Les mouvements résultant de facteurs environnementaux sont dépendants du contexte, mais certaines tendances permettent de préparer des réponses efficaces et durables. Par exemple, la migration environnementale tend à suivre les routes migratoires existantes.

Étant donné la diversité des situations, il n’existe pas de cadre d’approche politique tout prêt pour gérer la mobilité humaine dans le contexte des catastrophes et du changement environnemental. Les réponses politiques doivent être adaptées aux types de phénomènes environnementaux et migratoires, en fonction du lieu et du moment où ils se manifestent.

Simultanément, les réponses politiques doivent être d’une envergure suffisante pour couvrir l’ensemble du spectre de la mobilité humaine (y compris les personnes qui ne se déplacent pas). Comme étudié de manière plus détaillée au paragraphe suivant, les politiques sont le plus efficaces lorsqu’elles relient plusieurs secteurs et niveaux de gouvernance, et qu’elles sont mises en œuvre simultanément dans le cadre d’une approche coordonnée et globale. En effet, la migration environnementale a des liens avec divers domaines politiques, notamment la diminution des risques de catastrophe, la réponse humanitaire, la planification du développement, la gestion de l’environnement et l’adaptation au changement climatique.

Les options politiques présentées ici ont vocation à assister les décideurs politiques dans l’identification d’approches proactives aux différents défis et opportunités.

Minimiser les déplacements et y répondre

Les personnes peuvent être contraintes de partir du fait de catastrophes soudaines ou de catastrophes à évolution lente. La majorité des catastrophes se produit dans un environnement fragile, où la dégradation des ressources environnementales et naturelles alimente souvent des conflits existants ou latents et où les effets des aléas sont plus graves et plus durables pour les personnes les plus vulnérables. Des mesures de réduction des risques de catastrophe (DRR) et d’adaptation au changement climatique peuvent réduire l’impact des aléas naturels et d’origine anthropique sur les populations humaines, réduisant de ce fait les risques de déplacement ou imitant les effets du déplacement quand il a réellement lieu.

L’amélioration des moyens de subsistance constitue un facteur essentiel pour renforcer la résilience des communautés vulnérables confrontées à des défis environnementaux. Il s’agit souvent d’un aspect important de l’adaptation au changement climatique, typiquement (mais pas exclusivement) dans les régions rurales. Ces mesures peuvent comprendre l’introduction de variétés de culture adaptées aux conditions locales, la promotion de la diversification durable des revenus ou la mise à disposition de formations pour l’acquisition de compétences pertinentes.

Grâce aux mesures de préparation à la gestion des catastrophes, il est possible de s’assurer que les déplacements, lorsqu’ils surviennent, soient moins susceptibles d’entraîner des situations d’extrême vulnérabilité pour les personnes déplacées. Au nombre des éléments clés de la préparation à la gestion des catastrophes figurent des systèmes d’alerte précoce, des plans d'évacuation et la constitution de stocks (pré-positionnement stratégique d’approvisionnement d’urgence). En outre, il existe de nombreuses façons de s’assurer que les réponses humanitaires fournissent une aide efficace aux populations déplacées. De plus amples détails sur la prévention et la préparation, la réponse humanitaire et les solutions durables au déplacement se trouvent au Prévention, préparation et réduction des risques.

Policy Approaches
Aborder les interconnexions entre le déplacement et les changements environnementaux et climatiques

L’équipe spéciale chargée des déplacements de l’UNFCCC (2018b) a recommandé que les États envisagent les mesures suivantes :

  • adopter des législations, politiques et stratégies nationales et infranationales qui reconnaissent les catastrophes, les effets négatifs du changement climatique et de la dégradation environnementale comme facteurs déclencheurs de la migration ;
  • d’améliorer les études, la collecte de données, l’analyse des risques et le partage d’informations ;
  • de renforcer l’état de préparation, y compris les systèmes d’alerte précoce, la planification d’urgence, les plans d’évacuation, et les stratégies et plans de renforcement de la résilience ;
  • intégrer les défis et opportunités de la mobilité humaine dans le processus de planification nationale ;
  • assister les personnes déplacées à l’intérieur des frontières ;
  • faciliter la migration et la mobilité sûres, régulières et responsables des personnes touchées par les effets négatifs du changement climatique, au cas par cas et conformément aux lois et politiques nationales.

