Nécessité et difficultés des données dans le cadre de la traite des personnes

Le premier objectif du Pacte mondial sur les migrations est de « recueillir et utiliser des données précises et ventilées pour servir de base dans les politiques fondées sur des éléments probants ». Les Objectifs de développement durable soulignent la nécessité de redoubler d’efforts dans la collecte de données pertinentes.

  • L’indicateur 16.2.2 représente le « nombre de victimes de la traite d’êtres humains pour 100 000 habitants, classées en fonction du sexe, de l’âge et de la forme d’exploitation », ce qui souligne la nécessité d’obtenir de meilleures données qui soient correctement ventilées.
  • La cible 17.8 appelle les États à accroître la disponibilité de données de haute qualité sur les migrations afin de mieux mesurer les efforts déployés pour atteindre la cible 8.7, ce qui représente la fin de la traite d’êtres humains. Ces efforts seront mieux étayés par des indicateurs normalisés de la traite des personnes (OIM, 2018a : 112).

Prendre des mesures immédiates et efficaces pour supprimer le travail forcé, mettre fin à l’esclavage moderne et à la traite d’êtres humains, interdire et éliminer les pires formes de travail des enfants. (cible 8.7)

Nécessité d’une collecte, d’une recherche et d’une analyse efficaces des données sur la traite des personnes

La communauté internationale a convenu que les données relatives aux migrations pouvaient être utiles pour les politiques de lutte contre la traite d’êtres humains et pouvaient donner un aperçu des tendances et des flux de la traite, ainsi qu’illustrer des aspects régionaux.

Bien que les migrants en situation régulière puissent faire l’objet de traite, la prévalence des entrées non autorisées et des populations de migrants en situation irrégulière peut être liée à la traite des personnes.

Example
Interdépendance entre les données relatives aux migrations et la traite d’êtres humains

En Asie du Sud-Est, de nombreux migrants sont confrontés à l’exploitation en raison de leur statut irrégulier, les travailleurs migrants étant confrontés au travail forcé, à l’exploitation et aux abus dans des secteurs tels que la pêche, l’agriculture, la construction et l’industrie manufacturière . 

Source

(OIM, 2017 : 63)

De plus, il est important de cerner les nouveaux modèles et tendances de la traite des personnes pour :

  • Élaborer des politiques ;
  • Définir des priorités et allouer des fonds de manière judicieuse ;
  • Allouer utilement les ressources ;
  • Évaluer l’efficacité des efforts de lutte contre la traite.

Difficultés d’une collecte, d’une recherche et d’une analyse efficaces des données sur la traite des personnes

  • La traite d’êtres humains constitue une activité clandestine et peu signalée, rendant difficile la collecte systématique de données.
  • Les données sur la traite transnationale sont plus difficiles à obtenir, car les États peuvent définir différemment la traite et ventiler les données de manière incohérente. Certains États associent la traite à d’autres concepts tels que l’esclavage et le travail forcé, ce qui donne lieu à des estimations différentes de la fréquence de cette pratique. Cela souligne une fois de plus la nécessité d’aligner les législations nationales sur le Protocole relatif à la traite des personnes.
  • Les acteurs de la lutte contre la traite impliqués dans la protection et l’assistance aux victimes de la traite sont susceptibles de recueillir et d’avoir accès à des quantités importantes de données à caractère personnel. Il apparait donc important d’établir un cadre de protection des données afin de partager en toute sécurité les données relatives à la traite d’êtres humains. (Pour en savoir plus, reportez-vous à la section Protection des données du Chapitre Données, études et analyses dans le cadre de l’élaboration d’une politique.)
  • Les demandes d’accès de tiers aux données personnelles des victimes pour venir en aide aux victimes ou dans le cadre de la lutte contre la traite d’êtres humains ne doivent être approuvées qu’avec le consentement de la personne concernée et uniquement s’il existe un but spécifique et légitime de partager les informations qui ne fait courir aucun risque supplémentaire à la victime de la traite.
Sources des données dans le cadre de la traite des personnes

Données sur les cas de traite d’êtres humains recensés et signalés

Les victimes identifiées sont parmi les principales sources de données sur la traite d’êtres humains. Les acteurs étatiques (y compris les forces de l’ordre et le pouvoir judiciaire) ainsi que les acteurs non étatiques (tels que les organisations internationales et les ONG s’impliquant auprès des victimes) recueillent des données sur les cas de traite recensés et signalés, qu’ils conservent dans diverses bases de données.

