L’importance de la migration et du développement durable est de plus en plus reconnue. Les pays d’origine et de destination tentent de plus en plus souvent de maximiser les avantages de la migration et du développement durable. Tout le monde s’accorde à déclarer que des politiques efficaces renforceront les atouts des migrants dans l’intérêt des pays d’origine et de destination. Ces politiques sont souvent centrées sur les rapatriements de fonds, l’entrepreneuriat et la participation de la diaspora. Ces approches ne sont toutefois pas les seules disponibles pour mobiliser les atouts des migrants.

Rapatriements de fonds

Les rapatriements de fonds des migrants constituent la plus grande source de financement externe pour les pays à revenu faible et intermédiaire, à l’exception de la Chine (Banque mondiale, 2021). Cependant, le montant de ces envois est extrêmement fluctuant. Leur montant dépend de divers facteurs échappant au contrôle des migrants. Par exemple, en 2020, les flux de rapatriements de fonds ont diminué du fait de la pandémie de COVID-19 (Partenariat mondial pour les connaissances sur les migrations et le développement [KNOMAD] de la Banque mondiale, 2021). Le chômage ou une situation de crise économique dans les pays de destination peut également impacter les sommes d’argent envoyées dans le pays d’origine (Ellerman, 2003).

Les envois de fonds à dimension économique prennent principalement deux formes : La première, les rapatriements de fonds collectifs désignent les sommes que les associations de migrants envoient dans leur pays d'origine ou directement aux communautés locales pour soutenir des initiatives publiques et/ou privées. Les rapatriements de fonds collectifs sont utilisés dans le cadre de différentes initiatives communautaires dans le pays d’origine. Les associations de migrants envoient souvent des fonds pour soutenir les initiatives publiques locales, les activités culturelles et religieuses, mais également pour investir dans le développement d’entreprises et d'industries similaires à celles dans lesquelles ils travaillent dans le pays de destination (Ellerman, 2003).

La deuxième, les envois de fonds à la famille correspondent aux économies que les migrants envoient pour soutenir les membres de leur famille restés dans le pays d’origine (voir aussi Enfants restés au pays). Ce type d’envoi constitue souvent une bouée de sauvetage pour de nombreux foyers de migrants, car il représente parfois le seul revenu des familles de migrants dans les pays d’origine. La plupart des envois de fonds à la famille sont consacrés au logement et à l’alimentation et contribuent ainsi à réduire la pauvreté et à garantir un niveau de subsistance minimum. Étant donné que seule une partie limitée des envois de fonds à la famille tend à être consacrée à des investissements directs pour la création de nouvelles entreprises, ces fonds participent plus à diminuer la pauvreté plutôt qu’à générer directement un développement économique (Kuznetsov, 2006).

Image / Video

Source

IOM, 2012.

Cependant, dans d’autres cas, les envois de fonds peuvent également être utilisés comme soutien financier pour les soins de santé et l’éducation, deux secteurs clés spécifiquement liés au développement. Dans ces situations, les envois de fonds remplacent les dépenses sociales et parfois l’aide de l'État, car l’argent est utilisé pour accéder à des services qui ne sont pas fournis par le gouvernement dans les pays d’origine. L’une des principales responsabilités des États est d’élaborer des politiques et des stratégies de gestion des écoles et des hôpitaux, ainsi que d’en assurer l’accès universel. L’utilisation de rapatriements fonds envoyés par les particuliers, sans investissement public équivalent, pour améliorer l’éducation et l’accès à la santé, entraîne, en matière de développement, un transfert de la responsabilité de l'État vers les migrants, du secteur public vers les citoyens.

Les envois de fonds peuvent également contribuer à renforcer la résilience face aux conséquences du changement environnemental sur les moyens de subsistance. Au niveau des foyers, les envois de fonds peuvent couvrir les besoins élémentaires pendant les périodes de stress environnemental, avec perte des récoltes et du bétail. À plus long terme, les envois de fonds permettent de diversifier l’agriculture et de créer des entreprises. Au niveau de la communauté, les envois de fonds permettent d’investir dans des projets de résilience communautaires tels que des infrastructures de collecte des eaux (voir Gestion de la migration environnementale dans Migration, environnement et changement climatique).

