Dans le contexte de la migration, les VBG peuvent prendre différentes formes : il s’agit le plus fréquemment de violences sexuelles, physiques ou psychologiques. Il peut également s’agir de harcèlement, de contact physique non désiré ou de rapports sexuels consentis pour les besoins de survie ; de violence verbale (c’est-à-dire de propos injurieux, insultants ou péjoratifs) ; et de violence non verbale (c’est-à-dire d’attitudes menaçantes, de gestes ou de regards suggestifs à caractère sexuel) et autres (Organisation Internationale du Travail [OIT], 2016) La VBG peut être perpétrée par des acteurs de la migration, y compris (consciemment ou inconsciemment) par les autorités frontalières, les passeurs ou les agents de recrutement (voir Sexospécificités et gestion des frontières). Elle peut également être perpétrée par d’autres migrants, qu'ils soient des partenaires ou des personnes rencontrées durant le transit, sur le lieu de travail ou dans les lieux d’hébergement.
La VAW est motivée par des attitudes et perceptions sociales et culturelles selon lesquelles les femmes sont soumises aux hommes. Dans le monde, 30 % des femmes âgées de plus de 15 ans ont subi des violences physiques et/ou sexuelles de la part d’un partenaire ou d’une autre personne à un moment de leur vie (ONU Femmes, 2021). La VAW peut prendre la forme de mutilations génitales féminines (MGF), de mariage forcé ou précoce ou d’autres types de violence. Les risques augmentent du fait d’autres facteurs, tels que l’orientation sexuelle et la monoparentalité (OIM, 2013 ; OIM-GMDAC, 2018). Pour ces raisons, la VAW peut être un facteur déclencheur de la migration. Cependant, alors que la VAW est un produit des inégalités en matière de genre, la migration peut prolonger ou accroître les déséquilibres de pouvoir et le risque de violence, en particulier à cause d’un accès et d’un contrôle limité aux opportunités et aux ressources (OIM, 2013 ; OIM, 2018)
IOM, 2013.
Si la VBG affecte les femmes et les filles de manière disproportionnée, elle affecte également les autres groupes sexospécifiques. Comme nous l’avons vu dans « Le genre en contexte de crise et d’après-crise », les migrants LGBTI sont susceptibles de subir des violences accrues dans les situations de crise, où les familles peuvent faire pression sur les personnes pour qu’ils se conforment aux rôles sexospécifiques traditionnels (OIM, 2013 ; OIM 2018) Les mythes et stigmatisations fondés sur le genre peuvent être simultanément une cause et un produit de la VBG, du fait des déséquilibres des forces et de l’isolement social qu’elle crée. Par exemple, la mobilité des hommes et des garçons peut être limitée par crainte de violence et de harcèlement aux espaces frontaliers. En outre, il est défendu aux hommes et garçons de se réunir en groupe, par crainte d'être perçus comme violents (Brun, 2017).
Les conséquences physiques, sexuelles, mentales/psychosociales, socio-économiques et légales néfastes de la VBG sur la personne qui la subit peuvent être à la fois à court et à long terme. Les conséquences peuvent dépasser l’individu et s’étendre aux familles entières et aux communautés. Toutes les victimes de VBG ont le droit de recevoir des soins et un soutien compatissant pour répondre aux conséquences nocives de la violence. Ce soutien inclut des services multisectoriels tels que les services de santé, l’aide psychosociale, les options de sûreté et de sécurité, l’aide juridique et l'accès à la justice, ainsi que la réintégration économique et sociale (OIM, 2018).
- Élaborer une stratégie de prévention claire en matière de violence basée sur le genre (VBG), en collaborant notamment avec des migrants et des communautés déplacées afin de lutter contre les normes sexospécifiques néfastes et délétères.
- Renforcer les capacités des institutions et des personnes aux niveaux national et local, afin de promouvoir l’égalité des genres, et de faire évoluer les perceptions et les comportements en matière de genre, de violence et de pouvoir.
- Engager des initiatives de sensibilisation et d'information des migrants ainsi que des communautés et autorités locales.
- Former les institutions locales et nationales afin de développer et mettre en œuvre des systèmes de rapport confidentiels et des politiques « zéro tolérance ».
