Dans les situations de vulnérabilité, les migrants se trouvent dans l’incapacité de jouir pleinement de leurs droits humains, et sont donc exposés à un risque plus élevé d’abus et de maltraitance. La vulnérabilité d’un enfant est aggravée par les circonstances de son départ, sa capacité de résilience, son exposition à la violence pendant son voyage, son genre et son identité de genre, et selon que sa migration est irrégulière, ou caractérisée par des situations d'exploitation ou d'abus, comme la traite.

Violence, exploitation et mauvais traitements

De nombreux enfants migrants sont exposés à la violence, l’exploitation et les mauvais traitements durant leur voyage et dans le pays de destination. Certains enfants migrants sont tués par des passeurs ou des trafiquants ; d’autres meurent noyés en mer. Certains enfants sont contraints de se livrer à des activités criminelles pendant leur voyage ; les victimes de la traite sont souvent vendues à de nombreuses reprises au cours de leur voyage et sont victimes de violences physiques et sexuelles. Les enfants peuvent être recrutés à des fins d’exploitation ou de traite avant leur départ, pendant le voyage, à leur arrivée et même après avoir reçu un titre de séjour dans le pays de destination ou après leur retour, leur transfert ou leur réinstallation. Les enlèvements de garçons et de filles destinés à être recrutés et utilisés par les forces armées et les groupes armés pendant les conflits sont fréquents et attestés par de nombreuses sources (OIM et UNICEF, 2017).

Les enfants sont confrontés à la violence, l'exploitation et la maltraitance de la part des personnes qu'ils rencontrent dans le pays d'origine, de transit et de destination. Elles peuvent inclure les employeurs, les transporteurs, les passeurs et les trafiquants. Certains enfants peuvent être mis en danger par les adultes qui les accompagnent ou leurs parents. Ils peuvent être confrontés à un degré élevé d’indifférence ou de maltraitance de la part des agents de l'État, notamment de la police, des gardes-frontières, des agents de l'immigration et du personnel des centres d'accueil ou de détention. L’exploitation des enfants peut être organisées par les familles, des petites groupes ou des réseaux criminels.

Case Study
Exploitation d’enfants migrants et leur famille durant leur voyage

Quand Abduraham est arrivé en Israël avec sa mère, il toussait et avait le nez qui coulait. Ils ont été placés en détention dès leur arrivée. Après plusieurs demandes, un médecin a examiné Abduraham et sa mère. Celui-ci a remarqué une étrange cicatrice sur la jambe du garçon. Comme il ne parlait pas leur langue, le médecin n’a pas compris les explications que lui donnait la mère. Âgée de 22 ans, celle-ci a alors soulevé sa chemise et lui a montré une cicatrice similaire. Les passeurs les avaient retenus prisonniers pendant trois mois dans le Sinaï. Et les cicatrices de l’enfant et de la mère se situaient à l’endroit où on leur avait attaché des chaînes. La seule fois où ils n’ont pas été enchaînés ensemble, c’est lorsque les passeurs ont détaché la mère d’Abduraham pour la violer. Ce n’est qu’après avoir payé 10 000 dollars qu’ils ont été libérées et emmenés à la frontière israélienne.

Il est important de garder à l’esprit la nature et le niveau des traumatismes subis par certains enfants migrants au cours de leur voyage, et la manière dont ils peuvent affecter leur capacité à révéler des informations et à faire confiance aux personnes avec lesquelles ils entrent en contact, notamment les professionnels chargés de l’application de la loi, mais aussi le personnel humanitaire et les fonctionnaires de l'État.

Case Study
Mariage d’enfants de sexe féminin dans un contexte humanitaire

Dans un contexte humanitaire, les filles peuvent être particulièrement vulnérables, en raison d’une hausse de l’insécurité, de la pauvreté et d’un manque de réseaux sociaux. Les familles peuvent donc envisager le mariage des filles comme une forme de protection contre la violence, et un moyen de lutter contre la pauvreté et les difficultés. Dans les recherches menées dans certaines zones de conflit, il apparaît que des filles accompagnées sont mariées par leurs parents et leur famille, et sont confrontées à une violence sexuelle accrue – et à d’autres formes de violence – au sein du mariage. En raison de leur jeune âge, elles peuvent aussi rencontrer des complications, liées à la grossesse et à l’accouchement, qui peuvent avoir de graves répercussions sur leur santé et leur bien-être. Parmi les réfugiés syriens en Jordanie, par exemple, le mariage des enfants a connu une hausse rapide. Entre 2011 et 2014, le pourcentage de mariages d’enfants a presque triplé, passant de 12 % à un peu moins de 32 %.