Afin d’optimiser les efforts de minimiser les déplacements causés par les catastrophes environnementales et y répondre, envisager des mesures centrées sur le développement, y compris celles proposées par l’équipe spéciale chargée des déplacements de l’UNFCCC :

  • intégrer la réduction des risques de catastrophe (DRR) au sein des programmes d'action nationaux pour l'adaptation (NAPA) au changement climatique et dans le cadre d’une action humanitaire, en particulier sur le plan d’une reconstruction plus solide ;
  • soutenir, le cas échéant, les moyens de subsistance des personnes et communautés afin de leur permettre d’investir dans des habitations ou des matériaux de meilleure qualité dans le but d’améliorer la protection des foyers en cas de catastrophes, notamment inondations et les tempêtes ;
  • intégrer les RRC dans les documents de stratégie de réduction de la pauvreté du pays, les plans nationaux pour le développement, et dans les plans/stratégies d’assistance des pays donateurs

Sur la réduction des risques de catastrophe, le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe propose des conseils utiles :

  • faire participer les intervenants concernés, y compris [...] les migrants [...]  à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques, plans et normes (Paragraphe 7).
  • Habiliter les autorités locales, selon qu’il convient, en leur donnant des moyens réglementaires et financiers d’agir en collaboration et en coordination avec [...] les migrants pour gérer les risques de catastrophe à l’échelle locale. (Paragraphe 27(h)).
  • développer des initiatives pour impliquer les migrants et qu’ils contribuent à la résilience des communautés et des sociétés et leurs connaissances, leurs compétences et leurs capacités peuvent s’avérer utiles pour l’élaboration et l’application des mesures de réduction des risques de catastrophe. (Paragraphe 36(a)(vi)).
  • élaborer des mesures pour se préparer et gérer adéquatement la mobilité humaine liée aux catastrophes (autant à l’intérieur qu’au-delà des frontières nationales) (Paragraphe 36(a)(vi)).
  • promouvoir la prise en compte systématique des évaluations de risques de catastrophe dans l’élaboration et l’application des politiques d’occupation des sols, [...] ainsi que l’utilisation de directives et d’instruments de suivi reposant sur les changements prévus en termes démographiques et environnementaux. (Paragraphe 30(f)).

 

To Go Further

Pour répondre à la complexité des schémas migratoires et de la vulnérabilité causés par des catastrophes à évolution rapide ou lente, le COCM associe les activités humanitaires et les services de gestion de la migration de l’OIM dans 15 secteurs d’assistance, et agit dans les domaines de la préparation avant les crises, des interventions d’urgence et de la reconstruction d’après-crise.

Facilitation de la migration liée aux changements environnementaux

Il a été démontré que la migration destinée à quitter les zones à risque ou impactées par des catastrophes ou un stress environnemental peut aider les familles et les communautés à prévenir les effets des aléas environnementaux, à y faire face et à les surmonter (Oakes, Banerjee and Warner, 2019). À ce jour, rares sont les pays qui envisagent spécifiquement de faciliter la migration volontaire en tant que mesure de résilience et d'adaptation. Comme nous l’avons vu au paragraphe Migration dans le contexte des changements environnementaux de ce chapitre, la migration peut, dans le contexte des changements environnementaux, participer à :

  • Réduire le nombre de personnes exposées aux aléas locaux ;
  • Réduire l’utilisation des écosystèmes et des ressources naturelles locaux et les pressions auxquelles ils sont soumis, en particulier en présence de problème de stress environnemental ;
  • Diversifier et renforcer les moyens de subsistance (Melde et Lee, 2017; Warner et al., 2012; Foresight, 2011) ;
  • Accéder à des rapatriements de fonds, lesquels peuvent être investis dans la réduction des risques et le renforcement de la résilience face aux changements environnementaux et climatiques ;
  • Accéder à des réseaux capables de fournir assistance et soutien en cas de besoin ;
  • Accéder à des opportunités d’éducation et d’amélioration des compétences, ce qui peut participer aux pratiques d’adaptation à court et long termes dans les régions d’origine par le biais de transfert de connaissances et de changements culturels.

