Durée

Le terme « migrant » est un terme générique qui désigne toute personne qui quitte son lieu de résidence habituel pour une durée et une raison quelconques. Toutefois, on établit souvent des distinctions entre les différents types de migration de main-d’œuvre, selon que les migrants souhaitent ou prévoient, au moment de leur déplacement, de retourner dans leur pays d’origine. Ainsi, un travailleur migrant peut soit devenir un résident permanent (de sorte que le pays de destination devient effectivement son nouveau pays de résidence habituelle), soit s’engager dans une migration temporaire (avec l’intention de retourner dans son pays d’origine ou de résidence habituelle après une période de temps limitée).

Dans la catégorie de la migration temporaire de main-d’œuvre, plusieurs autres distinctions sont souvent opérées. Le travailleur migrant saisonnier est un travailleur migrant dont le travail ou la migration est, par essence, dépendant de conditions saisonnières et qui exerce donc son activité seulement pendant une partie de l’année. La migration circulaire est une forme de migration au cours de laquelle les personnes effectuent des allers-retours répétés entre deux ou plusieurs pays. La migration circulaire décrit les mouvements de personnes dans des contextes très différents ; par exemple, la migration spontanée dans les régions frontalières dans le cadre des processus d'intégration régionale, ou la migration entre deux ou plusieurs pays dans lesquels une personne a légalement le droit de résider et de travailler (pour en savoir plus sur les Approches en matière de politiques de visas, veuillez consulter Facilitation des voyages avant l’arrivée : gestion des passeports et des visas).

De nombreux pays d’origine et de destination, ainsi que la communauté internationale en général, ont promu divers plans et programmes de migration temporaire de main-d’œuvre, afin de gérer les migrants qui prévoient de prendre un emploi et de retourner ensuite dans leur pays d’origine. Les opportunités et les défis de la migration temporaire de main-d’œuvre, pour les personnes concernées, sont résumés dans le tableau 2 ci-dessous.

Table
Tableau 2. Opportunités et défis de la migration temporaire de main-d’œuvre

 

OPPORTUNITÉS

DÉFIS

MIGRANTS

  • Augmenter les revenus des migrants au cours d’une courte période de séjour sans l’obligation d’investir massivement dans la relocalisation et l’intégration
  • Coûts minimes liés à la séparation prolongée des familles
  • Les travailleurs saisonniers peuvent continuer à exercer leur propre activité dans leur pays d’origine pendant la saison morte

 

  • Les travailleurs temporaires peuvent être moins enclins à s’intégrer et à s’engager dans la communauté et ils peuvent ne pas disposer d’un réseau de soutien
  • Des restrictions peuvent être imposées aux membres de la famille qui accompagnent les travailleurs temporaires ou à la capacité des travailleurs temporaires à accéder aux prestations et aides sociales
  • Risque de se voir refuser la réadmission

PAYS D’ORIGINE

  • Réduction à court terme du chômage et des autres pressions sur le marché du travail
  • Renforcer la résilience des communautés, y compris de celles qui sont touchées par le changement climatique (pour en savoir plus, veuillez consulter le chapitre 2.9 Migration, environnement et changement climatique) grâce à des revenus supplémentaires (envois de fonds)
  • Transfert de connaissances et de compétences lors du retour des migrants dans leur pays d’origine
  • Les migrants pourraient être réticents à l’idée de retourner dans leur pays d’origine

PAYS DE DESTINATION

  • Répondre aux pénuries de main-d’œuvre temporaires ou saisonnières et améliorer la compétitivité grâce à l’afflux de compétences
  • Coûts sociopolitiques moindres en termes d’intégration culturelle dans les pays de destination

 

  • La migration de main-d’œuvre temporaire n’est pas nécessairement la meilleure solution pour des secteurs confrontés à une pénurie structurelle à long terme
  • Les travailleurs temporaires peuvent être moins enclins à s’intégrer et à s’engager dans la communauté

 

Source

Carrera et al., 2017.

