Protection sociale et assurance maladie

Les migrants représentent une part importante des personnes vivant sans accès à la sécurité sociale, à la protection sociale, ou à la justice et aux mécanismes de plainte, ou à l'assurance maladie. Largement en cause : leur incapacité à obtenir l’accès aux mêmes droits que les citoyens ou les résidents, en particulier s’ils ont un statut irrégulier ou s’ils sont employés dans un secteur informel (Hennebry, William et Walton-Roberts, 2016). Dans les situations où ces droits sont accordés aux migrants, ceux-ci ignorent souvent comment y accéder voire les exercer. Les femmes migrantes sont affectées de manière disproportionnée car elles sont plus susceptibles de ne pas avoir accès à l’information et peuvent être plus isolées que les hommes migrants.

Dans les cas où le statut migratoire d’une femme est lié à celui de son mari, son accès à la justice peut aussi en être limité. Il existe de nombreux scénarios dans lesquels les migrants en situation précaire sont empêchés d’accéder à la justice de manière sexospécifique. Il peut s’agir de restrictions physiques, si les migrants sont dans un environnement d’exploitation ou de maltraitance (une situation fréquente pour les travailleurs dans le secteur domestique en poste dans un habitat privé), et qu’ils n’ont accès à personne à l’extérieur. Il peut également s’agir de cas où les autorités jouent un rôle dans la perpétuation de l’exploitation ou de la maltraitance, ce qui est le cas dans les pays où les personnes LGBTI sont victimes de discrimination ou de maltraitance dans des pays qui n'acceptent pas vraiment les pratiques homosexuelles. Dans les ambassades, les consulats et les autres centres de soutien et d’information, la capacité à prendre en compte les sexospécificités est faible, ce qui peut e traduire par une grande différence de traitement des plaintes des différents groupes sexospécifiques.

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Source

IOM, 2012.

En outre, le travail domestique et de soins – un secteur largement dominé par les travailleuses migrantes, comme nous l’avons vu dans « Secteurs d’emploi et genres » plus haut – ne fournit généralement pas d’accès à la protection sociale ou à l'assurance maladie. Cette situation est principalement le résultat de la faiblesse de la protection sociale dans de nombreux pays. Cependant, les soins à la personne à domicile et à long terme sont en passe de devenir une composante majeure des systèmes de santé modernes. Les femmes migrantes, en fournissant des soins à ces personnes, jouent un rôle de plus en plus important dans les systèmes de santé des pays de destination, mais ce bénéfice ne se reflète pas dans la réponse qu’elles obtiennent pour leurs besoins de protection sociale et de santé (Organisation mondiale de la Santé [OMS], 2017).

Concernant les prestations de maternité ou parentales, de nombreux pays continuent de restreindre l’accès à l’emploi des migrantes enceintes, et exigent d’elles qu’elles retournent dans leur pays. Lorsque la grossesse est autorisée, les droits liés à la maternité peuvent être plus contraignants que pour les résidentes ou les citoyennes (voir «Famille et migration »). L’accès limité aux autres prestations de protection sociale peut également affecter de manière disproportionnée les travailleuses migrantes, notamment si elles ont des enfants et par conséquent des besoins accrus en termes de soins de santé (pour elles-mêmes durant la grossesse ou pour leurs enfants), d’allocations familiales ou de congés maladie.

Policy Approaches
Soutien à une protection sociale respectant le principe de parité
  • Renforcer les capacités des ambassades et consulats leur permettant d’apporter une assistance sexospécifique et de répondre aux plaintes.
  • Encourager la fourniture d’une protection sociale et d’une assurance maladie aux migrants qui travaillent dans des secteurs informels.
  • Garantir l’accès indépendant des migrants à la justice plutôt que de le subordonner au statut de leur partenaire.
  • Instaurer des règles sur le congé parental afin d’encourager une répartition équitable des responsabilités entre les parents, notamment par la mise en place de mesures incitant les deux parents à prendre un congé ou par l’attribution de droits spécifiques à chaque parent.
  • Permettre une certaine flexibilité dans l’organisation des congés parentaux, afin de s’adapter aux situations où l’un des parents ne peut pas complètement interrompre son activité à un moment spécifique. Par exemple, prolonger la durée du congé parental des couples et/ou faire en sorte de rémunérer correctement les professionnels en congé parental.

Voir aussi Intégration et cohésion sociale.

