Réponse aux besoins en matière de protection

L’un des aspects essentiels de la gestion des migrations consiste à identifier de manière efficace les migrants requérant une protection et une assistance, ainsi qu’à veiller à les orienter vers les services adaptés. Pour les victimes de la traite, les besoins en matière de protection et d’assistance peuvent se révéler sérieux et complexes. Il se peut que les victimes aient besoin  d’être protégées contre les trafiquants qui appartiennent à des groupes et réseaux du crime organisé ou qui cherchent à obtenir réparation pour ce qu’ils croient être des dettes impayées. Une victime peut avoir des besoins spécifiques en matière de soins parce qu’il (ou elle) est un enfant, ou parce qu’elle est enceinte, ou en raison d’un autre besoin lié à la santé physique ou mentale. Différentes préoccupations sanitaires et sociales peuvent émerger, en particulier lorsqu’une personne a vécu de nombreuses expériences négatives. Par exemple, une personne peut être demandeuse d’asile tout en étant confrontée à un risque permanent de la part des trafiquants, qu’elle ait déjà été victime de violence et qu’elle ait commis un délit mineur, et que sa famille soit menacée chez elle.

Case Study
Victime potentielle de traite demandant l’asile

Lors de son premier entretien pour l’octroi de l’asile, Masoud, 16 ans, a déclaré à la police autrichienne que sa famille était menacée par les talibans et a donc fui l’Afghanistan. Il est convoqué deux fois pour un entretien approfondi, mais il manque les deux rendez-vous. Au troisième entretien, il arrive à l’heure et on lui demande pourquoi il a manqué les autres rendez-vous. Il regarde le sol et dit qu’il devait travailler. Il dit combien il est inquiet pour sa mère en Afghanistan et qu’il travaille dur pour la soutenir et bâtir une nouvelle vie pour eux deux en Autriche. Il explique qu’il fait des courses pour son oncle tous les jours, ce qui lui laisse peu de temps pour l’école.  Lorsqu’on lui demande s’il est payé, il répond : « Pas directement. Ma mère recevra l’argent. Mon oncle va le lui envoyer. » La mère de Masoud affirme toutefois qu’à ce jour, elle n’a pas reçu d’argent.

La situation de Masoud souligne la nécessité pour ceux qui sont en contact avec des victimes potentielles de la traite de comprendre que ces dernières peuvent relever d’autres catégories de protection.

Cette histoire présente des indicateurs de traite potentielle. Masoud est vulnérable à l’exploitation en tant que mineur se trouvant dans un pays étranger où il demande l’asile. Le fait qu’il travaille de telle manière qui l’empêche d’assister à un entretien important et qui entrave sa scolarité indique une situation préoccupante. Le fait que Masoud ne reçoive pas directement d’argent et que sa mère ne le reçoive pas non plus, contrairement à ce qu’il pense, est un indicateur d’exploitation. Étant donné que Masoud est un enfant (âgé de moins de 18 ans), seul un « acte » commis à des fins d’exploitation a besoin d’être prouvé ; l’élément « moyen » du crime de traite n’ayant pas besoin d’être prouvé lorsque la victime est un enfant. La question de savoir si cette situation relève de la traite des personnes nécessiterait un examen plus approfondi, ce qui signifie que les fonctionnaires en contact avec Masoud devraient l’orienter vers des intervenants nationaux qui sont en mesure de procéder à une évaluation plus approfondie de la situation de traite potentielle.

Policy Approaches
Réponse aux besoins complexes en matière de protection
  • Mettre en place les cadres, les systèmes et le renforcement des capacités nécessaires en matière de protection et d’assistance, afin de pourvoir aux éventuels besoins multiples et complexes des migrants. S’assurer que ces systèmes et ces cadres disposent des ressources adéquates.
  • Mettre en relation les acteurs de la migration avec d’autres parties prenantes impliquées dans la prévention, dans la protection des victimes et dans les poursuites des auteurs de la traite, afin de garantir des partenariats efficaces, garants d’un résultat optimal en matière de protection.
  • Vérifier que la protection apportée répond aux besoins élémentaires, notamment par la fourniture de soins médicaux et psychosociaux, ainsi que d’un logement temporaire.
  • Former les diverses parties prenantes à identifier les indicateurs de la traite, afin de leur permettre d’orienter les victimes potentielles pour des contrôles supplémentaires.
  • S’assurer que les indicateurs sont suffisamment détaillés et enrichis par une analyse des tendances locales en matière de traite. 
Identification et orientation