Du fait de leur statut familial et de l’idée selon laquelle leurs besoins sont satisfaits, les besoins des enfants accompagnés peuvent parfois être négligés par rapport à ceux des enfants non accompagnés et séparés de leur famille. Il convient toutefois de souligner que les enfants accompagnés doivent aussi être pris en compte dans les processus d’évaluation et que leur participation aux décisions qui les concernent peut faciliter l’accès à leurs droits. De même que les familles doivent être soutenues pour pouvoir apporter les soins et l’aide nécessaires à leurs enfants.

Les États peuvent prévenir l’exploitation des enfants migrants en les protégeant et en garantissant leurs droits. Lire les approches politiques dans Une vue d’ensemble des droits fondamentaux des enfants migrants dans ce chapitre.

Voir la section sur la Traite des enfants pour en savoir plus sur cette forme aggravée d’exploitation et les mesures à adopter pour y remédier

Discrimination

Les enfants migrants peuvent être confrontés à plusieurs types de discrimination dans le pays d’origine, pendant leur transit et à l'arrivée dans le pays de destination. La discrimination peut être liée à leur statut migratoire, de réfugié ou de demandeur d'asile, ou à leur appartenance à un groupe religieux, de genre, ethnique, racial ou national. Ils sont fréquemment la cible de crimes xénophobes, qu’il s’agisse d’agressions physiques ou de propos haineux. Ils sont souvent traités en criminels en raison de leur entrée irrégulière ou séjour irrégulier.

Case Study
Étude de cas

Filly, 17 ans, a quitté seul la Gambie pour Palerme, en Italie, où l’ombre du racisme plane sur lui tous les jours. Une femme lui a craché dessus dans la rue, et les gens changent de place lorsqu’il s’assoit à côté d’eux dans le bus. « Certaines personnes prennent la fuite en vous voyant, comme si vous étiez un animal », dit-il.

Christelle, 15 ans, réfugiée de la République démocratique du Congo en Libye avec sa famille, raconte qu’elle a été interpellée et rackettée par la police. « Ici, les gens n’aiment pas du tout les Noirs. Ils les maltraitent », dit-elle.

Source

La discrimination peut affecter de nombreux aspects de la vie des enfants migrants. Ils se voient régulièrement refuser l'accès à la santé, à l'éducation, au logement et à d'autres services, ou au travail, en raison de leur statut d’immigration. De nombreux enfants s’abstiendront de recourir à des services tels que les soins de santé ou d'essayer de s'inscrire à l'école en raison d'expériences antérieures de discrimination et de xénophobie.

Example
Décisions régionales relatives à la discrimination envers les migrants en matière d’éducation

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a examiné des affaires relevant du droit à l’instruction et impliquant des cas de discrimination basée sur le statut migratoire et a estimé que « le droit [à l’éducation] est expressément énoncé dans l’article 2 du Protocole n°1 de la Convention » : il revêt une importance fondamentale dans le développement de tout enfant et constitue « un service public de nature très particulière, qui bénéficie non seulement aux usagers mais aussi plus largement à la société. C’est pourquoi il convient d’examiner de plus près la proportion des discriminations sur la base de la « nationalité » ou du « statut migratoire » (Ponomaryovi c. Bulgarie). La CEDH a statué qu’il y a violation du droit à l’éducation lorsque des enfants sont exclus de l’enseignement primaire et secondaire parce que leurs parents ne sont pas enregistrés en tant que migrants réguliers (CEDH, Timishev c. Russie), ou lorsque des frais de scolarité s’appliquent seulement en raison de la nationalité et du statut migratoire (Ponomaryovi c. Bulgarie).

Cour interaméricaine des droits de l’Homme

La Cour interaméricaine des droits de l’Homme (CIDH) a statué que l'État devait garantir un enseignement primaire gratuit à tous les enfants dans un environnement approprié et dans les conditions nécessaires à leur développement intellectuel (CIDH, Dossier Yean et Bosico (Yean and Bosico Case).

Les États peuvent prévenir la discrimination envers les enfants migrants en garantissant leurs droits à la non-discrimination, à la participation, à être entendus, à la santé et à l’éducation. Lire les approches politiques dans Une vue d’ensemble des droits fondamentaux des enfants migrants dans ce chapitre.

Détention d’enfants migrants

De nombreux pays continuent de placer des enfants migrants – qu’ils soient accompagnés, séparés ou non accompagnés – dans des centres de détention en raison de leur statut d’immigration et des circonstances de leur entrée dans le pays.

