Tous les pays portent un grand intérêt à l’état de santé des voyageurs qui se présentent à la frontière. Ces dernières années, une succession de situations d’urgence sanitaire – localisées dans certains cas, et très étendues dans d’autres – ont renforcé les arguments en faveur de la mise en place de systèmes de gestion des frontières dûment équipés pour identifier et réduire les menaces pour la santé publique aux points d’entrée. La maladie à virus Ebola, le SARS-COV-1 et les différentes souches de la grippe aviaire ont nécessité une approche multisectorielle afin de renforcer les capacités de gestion des frontières pour prévenir et détecter les maladies transmissibles et y faire face. Ces menaces ont cependant fini par être maîtrisées avec des perturbations limitées pour les voyages internationaux.

Les pandémies mondiales posent des défis d’une ampleur différente, surtout lorsqu’elles atteignent le niveau d’une situation d’urgence de santé publique de portée internationale (USPPI), telle que définie par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Face aux incertitudes initiales entourant la portée géographique et la vitesse de transmission du virus induisant la COVID-19 (sans parler de sa létalité), tous les gouvernements ou presque ont eu dans un premier temps des difficultés à trouver le juste équilibre entre, d’une part, la sagesse d’imposer des restrictions à la mobilité humaine, et d’autre part les effets de ces mesures sur le bien-être économique et social de leurs citoyens et de leurs résidents. Cette période d’incertitude a été de courte durée, et la suspension des mouvements transfrontaliers – aussi bien internationaux que nationaux – a été rapidement adoptée comme première ligne de défense contre la propagation du virus.

Le lien entre la mobilité, la gestion des frontières et le contrôle sanitaire n’est pas nouveau. La gestion des risques sanitaires – en particulier la transmission de maladies par les nouveaux arrivants – est inscrite dans la stratégie migratoire de tous les gouvernements, qui escomptent raisonnablement que les nouveaux venus ne constituent pas une menace pour la santé publique. Tous les gouvernements exigent que les personnes qui franchissent leurs frontières soient en bonne santé, même si l’amélioration à l’échelle mondiale des normes sanitaires nationales a entraîné l’arrêt de contrôles sanitaires exigeants qui étaient autrefois communs aux frontières, sauf dans les situations d’urgence. L’apparition de la COVID-19 a provoqué un retour en arrière, et la gestion de la santé aux frontières est désormais au cœur des efforts déployés à l’échelle mondiale pour maîtriser la pandémie. Cet enjeu demeurera probablement une composante essentielle de la gestion des migrations dans un avenir prévisible, ce qui aura des conséquences considérables sur le comportement des migrants et les migrants eux-mêmes.

La conséquence la plus évidente est sans nul doute la réduction spectaculaire de la mobilité des migrants : des travailleurs migrants ne sont pas en mesure de se rendre sur leur lieu de travail à l’étranger ou de retourner chez eux ; des regroupements familiaux sont mis en suspens, voire abandonnés ; et le programme de travail des étudiants internationaux est perturbé. Même lorsque les travailleurs migrants parviennent à obtenir un droit d’entrée et un emploi, ils peuvent se heurter à des difficultés supplémentaires (voir la section sur la migration de main-d’œuvre en temps de pandémie et les enseignements tirés de la COVID-19). Dans de rares cas, des nationaux et des migrants ont été empêchés de retourner chez eux. Les incertitudes entourant l’origine de la pandémie et la manière dont elle s’est propagée ont aussi donné lieu à des reproches injustifiés faits aux migrants, ainsi qu’à des manifestations de xénophobie et des discriminations (voir la section sur l’intégration des migrants en temps de pandémie et les enseignements tirés de la COVID-19). Des conséquences directes en matière de santé publique doivent être également prises en considération, à commencer par la prévention de la transmission de la COVID-19 sous l’angle de la mobilité, sans oublier les questions relatives au bien-être physique et psychosocial des migrants.

 Il est essentiel que les mesures de contrôle des frontières et de la santé liées à la COVID-19 soient proportionnées à l’objectif visé et justes dans leur application, et tiennent pleinement compte des besoins spécifiques des migrants.