L’identification des victimes est nécessaire pour permettre aux États de remplir efficacement leurs obligations de protection des victimes de la traite. Si elles ne sont pas identifiées, les victimes sont susceptibles d’être exposées à de nouveaux risques d’abus et d’exploitation, et elles ne pourront pas bénéficier de leurs droits (à la protection et l’assistance, par exemple). Lorsqu’une personne est identifiée comme victime de la traite, elle a immédiatement droit à la protection et à l’assistance, aux besoins élémentaires, aux soins médicaux et psychosociaux, ainsi qu’à un hébergement temporaire, entre autres droits. Cela s’applique aux victimes qui sont des migrants, même lorsqu’elles sont en situation irrégulière dans le pays. Dans certains cas, selon le cadre de protection du pays de destination, les migrants victimes peuvent avoir droit à un logement temporaire ou permanent. Il est important que les migrants qui sont victimes de la traite soient identifiés comme tels, faute de quoi ils pourraient être détenus à tort ou soumis à des décisions irréversibles telles que le renvoi forcé.  

Difficultés liées à l’identification des victimes

Bien qu’importante, l’identification reste complexe. Souvent, les victimes de la traite ne sont pas disposées ou en mesure de se faire connaître des autorités. Dans certains cas, elles peuvent avoir intérêt à ne pas être identifiées, par exemple si ce sont des migrants en situation irrégulière craignant d’être détenus et expulsés plutôt que protégés et aidés s’ils se font connaître (pour en savoir plus sur le faible nombre d’hommes s’identifiant comme victimes de la traite, voir la section Genre, exploitation et violence sexiste du Chapitre 1.3.2 Genre et migration). En plus d’être en situation irrégulière, certains migrants peuvent s’être livrés à des activités illégales mineures, sciemment ou non, et craindre d’être détenus en tant que criminels.  Il est possible que les victimes ne sachent pas qu’elles sont précisément victimes de la traite et elles peuvent même avoir consenti aux arrangements qui ont évolué en une forme d’exploitation. Même si une personne semble avoir accepté, en principe, des accords injustes, il ou elle peut quand même être victime de la traite.

Example
Mécanismes de contrôle utilisés par les trafiquants sur leurs victimes
  • Les trafiquants peuvent avoir entretenu des relations amoureuses ou d’autres relations de dépendance avec les victimes.
  • Ils peuvent menacer les victimes ou leurs familles dans les pays d’origine et concrétiser ces menaces.
  • Les trafiquants peuvent tirer parti de la peur engendrée par la honte et la stigmatisation en menaçant d’envoyer aux familles des victimes des photos ou des vidéos témoignant de l’exploitation et des mauvais traitements, à moins qu’elles ne demeurent dans leur situation.  
  • Les trafiquants peuvent pratiquer des rituels religieux pour contrôler les victimes.
  • Les trafiquants peuvent être puissants et avoir une influence qui atteint les autorités de l’État.

Ces défis mettent en évidence les compétences et le bon sens nécessaires aux autorités pour voir au-delà de la situation apparente d’un migrant, afin de déceler si celui-ci peut être victime de la traite.

Réponses à l’identification et à l’orientation des victimes

Les premiers intervenants, à savoir les personnes ayant pu se retrouver face à des victimes potentielles de la traite dans le cadre de leur travail, auront souvent recours à des indicateurs pour identifier les victimes potentielles.

Policy Approaches
Identification des victimes de la traite
  • Sensibiliser à la traite les acteurs  impliqués à tous les niveaux de la gestion des migrations. Ces acteurs pourront ainsi mieux comprendre dans quelle mesure leurs propres attitudes sont susceptibles d’entraver leur capacité à identifier les victimes potentielles de la traite et à leur apporter une réponse appropriée.
  • Mettre en place des procédures efficaces pour identifier les victimes de la traite. Des procédures d’identification réellement efficaces parviennent à capter l’ensemble des victimes de la traite, indépendamment de leur profil (âge, sexe, genre, orientation sexuelle, nationalité, origine ethnique ou sociale, ou encore handicap), et ce, quel que soit le type d’exploitation qu’elles ont subi.
  • Fournir des formations régulières à des fins de sensibilisation et de renforcement des capacités à destination des intervenants de première ligne.
  • S’assurer que les agents consulaires jouent un rôle dans l’identification des victimes de la traite parmi leurs ressortissants à l’étranger.
  • Fournir aux intervenants de première ligne des check-lists et d’autres outils d’identification pour filtrer les victimes potentielles.
  • Réviser et mettre à jour régulièrement les outils et check-lists d’identification.
  • Mettre en relation les services de renseignements sur les migrations avec des spécialistes de la justice pénale, afin de faciliter l’identification des victimes potentielles de la traite. Ce faisant, il est essentiel de ne pas porter atteinte aux droits des migrants et/ou des victimes de la traite concerné(e)s.

