Dans le Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes, les États membres ont déclaré qu’une réponse efficace à la traite d’êtres humains doit viser les quatre objectifs suivants : prévention de la traite ; protection et aide aux victimes de la traite ; poursuite des auteurs de la traite ; et renforcement du partenariat pour atteindre ces objectifs. Il s’agit, en d’autres termes, du cadre d’action des 4 P.
La prévention du crime de traite d’êtres humains est l’un des objectifs essentiels du Protocole relatif à la traite des personnes. L’une des meilleures méthodes pour prévenir la traite des personnes consiste à répondre de manière globale au problème dans son ensemble, plutôt que de traiter séparément les différents aspects du problème.
- Répondre à l’ensemble des 4 P afin de garantir l’efficacité du programme de lutte contre la traite d’êtres humains.
- Entreprendre une planification stratégique pour explorer les possibilités de collaboration nationale et pour définir les priorités nationales en matière de lutte contre la traite des personnes, dans la poursuite des objectifs de développement durable (cibles 5.2, 8.7 et 16.2).
- Ratifier et mettre en œuvre la législation applicable, y compris les droits humains et les normes relatives au droit du travail, conformément aux normes et à la législation internationales. Sensibiliser les professionnels du droit aux cadres juridiques qui peuvent être mis à profit pour aborder la question de la traite des personnes.
- Créer des organes ou mécanismes de coordination dédiés à la mise en œuvre d’une stratégie nationale globale.
En juillet 2020, le gouvernement ougandais a lancé son second Plan d’action national pour prévenir la traite des personnes, et publié des Directives de référence nationales pour la gestion des victimes de la traite. Ce plan s’appuie sur les enseignements tirés du premier Plan d’action national pour prévenir la traite des personnes, qui a permis d’identifier cinq objectifs stratégiques : améliorer les cadres juridiques et politiques au niveau national ; accroître le nombre de poursuites aboutissant à une condamnation ; réduire la vulnérabilité des personnes à la traite d’êtres humains ; optimiser la protection des victimes ainsi que les mécanismes d’assistance qui leur sont proposés ; et développer des structures et systèmes dûment coordonnés pour gérer le crime.
Le plan vise à mettre en place des systèmes et structures permettant de lutter contre ce phénomène de manière durable. Pour ce faire, il prévoit le développement d’un programme de formation et de cours conçus pour identifier, protéger et soutenir les victimes de manière systématique, améliorer l’efficacité des enquêtes et des poursuites, et renforcer la coopération entre les différents acteurs aux niveaux national et transnational.
Les trafiquants choisissent souvent leurs victimes parmi les personnes vulnérables. Dans le contexte de la migration, les personnes qui sont vulnérables dans leur pays d’origine sont davantage susceptibles de rechercher des opportunités ailleurs, ainsi que de se laisser séduire par de fausses promesses ou des propositions malhonnêtes.
Dans certaines régions du monde, la migration (même lorsqu’elle est entreprise par des méthodes risquées et irrégulières, en s’appuyant sur des trafiquants ou des passeurs) est un rite culturel de passage établi de longue date, en particulier pour les jeunes hommes et les adolescents. Les femmes et les filles sont souvent marginalisées et n’ont pas accès aux mêmes opportunités que les hommes et les garçons, y compris l’accès à des informations complètes et fiables sur les canaux de migration légaux et les conditions de travail. Ces facteurs peuvent renforcer leur vulnérabilité face aux agents de recrutement et aux trafiquants malhonnêtes. Elles sont alors exposées à des formes de violence, de discrimination et d’exploitation fondées sur le genre, y compris la violence et l’exploitation physiques, émotionnelles et sexuelles, le travail domestique, le mariage d’enfants ou le mariage forcé. Dans certains pays, il est courant que des enfants soient confiés à des parents plus aisés vivant ailleurs, apparemment dans le but d’améliorer la situation des enfants et de leur famille, mais cette situation peut aboutir à de l’exploitation. Pour en savoir plus, veuillez consulter le Genre et migration.
Un cadre de compréhension de la vulnérabilité est très utile aux décideurs pour faire en sorte qu’ils élaborent des politiques de lutte contre la traite qui répondent aux vulnérabilités réelles. L’un de ces cadres est le modèle de déterminants de la vulnérabilité des migrants (DoMV) de l’OIM, conçu pour identifier, protéger et aider les migrants ayant subi des violences, de l’exploitation et des mauvais traitements, ou vulnérables à ces abus. Pour en savoir plus, reportez-vous au chapitre dédié.
L’interdépendance entre la traite des personnes et les dimensions de mobilité des crises fournit un exemple de l’utilisation du modèle DoMV dans le contexte du déplacement.
- Pour lutter contre la traite des personnes, il convient de traiter les causes originelles du phénomène, ainsi que les facteurs qui rendent les personnes vulnérables à la traite.