Au niveau national, les données sur les cas recensés et signalés sont compilées et communiquées par un organisme central dans le cadre d’un processus national de notification. À titre d’exemple, cet organisme central peut être chargé de la gestion du mécanisme national d’orientation (MNO) et peut également superviser le mécanisme national de rapport.

Les rapports officiels de ces données administratives compilées par les gouvernements ou d’autres organismes centralisés sur les cas de traite d’êtres humains sont une source essentielle d’informations sur la traite. Au cours des dernières années, des efforts accrus ont été déployés pour mettre à disposition des données ventilées en toute sécurité.

Example
Ensembles de données mondiales sur la traite des personnes

 

Pour établir son Rapport mondial sur la traite des personnes, l’ONUDC a compilé un ensemble de données à partir d’informations officielles accessibles au public et d’un questionnaire commun distribué aux gouvernements. La version la plus récente a été publiée en 2018 et présente des données recueillies auprès de 142 gouvernements sur plus de 24 000 victimes détectées (ONUDC, 2018d). Dans la pratique, les données ne sont pas accessibles pour tous les pays ou lieux et, lorsqu’elles existent, elles ne sont pas toujours complètes en termes de couverture d’un pays ou d’un lieu donné.

Les décideurs politiques ont accès à des données fiables et à jour sur plus de 110 000 cas individuels de traite. Le CTDC est le plus grand ensemble de données de ce genre. Il offre aux décideurs un aperçu des tendances mondiales, régionales et nationales de la traite des personnes, qui serviront de base à l’élaboration de politiques fondées sur des éléments probants. Les données y sont anonymes et présentées de manière à ce que les acteurs de la lutte contre la traite, notamment les autorités et les décideurs en charge de l’immigration, puissent les visualiser et les télécharger. Ils peuvent ainsi consulter des données sur les routes de la traite qui concernent leur pays et en savoir plus notamment sur l’origine des victimes et les lieux où leurs propres citoyens font l’objet d’exploitation. Des informations sur le profil des victimes sont également disponibles, ainsi que sur les secteurs d’activité dans lesquels elles ont été exploitées et les méthodes utilisées pour les placer dans une situation de traite.

Pour établir son Rapport mondial sur la traite des personnes, l’ONUDC a compilé un ensemble de données à partir d’informations officielles accessibles au public et d’un questionnaire commun distribué aux gouvernements. La version la plus récente a été publiée en 2018 et présente des données recueillies auprès de 142 gouvernements sur plus de 24 000 victimes détectées (ONUDC, 2018d). Dans la pratique, les données ne sont pas accessibles pour tous les pays ou lieux et, lorsqu’elles existent, elles ne sont pas toujours complètes en termes de couverture d’un pays ou d’un lieu donné.

Les données pouvant être recueillies concernent des victimes identifiées, ce qui signifie qu’un grand nombre de données n’indiquent pas nécessairement que la traite d’êtres humains est répandue.  Au contraire, elles peuvent être le signe d’une lutte efficace contre la traite. Toutefois, ces données fournissent des informations utiles sur les tendances et modèles de la traite, tels que les profils et expériences des victimes, les formes de traite d’êtres humains, les routes de la traite et des informations sur les auteurs.

Estimation de la prévalence

Il n’existe actuellement aucune estimation, au niveau mondial ou régional, de la prévalence de la traite d’êtres humains. L’estimation par systèmes multiples est utilisée pour estimer le nombre total (non identifié et identifié) de victimes de la traite au niveau national, sur base de l’analyse de listes de victimes de la traite détectées ou présumées, fournies par différents acteurs de la lutte contre la traite, notamment la police, les procureurs, les autorités chargées des migrations, les personnes impliquées dans l’assistance aux victimes, les refuges et autres. Les listes fournies sont anonymes et ventilées par âge, sexe et forme d’exploitation (ONUDC, 2018a : 34).

Good Practice
Application of the multiple systems estimation methodology in some countries

The United Nations Office on Drugs and Crime (UNODC), in cooperation with the Dutch National Rapporteur on Trafficking in Human Beings and Sexual Violence against Children, used multiple systems estimation (MSE) to estimate the number of presumed victims in the Netherlands in 2010–2015. The United Kingdom Home Office also conducted a similar exercise, and other similar studies have been conducted in Ireland, Romania and Serbia, in cooperation with the Walk Free Foundation.

Collecte, gestion et protection des données obtenues par les acteurs de la lutte contre la traite

Les acteurs de la lutte contre la traite impliqués dans la protection et l’assistance aux victimes de la traite sont susceptibles de recueillir et d’avoir accès à des quantités importantes de données à caractère personnel.