- Instaurer des systèmes d’orientation efficaces impliquant une coordination pluripartite entre l’État et les acteurs non étatiques. Mais au préalable, il est nécessaire d’établir une cartographie des besoins des victimes de VBG afin d'être en mesure de les aider en leur donnant accès aux différents prestataires de services et en assurant une orientation en cas de besoin.
De nombreuses bonnes pratiques existantes impliquent de travailler avec les organisations de la société civile afin de prévenir la violence basée sur le genre (VBG) à l’égard des migrants et des réfugiés. En République Démocratique du Congo, le Youth Living Peace Youth Living Peace programme travaille non seulement avec les jeunes filles et les femmes, mais aussi avec les garçons et les hommes pour s’attaquer aux causes profondes de la violence en encourageant toutes les personnes à changer d’attitude envers l’égalité des genres, l’usage de la violence et les relations saines. Grâce à de très nombreuses activités collectives, notamment des campagnes dans les écoles, la communauté se familiarise concrètement avec les mécanismes de signalement à la disposition de ceux qui ont été exposés à la violence, et avec les moyens de les aider. Le programme participe également à une meilleure information générale, en défendant l’élaboration et la mise en œuvre de politiques de prévention et de réponse à la violence à l’égard de tous les groupes sexospécifiques.
Hassink, 2015.
Environ 24,9 millions de personnes sont en situation de travail forcé/obligatoire dans divers secteurs dont le travail domestique, la construction, les usines, les exploitations agricoles et les bateaux de pêche ainsi que l’industrie du sexe (OIT et Walk Free Foundation, 2017). Les femmes représentent 99 % des victimes du travail forcé dans l’industrie du sexe à des fins commerciales et 58 % des victimes dans les autres secteurs. Près d’une victime sur quatre du travail forcé était exploitée en dehors de son pays de résidence (OIT et Walk Free Foundation, 2017).
La nature du travail forcé des femmes migrantes est souvent une extension de la discrimination fondée sur le genre dans les secteurs où elles travaillent. Par exemple, l’exploitation et le travail forcé occupent une place importante dans le travail domestique, un secteur largement perçu comme n’étant pas du « travail » au sens propre du terme. De fait, il est admis que les droits des travailleurs pleins et entiers ne s’appliquent pas au travail domestique, le rendant vulnérable à l’exploitation et au travail forcé. La discrimination fondée sur le genre selon laquelle le travail des femmes est moins qualifié et de moindre valeur peut également mener à l’exploitation et au travail forcé à cause des barrières qui empêchent les femmes migrantes d’accéder à un travail décent dans le cadre de la migration régulière (voir « Genre et migration de main d'œuvre »). Les femmes migrantes qui occupent des emplois peu valorisés, officieux et mal rémunérés sont très exposées aux risques d’exploitation et de travail forcé.
- Organisation Internationale du Travail (OIT), Indicateurs du travail forcé, 2012. Ces indicateurs ont pour but d’aider les fonctionnaires et les autres parties prenantes à identifier les personnes potentiellement en situation de travail forcé et ayant besoin d’une aide urgente.
La discrimination fondée sur le genre peut aussi exacerber le risque de traite des personnes, notamment par le biais d’un accès limité à l’activité économique, de la violence domestique ou sexuelle, ou d’autres formes de crises (Global Alliance Against Traffic in Women [GAATW], 2010a). La pression accrue (souvent sexospécifique) de travailler et de subvenir aux besoins de sa famille peut entraîner un sentiment de désespoir augmentant le risque de traite.
