Le recrutement est souvent un facteur décisif qui détermine si un migrant retire des avantages ou engage des coûts du fait de son expérience migratoire (Jureidini, 2016). Lorsque le recrutement est effectué de manière équitable et transparente, il contribue à une migration sûre et ordonnée de la main-d’œuvre, qui profite aux pays d’origine, aux pays de destination, aux employeurs et aux migrants (OIM et IRIS, 2020). Le terme recrutement désigne « l’engagement d’une personne se trouvant dans un territoire, pour le compte d’un employeur se trouvant dans un autre territoire », ou « le fait de s’obliger, vis-à-vis d’une personne se trouvant dans un territoire, à lui assurer un emploi dans un autre territoire », ainsi que « l’adoption de mesures » relatives aux opérations susvisées (OIT, 1949).
EMPLOYEURS |
SERVICES PUBLICS |
INTERMÉDIAIRES |
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Les employeurs peuvent recruter des travailleurs migrants par le biais d’annonces d’emploi et d’entretiens. |
Les services publics de l’emploi peuvent rassembler et diffuser les offres d’emploi locales. |
Les intermédiaires privés, y compris les agences de recrutement, jouent un rôle de plus en plus important dans le recrutement des travailleurs migrants. |
Institut de la Banque asiatique de développement (ADBI), OCDE et OIT, 2017.
Le recours à des intermédiaires privés s’est accru, mais son impact sur le bien-être des migrants est mitigé. Cela est particulièrement vrai pour les travailleurs migrants peu qualifiés, qui se tournent souvent vers des intermédiaires privés pour trouver un emploi à l'étranger. Lorsqu’elles agissent de manière éthique, les agences de recrutement privées sont des intermédiaires clés entre les employeurs et les chercheurs d’emploi. Elles contribuent, par ailleurs, à réduire les obstacles permettant d’accéder à des emplois à l’étranger, particulièrement auprès des candidats qui entreprennent ces démarches pour la première fois. Elles guident les migrants à travers les complexités des réglementations en matière d’immigration, fournissent les informations nécessaires sur les conditions de travail et de vie dans le pays de destination et, surtout, contribuent à l’adéquation entre les offres d’emploi et les migrants.
Cependant, des pratiques de recrutement non éthique ont été identifiées dans toutes les régions du monde. Bien que le recrutement non éthique soit présent dans tous les secteurs économiques, il concerne essentiellement les travailleurs peu qualifiés et ses pratiques entrent dans le cadre d’un modèle commercial « travailleur-payeur », en vertu duquel les commissions de recrutement sont facturées aux migrants, qui peuvent également se voir facturer des frais connexes liés au voyage, aux examens médicaux, etc. Associé à d’autres formes d’abus, comme la tromperie sur les conditions de travail et les niveaux de rémunération, une limitation de la liberté de circulation ou encore la confiscation et la retenue des passeports, le recrutement non éthique peut exposer les travailleurs migrants à des pertes financières significatives, à une servitude pour dettes et à des conditions de travail forcé.
Les connaissances limitées dont disposent les migrants sur les procédures de recrutement, les arrangements relatifs aux voyages et les conditions de travail sont autant de facteurs qui contribuent à leur exploitation et confèrent un avantage aux intermédiaires (Agunias, 2013). En outre, les cas d’exploitation sont les plus fréquents lorsque les travailleurs migrants n’ont qu’un accès restreint aux emplois (en raison d’accords entre les employeurs et les agences de recrutement privilégiées) ou sont confrontés à une forte concurrence (en raison d’un nombre croissant de candidats ou de restrictions administratives telles que les quotas). Dans les cas extrêmes, les migrants risquent de se retrouver dans des situations de vulnérabilité face au travail forcé et à la traite des personnes (veuillez consulter la traite des personnes et les formes connexes d’exploitation et de mauvais traitements). Dans certains secteurs, tels que les travaux domestiques et le tourisme, les migrants peuvent être victimes d’exploitation sexuelle, de mauvais traitements ou de viol (pour en savoir plus sur les Risques de travail forcé et de traite des personnes).
S’opposer au recrutement non éthique nécessite des partenariats. Une coopération étroite avec toutes les parties prenantes concernées peut contribuer à mettre en place des cadres efficaces pour le recrutement éthique, tout en permettant l’adéquation entre l’offre et la demande des travailleurs migrants en matière de services de recrutement éthique et en la soutenant. La communauté internationale a adopté une approche pansociétale en se dotant d’une stratégie multipartite pour plaider en faveur d’un recrutement éthique. En termes simples, cela signifie faciliter le dialogue, non seulement au sein même d’un gouvernement et entre gouvernements, mais également entre gouvernements et parties prenantes non étatiques, dont la société civile et le secteur privé (par ex. les employeurs et les recruteurs).