D’une manière générale, les mesures de contrôle des frontières liées à la COVID-19 portent sur les points suivants :

  • La restriction – et, dans les cas extrêmes, l’interdiction – des mouvements transfrontaliers, y compris l’interdiction des arrivées en provenance de certaines zones sensibles désignées pendant une durée variable ;
  • Des dérogations pour « circonstances particulières », notamment pour des raisons d’humanité ou pour garantir la continuité de l’offre de main-d’œuvre (voir la section sur les visas et les permis de séjour en temps de pandémie et les enseignements tirés de la COVID-19) ;
  • Des arrangements spéciaux mis en place pour permettre le retour de nationaux en détresse à l’étranger.

Pour que ces mesures soient efficaces, il est toutefois essentiel qu’elles s’accompagnent de dispositifs complémentaires en matière de santé et d’assainissement. Il n’existe pas de recettes toutes faites, car les dispositifs varieront selon la situation à l’échelle nationale, voire infranationale, et les ressources disponibles, mais on trouvera ci-après quelques pratiques couramment adoptées.

Policy Approaches
Pratiques couramment adoptées pour freiner la transmission de la COVID-19 aux frontières

Au moment de la rédaction du présent document, peu d’informations étaient disponibles sur l’efficacité des approches répertoriées ci-dessous, qui illustrent les efforts de lutte contre la transmission de la COVID-19 aux frontières.

  • Protocoles de dépistage de la COVID-19 pour les voyageurs approuvés, avant le départ, après l’arrivée et au retour, afin de garantir que ces voyageurs ne font pas courir de risque à la communauté ;
  • Prise de température au départ, pendant le transit et à l’arrivée afin de détecter si les voyageurs ont de la fièvre (symptôme courant de la COVID-19) ;
  • Port du masque obligatoire et respect des distances physiques dans les aéroports ;
  • S’il y a lieu, confinement des passagers à leur arrivée par l’application de mesures d’isolement ou de quarantaine, afin de prévenir toute transmission accidentelle ;
  • Systèmes de traçage, électroniques de préférence, permettant d’assurer le suivi des nouveaux arrivants et des personnes qui ont pu être en contact avec eux, en cas de transmission du virus malgré les mesures prophylactiques mises en place ;
  • Vaccination rapide des travailleurs transfrontaliers essentiels, tels que les camionneurs.

Pour que ces dispositions interdépendantes de contrôle des frontières et de la santé fonctionnement efficacement, une coordination étroite est nécessaire entre les ministères, les départements et les services concernés, en particulier ceux chargés de la gestion des migrations, des affaires étrangères et du contrôle des frontières. Les décideurs doivent également se concerter avec les agences de voyages et les établissements touristiques du secteur privé ainsi qu’avec les communautés de migrants touchées pour s’assurer que les plans d’action tiennent compte de leurs intérêts et de leurs préoccupations. Il sera parfois nécessaire d’étendre certains aspects de la coopération à d’autres gouvernements.

Il existe également des besoins évidents de développement des capacités auxquels il convient de répondre rapidement pour faire en sorte que les agents de contrôle des frontières et ceux de la santé comprennent bien leurs responsabilités réciproques en matière de prévention, de détection et de riposte aux maladies transmissibles. Par exemple, les agents de contrôle des frontières peuvent avoir besoin d’une formation pour pouvoir assurer le suivi des mesures d’assainissement et de sécurité, procéder à des dépistages ou orienter vers les services de santé ; et inversement, les spécialistes de la santé peuvent être formés et intégrés dans les équipes de contrôle des frontières pour effectuer ces tâches.

Dans tous les cas, il convient de prévoir du matériel spécialisé (en particulier des équipements de protection), d’assurer une collecte de données et d’élaborer une stratégie globale de communication pour tenir la population informée des politiques et des procédures en vigueur. On ne saurait trop insister sur l’importance d’une communication efficace pour s’assurer que les populations de migrants sont correctement informées des risques, des mesures de contrôle en place et des stratégies d’atténuation. Les informations doivent être communiquées à l’arrivée et au départ, dans des termes compréhensibles ; elles doivent être appropriées d’un point de vue culturel et être régulièrement actualisées en fonction de l’évolution des politiques et des procédures.

