Le cycle politique et les réalités de l'élaboration des politiques

Il peut être utile de se pencher sur la structure d'un cycle politique pour donner une orientation à l'élaboration des politiques. Le cycle politique consiste en une série d'étapes (voir figure 4) durant lesquelles la politique est améliorée, ajustée, voire supprimée.

Certains affirment que le cycle politique ne reflète pas la réalité, que les processus politiques sont désordonnés et non linéaires, que les étapes se chevauchent, que la mise en œuvre est souvent précipitée et que l'évaluation est rare, réalisée trop tard ou peu prise en compte. Souvent, les décideurs politiques finissent par devoir « mettre à niveau » les politiques et les programmes pour qu’ils correspondent aux engagements pris ou aux annonces faites sur une solution particulière, avant même qu’un corpus de données ne soit créé et analysé. Une situation exacerbée par le fait que la migration est une question politiquement délicate pour les gouvernements. La « nécessité d'agir » est souvent motivée par un débat public sur l’urgence à résoudre un problème spécifique, plutôt que par l'élaboration de solutions politiques mûrement réfléchies.

Il est probable que, dans le contexte de la politique migratoire, les décideurs politiques soient confrontés à ces deux types de situations. Lorsque le temps et la volonté sont au rendez-vous, le cycle politique s’avère un guide utile. Notamment dans les contextes où un important travail préparatoire a été effectué pour élaborer une stratégie migratoire, comme décrit ci-dessus, et où les efforts politiques sont proactifs et inscrits dans une perspective d’avenir grâce à un plan d'action connexe (voir ci-dessus Stratégies migratoires). Dans d'autres cas, les décideurs politiques se contentent de se fier à leur intelligence. Il est à espérer ici qu’ils aient une connaissance approfondie du contexte et que celle-ci ait été acquise grâce à l’analyse de données pertinentes. Dans ces situations, le cycle politique reste une référence utile.

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Figure 4. Les étapes du cycle politique
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Le processus politique idéal - une introduction au cycle politique en sept étapes

Le processus politique idéal comporte sept étapes : (1) identification et définition du problème, (2) données, recherche et analyse, (3) élaboration, (4) consultation, (5) adoption, (6) mise en œuvre, et (7) suivi et évaluation. Comme l'indiquent les cercles bleu et orange à la figure 4, les données, la recherche et l'analyse ainsi que la consultation des parties prenantes sont essentielles à chaque étape et tout au long du cycle afin de renforcer l'efficacité, l'adoption et les effets de la politique. Par exemple, la consultation des parties prenantes ou la recherche peuvent intervenir avant ou pendant (1) l'identification du problème et donner l’impulsion à une nouvelle politique ; de même, les données sont nécessaires pendant (6) la mise en œuvre afin de contribuer à une évaluation de qualité (7).

6.2.1 Bref aperçu des sept étapes de la politique :

Les rubriques et chapitres indiqués ici abordent les étapes de la politique de manière plus approfondie. En résumé :

1. Identification et définition du problème : première étape consistant à identifier le problème et à poser un diagnostic. Voir Étape 1 : identification et définition du problème.

2. Données, études et analyses : étape d'élaboration d’un corpus de données qui éclaire et oriente la réflexion ; elle consiste à s'appuyer sur les données nationales, les pratiques mondiales et régionales et à instaurer un dialogue avec les communautés de pratique internationales pour trouver des idées. Pour plus de détails, voir Étape 2 : Données, études et analyses dans le cadre de l'élaboration d’une politique.

3. Élaboration d’une politique : étape consistant à examiner les données disponibles et à présenter des options sur la base de critères préétablis. Les options proposées sont censées répondre le mieux possible au problème ou à l'opportunité. Elles doivent aussi être réalistes, cohérentes par rapport à d'autres politiques, et respecter les obligations internationales. L'accent est ensuite mis sur les aspects pratiques, tels que le choix des instruments politiques. La faisabilité de la mise en œuvre des options est prise en considération, de même que les modalités de suivi et d'évaluation. Pour plus de détails, voir Étape 3 : Élaboration d’une politique.

4. Consultation : si les partie prenantes communiquent durant toute la durée du cycle politique, une approche structurée et formalisée de l'engagement des parties prenantes via une étape de consultation est souhaitable, notamment dans le cas de problèmes importants. À l’issue de l'élaboration des options, le fait de tester les idées auprès des personnes directement et indirectement concernées et auprès de spécialistes permet d’enrichir l'expérience de l'élaboration des politiques et d’en renforcer l'efficacité. Cependant, la difficulté consiste souvent à trouver un équilibre entre des intérêts divergents et hétérogènes. Et il arrive que la phase de consultation soulève suffisamment de doutes sur les options pour qu'un autre cycle politique soit justifié. Pour plus de détails, voir Étape 4 : Consultation politique.

5. Adoption d'une politique : processus d'accord et d'adoption de la politique choisie par les institutions gouvernementales concernées afin de la mettre en œuvre. L'adoption peut se produire de plusieurs manières, en fonction de la nature de la politique et du cadre national d'élaboration des politiques. Selon son champ d’application, la politique entre dans l'arène politique dans de nombreux systèmes juridiques. La facilité d'adoption dépendra en partie du degré d'engagement et de contribution des parties prenantes mais aussi de leurs intérêts concordants ou pas. À ce stade, les médias jouent souvent un rôle non négligeable, et la manière dont les changements de politique sont communiqués devient cruciale ; il est donc nécessaire de fournir un corpus de données probantes et des documents explicatifs adaptés présentant la logique de la politique. Pour plus de détails, voir Étape 5 : Adoption d’une politique.

6. Mise en œuvre d'une politique : exercice potentiellement ardu et long, impliquant de nombreux acteurs. Il est essentiel de disposer de plans de mise en œuvre solides définissant clairement les rôles et les responsabilités, ainsi que la manière dont les nouvelles politiques seront mises en œuvre, dans le respect des délais et du budget. Concernant la responsabilité, une structure de gouvernance peut être nécessaire pour suivre les progrès accomplis. Pour plus de détails, voir Étape 6 : Mise en œuvre d’une politique.

7. Le suivi et l'évaluation des politiques constituent la dernière étape du cycle politique classique, dont le but est d'examiner et de déterminer si une politique atteint ses objectifs et s'il convient de la prolonger, de l'adapter ou de l'interrompre. Le suivi permet d'observer les progrès réalisés pour atteindre les résultats escomptés et aide les décideurs à anticiper les problèmes et à procéder aux ajustements appropriés en amont. L'évaluation permet de dresser un bilan des résultats escomptés et imprévus, et est menée de manière aussi systématique et impartiale que possible. Elle doit apporter des conclusions et des recommandations fondées sur des données probantes afin d'éclairer l'élaboration des politiques futures. Pour plus de détails, voir Étape 7 : Suivi et évaluation d’une politique.

Messages-clés
  • Le cycle politique conceptualise des approches et des processus d'élaboration des politiques importants. L'élaboration des politiques n'est peut-être pas toujours rationnelle, linéaire ou particulièrement ordonnée, mais les principes qui sous-tendent les processus d'identification des problèmes, les données, les études et les analyses, les consultations, l’énonciation, l'adoption, la mise en œuvre, le suivi et l'évaluation des politiques sont essentiels à la réussite de celles-ci.