Pour traiter les facteurs économiques, politiques, environnementaux et sociaux qui impactent la santé des migrants et les processus migratoires, il est nécessaire de mettre en place des mesures intersectorielles ciblant à la fois les causes au niveau sociétal et leurs conséquences en matière de santé. Par conséquent, il importe de développer et de renforcer les partenariats multisectoriels. Ces types de partenariats permettent d’identifier les principaux enjeux en matière de santé dans le contexte migratoire, ainsi que de promouvoir et de mettre en œuvre des initiatives dans ce domaine.
Le plan de santé dans le contexte migratoire doit être conforme aux principaux cadres d’orientation, notamment aux résolutions de l’Assemblée mondiale de la santé (AMS), au plan d’action mondial de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), aux ODD et au Pacte mondial sur les migrations, ainsi qu’aux cadres internationaux relatifs aux droits de l'homme, abordés précédemment dans ce chapitre (pour en savoir plus sur la législation et les principes internationaux, voir Instruments, initiatives et dialogues Internationaux).
Ci-dessous les étapes et actions recommandées pour collaborer avec le ministère de la santé à l'élaboration d'un plan national de santé dans le contexte de la migration au niveau national. Elles permettent de s’orienter dans le processus et s’appliquent, le cas échéant. Elles s’enchaînent ou se superposent, selon les besoins identifiés dans le contexte national et en fonction du déroulement du processus..
- Identifier les services existants, les politiques, les expériences et les acteurs pertinents dans le domaine de la santé avant l'atelier.
- Réunir les ministères jouant un rôle fondamental en matière de santé dans le contexte de la migration - santé, affaires étrangères, travail, immigration, protection sociale, etc. - et les représentants de la communauté des migrants, des Nations Unies (y compris l'Organisation mondiale de la santé [OMS] et l'OIM), et les organisations non gouvernementales (ONG) partenaires, ainsi que les universitaires travaillant sur les questions relatives aux migrants.
- S’inspirer des principaux cadres d’orientation pour préparer l’atelier (tels que le Plan d’action mondial de l’OMS pour promouvoir la santé des réfugiés et des migrants).
- Sujets de discussion possibles :
- Les enjeux liés à l'intégration des migrants dans les systèmes et services de santé ;
- Les enjeux liés à la gestion de la migration des professionnels de la santé;
- Les inégalités sanitaires existantes et les problèmes d'accès aux services de santé rencontrés par les migrants internationaux, les migrants nationaux à l'étranger, les familles restées au pays et les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays (PDI).
- Identifier les priorités en matière de soins de santé à inclure dans le plan.
Un atelier consultatif réunissant les diverses parties prenantes au niveau national offrira la possibilité d’identifier les priorités et les besoins en matière de santé dans le contexte migratoire. Les priorités et besoins identifiés peuvent être utilisés afin d’élaborer un plan de recherche en matière de santé dans le contexte migratoire, qui contribuera lui-même à affiner l’élaboration de politiques et programmes fondés sur des données probantes, à prendre des décisions éclairées et à orienter les futurs programmes. Les ministères de la Santé (idéalement en collaboration avec d’autres ministères) peuvent ensuite s’appuyer sur les résultats des consultations nationales pour identifier les principaux domaines de recherche, les sujets à traiter ainsi que les mécanismes permettant d’encourager les études sur l’action publique.
- Élaborer un plan de recherche afin d'identifier au mieux les domaines d'action en matière de santé des migrants, en commençant par identifier les principaux domaines de recherche, les questions de recherche et les mécanismes de pilotage de la recherche.
- Collecter des données sur les différents aspects de la santé des migrants, y compris les comportements des migrants dans leur recherche de services de santé et leur utilisation de ceux-ci, ainsi que leur état de santé. Il peut être utile de débuter par une évaluation de la situation et une analyse des lacunes afin de générer des informations et d'inclure des approches participatives.
- Garantir la comparabilité des données sur la migration et la santé en utilisant des indicateurs clés acceptables et utilisables dans tous les pays (c'est-à-dire des variables normalisées).
- Ventiler les données afin de comprendre la diversité de la population (par sexe, âge, statut migratoire, notamment).
- Intégrer les variables liées à la migration et à la santé (le cas échéant) dans les mécanismes nationaux et internationaux de collecte de données tels que les recensements, les statistiques nationales, les enquêtes sanitaires ciblées et les systèmes d'information sanitaire de routine.
- Diffuser des informations sur l'état de santé des migrants afin de promouvoir les bonnes pratiques en matière de santé des migrants.
Plus de détails sur le renforcement de la base de données probantes au Données, études et analyses dans le cadre de l'élaboration d’une politique.
- Abubakar, I. et al., The UCL–Lancet Commission on Migration and Health: The health of a world on the move, 2018.
