La migration internationale sera également affectée par le monde du travail de demain, comme en témoignent les trois exemples suivants. En premier lieu, à mesure que les pays se développent, la production des aliments qu’ils consomment nécessite moins de travailleurs agricoles. Face à cette tendance, les travailleurs agricoles désengagés quittent souvent les zones rurales au profit des zones urbaines. Le deuxième exemple concerne la croissance des entreprises mondiales avec leur propre main-d’œuvre multinationale. Ces entreprises déplacent leur personnel entre les pays où elles opèrent, mais peuvent également posséder des usines dans plusieurs pays du monde, ce qui crée de nouvelles opportunités d’emploi dans les pays à faible revenu. L’importance des technologies de l’information, en particulier de l’intelligence artificielle, comme moteur de productivité, constitue le troisième exemple. Nous ignorons encore si l’intelligence artificielle et la robotique déplaceront les travailleurs, réduisant ainsi le besoin de migration, ou si elles créeront de nouvelles niches économiques avec une demande croissante de travailleurs. Dans un cas comme dans l’autre, elles auront manifestement un impact sur le monde du travail de demain.
Le monde du travail et l’agriculture de demain : la migration en tant que stratégie d’adaptation
En 2019, à l’échelle mondiale, environ 27 % des travailleurs étaient employés dans l’agriculture, contre 44 % en 1991 (OIT, 2020a). Toutefois, dans les pays à faible revenu où l’agriculture mécanisée est moins répandue, 65,8 % des hommes et 63,6 % des femmes sont encore employés dans l’agriculture (Banque mondiale, 2021a ; Banque mondiale, 2021b). En revanche, seuls 3,5 % des travailleurs et 1,9 % des travailleuses des pays à revenu élevé sont employés dans ce secteur (Banque mondiale, 2021c ; Banque mondiale, 2021d). Les agriculteurs des pays à faible revenu ont généralement des revenus inférieurs à la moyenne et ne cultivent souvent guère plus que ce qui est nécessaire pour nourrir leur propre famille, ce qui les pousse à migrer vers les zones urbaines ou à émigrer à l’étranger pour subvenir aux besoins de leur famille, en particulier en cas de sécheresse persistante ou récurrente (voir la section Développement rural, migration interne et résilience au Migration et développement). Lorsqu’ils migrent, les anciens agriculteurs du monde entier sont davantage susceptibles d’accepter des emplois appelés « 3-D jobs » (sales, dangereux et difficiles - dirty, dangerous, difficult) que les travailleurs locaux sont moins enclins à exercer, que ce soit dans le cadre d’une migration rurale vers une zone urbaine ou d’une migration vers un autre pays
Le monde du travail de demain et la coopération multinationale : incidences pour les travailleurs migrants peu qualifiés
La mondialisation du marché du travail, dans la mesure où les entreprises multinationales considèrent de plus en plus leur main-d’œuvre en termes mondiaux plutôt que nationaux, influe sur les migrations actuelles et futures. Le rythme sans précédent auquel les entreprises ont recours à la main-d’œuvre occasionnelle et à la sous-traitance joue également un rôle. Dans le secteur manufacturier, il est courant que les composants d’un même produit soient fabriqués dans plusieurs pays différents, par des filiales de la même entreprise ou par des sous-traitants. L’intérêt des entreprises à déplacer leur main-d’œuvre pour répondre aux exigences de ce type d’ordonnancement entre les filiales et les sous-traitants entre souvent en conflit avec les politiques d’immigration.
Les gouvernements sont souvent disposés à satisfaire les intérêts de ces entreprises en déplaçant leurs cadres, leurs dirigeants, leurs professionnels et leur personnel possédant des connaissances spécialisées de leurs pratiques commerciales vers des postes dans le monde entier, quelle que soit leur nationalité. La mobilité internationale de personnel moins qualifié, souvent dans le cadre d’emplois en lien avec des contrats que ces entreprises ont conclu, est le sujet qui prête le plus à controverse. Qu’il s’agisse d’entreprises opérant dans la réalisation d’infrastructures dans les pays les moins avancés, d’entreprises rivalisant pour obtenir des contrats dans d’autres pays à revenu plus élevé ou de sous-traitants présentant des demandes de visas de travail pour des programmeurs informatiques et d’autres spécialistes, ces mouvements soulèvent des questions sur la signification du commerce équitable et sur la concurrence potentielle des travailleurs étrangers avec la main-d’œuvre nationale.
Le monde du travail de demain et l’intelligence artificielle : défis et opportunités pour les travailleurs migrants
Les technologies de l’information en général, et l'intelligence artificielle en particulier, modifieront également le monde du travail de demain et auront des répercussions sur la migration. « Le développement de l’automatisation rendu possible par des technologies telles que la robotique et l’intelligence artificielle apporte la promesse d’une productivité plus élevée, d’une efficacité, d’une sécurité et d’une commodité accrues, mais ces technologies soulèvent également des questions difficiles relatives à l’impact plus large de l’automatisation sur les emplois, les compétences, les salaires et la nature du travail lui-même » (Manyika, 2017).