Pour être efficace, une politique nationale en matière de migration doit répondre aux besoins de migration de main-d’œuvre du pays, tout en respectant les obligations internationales du pays en matière de protection des droits des migrants (voir la section Droit et principes internationaux dans le présent chapitre). D’autres critères permettront également d’élaborer une politique nationale de migration de main-d’œuvre durable à long terme. Ces critères s’appliquent à différents stades de l’élaboration de politiques, de l’élaboration au suivi et à l’évaluation, en passant par la mise en œuvre (pour en savoir plus sur l’élaboration de politiques, veuillez consulter la Gestion de la migration et cycle politique).
- Double objectif : garantir une migration sûre et ordonnée de la main-d’œuvre et utiliser son impact positif pour équilibrer les besoins du marché du travail par la migration temporaire ou permanente.
- Cohérence : compléter les objectifs définis dans les stratégies correspondantes des gouvernements, en particulier dans les stratégies d’emploi et de développement durable.
- Globalité : couvrir toutes les phases du parcours migratoire ainsi que les problèmes associés, tels que les obstacles à la migration de main-d’œuvre, la vulnérabilité sur le lieu de travail et les besoins d’amélioration des compétences.
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Evidence-based: The process to develop a labour migration policy should ensure that the stakeholders involved have access to reliable data and its quality analysis, so that their deliberations are based on an evidenced-based understanding of the migration and mobility and labour market trends.
- Transparence : Avoir recours à des approches pangouvernementales et pansociétales qui prennent en considération les contributions des différentes parties prenantes, avec le concours d’acteurs étatiques et non étatiques représentant la diversité des positions sur la question étudiée.
- Fondement sur les droits : sauvegarder les droits applicables aux travailleurs migrants par:
- L’établissement de mécanismes destinés à prévenir la violation des droits, notamment par la promotion de l’inclusion et de la cohésion sociales (pour en savoir plus sur les mesures anti-discrimination) ;
- L’adoption et l’application de sanctions spécifiques en cas de violation des droits prévus dans la législation nationale;
- IL’introduction de mécanismes efficaces permettant de dénoncer les violations de droits et la mise en place d’une représentation juridique adaptée dans les affaires judiciaires;
- La mise en place d’un système institutionnel fonctionnel permettant d’identifier les violations de droits et de saisir la justice (pour en savoir plus, veuillez consulter le Droits humains des migrants : vue d’ensemble).
Le Ministère de la Promotion de l’emploi à l’étranger et de la sécurité sociale (MFEPW) du Sri Lanka, sous la direction de l’Organisation internationale du Travail (OIT), a élaboré une politique nationale visant à faciliter la migration visant à obtenir un travail décent. Avant son adoption en 2009, trois groupes de travail correspondants ont été mis en place et se sont concentrés sur trois domaines : la bonne gouvernance, la protection et l’autonomisation des travailleurs migrants et de leurs familles, ainsi que l’établissement d’un lien entre la migration et les processus de développement. Depuis lors, le gouvernement a mis en œuvre un certain nombre de mécanismes, de lignes directrices et de sessions de formation pour garantir l’efficacité de la politique élaborée. Par exemple, un manuel opérationnel a été produit en 2013 pour rationaliser le traitement des griefs des travailleurs migrants que les missions diplomatiques doivent effectuer dans les pays de destination des Sri Lankais travaillant à l’étranger. La politique reconnaît la contribution significative des travailleurs migrants au développement global du Sri Lanka.
OIT, 2015.
- Le recrutement des travailleurs immigrés (Recruiting Immigrant Workers), publié par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), présente une série de politiques de migration de main-d’œuvre en place dans divers pays de l’OCDE. Les examens analysent si elles sont efficaces et efficientes pour répondre aux besoins du marché national.
- La Base de données des bonnes pratiques (Good practices database) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) répertorie plus de 100 pratiques, politiques et programmes de migration de main-d’œuvre dans diverses régions du monde.