IRIS : Recrutement éthique est l’initiative phare de l’OIM destinée à promouvoir le recrutement éthique. Cette initiative mondiale multipartite soutient les gouvernements, la société civile, le secteur privé et les recruteurs. L’objectif est de rendre le recrutement international équitable pour toutes les parties concernées : travailleurs migrants, employeurs, recruteurs, pays d’origine et pays de destination. Pour ce faire, elle établit les priorités suivantes :
- La sensibilisation et le développement des capacités.
- Les mesures favorisant l’expression de la voix des travailleurs migrants et leur autonomisation.
- La réglementation du recrutement international.
- La certification volontaire.
- Le dialogue et des partenariats avec les parties prenantes.
La vulnérabilité des travailleurs migrants peut être exacerbée par une réglementation insuffisante, des incohérences entre les juridictions et une mise en œuvre défaillante. En effet, la protection et le respect des droits des migrants sont au cœur d’un recrutement éthique. Afin de respecter ces priorités, il est important d’assurer la cohérence et l’exhaustivité des politiques. Le meilleur moyen d’y parvenir est d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques de migration de main-d’œuvre et de recrutement impliquant l’ensemble des ministères et des départements, ainsi que les acteurs infranationaux et locaux et couvrant tous les aspects du processus de recrutement de tous les travailleurs migrants, en particulier ceux qui se trouvent dans des situations vulnérables. En outre, il est essentiel de renforcer les réglementations, d’octroyer des licences aux recruteurs et de soutenir les services d’inspection, les forces de l’ordre et les consulats chargés de la protection des travailleurs migrants. Tous ces facteurs favorisent un recrutement éthique.
Les travailleurs migrants doivent également avoir accès à des mécanismes de recours efficaces pour pouvoir dénoncer les mauvais traitements et les pratiques frauduleuses sans crainte de détention, d’expulsion ou d’autres mesures de rétorsion. Il peut être difficile d’avoir recours à des solutions juridiques, les travailleurs migrants étant souvent intimidés ou ne possédant pas les connaissances et les capacités nécessaires pour signaler les violations et faire appel aux tribunaux. Ce problème peut être en partie résolu par des programmes de formation et d’orientation fournis avant l’embauche, avant le départ et après l’arrivée, afin d’informer les travailleurs migrants de leurs droits et responsabilités et des moyens de recevoir une assistance et un soutien direct en cas de besoin (voir Assistance avant le départ et après l’arrivée). Cette approche peut être mise en œuvre grâce à des partenariats avec la société civile et complétée par les nouvelles technologies de communication et les médias sociaux afin de permettre aux migrants de mieux se faire entendre (voir Réflexions à l’ère du numérique).
IOM/Alan Motus, 2015.
Promouvoir un recrutement éthique ne relève pas de la seule responsabilité des gouvernements. Des solutions collectives sont indispensables et nécessitent un dialogue avec le secteur privé, sa sensibilisation et son engagement. En effet, il incombe également au secteur privé de prévenir le recrutement abusif et déloyal, tout en respectant les droits de tous les travailleurs, y compris les migrants (voir Nations Unies, 2011). Les initiatives de conformité volontaire, qui engagent les entreprises ou les secteurs à adopter des pratiques de recrutement éthiques, tentent de combler cette lacune. Le secteur privé reconnaît de plus en plus les avantages à long terme d’un recrutement éthique tout au long de la chaîne commerciale. Les entreprises socialement responsables se sont investies en faveur de l’adoption de bonnes pratiques de recrutement, soulignant non seulement qu’elles sont requises conformément à la législation nationale et aux normes internationales, mais également qu’elles sont rentables, en termes de réduction de la rotation du personnel et du rapatriement des travailleurs, ainsi que d’amélioration du moral des salariés.
Ces dernières années, des rapports publics très médiatisés ont mis en lumière l’exploitation des travailleurs migrants dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, établissant un lien entre les cas de mauvais traitements et les produits de consommation. De leur côté, les entreprises s’efforcent de plus en plus de combler les lacunes dans les politiques d’entreprise et de chaîne d’approvisionnement, d’appliquer des pratiques équitables et d’améliorer la capacité des travailleurs migrants à défendre leurs droits. En reconnaissant la valeur stratégique de nouvelles formes rigoureuses de devoir de diligence, les employeurs placent le parcours du travailleur migrant au centre de l’évaluation de la chaîne d’approvisionnement. Cette stratégie permet d’évaluer les risques pour les migrants à chaque étape de la chaîne d’approvisionnement et d’identifier les possibilités d’exploitation. En collaboration avec les recruteurs, les employeurs peuvent s’appuyer sur le travail des autorités publiques et de la société civile pour mettre en pratique les principes de recrutement éthique reconnus au niveau international.