Policy Approaches
Maximiser l’impact de la migration temporaire de main-d’œuvre
  • Recruter des travailleurs migrants temporaires dans des secteurs où la main-d’œuvre locale ne suffit pas à pourvoir aux postes vacants.
  • Envisager des permis de travail ouverts pour les travailleurs temporaires qualifiés qui sont embauchés dans des secteurs où la demande de main-d’œuvre est forte.
  • Lorsqu’une pré-autorisation d’emploi est requise pour l’octroi d’un permis de travail, veiller à ce que ce document soit rédigé sous la forme d’un contrat de travail contraignant qui spécifie les salaires et les avantages basés sur les normes nationales, ainsi que la mise à disposition d’un logement approprié (fourni dans l’idéal par l’employeur).
  • Bien qu’un changement d’emploi immédiatement après leur arrivée ne soit pas recommandé, les travailleurs migrants doivent avoir la possibilité de changer de travail durant la période de séjour et d’accéder à un mécanisme de recours.
  • Fournir des incitations aux migrants pour qu’ils retournent dans leur pays d’origine à l’issue de leur travail temporaire, par exemple en facilitant leur retour, en remboursant les cotisations de sécurité sociale et/ou en créant des comptes d’épargne assortis de taux d’intérêt spéciaux élevés qui ne peuvent être débloqués qu’au moment du retour.
Source

McLoughlin and Münz, 2011.

Good Practice
Programmes de migration temporaire de main-d’œuvre
  • Au Royaume-Uni et dans d’autres pays européens, les emplois saisonniers n’intéressent pas les travailleurs locaux en raison des salaires peu élevés et des conditions de travail difficiles. Par conséquent, ces pays recrutent des travailleurs migrants temporaires pour occuper les postes vacants qui ne peuvent être pourvus par la main-d’œuvre nationale. Cela permet de compléter la main-d’œuvre existante, plutôt que de la remplacer (Somerville et Sumption, 2009).
  • Les programmes des Employeurs saisonniers reconnus de la Nouvelle-Zélande permettent aux secteurs de l’horticulture et de la viticulture de recruter des travailleurs étrangers pour la main-d’œuvre saisonnière lorsque le nombre de travailleurs nationaux disponibles pour ces emplois vacants n’est pas suffisant. En 2007, 5 000 places ont été créées, puis 11 100 en 2017, en raison de la demande croissante des employeurs. Les travailleurs migrants participant au programme peuvent passer un maximum de sept mois sur une période de onze mois en Nouvelle-Zélande (à l’exception des travailleurs migrants de Kiribati et de Tuvalu, qui se voient accorder une période de neuf mois) (McAuliffe et Kadria, 2019).
To Go Further
  • Ruhs, M., The Price of Rights: Regulating International Labor Migration, 2013. Cet ouvrage préconise la libéralisation de la migration internationale de main-d’œuvre par le biais de programmes d’admission temporaire qui protègent un ensemble universel de droits fondamentaux, tout en reconnaissant les restrictions de quelques droits spécifiques qui créent des coûts nets pour les pays de destination.
  • Collier, P., Exodus: How Migration is Changing Our World, 2013. Cet ouvrage offre un large aperçu de l’impact social et économique multiforme des migrations sur les pays de destination et les pays d’origine.
Niveau de compétences

LLa migration de main-d’œuvre se distingue également par le niveau de compétences des migrants, généralement subdivisés en travailleurs migrants peu qualifiés ou en travailleurs migrants hautement qualifiés. Au niveau national, les critères utilisés pour déterminer les compétences des migrants varient selon les gouvernements. En revanche, les systèmes utilisés au niveau international pour classifier les travailleurs migrants reposent sur l’éducation et le métier. Le niveau d’éducation requis pour un emploi peu qualifié est généralement différent de celui requis pour un emploi hautement qualifié. Il convient cependant de considérer avec prudence cette distinction entre migration de main-d’œuvre peu qualifiée et hautement qualifiée car certains postes peu qualifiés peuvent être occupés par des travailleurs migrants hautement qualifiés en raison du phénomène de déqualification (pour en savoir plus sur la Reconnaissance des compétences et des qualifications, veuillez consulter le présent chapitre).

To Go Further

La plupart des gouvernements recrutent activement des travailleurs migrants qualifiés (pour en savoir plus sur l’Accès au marché du travail, veuillez consulter le présent chapitre) afin de renforcer la compétitivité de leur pays par l’acquisition des talents les plus brillants du marché mondial du travail. Dans une tentative visant à accroître leur vivier de travailleurs qualifiés, de nombreux pays adoptent des mesures d’incitation, en simplifiant les conditions d’admission des travailleurs migrants hautement qualifiés et en ouvrant la voie vers la résidence permanente et la citoyenneté après une période de séjour définie (Chishti et Yale-Loehr, 2016).