La détention des enfants peut avoir un impact dévastateur et durable sur la santé physique et mentale et sur le bien-être de l'enfant. Les périodes de détention, même lorsqu’elles sont très brèves, peuvent nuire au bien-être psychologique et physique d’un enfant et compromettre son développement cognitif (Coalition internationale contre la détention, 2012). La détention peut aggraver des traumatismes antérieurs subis dans leur pays d’origine ou durant leur voyage. Les enfants sont parfois détenus dans des espaces confinés ou insalubres avec des adultes poursuivis ou condamnés pour des délits mineurs ou des crimes graves. Les enfants migrants sont non seulement privés de leur liberté mais aussi exposés à des risques accrus de sévices physiques et sexuelles, d'actes de violence et de refus d'accès à l'éducation, aux soins de santé et à la vie familiale. Leurs conditions de vie en détention, le manque d’activités stimulantes et sociales, de nourriture, de sommeil et d’activités physiques, associées à la séparation prolongée d’avec leur famille, peuvent avoir de graves répercussions sur leur développement physique et cognitif. En outre, les enfants en détention se voient souvent refuser l'accès à une représentation légale ou à un conseil juridique et ne sont pas dûment informés de l'avancement de la résolution de leur cas. Ces enfants en détention ont également indiqué qu’ils ne comprenaient pas le but exact ou la durée de leur détention, ce qui augmente leur niveau de stress et d’anxiété. En bref, la détention ne sert jamais l’intérêt supérieur d’un enfant, et toutes les formes de détention des immigrants doivent être évitées

Policy Approaches
Détention des enfants migrants
  • La détention ne peut jamais être justifiée par le fait que l’enfant est non accompagné ou séparé, ou sur la base de son statut migratoire ou de résident ou en l’absence de celui-ci (Comité des droits de l’enfant, 2005).
  • Placer les enfants non accompagnés et séparés dans un système national ou local de prise en charge alternative, de préférence une prise en charge par leur propre famille lorsque cela est possible, ou une prise en charge communautaire.
  • Lorsqu’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant de rester avec sa famille, l’interdiction de détention s’étend aux parents de l’enfant. Dans ce cas, il convient de trouver des solutions non privatives de liberté pour l’ensemble de la famille (Comité des droits de l’enfant, 2018).

La détention des enfants migrants est une violation du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et du droit de l’enfant au développement. Lire un aperçu des droits fondamentaux des enfants migrants dans ce chapitre et le Processus de détermination de l’intérêt supérieur.

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Séparation des parents et des personnes qui en ont la charge à titre principal

Pour connaître les définitions d’enfants séparés et enfants non accompagnés, voir Les enfants dans le contexte de la migration dans ce chapitre.

La séparation d’un parent ou d’une personne qui en a la charge à titre principal peut se produire dans des situations d’urgence comme de non-urgence. Cependant, les données montrent que les enfants risquent davantage d’être séparés de leur famille ou de la personne qui en a la charge à titre principal suite à une situation d’urgence (UNICEF, 2018). En raison de l'absence d'un environnement familial protecteur, les enfants séparés et non accompagnés figurent parmi les plus vulnérables de tous les enfants.

Les circonstances et la durée de la séparation peuvent varier ; certains enfants commençant leur voyage avec des membres de leur famille ou de leur communauté peuvent être séparés ou réunis en cours de route. Pour certains enfants et leurs familles, la séparation est un choix, et de nombreux enfants décident de voyager avec leurs pairs.

Lorsque les enfants sont privés des soins et de la protection de leur famille et des adultes qui les accompagnent, ils courent un risque accru de subir des traumatismes physiques et psychologiques, d’être enlevés, d'être victimes de la traite, d'être recrutés ou utilisés par des forces armées ou des groupes armés, d'être victimes d'agression et d’exploitation sexuelles, et de perdre définitivement leur identité. En outre, ils peuvent être contraints d’assumer des responsabilités d'adultes bien trop lourdes pour leur âge, leur niveau de maturité ou leur force physique. La première étape pour prévenir leur séparation d’avec les adultes qui les accompagnent consiste à bien appréhender la question de la séparation elle-même. La séparation peut se produire dans des contextes d'urgence ou de non-urgence, et peut être accidentelle, délibérée ou induite par l'aide apportée.

