicite de migrants

Si l'objectif final des passeurs est de tirer profit d'activités criminelles, la source de ce profit est le passage clandestin de personnes à travers les frontières. Ces passages clandestins sapent les efforts déployés par les États pour gérer efficacement leurs frontières et font le lit d'un « système fantôme » illégal piloté par des organisations criminelles organisées. Le trafic illicite de migrants exploite les failles de la justice pénale et des systèmes de gouvernance des migrations, investit dans la corruption et réduit de fait la confiance du public dans l'État et l'État de droit.

S'il n'est pas traité, le trafic illicite de migrants peut renforcer d'autres crimes transnationaux. Les mêmes itinéraires sont en effet souvent empruntés pour acheminer clandestinement des personnes et pour se livrer au trafic de stupéfiants, d'armes, voire à la traite d’êtres humains à des fins d'exploitation sous différentes formes. Les bénéfices tirés de ce trafic illicite sont blanchis ou investis dans d'autres activités illégales, notamment des trafics plus complexes et à plus grande échelle, et d'autres crimes graves, tels que le terrorisme (ONUDC, 2018a) : 33). Ces réalités mettent en évidence les risques graves que le trafic illicite de migrants fait peser sur la sécurité des États et de leurs populations tout au long du continuum migratoire.

Par-delà ces risques sécuritaires plus larges, les méthodes de plus en plus dures employées par les passeurs mettent en péril la vie et la sécurité des migrants qui remettent leur sort entre les mains de membres de la criminalité organisée. Des personnes sont mortes suffoquées ou écrasées à l'arrière de camions lors de leur périple pour passer clandestinement les frontières. Nombreux sont ceux qui sont morts de faim ou de déshydratation sur des routes en plein désert. D'autres ont été violés, kidnappés ou torturés lors de leur périple par des passeurs sans scrupule, des bandits et parfois même des agents de surveillance des frontières corrompus.

Le trafic par mer compte parmi les méthodes de trafic illicite de migrants les plus dangereuses et retient toute l'attention des médias. Des milliers de personnes meurent chaque année en tentant des traversées dans des conditions périlleuses et des embarcations de fortune. Les décès de migrants, fréquemment signalés (Projet Migrants Disparus de l'OIM, n.d.), mettent à l'épreuve la compassion des pays en capacité de mettre en œuvre des politiques et de prendre des mesures pour leur venir en aide. Il incombe aux autorités nationales chargées de la gestion de la migration et des frontières de veiller à ce que celles-ci ne soient pas fragilisées au point qu'il y ait menace pour la sécurité nationale. Dans le même temps, il peut être nécessaire d'assurer la protection et de venir en aide aux personnes qui recourent aux services de passeurs. Les réponses apportées au trafic illicite de migrants doivent tenir compte à la fois de la sécurité nationale et des obligations internationales de protection et d'assistance aux personnes en danger. Elles doivent refléter les obligations et les engagements des États à garantir les droits fondamentaux des personnes objets de trafic illicite.

Principales sources de données

Les données relatives au trafic illicite de migrants ne sont pas systématiquement recueillies. Le protocole des Nations Unies relatif au trafic illicite de migrants souligne la nécessité de collecter des données précises et de les analyser pour contribuer à l'élaboration de stratégies de prévention efficaces. Le fait est toutefois que les données rassemblées sont souvent mélangées à d'autres catégories de données et que les incidences de trafic illicite ne sont donc pas identifiées en tant que telles uniquement. Certaines ressources clés peuvent apporter des éclairages. Les personnes qui exploitent ces ressources doivent avoir conscience des difficultés liées à la collecte de données et des limites qui en résultent afin de ne pas mal les interpréter ni en tirer des conclusions inexactes (Collecte de données, analyse et recherche sur le trafic illicite de migrants).

Sources de données nationales

Le trafic illicite de migrants peut être mesuré de différentes manières:

  • Nombre de migrants faisant appel à des passeurs ;
  • Taille et valeur du marché criminel ;
  • Degré de consolidation des activités criminelles ;
  • Risques en matière de protection liés au trafic illicite.