Faciliter la migration (notamment par le biais de programmes de développement des compétences) peut nécessiter de simplifier la migration autonome des personnes, de concevoir des interventions spécifiques conçues pour faciliter et soutenir les mouvements (par exemple, les programmes de migration de main-d’œuvre temporaire et circulaire) ou de mettre en œuvre des mesures visant à maximiser les avantages que les migrants et leur famille tirent de la migration (tels que la réduction des coûts d’envoi des rapatriements de fonds) (TransRE Project/Université de Bonn, 2018).

Un éventail de politiques devrait être axé sur la facilitation du choix de migrer. Cependant, il faut que cette approche soit équilibrée et qu’elle prenne en compte les points suivants :

  • Les possibles coûts sociaux de la migration, notamment la fuite des cerveaux et les effets du « travail perdu » sur les communautés d’origine (voir par exemple McLeman, Schade et Faist, 2016).
  • La nécessité pour les réponses politiques tâchant de faciliter la migration environnementale de s’intégrer dans une approche globale de la migration, étant donné le caractère souvent multicausal de la migration que la complexité généralisée d’identification des facteurs environnementaux.
To Go Further

Skills training

A significant constraint to migration from areas most exposed to environmental stressors, especially in rural settings, is the lack of education and skills to access alternative employment. New skills can help would-be migrants undergo the journey and/or adjust in the destination.

Strengthening education systems and access to vocational training is thus an indirect but potentially effective way to facilitate migration as adaptation. Interventions can be targeted to benefit particularly vulnerable groups (such as trapped populations, or pastoralists) and areas (for instance, drylands, mountain regions, or low elevation coastal zones).

La simplification de la mobilité interne

Comme dans le cas de la migration internationale, le fait de faciliter la migration interne peut aider les populations à quitter des zones à risque.

Les défis principaux posés aux décideurs politiques dans le cadre de la migration rurale–urbaine se situent dans le domaine politique de la planification urbaine et de la cohésion sociale. De nombreuses personnes s’éloignant de pressions environnementales se rendent vers des villes où ils sont exposés à d’autres risques environnementaux, notamment à des glissements de terrain et des crues soudaines (Foresight, 2011). Certaines des villes dont la croissance est la plus rapide se situent dans des zones côtières de faible élévation, où la montée du niveau de la mer est synonyme de menaces supplémentaires telles qu’inondations, salinisation des nappes phréatiques et risques accrus de marées de tempêtes.

En outre, la migration rurale-urbaine à grande échelle peut exercer une pression extrême sur les ressources existantes et être à l’origine d’une expansion urbaine dans des zones sujettes aux risques environnementaux. Les manquements liés à la planification de l’utilisation des terres, la disponibilité de logements, les infrastructures publiques (telles que les réseaux de distribution d’eau, les réseaux électriques, les réseaux routiers) et l’accès aux services publics risquent d’affecter les migrants de manière disproportionnée. La déforestation pour l’installation de logements de fortune en périphérie urbaine, dans des zones tampons écologiques, peut aggraver l’exposition aux risques environnementaux tels que les inondations et les glissements de terrain, ce qui se révélera particulièrement problématique pour des régions au taux d’urbanisation relativement élevé, notamment en Afrique subsaharienne et en Asie.

Des politiques qui s’assurent

Article / Quotes

que les moyens de subsistance des migrants ne soient pas plus fragiles que ceux des populations établies pourraient permettre à ces derniers de mieux s’intégrer dans les sociétés locales et de profiter d’opportunités de se constituer des moyens de subsistance économiques sûrs, avec pour résultat la transformation de l’économie locale

Source

Foresight, 2011: 182.

Les migrants peuvent, par ailleurs, « circuler » entre des environnements ruraux et urbains, ce qui a comme avantage de maintenir des liens solides avec leur famille dans la zone rurale d’origine (voir plus d’informations sur la Migration circulaire). Ce type de migration qui prévaut dans de nombreux pays africains et asiatiques peut avoir un impact important : renforcement de la résilience aux changements environnemental et climatique, et, à plus long terme, impact positif sur le développement des régions d’origine, souvent rurales. La résilience est un concept clé dans ce contexte, et s’il est bien défini, il peut être utilisé dans tous les domaines de la politique migratoire, du développement et de l’environnement.