En revanche, les travailleurs migrants peu qualifiés bénéficient souvent de conditions d’admission moins attrayantes en termes de durée, de rémunération et d’avantages sociaux (retraite et sécurité sociale). De nombreux programmes de migration temporaire ne prévoient pas de possibilité de résidence permanente ou de regroupement familial (veuillez consulter la section Modification des politiques en matière de migration familiale du chapitre 2.5 Famille et migration). En outre, les travailleurs migrants peu qualifiés sont davantage susceptibles de devoir payer les frais de recrutement, de transport et de visa (pour en savoir plus, veuillez consulter le Facilitation des voyages avant l’arrivée : gestion des passeports et des visas). Par ailleurs, les travailleurs migrants peu qualifiés sont également davantage susceptibles de subir des retards de paiement ou des paiements partiels, la servitude pour dettes et d’autres formes d’exploitation. C’est pourquoi certains pays commencent à s’attaquer à ces problèmes par le biais d’accords bilatéraux de migration de main-d’œuvre (ABMM) pour l’entrée des travailleurs, couvrant principalement les travailleurs peu qualifiés (voir la section Initiatives et engagements dans le présent chapitre).

La migration des travailleurs peu qualifiés est souvent considérée comme procurant peu d’avantages économiques pour les pays de destination. Cependant, comme le montre la récente crise sanitaire, le marché du travail est extrêmement dynamique et les besoins en compétences varient au fil du temps de manière souvent imprévisible. Le COVID-19 a souligné le rôle important que les migrants et les travailleurs peu qualifiés jouent dans la fourniture de services essentiels, notamment dans des professions telles que les aides-soignants et les préparateurs de repas. Les migrants exerçant ces professions ont été, dans certains pays, déclarés « travailleurs essentiels » , dont l’emploi doit être protégé, voire développé (Ruhs, 2020). L’avenir dira si le changement de perception de l’opinion publique à l’égard des migrants occupant des emplois essentiels entraînera des changements dans les perspectives stratégiques à long terme pour les travailleurs migrants peu qualifiés ou s’il ne s’agira que d’une préoccupation passagère concernant les pénuries de main-d’œuvre pendant la pandémie (voir la section Migration de main-d’œuvre en temps de pandémie : enseignements tirés de la COVID-19 dans le présent chapitre).

Good Practice
Harmoniser les conditions d’entrée, de séjour et d’emploi des ressortissants de pays tiers dans l’Union européenne

Reconnaissant qu’il existe des problèmes d’inégalité autour du statut des travailleurs migrants et que certains pays adoptaient une « approche sélective » de la migration des travailleurs peu qualifiés, l’Union européenne a promulgué une directive sur les travailleurs saisonniers (2014/36/UE). Cette directive vise à harmoniser les conditions d’entrée, de séjour et d’emploi des ressortissants de pays tiers à destination d’États membres autres que le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark. Elle établit un catalogue de droits pour les travailleurs saisonniers, notamment l’introduction d’un permis standard de travail et de séjour combiné, le principe d’égalité de traitement dans neuf domaines fondamentaux et le droit de changer d’employeur pendant la période de séjour (tant qu’aucun résident de l’Union européenne ne peut occuper un poste vacant particulier). Cependant, malgré ces efforts, en comparaison avec le régime de l’Union européenne pour les travailleurs migrants qualifiés (la directive « carte bleue »), elle n’accorde toujours pas aux travailleurs migrants peu qualifiés le droit de s’installer dans un autre État membre de l’Union européenne, ni le droit au regroupement familial. La plupart des politiques de migration de main-d’œuvre dans la région demeurent nationales, l’Union européenne ne jouant qu’un rôle très limité.

 
Source

Platonova and Urso, 2012; Zoeteweij-Turhan, 2017.

Travailleurs migrants entrepreneurs

Certaines migrations de main-d’œuvre prennent la forme d’un entrepreneuriat, défini comme « la capacité et la volonté d’entreprendre la conception, l’organisation et le management d’une nouvelle entreprise en acceptant tous les risques concomitants et la recherche de profit comme récompense » (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement [CNUCED], Organisation internationale pour les migrations [OIM] et Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [HCR], 2018). L’entrepreneuriat joue un rôle significatif dans la création d’emplois, tout en apportant des idées, des compétences et des connaissances nouvelles et différentes à la population et au marché du travail au niveau local (Marchand et Siegel, 2014).