En plus des rapatriements de fonds à dimension économique, les migrants peuvent également transmettre des normes et des attitudes. Il s’agit des rapatriements sociaux, qui peuvent avoir une profonde incidence sur l’égalité des genres et le développement social global dans le pays d’origine (voir Genre et rapatriements de fonds dans Genre et migration). Et plus encore, l’innovation numérique transforme la manière dont les informations et les connaissances sont transférées vers le pays d’origine. Ceci concerne également les rapatriements économiques effectués par virement en ligne. Ainsi, les programmes d’enseignement et de formation sur les nouvelles avancées technologiques peuvent impliquer les migrants et stimuler directement les flux de rapatriements, économiques et autres, vers les pays d’origine.(Dahlman, 2017). Les décideurs politiques tant dans les pays développés que dans les pays en développement peuvent stimuler les effets positifs de l’innovation sur le développement durable par le biais de financement de programmes de recherche, d’éducation et de formation en matière de technologie.

Policy Approaches
Maximiser le potentiel de développement des rapatriements de fonds
  • Fournir suffisamment d’aides de l'État pour le logement, l’alimentation et les services de sécurité sociale de façon à ce que personne ne dépende uniquement des rapatriements pour les besoins élémentaires.
  • Proposer des formations et des opérations de soutien visant à optimiser l’utilisation des rapatriements de fonds.
  • Établir et maintenir des systèmes financiers et de télécommunication adéquats pour permettre un transfert aisé des rapatriements de fonds.
  • Fournir des informations aux migrants sur l’état de fonctionnement des canaux formels de rapatriements de fonds. Si lesdits canaux ne fonctionnent pas, proposer des alternatives aux migrants.
  • Réduire le coût moyen total associé aux rapatriements de fonds à moins de 3 % du coût de la transaction. Une solution pourrait être de demander aux entreprises de transfert d'argent de réduire les frais liés aux rapatriements.
  • Élaborer des politiques incitatives en matière d’économies et d’investissements en collaboration avec des banques locales et les coopératives de crédit. Ces mesures incitatives peuvent inclure, par exemple, l’autorisation de comptes en devises étrangères pour le dépôt des rapatriements de fonds, ou l’acheminement des rapatriements individuels vers la microfinance pour favoriser la création de nouvelles entreprises.
  • Coordonner les rapatriements de fonds communautaires avec les investissements publics dans les infrastructures de base, telles que les télécommunications, les infrastructures physiques, l’éducation publique et les systèmes de santé publique.
  • Dans le contexte de la reprise d'activité durant et après une catastrophe, il importe d’adopter une politique de réduction significative voire de suppression des frais de transfert.
Good Practice
Programa Tres por Uno (Programme 3 pour 1) au Mexique

Dans certains États mexicains, notamment Zacatecas et Guanajuat, les gouvernements locaux complètent les dons des associations par un programme de « deux pour un » et, au niveau municipal, par un programme de « trois pour un ». Ces programmes d’aide financent des biens publics locaux ou des infrastructures à petite échelle, comme par exemple la construction d’écoles, de parcs et de routes.

D’autres programmes « trois pour un » sont plus ambitieux : les gouvernements locaux participent au financement d’entreprises spécifiques. Ces partenariats entre acteurs publics et privés contribuent ainsi à stimuler le développement local. L’État de Guanajuato, par exemple, a proposé des conseils juridiques, administratifs et techniques pour l’établissement de vingt-et-un entreprises locales créées grâce à des investissements de migrants mexicains aux États-Unis. Ces entreprises sont créatrices d'emplois stables dans la région. Les migrants, grâce aux aptitudes et aux compétences qu’ils ont développées aux États-Unis, élaborent ainsi des stratégies efficaces pour faire face aux problèmes rencontrés, contribuant ainsi à la réussite des entreprises.

Source

Banque mondiale, 2002.

To Go Further
Entrepreneuriat

L’entrepreneuriat est l’un des aspects fondamentaux du développement durable, autant dans le pays d’origine que dans le pays de destination. Dans les pays de destination, les politiques qui encouragent l'entrepreneuriat accélère les contributions des migrants en tant qu’acteurs du développement. Ce type de politiques contribuent directement à l’économie locale (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement [CNUCED], OIM et et Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [HCR], 2018). Lancer une entreprise florissante est indéniablement un moyen efficace de créer de l’emploi (Serageldin, Vigier et Larsen, 2014). Cependant, il faut faire preuve de prudence lors de la promotion de l’entrepreneuriat des migrants. L'entrepreneuriat peut entraîner des déceptions liées au faible niveau des salaires et à un investissement significatif en temps et en ressources avant de pouvoir accéder à une autonomie totale (Cortina, Taran et Raphael, 2014). Néanmoins, les entrepreneurs migrants contribuent à l’innovation. En effet, les migrants apportent de nouvelles idées, compétences et connaissances qui sont alors transférées à la population locale et au marché du travail (voir Migration de main d’œuvre).