Pour en savoir plus sur le rôle des agents de surveillance des frontières dans l’identification des victimes, voir la section Contrôle et vérification des documents du Chapitre Réglementation des migrations :  gestion des frontières:

En cas d’identification de victimes potentielles de la traite, il convient de les orienter vers les agences en charge des services de protection et d’assistance:

Policy Approaches
Orientation des victimes de la traite vers les agences de protection
  • Mettre en place des mécanismes de protection pour orienter les victimes potentielles de la traite. Tout mécanisme de protection doit inclure un large éventail de différents services spécialisés, afin de répondre aux besoins spécifiques de chaque personne.
  • Identifier et préparer une liste des prestataires de services à même d’accompagner les victimes de la traite dans différents domaines : hébergement, procédures juridiques, santé et soutien psychologique.
  • Opérer une distinction entre les procédures d’orientation et la gestion des migrations, afin de s’assurer que rien n’entrave l’accès des victimes aux services.
  • Mettre en place un mécanisme national d’orientation permettant de diriger les personnes vers les services de protection et l’assistance dont elles ont besoin (OIM, 2019a).
  • Conclure des protocoles d’accord et élaborer des procédures opérationnelles standard en collaboration avec l’État concerné et les acteurs non étatiques, afin de clarifier les rôles et responsabilités de chacun dans la protection et l’assistance fournies aux victimes de la traite.
To Go Further
Principes et meilleures pratiques en matière de protection et d’assistance

L’article 6 du Protocole relatif à la traite des personnes impose aux États Parties de :

  • Préserver la vie privée et l’identité des victimes ;
  • Veiller à ce que les victimes soient informées sur les procédures judiciaires ;
  • Considérer la mise en œuvre de mesures de rétablissement physique, psychologique et social ;
  • Tâcher d’assurer la sécurité physique des victimes ;
  • Veiller à ce que les victimes puissent demander la réparation des dommages subis par le biais de recours civils et pénaux ;
  • Garantir aux victimes un accès à la justice, y compris à l’information et à l’assistance juridique, indépendamment de leur statut migratoire au regard de la législation.

En fonction de la situation spécifique et des mécanismes proposés par un État donné, les recours peuvent comporter des ordonnances d’indemnisation rendues contre les trafiquants par des tribunaux pénaux, des régimes d’indemnisation financés par l’État, des actions civiles intentées par les victimes, ainsi que des mesures prévues par le droit du travail (ICAT, 2016bd).  Dans la pratique, l’un des aspects les plus délicats de l’assistance aux victimes est de veiller à ce que les victimes aient accès à un recours

Les États ont adopté différentes approches pour s’acquitter de leur obligation en matière de protection et d’aide aux victimes de la traite. Ces approches comprennent l’adoption de lois qui prévoient des protections spécifiques pour les victimes de la traite ; la construction de refuges pour répondre aux besoins spécifiques des victimes de la traite ; l’investissement dans des fonds visant à soutenir les victimes ; et la formation de professionnels pour s’assurer que les victimes de la traite sont traitées autrement que comme de simples pions de la justice pénale lorsqu’elles interviennent comme témoins dans le cadre de procédures contre des trafiquants.

Example
Autre forme d’assistance aux victimes de la traite

L’assistance fournie à chaque victime dépendra de sa vulnérabilité sociale et de ses besoins individuels, ainsi que de ceux de sa famille et de sa communauté. Notamment :

  • L’abri et l’hébergement ;
  • La sûreté et la sécurité personnelles ;
  • Les services médicaux et de santé, y compris la santé mentale et le soutien psychosocial ;
  • Les moyens de subsistance, l’emploi et les sources de revenus ;
  • La recherche des familles, les évaluations, et le regroupement familial ;
  • L’aide au retour et à la réintégration, ainsi que l’accès à la justice (OIM, 2019a).

