La traite des personnes et le trafic illicite de migrants sont des crimes différents qui appellent des réponses juridiques différentes, tant vis-à-vis des droits de la personne ayant fait l’objet de l’un de ces crimes que des peines encourues par les auteurs. Pour en savoir plus sur les poursuites judiciaires, voir le Chapitre Trafic illicite de migrants et le Chapitre  Traite des personnes et formes d’abus qui y sont associées.

Le tableau ci-dessous résume les principales différences entre la traite des personnes et le trafic illicite d’êtres humains : 

Table
Tableau 1. Différences entre la traite des personnes et le trafic illicite d’êtres humains
TRAITE DES PERSONNES TRAFIC ILLICITE DE MIGRANTS
N’implique pas nécessairement le franchissement d’une frontière.

Implique le franchissement irrégulier d’une frontière et l’entrée dans un autre État.

La traite des personnes implique l’exploitation continue des victimes d’une manière ou d’une autre en vue de générer des profits illicites pour les trafiquants d’êtres humains.

TLa relation entre le migrant objet d’un trafic illicite et les passeurs est une transaction commerciale : les passeurs facilitent le franchissement clandestin des frontières par le migrant pour obtenir un avantage financier ou un autre avantage matériel.

VLes victimes de la traite n’ont jamais consenti, ou, si elles ont consenti au début, ce consentement a été vidé de sa substance par les méthodes coercitives des trafiquants d’êtres humains.

Les migrants objets d’un trafic illicite ont généralement consenti à être acheminés de manière illicite. Le trafic illicite d’être humains n’implique pas de moyens coercitifs.
La marchandise est une personne. La marchandise est un service, à savoir faciliter l’entrée clandestine dans un autre État.
Les trafiquants d’êtres humains commettent un crime contre les individus. Les passeurs commettent un crime contre l’État.
Source

Basé sur ICAT, 2016.

Bien que différents, les deux crimes sont étroitement liés. En conséquence, il peut s’avérer difficile de déterminer s’il s’agit d’une situation de traite des personnes ou de trafic illicite d’êtres humains pour plusieurs motifs :

  • Les deux pratiques sont très souvent le fait des mêmes organisations criminelles, qui utilisent les mêmes itinéraires et modes de transport pour les deux types de crimes.
  • Certaines personnes peuvent être payées pour être transportées clandestinement, mais se retrouvent victimes de la traite en cours de route, ayant subi des traitements coercitifs, ce qui rend leur consentement initial sans objet.
  • Comme les victimes de la traite, les migrants objets d’un trafic illicite sont souvent victimes d’autres crimes tels que les mauvais traitements, la violence ou les violations des droits humains.
  • Enfin, une fois arrivés à destination, les migrants objets d’un trafic illicite séjournent illégalement dans le pays. Il est très probable qu’ils doivent également travailler illégalement, peut-être même sans connaître la langue et les lois du pays ou en s'abstenant de faire appel aux forces de l’ordre par crainte d’être expulsés. Leur situation dans le pays dans lequel ils ont été introduits clandestinement les rend donc vulnérables à la traite d’êtres humains.
Example
trafic illicite ou traite?

Un migrant d’Afrique subsaharienne, objet d’un trafic illicite, peut être approché pour être recruté dans une plaque tournante d’Afrique du Nord, où il est trompé par une fausse promesse de travail décent dans un pays sûr, mais au lieu de cela, il se retrouve dans une situation de travail forcé dans un pays touché par un conflit. La frontière entre le trafic illicite et la traite est extrêmement ténue.

Source

ONUDC, 2018.

Les politiques et procédures en matière de migrations doivent opérer une distinction entre les crimes de traite des personnes et de trafic illicite de migrants en utilisant des définitions correctes et en apportant des réponses distinctes, tout en reconnaissant les chevauchements potentiels dans la pratique.

Policy Approaches
Différencier la traite du trafic illicite et les réponses à leur apporter
  • Adopter une législation sur la traite des personnes et le trafic illicite de migrants qui fasse la différence entre les deux crimes, conformément au Protocole relatif à la traite des personnes et au Protocole contre le trafic illicite de migrants, additionnels à la Convention de Palerme.
  • Veiller à ce que les politiques de lutte contre la traite des personnes et le trafic illicite de migrants maintiennent la distinction entre les deux crimes, telle que décrite dans les différents instruments internationaux.
  • Veiller à ce que les politiques de lutte contre le trafic illicite visent à réduire le risque que les migrants objets d’un trafic illicite deviennent des victimes de la traite, et qu’ils bénéficient le cas échéant du même accès aux aides que les victimes de la traite qui n’ont pas fait l’objet d’un tel trafic illicite.
  • Sensibiliser les agents des services de migration, les autorités policières et judiciaires, les travailleurs de la santé, les inspecteurs du travail et d’autres personnes à la traite des personnes et au trafic illicite de migrants, en mettant l’accent sur les méthodes et les procédures des réseaux criminels qui commettent ces délits.
  • Promouvoir une conception commune et une coopération entre les pays d’origine, de transit et de destination en ce qui concerne la traite des personnes et le trafic illicite de migrants. Le meilleur moyen d’y parvenir est d’élaborer des protocoles d’accord bilatéraux qui établissent une distinction entre les deux types de criminalité.
  • Améliorer la collecte de données relatives à la traite des personnes et au trafic illicite de migrants afin de contribuer à l’élaboration de politiques efficaces et d’actions concrètes.
  • Mettre en place des systèmes de suivi financier, renforcer les enquêtes financières et lutter contre la corruption des fonctionnaires, dans le but de démanteler les réseaux criminels impliqués dans la traite d’êtres humains et le trafic illicite de migrants.
  • Améliorer la coordination au niveau national entre les différents acteurs impliqués dans la lutte contre la traite d’êtres humains et le trafic illicite de migrants.
  • Inciter le secteur privé à s’attaquer à la demande de services liés à la traite d’êtres humains et au trafic illicite de migrants. Il s’agit notamment de s’attaquer aux risques d’exploitation dans les chaînes d’approvisionnement, de sensibiliser à ces risques et de veiller à ce que les personnes ou les entreprises impliquées dans l’un ou l’autre de ces crimes (ou les deux) soient tenues pour responsables.