Accès à la santé et autres services

Les migrants sont confrontés à de nombreux obstacles dans l’accès aux soins de santé, dont beaucoup sont liés à des facteurs sexospécifiques. Quand les professionnels de santé discriminent les migrants, ces discriminations peuvent avoir un aspect sexospécifique. Les discriminations contre les femmes migrantes peuvent prendre la forme d’un accès restreint à la contraception ou à l’interruption de grossesse, ou contre les travailleuses du sexe en quête de soins de santé pour éviter les contagions d’infections sexuellement transmissibles (Hennebry, Grass et Mclaughlin, 2016). Les migrants LGBTI sont aussi susceptibles d’être confrontés à des discriminations supplémentaires, les empêchant d'accéder aux services de santé. La combinaison de tous ces facteurs peut avoir de graves conséquences : les migrants peuvent se voir refuser l’accès aux services essentiels de prévention de santé, au suivi médical des grossesses, aux soins d’urgence lors de l’accouchement, aux besoins associés à la violence basée sur le genre (VBG), à la santé mentale, à la phase de transition pour les personnes s’identifiant comme transgenre, ainsi qu’à d’autres conditions médicales, dont le VIH/SIDA.

L’accès aux systèmes de santé peut être restreint sur la base du statut migratoire ou professionnel. Les migrants ayant un statut irrégulier sont susceptibles de ne pas être autorisés à avoir accès aux systèmes de santé. De même, les personnes travaillant dans le secteur informel n’ont généralement pas accès aux systèmes à disposition des autres travailleurs. Ces obstacles impactent de manière disproportionnée les femmes migrantes qui ont davantage de besoins spécifiques en matière de santé sexuelle et reproductive. En l’absence d’accès aux soins de santé, les femmes migrantes sont contraintes de se débrouiller seules soit en passant par des cliniques non réglementées, soit grâce à des informations qu'elles se partagent entre elles (Hennebry, Williams and Walton-Roberts, 2016). Les travailleurs migrants sont également exposés aux risques d’accidents du travail en raison de la nature genrée de leur activité professionnelle dans la production lourde, souterraine et/ou en hauteur.

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Policy Approaches
Pare-feu

Mettre en place des « pare-feux » afin de séparer l'application des lois sur l’immigration de l’accès aux services publics, notamment des services de santé, pour favoriser l'accès des femmes migrantes à ces services sans crainte d’être arrêtées ou déportées.

Source

Secrétariat Général des Nations Unies, 2017.

Lorsque l’accès aux soins de santé est négocié par le biais des employeurs, il est particulièrement délicat d’y accéder pour les travailleuses migrantes ayant des employeurs et supérieurs masculins en lieu d’intermédiaires (Hennebry, Williams et Walton-Roberts, 2016). Seul un nombre limité d’études ont été effectuées sur les effets du genre sur l’accès aux soins de santé ; cependant, il a été mis en évidence que les soins de santé peuvent être refusés sur la base de la perception erronée selon laquelle les migrants ne seraient pas capables de payer leurs frais médicaux. Cette problématique de l’accès concerne aussi bien les femmes que les hommes migrants (Lee et al., 2014). L’information est également importante. Ne pas être informé sur les options de paiement, les manières d’obtenir des soins de santé abordables ou d’accéder à une assurance sont des problèmes qui peuvent affecter les hommes comme les femmes parmi les migrants.

L’accès aux soins de santé mentale est encore difficile dans de nombreux pays. Les besoins en santé mentale des migrants ne doivent pas être pris à la légère, que ce soit pour les hommes qui subissent de la violence et de la maltraitance dans des secteurs particulièrement masculins ou devant faire face à des pressions accrues pour subvenir aux besoins de leur famille, ou pour les femmes qui travaillent dans des secteurs isolés ou confrontées à des problèmes de séparation. L’accès aux soins de santé mentale reste toutefois compliqué. L’isolement et le manque d’inclusion sociale peuvent avoir une incidence négative sur la santé mentale, ce qui peut devenir un obstacle pour l’accès aux services nécessaires, aggravant ainsi le problème (Organisation mondiale de la Santé [OMS], 2018). De plus, la stigmatisation des problèmes de santé mentale chez les hommes et les garçons peut les retenir de chercher de l'aide (voir le « Santé et migration »).

Good Practice
Réseau de santé des migrants aux Philippines

En 2013, le Département de la Santé des Philippines, en collaboration avec l’OIM, a mis en place le Réseau multipartite de santé des migrants afin d’améliorer l’accès aux services de santé de qualité pour les travailleurs migrants à l’étranger et pour renforcer les dispositions réglementaires des services de santé. Une attention particulière a été portée aux questions sexospécifiques, notamment pour les droits des travailleuses domestiques.