Parmi les données de base requises figurent celles nécessaires à la cartographie des itinéraires clés, les données relatives aux plaques tournantes et aux modes opératoires couvrant les déplacements et la destination des migrants, la tarification et le contrôle des itinéraires clés. Ces données doivent être recueillies par le biais d'enquêtes, auprès de sources institutionnelles et par des méthodologies innovantes de collecte de données susceptibles de donner un aperçu des dimensions du trafic illicite de migrants (Reitano et Kaysser, 2018) : 67).

Les statistiques sur les activités criminelles sont une source de données essentielle pour en savoir plus sur le trafic illicite de migrants. Parmi elles figurent notamment les informations mentionnées dans les rapports faits aux autorités, les données judiciaires et les données relatives aux poursuites qui peuvent toutes être utilisées pour collecter des données sur le trafic illicite de migrants. Elles permettent aux autorités d'identifier les pays concernés, les profils des criminels, les méthodes et les itinéraires utilisés, ainsi que les tendances dans toutes ces catégories. Ces statistiques comptent parmi les meilleures sources de données pour analyser la criminalité liée au trafic illicite de migrants, mais présentent une limite de taille : tous les cas de trafic ne sont pas signalés aux autorités.

Sources internationales de données
  • ONUDC, Global Study on Smuggling of Migrants 2018, 2018b. Fournit des données et des informations détaillées sur les principaux itinéraires empruntés par les réseaux de trafiquants, les profils des passeurs et des migrants clandestins, le modus operandi des passeurs et les risques auxquels les migrants objets d'un trafic illicite sont confrontés au cours de leur périple.
  • McAuliffe, Migrant Smuggling Data and Research: A Global Review of the Emerging Evidence Base (Volume 2), 2018. Cette publication offre un tour d'horizon unique de ce qui est collecté et de ce qui peut être fait pour renforcer la base de données sur le trafic illicite de migrants à l'échelle mondiale. Elle s'appuie sur le rapport 2016 (volume 1) et fournit des informations utiles sur ce crime, les itinéraires, les organisations criminelles et les profils des passeurs, qui mettent en lumière le trafic illicite tel qu'il est pratiqué dans des pays et des régions spécifiques.
  • ONUDC, Portail visant à faciliter la diffusion d'informations concernant le trafic illicite de migrants. Fournit des bases de données sur la jurisprudence et la législation nationales et internationales, ainsi qu'une bibliographie commentée sur le trafic illicite de migrants.
  • OIM, Projet Migrants Disparus (MMP). Suit l'évolution des décès et des disparitions de migrants, y compris de ceux liés aux passeurs.
  • Matrice de suivi des déplacements (DTM). La DTM, élaborée par l'OIM, est un système utilisé pour suivre et surveiller les déplacements et les mouvements de population, de même que l'évolution des besoins des populations déplacées. Dans certains cas, les systèmes de collecte de données enregistrent les mouvements des personnes objets de trafic illicite.
  • Portail sur les données migratoires mondiales. Géré et développé par le Centre d'analyse des données migratoires mondiales (GMDAC) de l'OIM, ce portail propose des informations sur les problèmes que posent les données, les estimations et les tendances récentes en matière de trafic illicite de migrants.

À l'échelle régionale, des efforts ont également été entrepris pour collecter des données sur des itinéraires spécifiques de trafic illicite de migrants.

  • L'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (FRONTEX) collecte des données et des renseignements sur les itinéraires de trafic illicite vers l'Union européenne et sur les pratiques des réseaux criminels impliqués. Elle publie des rapports trimestriels d'analyse des risques liés aux crimes, et notamment au trafic illicite de migrants.
  • L'initiative 4Mi (Mixed Migration Monitoring Mechanism initiative) a été créée par le Secrétariat régional pour les migrations mixtes (RMMS) afin de répondre à la nécessité de disposer de meilleures données sur les flux migratoires mixtes dominés par le trafic illicite.

