Face au défi que pose la gestion des voyages pendant une pandémie, les gouvernements ont adopté diverses mesures. L’une des premières a été la fermeture des frontières, ou – tout du moins – la surveillance stricte des mouvements transfrontaliers, accompagnée de mesures de dépistage sanitaire (pour plus d’informations, voir la section sur la gestion des frontières et la santé en temps de pandémie et les enseignements tirés de la COVID-19).
Ces restrictions et fermetures ont eu des conséquences immédiates sur le traitement, la délivrance et le suivi des visas et des permis de séjour. Elles ont aussi nécessité une coordination des opérations de contrôle aux frontières et des dispositions en matière de santé et d’assainissement. Les répercussions à plus long terme sont plus difficiles à évaluer, mais certaines tendances se dessinent déjà. Il apparaît clairement, par exemple, que les pays accueillant traditionnellement un grand nombre de migrants vont avoir des difficultés à atteindre les objectifs ou les plafonds fixés dans leurs programmes au cours des années à venir. On estime qu’en raison des restrictions liées à la pandémie, la migration étrangère nette de l’Australie va s’effondrer, passant de 154 000 migrants en 2019-2020 à 34 000 en 2020-2021 (Gouvernement australien, Ministère de l’intérieur, 2020 ; Premier Ministre australien, 2020). Seulement 184 000 nouveaux résidents permanents sont entrés au Canada en 2020, soit tout juste plus de 50 % des 341 000 personnes escomptées au début de l’année (Agopsowicz, 2021). Il est utile de noter, toutefois, que les deux pays ont fait part de leur intention de réaugmenter rapidement ces chiffres une fois la crise liée à la COVID-19 terminée. Le secteur international de l’éducation a été touché tout aussi durement. Des centaines de milliers d’étudiants ont dû interrompre leurs études pendant que leurs établissements ont dû faire face à des déficits financiers inattendus, lesquels, à leur tour, tirent les économies nationales vers le bas (Thatcher et al., 2020).
Les gouvernements ont répondu à ces difficultés de nombreuses manières, mais deux grandes approches complémentaires se dégagent, ayant toutes deux des conséquences pour d’autres secteurs et appelant par conséquent des efforts conjoints entre différents organismes gouvernementaux (notamment les départements de l’intérieur, de la migration, des affaires étrangères et de la santé) et, dans la mesure du possible, entre gouvernements de pays reliés par un itinéraire de voyage international. Les deux approches en question sont les suivantes :
- Suspension et/ou forte restriction de la délivrance de visas ou des droits d’entrée. Ces mesures ciblent les personnes en provenance de zones ou de pays « sensibles » connus, ou – moins fréquemment – les ressortissants de certains pays, bien que la justification du ciblage dans le second cas ne soit pas toujours apparente à première vue. Ces restrictions ne s’appliquent pas aux nationaux qui retournent dans leur pays, car le retour au pays est un droit reconnu par le droit international, même si les intéressés doivent généralement se soumettre à un dépistage de la COVID-19 et/ou à une quarantaine. Pour les non-ressortissants, il n’y a pas eu d’approche uniforme mais des dispositifs mis en place essentiellement de façon ad hoc pour répondre à des besoins précis ou à des situations particulières. Dans le cas de l’Australie, par exemple, des visas peuvent être accordés aux ressortissants étrangers possédant des compétences essentielles, au personnel militaire ou aux étudiants terminant leurs études. De l’autre côté de la planète, les chauffeurs routiers n’ont pas été soumis à l’interdiction des voyages transfrontaliers entre le Canada et les États-Unis mise en place en raison de la COVID-19, afin de maintenir la circulation de marchandises entre les deux pays (Gouvernement canadien, 2021). De nombreux pays dépendant de longue date du travail saisonnier (Allemagne, Australie, Canada, Italie, Pologne et Royaume-Uni, entre autres) ont aussi mis en place rapidement des programmes de travail temporaire pour soutenir l’activité agricole pendant la pandémie (pour plus d’informations, voir la section sur la migration de main-d’œuvre en temps de pandémie et les enseignements tirés de la COVID-19).
- Gestion des répercussions sur les populations de migrants résidents. En règle générale, les migrants possédant un droit permanent de résidence bénéficient de protections équivalentes ou comparables à celles dont jouissent les nationaux. Les résidents temporaires (et les migrants dépourvus de documents, en particulier) sont souvent « pris au piège », dans les faits, par la fermeture des frontières et l’expiration de leur visa ou de leur permis de séjour. Sans une aide ciblée, les migrants risquent de souffrir de multiples vulnérabilités : en temps de crise économique, ils sont souvent parmi les premiers travailleurs à être licenciés, et même s’ils ne perdent pas leur emploi, ils peuvent subir des réductions de salaire, voire ne pas être payés du tout ; ils peuvent aussi être victimes de discrimination et de xénophobie. L’inaction n’étant pas envisageable, les gouvernements ont expérimenté diverses possibilités (voir la section sur la migration de migration de main-d’œuvre en temps de pandémie et sur les enseignements tirés de la COVID-19).
Il convient de garder à l’esprit que la pandémie de COVID-19 a obligé les décideurs du domaine de la migration à faire face à des défis jamais vus auparavant dans un contexte de santé publique en constante évolution. La situation a considérablement évolué depuis l’apparition du virus sur la scène mondiale. Elle continue d’évoluer, souvent de manière imprévisible. Dans de nombreux pays, on a observé plusieurs cycles de propagation rapide, d’atténuation efficace et de résurgence des contaminations. Du point de vue de la gestion des migrations, les gouvernements n’ont guère eu d’autre choix que de suivre de près la situation et d’adapter leurs réponses politiques.