Dans les pays d’origine, les migrants de retour contribuent au développement par le biais d’activités entrepreneuriales. Par exemple, les migrants de retour dans leur pays d’origine contribuent à consolider les liens de commerce et d'investissement entre les pays d’origine et de destination, ce qui a un effet favorable sur le développement. De plus, lorsque les migrants rentrent dans leur pays d’origine, ils peuvent profiter des ressources, compétences, réseaux et connaissances qu’ils ont acquis durant leur migration (CNUCED, OIM et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [HCR], 2018).

Afin de maximiser les effets positifs de la migration de retour sur le développement, les décideurs politiques devraient, le cas échéant, réduire les obstacles à l’entrepreneuriat. Il est essentiel de disposer de politiques efficaces afin que les migrants de retour soient en mesure de mettre en pratique leurs compétences, connaissances et réseaux en créant des entreprises, et ainsi, en contribuant à l’entrepreneuriat local (voir Interconnexions Réintégration et développement).

Policy Approaches
Aborder les relations entre migration et entrepreneuriat
  • Fournir une aide à la réintégration aux différentes étapes de la migration : avant le départ et après l’arrivée. Mettre en évidence l’aide disponible pour les activités entrepreneuriales.
  • Encourager la formation à l’entrepreneuriat et le soutien financier des migrants de retour afin qu’ils subviennent à leurs besoin et à ceux de leur famille, notamment en termes d’accès au crédit.
  • Combiner les formations à l’entrepreneuriat à d’autres approches en matière de réintégration sur le marché du travail, telles que l’évaluation et le développement des compétences.
Participation de la diaspora

La participation de la diaspora est un autre facteur important qui peut aider les gouvernements à exploiter le potentiel de développement de la migration. La diaspora, de par sa nature transnationale, est un partenaire indispensable pour les pays d’origine et de destination. Elle contribue au développement en fournissant aux secteurs tels que la santé, l’éducation, l’eau et l’assainissement des fonds collectifs issus du rapatriement. Elle joue également un rôle de catalyseur pour promouvoir la philanthropie, l’investissement et l’innovation (Riddle, 2017). La diaspora peut aussi fournir des ressources tangibles (financières, logistiques ou juridiques) qui aideront les travailleurs migrants à surmonter les défis auxquels ils sont confrontés dans un nouveau pays de destination via une consultation politique, par exemple (pour en savoir plus, voir Migration de main d’œuvre).

Les organisations de la diaspora sont des acteurs transnationaux. Leur espace social englobe les pays d’origine et de destination. C’est notamment le cas en Inde, où la diaspora indienne a investi directement environ trois pour cent de la totalité des investissements étrangers directs. Elle a joué un rôle important dans la conclusion d’accords entre les entreprises américaines et indiennes. De la même façon, la diaspora s’engage parfois dans des programmes de mentorat destinés aux jeunes (voir Jeunes et migration) et par ce biais, soutient le développement de la résilience face aux chocs environnementaux (voir Gestion de la migration environnementale dans Migration, environnement et changement climatique). Il est particulièrement important de permettre la création d’associations de diaspora sexospécifiques, car elles ont le potentiel de permettre aux groupes sexospécifiques marginalisés de gagner en autonomie tant dans les pays de destination que dans les pays d’origine.

Les gouvernements peuvent aider la diaspora à jouer ce rôle de soutien en créant des institutions à différents niveaux du gouvernement dans les pays d’origine et de destination. Certains gouvernements ont créé des ministères spécifiques dédiés à la participation de la diaspora et ont élaboré des stratégies particulières pour nouer le dialogue avec la diaspora dans le cadre de financements publics, de consultations politiques et d’une collaboration active aux initiatives de développement. Le postulat de départ est que les migrants de même origine et résidant dans le même pays, la même région ou le même continent forment des groupes qui peuvent être organisés et mobilisés pour développer leur pays d’origine (Ellerman, 2003; Kuznetsov, 2006).