Pour en savoir plus sur cette question, veuillez consulter la sous-rubrique Retour et réintégration des migrants vulnérables à la violence, à l’exploitation et aux abus du Chapitre Retour et réintégration.

Plusieurs principes de bonnes pratiques devraient sous-tendre toute action entreprise. Les approches adoptées doivent être fondées sur les droits, les intérêts des victimes étant au premier plan de toutes les décisions prises.

Policy Approaches
Protection des migrants victimes de la traite
  • Éviter de subordonner la protection des victimes à leur coopération avec le système de justice pénale. En cas de contradiction entre les directives des programmes relatifs à la gestion des migrations et l’intérêt des victimes, ce dernier doit toujours primer.
  • Régulariser le statut des victimes afin de leur permettre de bénéficier des services dont elles ont besoin. La délivrance de visas temporaires ou permanents peut fournir une solution à cet égard.
  • Éviter de placer en détention, d’accuser et de poursuivre en justice les victimes pour immigration [irrégulière] ou pour d’autres délits mineurs commis alors qu’elles étaient soumises à la traite.
  • Proposer aux victimes des recours juridiques efficaces et appropriés, ainsi que d’autres formes d’assistance sous la forme de procédures pénales, civiles ou autres.
  • Fournir une assistance et une protection aux enfants victimes, en tenant compte de leurs besoins spécifiques et des droits spéciaux dont ils peuvent se prévaloir.
  • Ne pas forcer les victimes à recevoir des services de protection ou d’assistance auxquels elles n’ont pas consenti.
  • Informer les victimes de leurs droits à une représentation consulaire ou diplomatique assurée par l’État dont elles sont ressortissantes.
  • Protéger les victimes contre d’éventuelles représailles des trafiquants. Par exemple, protéger leur vie privée et la confidentialité [de leur identité].

Les États Parties au Protocole relatif à la traite des personnes sont également tenus d’adopter des mesures appropriées afin de protéger efficacement les témoins dans le cadre des procédures pénales (ainsi que leur famille et leurs proches, le cas échéant) contre d’éventuelles représailles ou mesures d’intimidation (article 24, Convention de Palerme).

Policy Approaches
Protéger les victimes de la traite qui témoignent dans des procédures pénales
  • Réaliser des évaluations des risques avant, pendant et après les procès.  Les besoins de protection des victimes de la traite peuvent évoluer au cours de la procédure, de même que les mesures appropriées nécessaires à leur protection.
  • Favoriser la coopération transfrontalière entre les autorités judiciaires afin de garantir la protection des victimes et de leurs familles contre tout type de menaces et de représailles des réseaux transnationaux de traite.
  • Mettre à disposition des prestataires de services étatiques et non étatiques spécialisés dans les procédures pénales dans lesquelles des migrants comparaissent en tant que victimes et/ou témoins. Parmi ces spécialistes, des assistants sociaux, des interprètes, des travailleurs sociaux dans le domaine de l’enfance ou des tuteurs lorsque les victimes sont des enfants non accompagnés.

Les États sont les principaux responsables de la protection et de l’assistance aux victimes, mais d’autres acteurs peuvent aussi avoir un rôle à jouer en les aidant à s’acquitter de leurs obligations. Pour en savoir plus sur la coordination nationale, voir la section Partenariats : renforcement de la coopération dans la lutte contre la traite des personnes.

Messages clés
  • Le Protocole relatif à la traite des personnes reconnaît la nécessité d’assurer la protection des victimes et de leur fournir une assistance, en fonction des ressources et capacités des États.  Aux niveaux régional et national, les instruments juridiques vont plus loin en prévoyant des obligations spécifiques pour les États en matière de protection et d’assistance aux victimes.
  • L’identification est nécessaire pour permettre aux États de remplir efficacement leurs obligations en matière de protection des victimes de la traite.
  • En cas d’identification de victimes potentielles de la traite, il convient de les orienter vers les agences en charge des services de protection et d’assistance.
  • L’identification, l’orientation et la protection des victimes doivent être fondées sur les droits, les intérêts des victimes étant prioritaires dans la prise de décision.