La capacité à apporter la réponse la plus efficace aux défis de la migration de main-d’œuvre dépend du bon fonctionnement des institutions du marché du travail, qui ont pour mission d’appliquer les politiques, de collaborer avec d’autres parties prenantes pertinentes en charge du suivi et de l’évaluation de la mise en œuvre de ces politiques et de soulever des questions. Le tableau 3 résume la fonction des différentes institutions dans les pays de destination, bien que les pays puissent répartir les rôles et les responsabilités différemment et que les noms des institutions puissent différer selon les États.
MINISTÈRES DU TRAVAIL |
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GOUVERNEMENTS LOCAUX |
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SERVICES DE L’INSPECTION DU TRAVAIL |
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MINISTÈRES DE L’INTÉRIEUR |
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MINISTÈRES DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES |
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AGENCES NATIONALES OU LOCALES |
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Le contrôle effectué par un organisme gouvernemental spécialisé peut contribuer à réduire le risque d’exploitation des travailleurs migrants. Ce contrôle peut porter sur le comportement des employeurs, notamment leur incapacité à fournir des contrats écrits, une rémunération régulière et en temps voulu, un temps de repos légal ou des informations sur les droits des travailleurs migrants. La sécurité et la santé au travail sont particulièrement importantes. La vérification sur place des risques professionnels peut se fonder sur une évaluation de la disponibilité d’équipements de protection, d’instructions de sécurité dans la langue des travailleurs et d’une enquête sur les dossiers d’accidents. Une attention particulière doit être accordée aux travailleurs migrants ayant des besoins spécifiques, notamment les femmes, les jeunes migrants ou les personnes handicapées.
- Sensibiliser les travailleurs migrants à leurs droits et aux mécanismes d’application, y compris le droit à une indemnisation pour les travailleurs migrants quel que soit leur statut et le droit à la justice.
- Mettre en place un cadre juridique et institutionnel permettant de détecter, d’enquêter et de poursuivre efficacement les infractions.
- Créer des pare-feu entre les inspecteurs du travail et les autorités chargées de la justice et de l’immigration.
- Augmenter la fréquence des inspections et effectuer des contrôles inopinés. Changer régulièrement les inspecteurs qui visitent un employeur donné. Concentrer les inspections dans les secteurs et les types d’entreprises où les violations des droits des travailleurs sont les plus fréquentes et les plus flagrantes.
Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), 2018 ; SYNDEX, 2012.
Conformément au droit international, les États peuvent offrir une protection à leurs ressortissants résidant à l’étranger (pour en savoir plus sur le droit diplomatique et consulaire, veuillez consulter Droit international de la migration). Une nouvelle tendance se dessine qui consiste à placer des attachés du travail dans les consulats. Ces fonctionnaires du ministère du Travail sont détachés auprès du ministère des Affaires étrangères pour remplir diverses fonctions, compte tenu de leur vaste mandat. Grâce à leur connaissance des normes juridiques internationales, des politiques et réglementations du travail dans les pays de destination, ainsi que de la situation du marché du travail dans le pays et à l’étranger, les attachés du travail fournissent une assistance sur les questions liées au travail auxquelles sont confrontés leurs ressortissants travaillant dans le pays en question.
- Les attachés du travail peuvent aider le personnel consulaire à fournir une assistance et une représentation juridiques en cas de violation des droits des travailleurs, ainsi que dans les cas où ces migrants font l’objet de poursuites judiciaires ou sont en détention.
- Les attachés du travail peuvent aider les travailleurs migrants à récupérer ce qui leur est dû ou d’autres prestations lorsque leur contrat de travail n’est pas respecté ; ils peuvent également assister les travailleurs soumis à des conditions de travail inhumaines, insalubres ou dangereuses.
- Les attachés du travail peuvent faciliter la prise en charge médicale des travailleurs migrants blessés ou malades et aider ceux qui souhaitent rentrer chez eux.
OIM et Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), 2010.