- Les trafiquants choisissent souvent leurs victimes parmi les personnes vulnérables. Par conséquent, il convient de mettre en place et de soutenir des mécanismes dédiés à l’identification, à la protection et à l’assistance des personnes vulnérables à l’exploitation. Ces mécanismes doivent se concentrer en particulier sur les formes genrées d’exploitation, notamment le mariage des enfants ou le mariage forcé.
- S’assurer que les migrants potentiels vulnérables à l’exploitation, en particulier les femmes et les filles, sont bien informés des risques liés à la migration (tels que l’exploitation, la servitude pour dettes, ainsi que les problèmes de santé et de sécurité).
- Adopter des mesures visant à réduire la vulnérabilité, en veillant à fournir et mettre à la disposition de toutes les personnes les documents juridiques nécessaires pour attester de leur naissance, de leur citoyenneté et de leur mariage.
- Élaborer des mesures visant à lutter contre la traite, mais qui n’interfèrent pas négativement avec des migrations sûres, ordonnées et régulières. Certaines politiques de lutte contre la traite d’êtres humains qui entravent les mouvements pourraient en fait rendre les personnes plus vulnérables à l’exploitation.
- Créer des canaux de migration sûrs et légaux afin de contribuer à réduire la vulnérabilité des migrants à l’égard de la traite d’êtres humains.
- Fournir des informations fiables et complètes aux migrants concernant les canaux de migration légaux et les modalités et conditions de travail. Ces précautions favoriseront des migrations sûres et réduiront les risques de traite d’êtres humains. Ces actions peuvent prendre la forme de campagnes d’information (pour en savoir plus sur les campagnes d’information percutantes, voir le Chapitre Communication sur la migration).
- Groupe interinstitutions de coordination contre la traite des personnes (ICAT), Une trousse à outils pour orienter la conception et l’évaluation de programmes de lutte contre la traite des personnes : exploiter les connaissances accumulées pour lutter contre la traite des personnes, 2016a.
La traite des personnes est stimulée par la demande pour des biens et des services bon marché, y compris des services de nature sexuelle. Par exemple, la traite d’êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle est provoquée par une demande pour des personnes (principalement des femmes et des filles) dans l’industrie du sexe, notamment à des fins de prostitution, de pornographie ou d’autres formes de divertissement sexuel. Mais la traite d’êtres humains est également courante dans d’autres secteurs et elle résulte également d’une demande.
Au fur et à mesure qu’un pays se développe et que de nouveaux marchés émergent, des personnes de l’extérieur sont attirées, à la recherche de nouvelles possibilités. Lorsque les migrations ne sont pas gérées efficacement, les migrants peuvent se retrouver dans des situations d’exploitation, y compris par le biais de la traite, notamment lorsque la demande en main-d’œuvre bon marché et flexible dans l’agriculture et pour la construction d’infrastructures publiques et privées est satisfaite par un recrutement sans scrupules. Une telle exploitation peut être le fait d’agences de recrutement non réglementées, mais elle peut également résulter de processus réglementés, impliquant que les États d’origine « exportent » leurs citoyens en tant que main-d’œuvre migrante dans des conditions d’exploitation hors de leurs frontières, et de politiques dans les pays de destination qui autorisent des conditions d’exploitation pour les travailleurs migrants.
Ces dernières années, des produits tels que l’huile de palme, le chocolat, les textiles et d’autres marchandises ont fait l’objet d’un examen minutieux en raison de la présence de main-d’œuvre exploitée dans le processus de production. Les campagnes de sensibilisation à propos de ces produits informent les consommateurs sur le rôle qu’ils peuvent jouer pour combattre l’exploitation par le biais de leurs décisions d’achat.
Enfin, les crises telles que les catastrophes humanitaires et les conflits peuvent accroître la demande (voir la section 2.4). Des groupes armés et des forces armées utilisent les enfants au combat comme porteurs, cuisiniers ou pour d’autres tâches. Les personnes qui ont été déplacées à l’intérieur du pays ou qui fuient une zone de conflit peuvent être davantage exposées au risque d’être recrutées.
- Promulguer des lois exigeant des entreprises qu’elles rendent des comptes en divulguant leurs initiatives et politiques de lutte contre la traite d’êtres humains.
- Prendre des mesures afin d’éliminer la traite dans le cadre des procédures de marchés publics.
- Réglementer les agences de recrutement et adopter des mesures contre les intermédiaires et agents malhonnêtes.
- Dans les pays d’origine des travailleurs migrants, mettre en place des politiques visant à s’assurer que les citoyens recherchent des emplois dans des pays protégeant les droits des travailleurs migrants.
- Dans les pays de destination des travailleurs migrants, mettre en place des politiques protégeant les droits de cette population.