Tous les ans, le réseau rassemble des fonctionnaires, des universitaires, des organisations internationales, des organisations non gouvernementales, des associations de migrants et le secteur privé pour discuter de la santé des migrants dans le pays. Ces discussions ont posé les fondations du développement et de la mise en œuvre de politiques et de programmes autour du sujet de la santé des migrants dans le pays.

Source

Organisation mondiale de la Santé (OMS), 2017.

Retour et réintégration

Les expériences sexospécifiques de la migration influencent aussi le retour des hommes et des femmes dans leur pays d’origine. Par exemple, le retour des migrants dans le secteur informel peut être nécessaire en raison d'un retour forcé, de la crainte d’être arrêté, de conditions non protégées ou d’exploitation. Cette situation peut affecter de manière disproportionnée les femmes migrantes si des facteurs restreignent leur accès à la migration régulière vers le secteur formel. Dans les situations de déplacement, le retour peut à nouveau être dicté par des notions sexospécifiques de sûreté et de sécurité, le retour étant alors vu comme l’occasion de se reconstruire ou de se réinstaller.

Le retour et la réintégration des migrants peuvent entraîner une perturbation et un bouleversement dans les équilibres de genre dans les communautés d’origine, surtout si les normes sexospécifiques ont changé suite à la migration. En effet, il se peut que les hommes prennent plus de responsabilités familiales, ou que les femmes prennent plus le contrôle des ressources économiques (Hennebry, Grass et Mclaughlin, 2016). Ils peuvent affronter des problèmes physiques et/ou psychologiques, ainsi que la stigmatisation (Brunovskis et Surtees, 2012).

La réintégration de ces personnes requiert un éventail de services différenciés et un soutien spécifique qui manque souvent (voir « Retour et réintégration des migrants »). Les services qui prennent en compte les éléments sexospécifiques de la migration peuvent favoriser une réintégration pérenne. Il est également important de développer des stratégies de sensibilisation, et de rassurer les migrants de retour sur le fait qu’il est acceptable de chercher du soutien après des expériences migratoires négatives ou d’exploitation. Les hommes et les garçons en particulier hésitent à faire remonter de tels incidents en raison de menaces ressenties de stigmatisation, d’échec ou de faiblesse (Maulik et Petrozzielo, 2017).

Policy Approaches
Assistance sexospécifique aux migrants de retour dans leur pays d'origine
  • S’assurer que les services de réintégration tiennent compte de la dimension de genre en fonction des circonstances spécifiques du retour des migrants (femmes, hommes ou non-binaires).
  • Procéder à une évaluation des compétences des travailleurs retournant dans leur pays d’origine, afin d’assurer une réintégration réussie permettant de valoriser au maximum les nouvelles compétences acquises. S’assurer que tous les groupes sexospécifiques participent aux diverses mesures et en bénéficient vraiment.
  • Proposer des formations professionnelles ainsi que des services de réintégration sexospécifiques. Par exemple, les femmes migrantes qui retournent dans leur pays pourraient bénéficier d'un capital d’amorçage leur permettant de créer une entreprise et ainsi d'avoir conscience qu’il existe une vie après la migration.
  • Fournir des services psychosociaux et des prestations de conseil non seulement aux femmes, mais aussi aux membres d’autres groupes sexospécifiques parfois moins enclins à signaler des expériences de migration négatives ou abusives de peur d’être stigmatisés.
Messages clés
  • Les femmes migrantes tendent à avoir des besoins sexospécifiques en termes de services de santé et de protection sociale (tels que les questions de santé reproductive) et plus de responsabilités au sein de la famille. Cependant, elles sont plus susceptibles d’être exclues de l’accès aux assurances et à la protection sociale, soit parce qu’elles ne travaillent pas, soit parce qu’elles travaillent dans des secteurs qui ne proposent pas d’avantages formels.
  • Les types de déplacement, la langue, la discrimination et les perceptions peuvent créer des obstacles à l’accès aux services fondés sur le genre.
  • Les migrants font face à de nombreux problèmes structurels quand ils tentent d’accéder aux services à leur retour dans leur pays d’origine. Il s'agit notamment de surmonter les traumatismes liés au genre vécus durant la migration, et faire reconnaître les compétences acquises à l’étranger, en particulier dans les secteurs d’emploi féminisés.