L’élaboration d’une politique efficace et durable en matière de migration de main-d’œuvre nécessite une approche globale de la société (pour en savoir plus, veuillez consulter l Développement d’une politique migratoire). Parmi les acteurs non étatiques, on peut compter des organisations représentant les intérêts des travailleurs et défendant leurs droits, telles que les syndicats. Bien que les syndicats soient souvent perçus comme étant en position conflictuelle avec le gouvernement et les employeurs, cela ne doit pas nécessairement être le cas s’il existe un engagement commun à développer des politiques et des réglementations du marché du travail qui soient cohérentes avec les normes internationales du travail et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. À cet égard, les syndicats ont un rôle fondamental à jouer en veillant à ce que les travailleurs migrants soient pleinement intégrés sur le lieu de travail et dans la société en général et en s’assurant que les travailleurs sont couverts par des mécanismes de protection sur le lieu de travail et dans la société en général. Les syndicats connaissent parfaitement les préoccupations politiques actuelles des travailleurs, les tendances et les questions émergentes, ce qui peut être utile dès le stade de la formulation des politiques et ce, jusqu’à leur évaluation.
DANS LES PAYS D’ORIGINE |
DANS LES PAYS DE DESTINATION |
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Proposer des programmes d’orientation avant le départ expliquant les conditions d’emploi, le régime de la sécurité sociale et les normes relatives au droit du travail |
Diffuser des informations et proposer des formations sur les conditions juridiques et l’application des droits dans des langues que comprennent les migrants
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Fournir des services de conseil et d’orientation, en particulier aux victimes d’abus et de mauvais traitements |
Proposer des services juridiques aux travailleurs migrants qui sont victimes de violations de leurs droits, les défendre en justice
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Sensibiliser les migrants aux avantages de l’adhésion à un syndicat dans les pays d’accueil |
Représenter les travailleurs migrants afin d’abroger les obstacles contractuels ou administratifs qui empêchent les travailleurs d’adhérer à un syndicat
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Inciter à une baisse des commissions de recrutement et utiliser des contrats-types de travail |
Plaider en faveur de la ratification des conventions internationales du travail et de l’introduction et de l’application du principe de non-discrimination dans la législation et les normes nationales
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Coopérer avec les syndicats des pays de destination en vue d’un suivi des conditions de travail des travailleurs migrants |
Prendre des mesures appropriées pour garantir la protection des droits des travailleurs migrants et l’élimination de toutes les formes de discrimination
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Mettre en place des programmes de protection des travailleuses migrantes contre la discrimination et l’exploitation |
Faire campagne pour un traitement non discriminatoire des femmes migrantes et pour leur protection efficace contre les mauvais traitements |
Programme des migrations internationales et bureau sous-régional pour l’Asie de l’Est de l’OIT, 2005.
Mme N. était une travailleuse migrante vietnamienne en Malaisie. Elle a contacté sa famille au Vietnam depuis son lieu de travail, une usine de confection, affirmant qu’elle était exploitée et que ses droits étaient bafoués. La famille a contacté le Congrès des syndicats de Malaisie (MTUC), qui s’est engagé à apporter son aide dans cette affaire et est allé enquêter sur les allégations de Mme N. Bien qu’il n’ait pas eu accès aux travailleurs sur le lieu de travail, un coordinateur du MTUC a réussi à localiser Mme N. à l’extérieur des locaux de l’entreprise. Lorsque Mme N. a compris que la présence du coordinateur était la conséquence directe des doléances exprimées auprès de sa famille, elle s’est montrée disposée à coopérer.
Preuves à l’appui, le coordinateur a organisé une réunion entre le ministère du Travail et l’usine, réunion au cours de laquelle l’identité de Mme N. a été tenue secrète, mais des informations ont été fournies sur son cas (par exemple, le fait qu’aucune heure supplémentaire n’ait été payée, qu’elle ait été forcée de travailler les jours de repos, que les heures de travail aient été longues, que la rémunération ait été inférieure à celle promise, que ses déplacements aient été limités et qu’elle n’ait pas eu accès à ses documents personnels).
Peu après la réunion et avant que le MTUC ne mène une enquête plus approfondie à la demande du Département du travail, le directeur des ressources humaines de l’usine a fourni des documents établissant que les déductions salariales avaient été annulées, que les heures supplémentaires avaient été payées pour l’année écoulée, que les heures de travail avaient été fixées, que des périodes de repos avaient été établies et que les heures supplémentaires avaient été effectuées sur une base volontaire. Ces paiements et l’amélioration des conditions de travail semblent avoir bénéficié non seulement à Mme N., mais également aux 74 autres travailleurs d’origine vietnamienne, cambodgienne, indonésienne et népalaise de l’usine.