Pour en savoir plus, voir Collecte, analyse et recherche de données sur le trafic illicite de migrants dans ce chapitre.

 

Instruments, initiatives et dialogues Internationaux

Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer (Protocole des Nations Unies relatif au trafic illicite de migrants), additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (UNTOC) vise à lutter contre le trafic illicite de migrants et à favoriser la coopération en ce sens, tout en protégeant les droits des migrants objets d'un trafic illicite. Le protocole compte actuellement 150 États parties, ce qui représente une large communauté d'États qui peuvent coopérer et coordonner leurs efforts pour s'acquitter de leurs obligations en vertu du droit international.

Les dispositions de ce Protocole offrent un cadre particulièrement utile à l'ensemble des États, qu’ils soient ou non Parties à ce Protocole, pour établir une législation, des politiques, des stratégies et des plans d’action qui permettent de lutter efficacement contre le trafic illicite de migrants, une activité criminelle à plusieurs facettes. Ce chapitre s'appuie sur la mise en application du Protocole en tant que base de prévention, de poursuite, de protection des droits des migrants clandestins et de mettre en place un partenariat pour traiter le problème du trafic illicite de migrants.

La Convention des Nations Unies contre la torture et le Protocole des Nations Unies relatif au trafic illicite de migrants doivent être interprétés conjointement. Si le protocole ne crée pas de nouveaux droits pour les migrants objets d'un trafic illicite, il souligne (article 19) que les États parties doivent lire le Protocole conformément au droit international, notamment en matière de droits humains (voir Droits humains des migrants : Vue d'ensemble).

Lois et principes internationaux
List

Instruments

internationaux

Remarque : cette liste n’est pas exhaustive.

Plusieurs mécanismes étatiques internationaux permettent d'examiner et de renforcer la mise en œuvre du Protocole, et notamment de relever les nouveaux défis. Parmi ces mécanismes :

Initiatives et engagements

Les initiatives et engagements internationaux relatifs au trafic illicite de migrants s'inscrivent dans un cadre plus large d'objectifs en matière de gouvernance des migrations. Garantir des migrations sûres, ordonnées et régulières est un objectif reconnu à l'échelle mondiale. Pour ce faire, il convient de s'appuyer sur de bonnes pratiques, de respecter les normes internationales et les droits des migrants, de formuler une politique fondée sur des données probantes et de se doter d'une approche pangouvernementale, ainsi que de pouvoir compter sur l'implication des partenaires. Cette approche transparaît clairement dans les engagements internationaux récents.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

 

Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 définit les Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies. La cible 10.7 reconnaît que tirer pleinement parti des avantages et du plein potentiel des migrations tout en luttant contre les risques associés, notamment le trafic illicite de migrants pratiqué pour tirer un gain illicite de la mobilité humaine, nécessite des approches bien gérées et bien pilotées des migrations et de la mobilité humaine.

SDG
SDGs relevant to smuggling of migrants
  • Cible 10.7
    Faciliter la migration et la mobilité de façon ordonnée, sûre, régulière et responsable, notamment par la mise en œuvre de politiques migratoires planifiées et bien gérées.
  • Cible 5.2
    Éliminer de la vie publique et de la vie privée toutes les formes de violence faite aux femmes et aux filles, y compris la traite et l’exploitation sexuelle, et d’autres types d’exploitation.
  • Cible 16.4         
    D’ici à 2030, réduire nettement les flux financiers illicites et le trafic d’armes, renforcer les activités de récupération et de restitution des biens volés et lutter contre toutes les formes de criminalité organisée.
  • Cible 16.5
    Réduire sensiblement la corruption et la pratique des pots-de-vin sous toutes leurs formes.
  • Cible 16.A
    Appuyer, notamment dans le cadre de la coopération internationale, les institutions nationales chargées de renforcer, à tous les niveaux, les moyens de prévenir la violence et de lutter contre le terrorisme et la criminalité, en particulier dans les pays en développement.
  • Cible 17.8
    Rendre pleinement opérationnels la banque de technologies et le mécanisme de renforcement des capacités scientifiques, technologiques et d'innovation pour les pays les moins avancés d'ici 2017 et renforcer l'utilisation de technologies propices, en particulier des technologies de l'information et de la communication.