La mise en place d’une unité ou d’un interlocuteur dédié(e) à la question « Santé et Migration » au sein du ministère de la santé est l’un des mécanismes possibles pour soutenir le développement et la mise en œuvre d’un plan complet, fondé sur des données probantes en matière de santé dans le contexte migratoire. Un tel mécanisme présentera de multiples avantages :
- Renforcement de la capacité du ministère de la Santé à transmettre les connaissances sur les problématiques liées à la santé dans le contexte migratoire ;
- Constitution d'un registre commun pour tous les supports de planification et documents techniques pertinents ;
- Faciliter l’indispensable coordination interministérielle ;
- Traiter les problématiques identifiées en matière de santé dans le contexte migratoire ;
- Garantir la continuité et de la durabilité de l’initiative à l’avenir.
Le type de mécanisme de coordination dépendra de la structure et des ressources disponibles au sein du ministère de la santé. Idéalement, il permet de faire avancer les choses, tout en favorisant l’appropriation du processus.
Après avoir convenu d'un plan national de santé dans le contexte migratoire qui soit conforme aux principaux cadres (voir le cadre et le plan d’action mondial sur la promotion de la santé des réfugiés et des migrants dans Initiatives et engagements dans ce chapitre pour consulter les composantes du plan), le gouvernement et les parties prenantes ont plusieurs façons de l’adopter. Par exemple, par l’élaboration d'un plan d’action, ou encore d’un plan national stratégique ou politique. Il importe de souligner qu’une consultation pluripartite est essentielle pour identifier les priorités intersectorielles qu'il convient d’envisager. L'objectif ultime de cette procédure est de permettre au ministère de la Santé de s’appuyer sur des actions et des expériences préalables pour :
- élaborer une politique complète de santé dans le contexte migratoire ;
- développer des programmes durables tenant compte des migrants ;
- inclure les migrants dans les politiques de santé nationale existantes (ainsi que dans les autres stratégies et politiques applicables) ;
- prendre en compte les problématiques de santé dans les stratégies migratoires.
Dans chaque pays, l’adoption de politiques logiques et cohérentes répondant aux besoins des divers types et phases de migration contribuera à l’harmonisation du système national de gestion des migrations.
Parce qu’elle requiert l’intervention de nombreux acteurs, la mise en œuvre du plan de santé dans le contexte migratoire se déroulera vraisemblablement en plusieurs étapes distinctes. Dès que possible dans le processus, il conviendra de déployer de solides stratégies pour assurer cette mise en œuvre. Ces stratégies devront définir les priorités, déterminer les ressources nécessaires, identifier les rôles institutionnels et organisationnels, et fixer les cadres permettant de gérer et de mettre en œuvre les interventions prioritaires. Ces interventions varieront en fonction du système de santé, des structures gouvernementales, ainsi que d’autres contextes propres au pays ou à la région, en sachant qu’elles devront être suffisamment flexibles pour s’adapter aux évolutions des dynamiques migratoires. Les stratégies devront également déterminer les impacts et résultats dont chaque partie prenante sera responsable, ainsi que les indicateurs de suivi et les mesures de limitation des risques.
Le suivi et l’évaluation sont essentiels pour permettre de mesurer l’efficacité du plan de santé dans le contexte migratoire et de sa mise en œuvre. Il convient de décider de l’approche de suivi en amont, avant la mise en œuvre, et en fonction des objectifs. Et pour assurer une responsabilisation, il pourrait être judicieux de recourir à une structure de gouvernance pour suivre les progrès accomplis, dans l’idéal, conjointement avec les mécanismes de coordination de la santé des migrants décrits ci-dessus.
- OIM et al., Intégration de la migration dans les interventions de santé : une boîte à outils pour les acteurs de la coopération internationale et du développement, 2022. L’objectif de cette boîte à outils est de fournir des conseils pour intégrer la migration dans les programmes et les projets axés sur la santé. Elle propose des activités et des outils aux experts de la coopération au développement qui travaillent dans le domaine de la santé pour les aider à tirer parti des opportunités offertes par la migration, pour répondre aux problèmes que la migration peut poser et les atténuer, et pour renforcer la protection des droits des migrants et de leurs familles.
- Les problèmes de santé liés à la migration ne peuvent être résolus par le seul secteur de la santé La migration et la santé sont inextricablement liées à d'autres politiques en matière de développement, de politique étrangère, de sécurité, d'emploi à l'étranger et d'environnement. Les solutions nécessitent la mobilisation de parties prenantes multisectorielles, ainsi que des politiques cohérentes et coordonnées.
- Pour « ne laisser personne de côté », la meilleure pratique consiste à élaborer un plan de santé en matière de migration au niveau national, ainsi que des systèmes de santé inclusifs et qui tiennent véritablement compte des migrants, et des politiques efficaces, durables et coordonnées avec d'autres secteurs politiques.
- Pour élaborer et renforcer des politiques et des interventions fondées sur des données probantes, il est essentiel de collecter des données sur la santé des migrants qui soient comparables et différenciées selon le genre. L'élaboration d'un plan de recherche sur la santé permet de mieux comprendre les réalités et les besoins et d’étayer ainsi l'élaboration des politiques.
- La santé des migrants est une question de responsabilité et d'intérêt partagés qui dépasse les frontières nationales. Une gestion régionale et mondiale est nécessaire, de même que des interventions spécifiquement axées sur les populations migrantes et mobiles afin d'améliorer la santé des migrants et de la communauté d'accueil, tout en garantissant des migrations sûres et ordonnées.