- Collaborer avec les acteurs du secteur privé et les inciter à rendre des comptes lorsque leurs actions contreviennent aux réglementations du travail ou contribuent à accroître la vulnérabilité des migrants à l’égard du travail forcé ou de la traite à des fins de travail forcé.
- Définir clairement ce qui est attendu des entreprises sur les questions liées aux droits humains, et adopter des politiques en faveur d’une transparence accrue et d’une amélioration du reporting concernant les initiatives de lutte contre la traite dans les opérations et les chaînes d’approvisionnement.
- Prendre des mesures visant à améliorer la réglementation dans les secteurs informels, tels que le travail domestique.
- Éduquer les consommateurs sur le rôle qu’ils peuvent jouer pour combattre l’exploitation dans le cadre de leurs décisions d’achat (pour en savoir plus sur les campagnes d’information percutantes, voir le Chapitre 1.5 Communication sur la migration).
Conformément aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, certains gouvernements se sont engagés à prendre des mesures pour éliminer la traite dans leur propre processus d’approvisionnement. Afin de s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international, de plus en plus d’États ont également adopté des lois exigeant que les entreprises prennent des mesures pour éliminer la traite d’êtres humains et les formes connexes d’abus et d’exploitation de leurs activités ainsi que de leurs chaînes d’approvisionnement. Citons à ce propos la loi californienne de 2010 sur la transparence des chaînes d’approvisionnement, la loi britannique de 2015 sur l’esclavage moderne et la loi australienne de 2018 sur l’esclavage moderne. En conséquence, un nombre croissant d’entreprises prennent des mesures pour prévenir et atténuer les risques de traite d’êtres humains dans leurs opérations et leurs chaînes d’approvisionnement, souvent en partenariat avec leurs pairs, la société civile et d’autres organisations.
- Nations unies, protéger, respecter et réparer : un cadre pour les entreprises et les droits de l’homme, 2008.
Le cadre repose sur trois piliers : (1) l’obligation de l’État de prévenir les violations des droits de l’homme par des tiers, y compris les entreprises ; (2) la responsabilité des entreprises de respecter les droits de l’homme ; et (3) un meilleur accès des victimes à une réparation effective.
- Nations unies, Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies (HCR), Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, 2011.
Fournit un ensemble de lignes directrices qui rendent opérationnel le cadre de référence « protéger, respecter et réparer » et définissent plus précisément les principales obligations et responsabilités des États et des entreprises en ce qui concerne les violations des droits humains liées aux entreprises.
- Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Principes directeurs pour les entreprises multinationales,2011.
Énonce des normes et principes non contraignants en matière de conduite responsable des entreprises. - OCDE, Guide sur le devoir de diligence pour une conduite responsable, 2018.
Fournit un soutien pratique aux entreprises pour la mise en œuvre des Principes directeurs de l’OCDE.
- Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) Bureau du Représentant spécial et Coordinateur de l’OSCE pour la lutte contre la traite d’êtres humains, Directives types sur les mesures publiques visant à prévenir la traite aux fins d’exploitation par le travail dans les chaînes d’approvisionnement, 2018a.
Propose des conseils aux décideurs pour l’élaboration de cadres et la promotion de pratiques réglementaires visant à protéger les chaînes d’approvisionnement gouvernementales et les entreprises contre la traite des personnes et l’exploitation au travail.
Propose des orientations pratiques aux entreprises pour veiller à ce que les victimes identifiées dans leurs opérations ou leurs chaînes d’approvisionnement bénéficient d’un recours effectif, en coopération avec les acteurs de la protection, qu’ils soient publics, non étatiques ou au niveau local.
- Les programmes efficients de lutte contre la traite d’êtres humains doivent prendre en compte les 4 P : prévention de la traite ; protection et aide aux victimes ; poursuite des auteurs ; et renforcement du partenariat à ces fins.
- L’élaboration de stratégies globales, nationales ou locales, conformes au cadre des 4 P, est efficace pour prévenir la traite des personnes.
- Des facteurs aux niveaux individuel, familial, communautaire et structurel peuvent contribuer à la vulnérabilité des personnes à la violence, à l’exploitation, aux abus et à la traite.
- La traite des personnes est alimentée par la demande en biens et services bon marché, qui se traduit par une exploitation de la main-d’œuvre. Cela se produit dans les chaînes d’approvisionnement gouvernementales et du secteur privé
- Les facteurs qui rendent les personnes vulnérables à la traite (et à la violence, à l’exploitation et aux abus en général) peuvent être mieux traités en élaborant des approches globales, plutôt qu’en essayant de traiter chaque facteur séparément.
- Les politiques migratoires dans les pays d’origine, de transit et de destination peuvent exacerber ou réduire la vulnérabilité à la traite d’êtres humains.