Remarque : cette liste n’est pas exhaustive.

Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières

L'objectif 9 du Pacte mondial pour les migrations vise à renforcer la réponse transnationale au trafic illicite de migrants en intensifiant « les efforts conjoints pour prévenir et lutter contre ce trafic en renforçant les capacités et la coopération internationale aux fins de la prévention, de la conduite des enquêtes, de l’engagement de poursuites et de la prise de sanctions, en vue de mettre fin à l’impunité des réseaux de trafiquants ».

GCM
GCM objectives relevant to smuggling of migrants
  • Objectif 9
    Renforcer l’action transnationale face au trafic de migrants
  • Objectif 8
    Sauver des vies et mettre en place une action internationale coordonnée pour retrouver les migrants disparus
  • Objectif 8.b
    Étudier les conséquences des lois et politiques relatives aux migrations pour nous assurer qu’elles n’entraînent pas de nouveaux risques de disparition de migrants ou d’aggravation du phénomène, notamment en répertoriant les itinéraires dangereux empruntés par les migrants et en travaillant avec d’autres États ainsi qu’avec les parties prenantes et les organisations internationales concernées afin de déterminer les risques qui se posent dans certains contextes
    s et d’établir des mécanismes visant à prévenir les situations dangereuses et à y remédier, en accordant une attention particulière aux enfants, notamment ceux qui ne sont pas accompagnés ou qui sont séparés de leur famille
  • Objectif 7
    S’attaquer aux facteurs de vulnérabilité liés aux migrations et les réduire
  • Objectif 10.c
    Surveiller les itinéraires de migration irrégulière susceptibles d’être exploités par les réseaux spécialisés dans la traite de personnes pour recruter et réduire en servitude des migrants en situation irrégulière ou victimes de trafic, avec pour objectifs de renforcer la coopération bilatérale, régionale et interrégionale en matière de prévention, d’enquêtes et de poursuites à l’encontre des auteurs d’infractions, et d’identifier, de protéger et d’aider les victimes de la traite
  • Objectif 11
    Gérer les frontières de manière intégrée, sûre et coordonnée

 

Policy Approaches
Actions visant à atteindre l'objectif 9 du Pacte mondial pour la migration : lutter contre le trafic illicite de migrants
  • Ratifier et mettre en œuvre le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (UNTOC) ;
  • Partager des informations et des renseignements sur les itinéraires, les modes opératoires et les transactions financières des réseaux de trafic illicite de migrants ;
  • Développer des réponses adaptées aux enfants et sexospécifiques afin d'identifier et d'aider les migrants, tout en prévenant le trafic illicite de migrants et les migrations irrégulières ;
  • Criminaliser le trafic illicite de migrants conformément à la définition internationale de l'expression « trafic illicite de migrants » ;
  • Élaborer des politiques et des procédures permettant de maintenir la distinction entre traite des personnes et trafic illicite de migrants, tout en reconnaissant que les migrants objets d'un trafic illicite peuvent devenir des victimes de la traite ;
  • Œuvrer avec les États au renforcement des capacités afin de prévenir le trafic illicite de migrants.
Dialogues autour des politiques interétatiques

Des forums internationaux tels que le Forum mondial sur la migration et le développement (FFMD) et le Dialogue international sur la migration (IDM) de l'OIM ont abordé la question du trafic illicite de migrants et des questions connexes. Exemples de processus consultatifs régionaux sur la migration (PCR) et de processus interrégionaux traitant des questions de trafic illicite de migrants:

List

Dialogues politiques interétatiques relatifs à la migration