Good Practice
Zones urbaines résilientes au climat et favorables aux migrants au Bangladesh

Une manière de faciliter les voies de migration est de créer des villes attrayantes. Au Bangladesh, des parties prenantes gouvernementales et non-gouvernementales ont identifié un peu partout dans le pays des zones urbaines susceptibles d’être transformées en villes et villages résilients au climat et favorables aux migrants. L’objectif était d’anticiper et de soulager la pression urbanistique croissante à Dacca en prévision de l’arrivée de populations cherchant à éviter les effets négatifs du changement climatique. Préparer les villes et villages à recevoir des migrants nécessite de se pencher sur les aspects sociaux de afflux de migrants, tels que la lutte contre les préjugés de la communauté d’accueil à l’égard des nouveaux arrivants. Il convient également de s’occuper des aspects matériels du problème, entre autres, de l’offre de moyens de subsistance et de logements.

Source

OIM (source interne) ; Shafiqul Alam et al., 2018.

Plus de détails sur la simplification de la mobilité interne au paragraphe liens entre migration systématique et développement.

La simplification de la migration internationale 

Bien que moins fréquents que les mouvements internes, les déplacements internationaux devraient gagner en importance sur le long terme, surtout au niveau régional. Lorsque des personnes ne sont pas en mesure de s’adapter à l’endroit où elles séjournent, ou lorsqu’aucun retour n’est possible après des catastrophes, il deviendra essentiel, pour la gestion des migrations, de renforcer//de développer des voies de migration régulière. L’objectif 5 du Pacte mondial pour la migration reconnaît cette nécessité : « Faire en sorte que les filières de migration régulière soient accessibles
et plus souples », ainsi que l’objectif 2 sur les « Catastrophes naturelles, effets néfastes des changements climatiques et dégradation de l’environnement » Il existe un éventail de domaines politiques à explorer en vue de proposer des voies régulières et sûres aux personnes affectées par les changements environnementaux.

Les accords régionaux interétatiques pour la facilitation de la mobilité transfrontalière des personnes (souvent parties intégrantes de cadres régionaux d’intégration à plus grande échelle visant à simplifier la mobilité des biens, du capital, et, à divers degrés, des services) peuvent être très pertinents en cas de migration environnementale, même s’ils ne ciblent pas spécifiquement les migrants environnementaux. (Pour une introduction, voir Accords internationaux, régionaux et bilatéraux.)

Example
Protocole sur la libre circulation des personnes au sein de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) Région

Le Protocole sur la libre circulation des personnes au sein de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), qui compte huit pays de la Corne de l’Afrique, de la Vallée du Nil et des Grands Lacs, a été adopté en février 2020 à Khartoum (Soudan). Il accorde aux citoyens de cette communauté le droit d’entrer, de résider et de s’établir sur le territoire des États membres. Alors que les mouvements transfrontaliers informels au sein de la région sont depuis toujours un phénomène régulier – notamment en réponse aux sécheresses – la formalisation de la mobilité assure un accès plus sûr aux droits.

Les accords régionaux de transhumance sont importants dans certaines régions. Dans le cas des éleveurs, l’efficacité des stratégies traditionnelles de mobilité est de plus en plus mise à mal lorsqu’elles sont confrontées aux effets du changement climatique (sécheresses récurrentes, dégradation des sols), aux restrictions sur l’utilisation des sols et à l’empiétement sur les pâturages (OIM, 2010). Les accords régionaux de transhumance facilitent le mouvement transfrontalier des éleveurs et de leur bétail.

Les programmes bilatéraux ou interétatiques relatifs à la migration de main-d’œuvre temporaire et circulaire (TCLM) ciblant les populations vulnérables dans les zones touchées par les aléas climatiques et les changements environnementaux pourraient utilement soutenir la résilience et l’adaptation, bien qu’il y ait probablement des limites d’échelle.

Good Practice
Régime reconnu des employeurs saisonniers en Nouvelle-Zélande

La Nouvelle-Zélande utilise un programme de migration saisonnière dénommé Régime reconnu des employeurs saisonniers (RSE), permettant aux employeurs des secteurs de l’horticulture et de la viticulture de recruter des travailleurs saisonniers dans certains pays du Pacifique. Le programme RSE a été mis en place en 2007 avec un plafond de 5 000 travailleurs. À cause de l’augmentation de la demande, ce plafond a été relevé d’année en année pour atteindre le chiffre de 12 850 en 2018. Le programme RSE ne cible pas spécifiquement les personnes les plus vulnérables au changement climatique ou autres changements environnementaux dans les pays du Pacifique qui y participent, mais il se concentre sur les pays vulnérables aux aléas climatiques et a pour objectif de soutenir le développement.