Example
Engagement accru des gouvernements afin de tirer avantage de la participation de la diaspora

En Afrique du Sud, le concours Development Marketplace de la Banque mondiale avait pour objectif de stimuler le développement d’un réseau de diasporas et d’établir des liens étroits avec les pays d’origine et les communautés qui partagent des intérêts communs dans le même secteur d'activités. Les membres du réseau étaient censés contribuer au transfert de connaissances et de compétences. Cependant, malgré une participation enthousiaste des membres aux activités de transfert de connaissances, il n’en a résulté aucun soutien continu permettant au réseau de se développer de manière à favoriser la progression des relations commerciales.

L’exemple sud-africain démontre que les gouvernements locaux doivent s’impliquer pour être en mesure de profiter pleinement de la participation de la diaspora. Citons, par exemple, le projet communautaire mexicain « trois pour un » qui a bénéficié d’une assistance technique, administrative et juridique de la part du gouvernement local. Cette aide s’est ajoutée à la mise à disposition de fonds publics pour compléter les investissements réalisés par la communauté de la diaspora. En outre, le gouvernement local a participé directement à la création d’une infrastructure de base, souvent essentielle à la réussite des projets communautaires financés par la diaspora.

Source

Ellerman, 2003; Kuznetsov, 2006.

Néanmoins, les migrants ne s’organisent pas nécessairement pour soutenir leur pays d’origine. Certains groupes de migrants s’organisent en groupe d’opposition au gouvernement en place dans leur pays d’origine, tandis que d’autres se regroupent en syndicats dans le but de protéger les travailleurs étrangers dans un pays ou en associations visant à promouvoir leur identité culturelle dans leur ville de résidence. De plus, l’existence de communautés ethniques dans les pays de destination n’implique pas nécessairement que leurs membres soient liés au sein d’un réseau de diaspora ou qu’ils se regroupent en organisations. Ils ne partagent pas non plus forcément les mêmes perspectives, la même vision de leur pays d’origine ou la même volonté d’engagement (ou non).

Même si la participation de la diaspora peut constituer un levier de développement efficace, il n’existe pas de lien direct et automatique entre les groupes de diasporas et le développement. Ce lien peut exister dans certaines circonstances ou être renforcé par des politiques et des initiatives tant dans les pays d’origine que dans les pays de destination. En d’autres termes, les projets de la diaspora ne devraient pas remplacer les politiques, mais plutôt les soutenir. La seule mise en œuvre de projets, en l’absence de politiques pertinentes, n’établit pas automatiquement un lien entre la migration et le développement.

Policy Approaches
Mobiliser la participation effective de la diaspora
  • Créer un environnement financier, économique et migratoire stable pour le transfert des compétences et investissements.
  • Fournir une aide organisationnelle ou tout autre moyen financier nécessaire à la réalisation du projet de développement et à sa mise en œuvre.
  • Travailler avec la diaspora et les autorités locales et régionales pour établir un cadre de coopération décentralisée entre les communautés d’origine et de destination.
  • Envisager l’instauration de mesures incitatives visant à développer la participation de la diaspora aux efforts de développement via, par exemple, des réductions et exonérations fiscales si les membres de la diaspora se lancent dans la création d’entreprises et/ou s’engagent à participer à d’autres investissements locaux dans leur pays d’origine.
  • Faciliter le retour permanent ou temporaire des membres de la diaspora par le biais de l’octroi de la double nationalité et autres cadres connexes.
Messages clés
  • Les migrants peuvent être acteurs du développement si leur capital social, économique et humain est mis à profit. En revanche, la mobilisation du capital des migrants nécessite des projets et politiques adéquats.
  • Les rapatriements de fonds constituent une bouée de sauvetage pour de nombreuses familles et représentent un outil indispensable pour réduire la pauvreté. Toutefois, leur durabilité et le lien avec le développement qui en résulte doivent être soutenus par des politiques et des programmes publics bien conçus pour garantir un effet positif à long terme des rapatriements de fonds sur les communautés locales.
  • Le succès de l’activité entrepreneuriale des migrants dépend d’une série de facteurs, tels que l’accès, sans discrimination, au secteur économique, à l’aide administrative et technique, à la reconnaissance des diplômes étrangers et, plus généralement, à la manière dont les pays favorisent l’intégration des migrants.
  • Les migrants issus de milieux similaires peuvent se regrouper au sein d’associations ou d’organisations afin de promouvoir le développement tant dans les pays d’origine que dans les pays de destination. Toutefois, ces projets devraient être soutenus par des politiques gouvernementales afin de mieux participer au développement.