La manière dont les données sont collectées varie en fonction des intervenants impliqués et de leur rôle spécifique en ce qui concerne la protection et l’assistance aux victimes. Les données personnelles sur chaque victime sont souvent recueillies lors d’échanges directs avec les victimes (par exemple, lors d’entretiens de vérification par les forces de l’ordre et lors des processus d’admission dans des refuges temporaires) et peuvent être consignées dans des notes et des bases de données. Parmi celles-ci, des éléments biographiques des personnes, des données de référence, sur l’évaluation de la protection, la prestation de services, des informations de base sur l’expérience de la traite, etc.

Policy Approaches
Collecte et partage des données dans le cadre de la traite des personnes
  • Procurer des connaissances sur la protection des données aux intervenants qui les collectent, afin qu'ils soient avisés sur les types de données à recueillir, les moyens pour les obtenir et dans quels buts.
  • Établir et garantir la sécurité des systèmes afin de faciliter le partage des données entre les acteurs concernés, y compris ceux qui participent aux mécanismes nationaux d’orientation.
  • Recueillir des données personnelles uniquement dans un but légitime et précis, et avec le consentement préalable de la personne concernée. Les données qui ne sont pas nécessaires ou prévues à une fin concrète ne devraient pas être collectées en particulier dans le cas des victimes de la traite, en raison de leur vulnérabilité élevée et des risques accrus..
  • Suivre les règles et procédures internationales, régionales et/ou nationales de protection des données pour une collecte et une gestion correctes des données.
  • Inciter les intervenants à tendre vers une normalisation des efforts dans la collecte de données. Il s’agit notamment de mettre en place des systèmes informatiques appropriés pour gérer les données et élaborer des procédures opérationnelles standard pour la collecte et le partage des données, ainsi que de former le personnel à la collecte, à la protection, au stockage et à l’analyse des données ainsi que de tenir compte de la manière dont les données sont partagées et avec qui, à quelles fins d’utilisation et comment leur utilisation est réglementée.
  • Supprimer les identités des personnes concernées et tous les éléments d’identification avant tout transfert ou publication.
  • Établir un cadre de protection afin de partager en toute sécurité les données relatives à la traite d’êtres humains. À ce propos, veuillez consulter la section Protection des données du  Données, études et analyses dans le cadre de l’élaboration d’une politique.
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Lorsque les normes de protection des données ne sont pas respectées, les victimes sont davantage lésées

Lorsque la protection des données et les normes éthiques ne sont pas respectées lors de la collecte de données, il existe un risque que les victimes de la traite soient davantage lésées. Cela peut se produire lorsque les victimes se voient poser des questions inadaptées de façon inappropriée (par exemple, lorsqu’elles sont invitées à plusieurs reprises à raconter leurs expériences traumatisantes, telles que des actes de torture ou de violence sexuelle, ou lorsque des questions sont posées dans le but de comprendre le crime plutôt que de soutenir la victime) ou si des données personnelles sont recueillies sans le consentement éclairé de la victime. En outre, lorsque la confidentialité des données n’est pas assurée et que celles-ci ne sont pas conservées en toute sécurité, les victimes peuvent être exposées à des risques (par exemple, des représailles de la part des trafiquants). Il est donc essentiel que toutes les données à caractère personnel soient recueillies selon les normes éthiques les plus strictes et que les données produites soient soumises à des normes rigoureuses de protection et de confidentialité.

Dans certains cas, les données ne doivent pas être partagées. Le manque de clarté concernant la propriété des données, l’insuffisance de l’évaluation des risques et l’inadéquation des cadres de protection des données peuvent avoir pour effet que ces dernières soient partagées alors qu’elles ne devraient pas l’être. Cela représente un risque pour la vie et la santé des victimes de la traite, qu’il convient d’éviter à tout prix.

To Go Further
Messages clés
  • Les cas identifiés et signalés de victimes de la traite constituent une excellente source de données lorsqu’ils sont rassemblés par un organisme central national et qu’ils comprennent des données en provenance non seulement des services de police et de justice, mais aussi d’acteurs non étatiques tels que les ONG et les organisations internationales qui viennent en aide aux victimes de la traite.
  • L’estimation par systèmes multiples est une bonne méthode pour estimer le nombre total (non identifié et identifié) de victimes de la traite au niveau national.
  • Les enquêtes au sein du foyer peuvent être utilisées, mais elles doivent respecter des normes éthiques, faute de quoi elles risquent de porter davantage préjudice aux victimes de la traite.