Les études commanditées par les autorités néo-zélandaises ont démontré un effet sur le développement des pays analysés (Samoa, Tonga, Vanuatu) : une forte proportion des revenus est envoyée au pays sous la forme de rapatriements de fonds, et ces fonds sont couramment utilisés pour l’investissement dans le logement et l’éducation. De ces études il ressort également qu’un nombre significatif des personnes interrogées déclaraient avoir acquis de nouvelles compétences à l’étranger, qui leur seraient utiles pour la création d’entreprises dans leur pays d’origine.

Source

Gouvernement de la Nouvelle-Zélande, Ministère du Commerce, de l’Innovation et de l’Emploi, n.d.

Des accords interétatiques non réciproques peuvent également faciliter la mobilité comme réponse aux facteurs de stress environnemental. Par exemple, la Nouvelle-Zélande a mis en œuvre un programme d’immigration Catégorie d’Accès au Pacifique (PAC) qui prévoit d’autoriser, chaque année, un certain nombre de personnes à immigrer en Nouvelle-Zélande : 75 pour Kiribati, 75 pour Tuvalu, 250 pour Fidji et 250 pour Tonga. Ces pays sont parmi les plus vulnérables au changement climatique dans le monde.

En répondant aux demandes de main-d’œuvre dans les pays de destination et en facilitant l’adaptation dans les pays d’origine, les canaux et accords migratoires actuels peuvent également absorber la migration environnementale (Banque Asiatique de développement [ADB], 2012). Il est peu probable que de tels cadres ciblent spécifiquement les migrants environnementaux ; ces accords contribuent néanmoins à proposer des options et voies régulières aux personnes confrontées à de graves changements environnementaux.

Les lois, politiques et pratiques de la migration (ou, plus spécifiquement, de l’« immigration ») ont également été utilisées par les États au cas par cas et de manière flexible afin de faciliter la migration des personnes touchées par les aléas environnementaux (Cantor, 2014). Par exemple, en 2012, les États-Unis accordent des visas à un groupe choisi de travailleurs haïtiens peu qualifiés, en guise de soutien suite au tremblement de terre qui a frappé Haïti en 2010 (Cooper, 2012). Ce type de pratiques visant la protection [des populations] comprend des programmes de délivrance//d’attribution de visas, entre autres les visas humanitaires et les visas de réunification familiale mis en œuvre au Canada. Le Gouvernement du Chili fournit un exemple récent, avec l’introduction de visas de réunification familiale délivrés aux citoyens haïtiens dans le cadre de la nouvelle politique migratoire de 2018. Même si elles ne sont pas directement ciblées, les personnes touchées par les aléas environnementaux peuvent bénéficier, dans une large mesure, de l’ouverture de ces canaux réguliers de migration.

Il convient de tenir compte de ces programmes nationaux d’immigration et d’octroi de visas lors des discussions relatives à la facilitation de la migration régulière au départ des pays touchés par les aléas environnementaux. En présence de crises humanitaires, les lois sur l’immigration et l’admission sur le territoire doivent être assez flexibles pour permettre l’entrée dans le pays aux personnes ne répondant pas aux critères d’admission habituellement de rigueur. L’objectif 5 (g) du Pacte mondial pour la migration soutient cette politique par des mesures telles que : « [offrir] à ces migrants des visas humanitaires et des parrainages privés, en donnant à leurs enfants accès à l’éducation et en leur délivrant des permis de travail temporaires tant qu’il ne leur sera pas possible de s’adapter à la situation ou de rentrer dans leur pays d’origine. »

En outre, plusieurs pays ont suspendu temporairement les déportations et le retour de nationaux de pays affectés par les catastrophes. Cette mesure s’applique cependant de manière ponctuelle//sur une base ad hoc, et se limite généralement aux nationaux déjà présents sur le territoire de l'État de destination avant la catastrophe. Après le tsunami de 2004, par exemple, les gouvernements canadien, malaisien et suisse ont suspendu temporairement les retours forcés de demandeurs d’asile dont les demandes avaient été rejetées vers les régions touchées de l’Inde, d’Indonésie du Sri Lanka et de Thaïlande (OIM, 2019).