Les migrants sont souvent considérés comme moins réticents aux risques que d’autres segments de la population (étant donné qu’ils se sont déjà exposés au risque de la migration). Selon certaines études, les migrants peuvent davantage compter sur le soutien de la diaspora pour obtenir des fonds pour créer leur entreprise. On considère généralement que les migrants entrepreneurs sont davantage susceptibles de prospérer dans des secteurs à forte innovation tels que les technologies de l’information ou la biotechnologie. Par exemple, les migrants entrepreneurs d’Inde et de Chine sont d’importants agents de développement car ils réinvestissent souvent les fonds qu’ils envoient dans leur économie d’origine (pour en savoir plus, veuillez consulter le Migration et développement).

Image / Video

Source

IOM/Joe Lowry, 2013.

Mais d’autres études montrent également que le taux d’activité entrepreneuriale et de création de start-up est globalement identique entre migrants et non-migrants (Xavier et al., 2012). Il se peut que les migrants créent des entreprises en raison des difficultés qu’ils rencontrent pour obtenir un emploi régulier à temps plein (Naudé, Siegel et Marchand, 2015) ou pour générer des revenus supplémentaires. En outre, les migrants entrepreneurs sont très susceptibles d’employer d’autres migrants de leur pays d’origine, car ils ont tendance à appartenir à des réseaux sociaux qui se chevauchent. Bien que cela puisse favoriser l’emploi parmi les migrants, cette dynamique peut confiner les migrants à leur réseau établi, ce qui rend difficile leur intégration dans d’autres secteurs du marché du travail (Huddleson et al., 2015).

L’entrepreneuriat nécessite des compétences spécifiques et des capitaux à investir. Le succès des activités entrepreneuriales des migrants dépend donc de divers facteurs, tels que l’accès non discriminatoire au secteur économique, le soutien en cas de difficultés administratives et techniques, la reconnaissance des diplômes étrangers et, plus généralement, la manière dont les pays favorisent l’intégration des migrants (Huddleston et al., 2015). Toutefois, il est important de faire preuve de prudence dans la promotion de l’entrepreneuriat des migrants. L’entrepreneuriat peut conduire à des salaires bas et nécessiter un investissement significatif en temps et en ressources avant de permettre l’autonomie (Cortina, Taran et Raphael, 2014). Il est donc essentiel que les programmes favorisant l’entrepreneuriat des migrants soient assortis d’autres politiques, telles que la formation professionnelle, le développement des compétences ou l’enseignement de la langue (CNUCED, OIM et HCR, 2018).

Policy Approaches
Favoriser l’entrepreneuriat des migrants
  • Clarifier les droits des migrants en matière de protection sociale et de garantie des droits des travailleurs indépendants.
  • Développer les services locaux de traduction et d’interprétation afin que les migrants puissent avoir une meilleure compréhension des réglementations étrangères relatives à la propriété et des exigences administratives liées à l’immatriculation de leur entreprise.
  • Permettre aux non-ressortissants d’accéder au financement de démarrage avec des exigences raisonnables en matière de crédit. Sans inclusion financière, les initiatives entrepreneuriales sont davantage susceptibles d’échouer.
  • Encourager les formations en entrepreneuriat et le soutien à long terme, ainsi que d’autres approches de l’intégration au marché du travail, telles que la formation professionnelle et le développement des compétences.
Source

CNUCED, OIM et HCR, 2018 ; Cortina, Taran et Raphael, 2014.

Good Practice
Le Programme de visa pour démarrage d’entreprise du Gouvernement du Canada

Ce programme cible les entrepreneurs immigrants possédant des compétences avérées à créer des entreprises de nature innovante et d’envergure mondiale, tout en démontrant leur potentiel de création d’emplois pour la population locale.

Pour être admissible au Programme de visa pour démarrage d’entreprise du Gouvernement du Canada, un migrant doit avoir une entreprise admissible répondant aux critères établis, les compétences linguistiques requises, le soutien concret d’un groupe commercial désigné connu pour investir dans les démarrages d’entreprise ainsi que les fonds nécessaires pour que le migrant et sa famille puissent subvenir à leurs besoins à leur arrivée au Canada.

Des programmes analogues de visa pour démarrage d’entreprise sont mis en place par un nombre croissant de gouvernements d’autres pays tels que le Chili, l’Estonie, la France, l’Irlande, l’Italie, la Nouvelle-Zélande, les Philippines et Singapour.