OIT, 2014.
- S’il y a lieu, faire participer les formations syndicales nationales et régionales aux processus d’élaboration des politiques.
- Intégrer les représentants syndicaux aux négociations des accords bilatéraux de migration de main-d’œuvre (ABMM).
- Consulter les syndicats sur l’inclusion de dispositions adéquates dans les ABMM afin d’assurer la protection des travailleurs migrants.
Les employeurs des pays d’origine et de destination peuvent bénéficier de politiques cohérentes en matière de migration de main-d’œuvre et vice versa. D’une part, les employeurs des pays d’origine sont préoccupés par la perte de main-d’œuvre qualifiée. Sur ce plan, ils peuvent contribuer à rendre l’emploi plus attrayant en termes de salaires et d’avantages sociaux, afin que les populations locales en âge de travailler ne migrent pas et contribuent à l’économie dans leurs communautés d’origine, plutôt que de chercher un emploi à l’étranger. D’autre part, les employeurs des pays de destination sont préoccupés par la possibilité d’embaucher des travailleurs étrangers en cas de besoin (Organisation internationale des employeurs [OIE], 2018). L’inefficacité ou les retards dans l’administration des visas et des permis de travail sont susceptibles d’entraîner des coûts tant pour les employeurs que pour les travailleurs potentiels.
Ainsi, des politiques de migration de main-d’œuvre cohérentes et transparentes, élaborées en concertation avec le monde des affaires, permettront aux employeurs de mettre en œuvre des stratégies stables d’acquisition et de rétention de main-d’œuvre, qui bénéficieront non seulement aux employeurs, mais également aux migrants. Le secteur privé est celui qui connaît le mieux les besoins du marché du travail national en termes de compétences requises, de pénuries de main-d’œuvre, etc. En collaborant avec le gouvernement et les acteurs non étatiques, le secteur privé peut aider à déterminer les besoins du marché du travail national sur une période donnée et à élaborer une politique de migration de main-d’œuvre qui réponde aux besoins du marché du travail. En outre, le secteur privé peut également soutenir des programmes visant à attirer des travailleurs migrants qualifiés dans des secteurs de l’économie où il existe une pénurie de compétences locales.
Parmi les autres acteurs non étatiques susceptibles de contribuer à l’élaboration d’une politique efficace et durable en matière de migration de main-d’œuvre, on peut citer la société civile et les travailleurs migrants eux-mêmes, ainsi que leurs familles et leurs réseaux d’aide, y compris les associations de migrants et de diasporas.
SOCIÉTÉ CIVILE |
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ASSOCIATIONS DE MIGRANTS ET DE DIASPORAS |
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EMPLOYEURS |
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- Une politique efficace en matière de migration de main-d’œuvre doit être globale, transparente, fondée sur les droits et cohérente avec les objectifs définis dans les stratégies correspondantes des gouvernements.
- Une politique efficace en matière de migration de main-d’œuvre nécessite la participation d’institutions du marché du travail qui fonctionnent bien et qui ont pour mission d’élaborer, d’appliquer, d’assurer le suivi et d’évaluer les politiques avec d’autres parties prenantes pertinentes, tout en apportant un soutien aux travailleurs migrants.
- La participation des syndicats à tous les stades de l’élaboration, de la mise en œuvre et du suivi de la politique nationale du travail, y compris de sa composante relative à la migration de la main-d’œuvre, garantira le caractère cohérent, équilibré et durable de ladite politique.
- Le secteur privé peut fournir des informations utiles à l’élaboration d’une politique de migration de main-d’œuvre et un éclairage sur les besoins du marché du travail national et les pénuries de main-d’œuvre.
- Une nouvelle tendance se dessine en matière de protection des travailleurs migrants consistant à placer des attachés du travail dans les consulats, qui peuvent mettre à profit leur connaissance approfondie des normes juridiques internationales, des politiques du travail dans les pays de destination et d’origine, ainsi que de la situation du marché du travail dans le pays et à l’étranger.