Les catastrophes déterminent souvent l’activation de lois nationales d’urgence, lesquelles accordent des pouvoirs spéciaux et changent le cours normal des procédures. La connaissance de ces cadres nationaux permet une bonne gestion des déplacements liés aux catastrophes.

Policy Approaches
Mesures facilitant la migration internationale

Améliorer l’accès et la flexibilité des filières de migration, notamment par le :

  • développement des accords interétatiques régionaux facilitant la mobilité transfrontalière des personnes, tels que les accords régionaux sur la transhumance pour les éleveurs ;
  • développement des accords interétatiques non réciproques, notamment sur la migration de main-d’œuvre ;
  • développement des programmes de migration temporaire et circulaire (TCLM) ;
  • mise en œuvre de lois migratoires flexibles, ou délivrance de visas humanitaires et autres visas temporaires visant à faciliter l’entrée ou le séjour pour les citoyens de pays touchés par les catastrophes ;
  • intégration de la planification des politiques migratoires au sein du cadre national d’intervention d’urgence
  • suspension temporaire les retours et déportations vers les pays touchés ;
  • coopération visant à l’identification, au développement et au renforcement des solutions, notamment par le biais des possibilités de réinstallation planifiée et des options en matière de visas dans les cas excluant toute possibilité d’adaptation ou de retour des migrants dans leur pays d’origine.
Source

Source: United Nations General Assembly, 2018 (Pacte mondial pour les migrations, objectifs 2 et 5).

Simplification des rapatriements de fonds et des transferts de compétences

Les rapatriements et remises de fonds sont aussi un mécanisme permettant de renforcer la résilience des familles confrontées aux aléas et changements environnementaux grâce à l’augmentation et la diversification des revenus ainsi que la gestion des risques.

Étant donné le caractère interne de la plupart des migrations effectuées dans le contexte de stress environnemental, il convient d’envisager les remises de fonds, malgré l’absence de données disponibles. Alors que la migration internationale est généralement une entreprise coûteuse, les rapatriements de fonds par les communautés de la diaspora tendent à être également d’un montant plus élevé que les remises de fonds. À la suite d’une catastrophe, les remises et rapatriements de fonds tendent à augmenter et à arriver plus rapidement que l'aide publique. Ces fonds sont indispensables pour satisfaire les besoins de base et procéder à la reprise de l’activité.

En dehors du contexte des catastrophes, les rapatriements de fonds peuvent fournir les moyens de subvenir aux besoins élémentaires lorsque les changements environnementaux rendent les moyens de subsistance moins productifs, notamment quand la variabilité du climat diminue le rendement des récoltes. En outre, les rapatriements de fonds peuvent être investis de manière à renforcer spécifiquement la résilience aux chocs et stress environnementaux, notamment par l’amélioration des habitats précaires ou par l’achat de variétés de cultures céréalières résistantes à la sécheresse. L’utilisation optimale des rapatriements de fonds peut être associée à d’autres programmes ciblant l’adaptation aux changements environnementaux par l'immigration, notamment en promouvant le transfert de compétences dans des domaines pertinents (tels que la gestion des réserves d’eau ou l’agriculture), y compris par l’implication des membres de la diaspora et des migrants de retour.

Good Practice
Utilisation des rapatriements de fonds en vue du renforcement de la résilience

Utilisation des rapatriements de fonds pour l’infrastructure et les services en vue de répondre aux effets des changements environnementaux et climatiques.

Une étude portant sur quarante organisations dans plusieurs régions de France, surtout motivée par la sécheresse au Sénégal dans les années 1970, a étudié la contribution de la diaspora sénégalaise à la mise en valeur des ressources en eau au Sénégal. Les résultats ont montré que certaines organisations percevaient des cotisations pour un « fonds pour l’eau » et que les organisations de migrants avaient intégralement financé 70 % de tous les projets hydrauliques au pays. Près de sept organisations sur dix avaient financé au moins un projet hydraulique entre 1996 et 2000. En outre, les organisations finançaient des services tels que l’éducation et la santé (Champetier et Drevet, 2000: 125).