Ces programmes s’avèrent efficaces pour créer un environnement propice à l’innovation, tout en offrant un avantage concurrentiel sur le marché mondial. Bien que la plupart des pays tendent à offrir des filières d’immigration aux chefs d’entreprise, nombre de ces filières sont inaccessibles aux fondateurs de nouvelles entreprises qui ne bénéficient peut-être pas d’une longue tradition de réussite ni d’investissements financiers élevés.

Source
Le monde du travail de demain

La migration internationale sera également affectée par le monde du travail de demain, comme en témoignent les trois exemples suivants. En premier lieu, à mesure que les pays se développent, la production des aliments qu’ils consomment nécessite moins de travailleurs agricoles. Face à cette tendance, les travailleurs agricoles désengagés quittent souvent les zones rurales au profit des zones urbaines. Le deuxième exemple concerne la croissance des entreprises mondiales avec leur propre main-d’œuvre multinationale. Ces entreprises déplacent leur personnel entre les pays où elles opèrent, mais peuvent également posséder des usines dans plusieurs pays du monde, ce qui crée de nouvelles opportunités d’emploi dans les pays à faible revenu. L’importance des technologies de l’information, en particulier de l’intelligence artificielle, comme moteur de productivité, constitue le troisième exemple. Nous ignorons encore si l’intelligence artificielle et la robotique déplaceront les travailleurs, réduisant ainsi le besoin de migration, ou si elles créeront de nouvelles niches économiques avec une demande croissante de travailleurs. Dans un cas comme dans l’autre, elles auront manifestement un impact sur le monde du travail de demain.

Le monde du travail et l’agriculture de demain : la migration en tant que stratégie d’adaptation

En 2019, à l’échelle mondiale, environ 27 % des travailleurs étaient employés dans l’agriculture, contre 44 % en 1991 (OIT, 2020a). Toutefois, dans les pays à faible revenu où l’agriculture mécanisée est moins répandue, 65,8 % des hommes et 63,6 % des femmes sont encore employés dans l’agriculture (Banque mondiale, 2021a ; Banque mondiale, 2021b). En revanche, seuls 3,5 % des travailleurs et 1,9 % des travailleuses des pays à revenu élevé sont employés dans ce secteur (Banque mondiale, 2021c ; Banque mondiale, 2021d). Les agriculteurs des pays à faible revenu ont généralement des revenus inférieurs à la moyenne et ne cultivent souvent guère plus que ce qui est nécessaire pour nourrir leur propre famille, ce qui les pousse à migrer vers les zones urbaines ou à émigrer à l’étranger pour subvenir aux besoins de leur famille, en particulier en cas de sécheresse persistante ou récurrente (voir la section Développement rural, migration interne et résilience au Migration et développement). Lorsqu’ils migrent, les anciens agriculteurs du monde entier sont davantage susceptibles d’accepter des emplois appelés « 3-D jobs » (sales, dangereux et difficiles - dirty, dangerous, difficult) que les travailleurs locaux sont moins enclins à exercer, que ce soit dans le cadre d’une migration rurale vers une zone urbaine ou d’une migration vers un autre pays

Le monde du travail de demain et la coopération multinationale : incidences pour les travailleurs migrants peu qualifiés

La mondialisation du marché du travail, dans la mesure où les entreprises multinationales considèrent de plus en plus leur main-d’œuvre en termes mondiaux plutôt que nationaux, influe sur les migrations actuelles et futures. Le rythme sans précédent auquel les entreprises ont recours à la main-d’œuvre occasionnelle et à la sous-traitance joue également un rôle. Dans le secteur manufacturier, il est courant que les composants d’un même produit soient fabriqués dans plusieurs pays différents, par des filiales de la même entreprise ou par des sous-traitants. L’intérêt des entreprises à déplacer leur main-d’œuvre pour répondre aux exigences de ce type d’ordonnancement entre les filiales et les sous-traitants entre souvent en conflit avec les politiques d’immigration.