Table
Tableau 1. Formes de séparation des parents et des adultes qui les accompagnent

 

Séparation accidentelle Séparation délibérée Séparation induite par la réponse humanitaire
  • Non planifiée ou anticipée et se produisant contre la volonté du parent ou de la personne qui en a la charge et du ou des enfant(s).
  • Se produit généralement lorsque les communautés sont attaquées ou forcées à fuir un danger.
  • Les parents, les personnes qui ont la charge des enfants et les enfants eux-mêmes décident délibérément de se séparer, que ce soit pendant une situation d’urgence (« séparation primaire ») ou après (« séparation secondaire »).
  • La séparation délibérée correspond à la décision de l’enfant de fuir des violences intrafamiliales ou communautaires.
  • Les enfants peuvent être envoyés hors du pays par leur famille pour leur sécurité ou pour chercher de meilleures opportunités.
  • Les séparations « délibérées » n’ont pas toujours des répercussions négatives sur les enfants (par exemple, ceux-ci peuvent se retrouver dans une situation plus bénéfique), mais elles peuvent accroître leur vulnérabilité dans certaines circonstances.
  • Une séparation « délibérée » ne signifie pas que la séparation sera prolongée ou permanente. Cependant, cela peut arriver même si ce n’était pas l’intention initiale.
  • Résultats de la réponse humanitaire.
  • Dans certaines situation d’urgence, la couverture médiatique des « orphelins » peut exercer une pression et inciter à trouver des solutions rapides et visibles, telles que le placement dans des institutions ou l’adoption, et provoquer des séparations.
  • Il est important de sensibiliser les médias et les donateurs aux risques d’actions inappropriées.
Case Study
Séparation durant le transit

Tous les habitants du village de Yusuf ont fui après qu’il ait été attaqué. « Les gens qui sont morts, sont morts. On les a enterrés. Et on est tous parti. Tous ceux qui ont survécu ont quitté ce village », dit-il.

Yusuf est parti avec sa mère et ses deux sœurs. Le village étant proche de la frontière, il ne leur a pas fallu beaucoup de temps pour atteindre le Tchad. Il est resté dans un camp de réfugiés pendant 11 jours. Mais il dit qu’ils n’étaient « pas en sécurité dans le camp. Des personnes de l’extérieur essayaient d’entrer dans le camp pour nous attaquer, elles tiraient des coups de feu, elles rôdaient la nuit, c’étaient des milices, elles enlevaient les gens. » Les guides qui ont amené les villageois au camp ont insisté sur le fait qu’ils protégeraient les mères mais que les jeunes garçons n’étaient pas en sécurité et qu’ils devaient partir. « Donc on est parti. On est arrivé en Libye. Puis de la Libye, on est venu ici, [à Malte]. »

Les garçons du village de Yusuf n’ont pas quitté le camp de réfugiés tous ensemble. Yusuf est parti avec quatre autres garçons. Ils ont voyagé en voiture ensemble pendant un moment avant de se séparer. Yusuf a ensuite rencontré un marchand de bêtes libyen qui a bien voulu l’emmener en Libye à condition qu’il s’occupe des moutons en chemin. L’homme a accompagné Yusuf jusqu’à Tripoli. Le voyage a duré 14 jours.

Afin de contrer les effets néfastes de la séparation des enfants de leurs parents ou des personnes qui en ont la charge, les États devraient garantir aux enfants leurs droits à la famille, à la vie, à la survie, au développement et à la protection. Pour en savoir plus sur les approches politiques, voir Vue d’ensemble sur les droits fondamentaux des enfants migrants dans ce chapitre.

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  • Inter-Agency Working Group on Unaccompanied and Separated Children, Field Handbook on Unaccompanied and Separated Children, (Groupe de travail inter-agences sur les enfants non accompagnés et séparés, Manuel de terrain sur les enfants non accompagnés ou séparés de leur famille) 2017.
  • UNICEF, Unité familiale dans le contexte de la migration, 2018. Document de travail.
Messages-clés
  • Les enfants migrants peuvent être victimes de violence, d’exploitation et de mauvais traitements durant leur voyage et à leur arrivée dans le pays de destination.
  • Les enfants peuvent être la cible de crimes xénophobes, qu’il s’agisse d’agressions ou de propos haineux. La discrimination peut être liée à leur statut migratoire, de réfugié ou à leur appartenance à un groupe religieux, ethnique, racial, sexospécifique ou national.
  • Les enfants migrants peuvent être confrontés à la détention migratoire dans le pays de transit ou de destination. La détention des enfants peut avoir un impact dévastateur et durable sur leur santé physique et mentale, ainsi que sur leur bien-être. La détention migratoire des enfants, qu’ils voyagent seuls ou avec leur famille, n’est jamais dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle est une violation de leurs droits et devrait être évitée à tout prix.
  • Les États peuvent empêcher que ces problèmes affectent les enfants migrants en garantissant les droits de l’enfant conformément à la Convention des droits de l’enfant
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