Utilisation des transferts de compétence en vue de renforcer la résilience

Les jeunes migrants de retour et disposant d’une formation professionnelle ont contribué aux initiatives environnementales dans les pays de la vallée du fleuve Sénégal grâce à leurs connaissances et compétences dans divers domaines dont l’environnement, la gestion des catastrophes, la technologie, les ressources naturelles et les cultures (Mauritanie, Sénégal et Mali) (Scheffran, Marmer and Sow, 2012: 119–127). En Inde, les migrants saisonniers qui se déplacent à l’intérieur des frontières nationales depuis les zones agricoles de l’état oriental de Jharkhand reviennent de leur travail dans le Punjab et le Haryana avec des compétences en techniques agricoles modernes (Deshingkar, 2010).

Plus de détails sur l’importance des rapatriements de fonds et différentes manières de les simplifier se trouvent au Développement et migration.

Réinstallation planifiée

La Réinstallation planifiée peut se révéler être une mesure préventive efficace dans la gestion des risques environnementaux. Lorsque ni l’émigration permanente ni les déplacements récurrents ne peuvent constituer une solution à moyen ou long terme (et lorsque les populations risquent de se voir piégées), la réinstallation planifiée peut s’avérer efficace pour réduire l’exposition des populations vulnérables. Elle peut convenir aux régions à haut risque tant urbaines que rurales, en cas de processus lents de changements environnementaux et de catastrophes aiguës ou récurrentes.

Cependant, parmi les cercles de la recherche et de la politique internationale, il existe un consensus selon lequel la réinstallation doit être une solution de dernier recours, à mettre en œuvre uniquement lorsque les autres options ont été épuisées en raison de la complexité des difficultés en présence :

  • La réinstallation coûte très cher ;
  • Elle peut réduire le capital humain, social et économique des communautés réinstallées comme des communautés d’accueil, entraînant leur appauvrissement et aggravant leur vulnérabilité.
  • Déterminer le point où les terres ne sont plus habitables peut être source de controverses car il existe différentes définitions et perceptions de l’habitabilité ;
  • Le rétablissement de moyens de subsistance sur le lieu de destination, dans un contexte géographique différent, peut être difficile :
  • Le maintien de la cohésion sociale et la prévention de l’aliénation culturelle tout du long du processus est complexe ;
  • Garantir que les droits de toutes les communautés touchées soient respectés peut être difficile, tant au regard des communautés déplacées que des communautés d’accueil.

Avant le départ déjà, encourager les personnes à partir peut constituer un véritable défi. Les pertes financières dans le contexte de la réinstallation peuvent être aggravées par le cadre informel du droit de propriété (propriété légale), ce qui rend la vente de propriétés difficile. Ainsi, une rétribution financière insuffisante peut constituer un facteur important motivant la décision de ne pas migrer. Les populations qui décident de demeurer sur place restent vulnérables et sont de plus en plus exposées aux facteurs de stress environnementaux.

Il existe déjà un certain nombre d’exemples de réinstallations liées à la montée du niveau de la mer, notamment aux Fidji (voir encadré ci-dessous), sur l’archipel de Guna Yala au Panama, et à São Tomé & Príncipe. Les gouvernements aident les communautés des régions côtières à faible élévation à partir vers des zones voisines plus sûres (pour plus d’informations sur des études de cas, voir la Boîte à outils de la réinstallation planifiée [en anglais]). Confronté à la fonte du pergélisol et la perte de la glace de mer, le village de Newtok en Alaska envisage de commencer à se réinstaller sur un site voisin (Bronen, 2011). Jusqu’ici, il s’agissait uniquement d’exemples de réinstallation interne (généralement vers des îles proches plus élevées), mais à l’avenir, la réinstallation internationale pourrait s’imposer si les scénarios les plus pessimistes concernant les changements environnementaux venaient à se réaliser les plus pessimistes. La réinstallation internationale a pour conséquence tout un éventail de défis culturels et de mise en œuvre. Elle soulève des questions très complexes et controversées de souveraineté nationale dans le cas où le territoire d’un État disparaîtrait.