De nombreuses normes culturelles tendent à identifier les femmes et les filles comme étant plus susceptibles d’être des victimes, ce qui peut avoir des conséquences sur le nombre de femmes et de filles identifiées comme victimes de la traite. Bien que la plupart des victimes de la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle soient effectivement des femmes, une plus grande proportion de victimes de la traite à des fins de travail forcé sont des hommes. En effet, de plus en plus d’hommes sont identifiés comme victimes de la traite des personnes (CTDC, n.d.). Par honte d’avoir été piégés ou trompés, les hommes peuvent cependant être amenés à éviter de s’identifier ou d’être identifiés comme victimes de la traite, ce qui leur interdit de demander ou d’accéder à des services dont ils ont grand besoin (GAATW, 2010b; OIT, 2016). En outre, de nombreux services, tels que les refuges, ne sont souvent pas aussi facilement accessibles aux hommes (pour plus d’informations, voir le Traite des personnes et formes connexes d’exploitation et d’abus)
Les migrants peuvent être exposés à d’importantes menaces pendant le transit (Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies [HCR], 2016). Les phases de transit peuvent être physiquement éprouvantes et juridiquement périlleuses, ce qui peut diminuer la santé des migrants et les exposer à des risques accrus d’exploitation et de manipulation. Les femmes enceintes sont particulièrement exposées, de même que les personnes très âgées ou très jeunes (HCR, 2016).
Les femmes et les filles sont exposées au risque de violence et de harcèlement pendant le transit, comme le montrent certaines études indiquant que les violences sexuelles sont inévitables, qu’elles soient perpétrées par des gardes criminels, des migrants ou des officiels (HCR, 2016 ; Birchall, 2016). Les femmes peuvent se sentir contraintes ou forcées à échanger des rapports sexuels contre un moyen de transport, de la nourriture ou un hébergement (OIM, 2013). Les sites de transit sont souvent des lieux où les migrants sont exposés à des risques accrus, où ils dorment dehors ou dans des structures sans vie privée ni sécurité (HCR, 2016). Pour se parer face au risque d'agression sexuelle, des femmes migrant par voies irrégulières ont déclaré avoir acheté des pilules contraceptives d’urgence ou s’être fait injecter un contraceptif avant de prendre la route (Secrétaire Général des Nations Unies, 2017). De nombreuses femmes voyagent avec des hommes rémunérés pour les accompagner afin d'éviter les agressions et l’exploitation (Henneby, Grass et Mclaughlin, 2016). Les violences sexuelles faites aux hommes et aux garçons sont également très répandues, y compris les tortures sexuelles, les violences génitales et la castration (Women’s Refugee Commission [WRC], 2019).
- Développer et mettre en œuvre des initiatives ciblées afin de prévenir et de limiter l’exploitation et les violences sexuelles et d’y apporter une réponse au sein et en dehors du système d’accueil officiel.
- Renforcer les capacités des institutions nationales afin de prévenir et limiter les violences sexuelles et d’y apporter une réponse.
- Améliorer la capacité des prestataires de services et travailleurs de première ligne à fournir des services centrés sur les victimes qui permettent de prévenir les violences sexuelles et d’y répondre. Cette stratégie implique notamment d’améliorer la sensibilisation aux violences sexuelles envers les hommes et les garçons, de réduire la stigmatisation des victimes masculines et féminines, et d’assurer une orientation plus appropriée et opportune des victimes.
- Étendre les prestations de services proposées aux victimes masculines, féminines, LGBTI et autres personnes non-binaires, notamment la gestion clinique des répercussions associées aux violences sexuelles, les soins de santé mentale et le soutien psychosocial ainsi que l’assistance juridique et l’accès aux dispositifs de protection.
Women’s Refugee Commission (WRC), 2019.
- L’exploitation par le travail et le travail forcé sont des résultats extrêmes de discrimination fondée sur le genre qui conduisent les femmes et les hommes migrants vers des secteurs professionnels officieux et mal protégés.
- La violence basée sur le genre (VBG) peut toucher les migrants tout du long de la migration, que ce soit en tant que facteur déclencheur de la décision de migrer, que risque potentiel sur l’itinéraire migratoire ou qu’expérience vécue dans les pays de destination. Le risque de VBG pour les femmes et les filles est accru du fait des formes multiples et intersectionnelles de discrimination auxquelles elles peuvent être exposées, notamment à cause de leur genre, statut migratoire, origine ethnique, sexualité, âge, capacité physique, race ou religion.
- Les discriminations fondées sur le genre et les normes préjudiciables peuvent accroître le risque de traite des personnes tout en affectant aussi la précision avec laquelle la traite est mesurée et contrée.
- Les femmes et les filles sont d’autant plus à risque de violence lors du transit que beaucoup considèrent les violences sexuelles comme une conséquence inévitable de la migration par les filières irrégulières.