La cartographie de la mobilité des populations est un outil qui complète les évaluations classiques des risques de santé publique et l’analyse des mégadonnées sur la mobilité. Son objectif est de comprendre les schémas des mouvements et d’identifier les endroits les plus vulnérables à l’intérieur et à l’extérieur des frontières afin d’éclairer les plans de préparation et de prévention. Elle permet aux gouvernements, aux communautés et à d’autres acteurs d’éviter l’importation ou de limiter la propagation de maladies infectieuses et d’autres menaces pour la santé publique sur lesquelles la mobilité humaine a une incidence directe. À cet égard, elle permet une hiérarchisation plus précise des endroits et des interventions de santé publique. Elle a été utilisée pour lutter contre la propagation de la maladie à virus Ebola (OIM, 2021).

Dans la perspective de la réouverture des frontières aux voyages internationaux, plusieurs pays envisagent de mettre en place un « passeport sanitaire » numérique devant attester de l’immunité de leurs nationaux contre la COVID-19. Les technologies mobiles pourraient permettre la collecte et le partage d’informations sanitaires pertinentes entre les autorités frontalières et sanitaires de différents pays. Les cadres existants de partage transfrontalier de l’information tels que l’information préalable sur les passagers (API) et les dossiers passagers (PNR) pourraient également s’avérer utiles (pour plus d’informations sur les systèmes API et PNR et d’autres aspects des systèmes de renseignement sur l’immigration, voir migration régulée et la gestion des frontières).

Il convient de garder à l’esprit que la pandémie de COVID-19 a placé les décideurs du domaine de la migration face à des défis jamais rencontrés auparavant, dans un contexte de santé publique en constante évolution. La situation a considérablement évolué depuis l’apparition du virus sur la scène internationale. Elle continue de changer, souvent de manière imprévisible. Dans de nombreux pays, on a observé plusieurs cycles de propagation rapide, d’atténuation efficace et de résurgence des contaminations. Il ressort de ces expériences que certains principes d’intervention persisteront vraisemblablement, comme les contrôles sanitaires aux aéroports, le placement en quarantaine pour les personnes testées positives ou pouvant avoir été exposées au virus et, de plus en plus, le recours à la vaccination comme mesure de protection. Des mesures innovantes supplémentaires devront inévitablement être adoptées à la lumière des nouvelles évolutions.

To Go Further
  • OIM, Gestion de la santé, des frontières et de la mobilité (GSFM), 2020 (fiche d’information). Ce document présente un cadre conceptuel et opérationnel qui vise à améliorer la prévention, le dépistage et la riposte à la propagation des maladies le long du continuum de la mobilité, notamment aux frontières et dans les zones de vulnérabilité où les migrants et les populations mobiles interagissent également avec les communautés sédentaires locales.
  • OIM, programme de formation à l’usage des agents frontaliers sur la riposte à la COVID-19 aux points d’entrée. Cet outil fournit des lignes directrices sur les formalités d’immigration adaptées aux situations de flambée de COVID-19, qui visent à protéger les voyageurs et les agents de première ligne. Pour plus d’informations, veuillez consulter la page consacrée au programme de formation ou contacter la Division de la gestion de l’immigration et des frontières à l’adresse ibm@iom.int.
  • Organisation mondiale de la Santé (OMS), Règlement sanitaire international, 2005. Ce règlement est un instrument juridiquement contraignant adopté par 196 pays. Il entend aider la communauté internationale à prévenir les risques pour la santé publique susceptibles de traverser les frontières et de menacer la sécurité sanitaire internationale, et à y faire face. Le règlement définit les droits et les obligations de tous les pays à cet égard, notamment les capacités de base que chaque pays doit mettre en place pour prévenir et détecter les situations d’urgence de santé publique et y faire face, ainsi que l’obligation de signaler les situations d’urgence de santé publique de portée internationale. Il comprend des mesures spécifiques à mettre en œuvre aux points d’entrée pour limiter la propagation des menaces sanitaires par-delà les frontières et permettre une mobilité sûre des populations, sans restrictions injustifiées des voyages et des échanges commerciaux.
  • Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), Manuel sur la gestion des risques transfrontières liés à la COVID-19, 2021. Ce manuel indique qu’une combinaison de stratégies permet de réduire de façon significative le risque de transmission de la maladie tout en contribuant à la reprise des mouvements internationaux et intérieurs. Ces stratégies sont notamment la coordination entre les pays et le dépistage sanitaire des voyageurs aux points d’entrée, l’utilisation de formulaires de déclaration sanitaire, le dépistage de la COVID-19 et la mise en quarantaine. Elles peuvent être combinées de différentes manières avant et après le voyage.