La réinstallation planifiée à l’intérieur des frontières étatiques est appelée à être de plus en plus fréquemment utilisée en dernier recours pour évacuer les personnes hors des zones sujettes à la dégradation environnementale sévère et irréversible, ou aux aléas naturels toujours plus fréquents et intenses.

Good Practice
Montée du niveau de la mer et réinstallation planifiée aux Fidji

Une forte exposition à la montée du niveau de la mer et aux phénomènes extrêmes à Vunidogoloa (situé sur la deuxième plus grande île des Fidji) a entraîné un processus de réinstallation qui a débuté en 2006, avec l’assistance du gouvernement et d’organisations internationales. Les personnes qui ont fait l’objet de la réinstallation ont choisi leur lieu de destination, un facteur qui avait été jugé fondamental pour la réussite de cette opération. Fidji a développé une politique nationale pour la réinstallation planifiée dans le contexte du changement climatique (en anglais) en 2018.

Source

Tronquet, 2015.

Des lignes directrices pour la réinstallation dans le contexte lié aux catastrophes et aux changements environnementaux ont récemment été développées par un consortium d’agences et d’institutions académiques, suite à des consultations avec des États (HCR, Brookings Institute et Georgetown University, 2015). La Boîte à outils pour décideurs politiques, qui vient s’ajouter aux directives, définit l’approche qu’il conviendrait d’adopter en termes d’éléments et d’étapes transversaux du processus (UNHCR, IOM et Georgetown University, 2017).

Policy Approaches
Conception de la réinstallation planifiée

Éléments transversaux

  • Élément 1 : Cadre juridique
  • Élément 2 : Besoins des populations touchées et impacts
  • Élément 3 : Informations, consultation et participation
  • Élément 4 : Terres
  • Élément 5 : Suivi, évaluation et responsabilité

Étapes :

  • Étape 1 : Décider qu’une réinstallation planifiée est nécessaire (n’y a-t-il aucune alternative ?)
  • Étape 2 : Préparer et élaborer un plan pour la réinstallation planifiée
  • Étape 3(a) : Mise en œuvre : en attente de la réinstallation physique
  • Étape 3(b) : Mise en œuvre : pendant et après la réinstallation physique
  • Étape 3(c) : Mise en œuvre : sur le long terme après la réinstallation physique

Les expériences passées et les réussites montrent qu’un ensemble de facteurs sont essentiels à la conception et à la mise en œuvre de plans de réinstallation couronnés de succès. Entre autres : la participation adéquate des communautés (d’origine et de destination) dans le processus de décision ainsi que le soutien à long terme de leurs options sur les moyens de subsistance (notamment la sélection du site, le développement d’enveloppes de compensation et de mécanismes de plaintes et d’appel).

To Go Further
Messages clés
  • Les objectifs politiques fondamentaux sont de minimiser les déplacements, de proposer de l’assistance lorsqu’ils ne peuvent être évités et de faciliter la migration en tant que stratégie choisie de renforcement de la résilience.
  • A tous les niveaux, il est nécessaire d’œuvrer de concert afin de combattre les sources profondes des catastrophes et des changements environnementaux. Avec pour objectif de minimiser les facteurs contraignant les personnes de partir, de participer à renforcer la résilience et de permettre aux personnes de rester dans les communautés avec lesquelles elles ont souvent de solides liens culturels et sociaux.
  • Les voies de migration régulières et sûres peuvent être améliorées pour faciliter la migration en tant que stratégie d’adaptation. Différents dispositifs pourraient être utiles dans ce cadre : politiques nationales, accords internationaux, ou programmes de migration de main-d’œuvre existants, même s’ils ne ciblent pas explicitement les migrants environnementaux. Les lois migratoires nationales peuvent aussi être appliquées avec souplesse à la suite d’une catastrophe.
  • Les rapatriements de fonds peuvent servir au renforcement de la résilience, et il est prouvé que l’implication de la diaspora est bénéfique ; en conséquence, les politiques peuvent être améliorées pour simplifier les rapatriements de fonds et impliquer les diasporas dans le renforcement de la résilience.
  • La réinstallation planifiée est une entreprise extrêmement complexe qui ne devrait être qu’une décision de dernier ressort. Dans les cas où elle s’avère nécessaire, elle devrait se dérouler avec le consentement informé et la participation des communautés touchées (y compris celles de la zone d’accueil).