- Mettre en œuvre une campagne de sensibilisation et de communication pour améliorer la compréhension (et surtout l’uniformité de la compréhension) et pour établir les fondations intellectuelles et éthiques de l’engagement et de l’action des pouvoirs publics.
- Renforcer la capacité des gouvernements à développer de meilleures politiques, des plans d’action, des programmes et des services pour un recrutement éthique et une protection des migrations, y compris l’octroi de licences aux recruteurs, le développement et le soutien des services d’inspection, de l’application de la loi et des consulats, ainsi que des mécanismes de plainte transparents et accessibles.
- Mettre en œuvre une campagne ciblée de sensibilisation et d’engagement pour traduire les nouveaux engagements en actions et conduire à l’adoption de nouvelles politiques et de plans d’action sur le recrutement, ainsi que de nouveaux programmes et services pour promouvoir le bien-être et la protection des travailleurs migrants.
- Mener un programme de recherche solide pour alimenter le dialogue politique, la prise de décision, les engagements publics, les politiques et les plans d’action. Ce programme comprendra des rapports au niveau des couloirs de migration, des recherches comparatives et la création d’une base de données mondiale pour collecter et maintenir des données actualisées sur les commissions, frais, pratiques et tendances de recrutement.
- OIM, Recommandations de Montréal relatives au recrutement : une feuille de route pour une meilleure réglementation, 2020. Fruit du succès de la Conférence mondiale de juin 2019 sur la réglementation du recrutement international, ce document propose des orientations globales et expose les bonnes pratiques en matière de réglementation du recrutement et de protection des travailleurs migrants.
- Organisation internationale du Travail (OIT), Principes généraux et directives opérationnelles concernant le recrutement équitable et Définition des commissions de recrutement et frais connexes, 2019c. Ce document fournit des principes généraux et des directives opérationnelles concernant le recrutement équitable, ainsi que des définitions des commissions de recrutement et frais connexes.
- L’Administration philippine de l’emploi outre-mer (POEA) est chargée de contrôler et de superviser quelque 1 300 agences de recrutement privées dans tout le pays. Elle délivre des licences aux agences ; elle entend et arbitre les plaintes ; elle gère les mesures d’incitation et les pénalités ; et elle définit les procédures de recrutement. Les commissions de recrutement pour la plupart des catégories de travailleurs sont fixées à un maximum d’un mois de salaire. Les commissions de placement pour les travailleurs domestiques et les marins sont illégales. Les frais de documentation ne peuvent excéder le montant total de 500 dollars américains.
- En vertu de la loi sur le recrutement de travailleurs étrangers et les services d’immigration (Foreign Worker Recruitment and Immigration Services Act - FWRISA) de la province de la Saskatchewan, il est illégal pour les employeurs de facturer des commissions de recrutement aux travailleurs étrangers ou de leur demander un remboursement. La confiscation de biens appartenant à un travailleur étranger par un employeur, toute menace d’éloignement ou de plainte aux autorités ou aux services en charge de l’application des lois sans motif légal doivent être punis par la loi. Les employeurs s’exposent à des sanctions s’il est démontré qu’ils violent les dispositions de la FWRISA.
Dickinson, 2016 ; Gouvernement du Canada, province de la Saskatchewan, n.d.
- Des pratiques de recrutement abusives et déloyales ont été identifiées dans le monde entier, exposant certains travailleurs migrants à des pertes financières significatives, à une servitude pour dettes, à la confiscation des passeports et à des restrictions de mouvement, à la tromperie sur les conditions de travail et les niveaux de rémunération et, dans des cas extrêmes, au travail forcé et à la traite des personnes.
- La lutte contre le recrutement non éthique nécessite des actions conjointes de la part des gouvernements, de la société civile et des acteurs du secteur privé (y compris des recruteurs, qui agissent en tant qu’intermédiaires pour placer les travailleurs dans des emplois) et des employeurs
- Prévenir le recrutement abusif et déloyal ne relève pas de la seule responsabilité des gouvernements, mais incombe également au secteur privé, par le biais de programmes tels que les initiatives de conformité volontaire.
- Le secteur privé reconnaît de plus en plus les avantages à long terme d’un recrutement éthique tout au long de la chaîne commerciale, non seulement en termes de conformité avec la législation nationale et les normes internationales, mais également pour réduire les coûts liés à la rotation du personnel, au rapatriement des travailleurs et à la démotivation des salariés.