Les gouvernements sont souvent disposés à satisfaire les intérêts de ces entreprises en déplaçant leurs cadres, leurs dirigeants, leurs professionnels et leur personnel possédant des connaissances spécialisées de leurs pratiques commerciales vers des postes dans le monde entier, quelle que soit leur nationalité. La mobilité internationale de personnel moins qualifié, souvent dans le cadre d’emplois en lien avec des contrats que ces entreprises ont conclu, est le sujet qui prête le plus à controverse. Qu’il s’agisse d’entreprises opérant dans la réalisation d’infrastructures dans les pays les moins avancés, d’entreprises rivalisant pour obtenir des contrats dans d’autres pays à revenu plus élevé ou de sous-traitants présentant des demandes de visas de travail pour des programmeurs informatiques et d’autres spécialistes, ces mouvements soulèvent des questions sur la signification du commerce équitable et sur la concurrence potentielle des travailleurs étrangers avec la main-d’œuvre nationale.

Le monde du travail de demain et l’intelligence artificielle : défis et opportunités pour les travailleurs migrants

Les technologies de l’information en général, et l'intelligence artificielle en particulier, modifieront également le monde du travail de demain et auront des répercussions sur la migration. « Le développement de l’automatisation rendu possible par des technologies telles que la robotique et l’intelligence artificielle apporte la promesse d’une productivité plus élevée, d’une efficacité, d’une sécurité et d’une commodité accrues, mais ces technologies soulèvent également des questions difficiles relatives à l’impact plus large de l’automatisation sur les emplois, les compétences, les salaires et la nature du travail lui-même » (Manyika, 2017).

Image / Video

Source

IOM, 2016.

Les accords de télétravail permettent déjà aux employés de travailler depuis leur lieu de résidence plutôt que depuis le siège de l’entreprise. Avec l’amélioration des communications, ces options se multiplieront probablement, rendant la migration inutile pour le travail dans ces secteurs. Dans certains cas, les nouvelles technologies réduisent le besoin de main-d’œuvre. Les entreprises qui produisent 24 heures sur 24 peuvent posséder des usines dans plusieurs pays du monde, ce qui crée de nouvelles opportunités d’emploi dans les entreprises à faible revenu. L’intelligence artificielle et la robotique pourraient bien déplacer des travailleurs dans des emplois peu ou hautement qualifiés. « Soixante pour cent de tous les emplois comportent au moins 30 % d’activités techniquement automatisables, sur la base des technologies disponibles actuellement (Manyika, 2017).

La disponibilité d’une main-d’œuvre bon marché, y compris par le biais de la migration internationale, influencera l’adoption de nouvelles technologies, tandis que la technologie influencera le besoin de travailleurs d’autres pays. Dans le même temps, cependant, la technologie est susceptible de créer de nouvelles entreprises, de nouvelles opportunités d’emploi et de nouvelles professions inconnues aujourd’hui. C’est ce qui s’est produit pendant la révolution industrielle, lorsque les progrès de la fabrication et les nouvelles inventions permettant d’économiser de la main-d’œuvre ont supprimé de nombreux emplois tout en en créant beaucoup d’autres ; dans certains cas, plus d’emplois que ne pouvait en occuper la main-d’œuvre locale.

Messages clés
  • La migration de main-d’œuvre peut être permanente (de sorte que le pays de destination devient de facto le nouveau pays de résidence habituelle du migrant) ou temporaire (lorsque le migrant a l’intention de retourner dans son pays d’origine ou de résidence habituelle après une période limitée).
  • Dans la catégorie de la migration temporaire de main-d’œuvre, un travailleur migrant saisonnier est un travailleur migrant dont le travail est dépendant de conditions saisonnières et qui exerce son activité seulement pendant une partie de l’année, tandis que la migration circulaire est une forme de migration au cours de laquelle les personnes effectuent des allers-retours répétés entre deux ou plusieurs pays.
  • Les travailleurs migrants peu ou hautement qualifiés se voient souvent accorder des conditions d’admission différentes en termes de durée, de salaire et d’avantages, de possibilités d’accès à la résidence permanente et de regroupement familial. Cette différenciation est toutefois de plus en plus prise en compte par un certain nombre de pays dans le cadre d’accords bilatéraux de migration de main-d’œuvre (ABMM) pour l’entrée des travailleurs peu qualifiés.
  • Les migrants entrepreneurs peuvent être d’importants agents de développement, bien que le taux de démarrage des migrants entrepreneurs, ainsi que leur taux de création d’emplois, soit à peu près le même que celui des ressortissants nationaux.
  • La migration internationale sera affectée par le monde du travail de demain, comme en témoignent l’exode rural, le développement des multinationales opérant au-delà des frontières nationales, ainsi que les technologies de l’information et l’intelligence artificielle.