Intégration : une question de cohérence politique

La migration est transversale impliquant de nombreux programmes et secteurs politiques, tels que l’éducation, l’agriculture, la planification urbaine et la santé. Pour maximiser l'impact de la migration sur le développement, il est nécessaire de disposer de politiques coordonnées et cohérentes dans différents secteurs. Ce procédé est souvent dénommé « intégration de la migration dans la planification du développement ». Les cadres nationaux de planification du développement sont un élément essentiel pour la réalisation de progrès concrets et durables. Ils permettent aux décideurs politiques d’adapter les objectifs et défis internationaux au contexte national. Les stratégies élaborées sont alors adaptées aux besoins concrets et aux ambitions des pays concernés. Prenez l’exemple du Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP). L’intégration de la migration dans cette planification signifie que la migration est prise en compte lors de l’évaluation de chaque intervention planifiée, et de chaque domaine politique abordé par le DSRP.

Policy Approaches
Intégrer la migration dans les domaines politiques pertinents
  • Identifier les domaines politiques spécifiques nécessitant une politique cohérente avec la migration.
  • Mettre en place des mécanismes de planification, d’examen et de coordination entre les différents secteurs politiques pertinents.
  • Acquérir des données et connaissances sur les liens entre la migration et les autres domaines politiques.
  • Intégrer une réflexion sur les liens et les conséquences entre les secteurs politiques, ainsi que sur leurs liens avec la migration. Par exemple, si les réformes agricoles ne tiennent pas compte de leur effet potentiel sur la dynamique des migrations (comme la création d’un mouvement des campagnes vers les villes), un impact direct sera constaté sur les résultats de la planification urbaine, mais aussi sur le marché du travail dans les villes.
Good Practice
Approche nationale coordonnées pour intégrer la migration dans la planification du développement

Le Costa Rica dispose d'un cadre décennal pour sa Politique migratoire globale (2013-2023), qui répond à la question de la mobilité humaine par l'amélioration de l’inclusion des migrants sur son territoire. C'est notamment le cas du canton d’Upala qui partage une frontière avec le Nicaragua et observe quotidiennement des mouvements transfrontaliers de Nicaraguayens dans le cadre de leur activité professionnelle, de leurs études ou pour accéder au système de santé.

Upala a instauré un plan de développement local novateur axé sur la migration. Ce plan prévoit une approche inclusive et fondée sur les droits qui a été étendue non seulement à la population locale (et ses résidents migrants) mais également à la population transfrontalière, encourageant ainsi l’entrepreneuriat, facilitant l’accès au crédit et promouvant des programmes de formation pour l’autonomisation des femmes.

Ce projet s'est révélé une réussite car il a permis de sensibiliser sur l’importance de l’intégration de la migration dans la planification du développement. Il repose sur :

  • une approche inclusive et fondée sur les droits ;
  • la consultation des populations locales et transfrontalières pour évaluer leurs besoins et le potentiel de développement ;
  • l’implication, dès le départ, d’acteurs institutionnels et privés ainsi que de parties prenantes de la société civile.

Suite à son succès, le modèle de l'Upala est étendu à d'autres régions, et sert actuellement de référence en prévision de son exportation et adaptation pour différentes zones frontalières du Costa Rica.

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Intégration : le processus

L’intégration a pour premier objectif de promouvoir la cohérence entre les politiques influençant les migrations et celles qui sont influencées par les migrations. Au final, l’une des solutions est une approche pangouvernementale des migrations. La démarche doit être envisagée comme un processus et non comme un projet. Le lien entre migration et développement durable est très dépendant du contexte et il n’existe aucune solution toute faite pour l’intégration. La migration peut être intégrée dans divers processus et politiques, tels que la politique d’un secteur spécifique unique, la planification pluriannuelle du développement, des stratégies intergouvernementales, les cadres de développement des Nations Unies.

Le Programme 2030 représente, en raison de sa portée mondiale, une opportunité cruciale de confronter l’impact de la migration à toute une série de questions en lien avec le développement. Il permet également de mieux comprendre l’impact des politiques spécifiques sur les migrations et les migrants, et inversement. Il préconise que les décideurs politiques et professionnels adoptent une approche globale et intègrent la migration aux solutions qui s’étendent à tous les secteurs politiques. En effet, le Programme 2030 invite à une collaboration proactive multipartite pour réaliser les objectifs de développement durable (ODD) et ne laisser personne de côté. Il souligne le fait que les migrants et la migration devraient absolument être pris en compte dans les efforts de développement durable (Riallant, 2019).

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Source

IOM, 2016.

L’intégration de la migration va aider à faire progresser les efforts gouvernementaux de mise en œuvre du Programme 2030. Ces efforts devraient être au cœur de la mise en application du Pacte mondial sur les migrations qui repose sur des principes directeurs transversaux et interdépendants, notamment le « développement durable » et une « approche pangouvernementale » qui appelle des « réponses cohérentes et globales » reconnaissant que les « migrations [...] ne peuvent être traitées uniquement par un seul secteur du gouvernement » (paragraphe 15).

Si le processus d’intégration peut prendre différentes formes, certains éléments et certaines étapes sont indispensables, alors même que le processus se déroulera sur une période relativement étendue. La mise en œuvre du processus d’intégration peut durer plusieurs années. C’est la raison pour laquelle cette démarche doit être envisagée comme un processus et non comme un projet. Le Plan-cadre des Nations Unies pour l’Aide au développement (PNUAD) accompagne les États membres dans la mise en œuvre de la planification du développement national et fournit un cadre de quatre ans pour l’ensemble du processus. Toutefois, grâce à l’évolution actuelle des technologies et aux nouveaux moyens de communication, il est possible d’accélérer le processus.

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Table
Tableau 2. Le processus d’intégration

PHASE PRÉPARATOIRE

  • Durant la phase préparatoire, un mandat gouvernemental est nécessaire pour légitimer les processus d’intégration, sensibiliser sur la question et mettre en place des comités pour les migrations et le développement durable.

ANALYSE DE LA SITUATION

  • Mettre en place une équipe d’experts en matière de migration et de développement durable.
  • Désigner un haut fonctionnaire comme point focal pour diriger le processus d’intégration. Idéalement, cette personne devrait disposer de la légitimité nécessaire pour organiser des consultations interministérielles.
  • Le point focal crée un groupe de travail interministériel qui se concentre sur une politique ou un cadre juridique spécifique ainsi que sur les obligations et engagements internationaux liés à la migration.
  • Fournir au groupe de travail les études et les sources de données existantes sur le lien entre la migration et les secteurs politiques spécifiques.
  • Le groupe de travail élabore un projet de plan d'action national et/ou propose des activités de développement des capacités liées aux données et à d’autres moyens efficaces de contrôler les répercussions des migrations sur le développement.

OBJECTIFS STRATÉGIQUES

  • Identifier les acteurs gouvernementaux clés (à savoir, les organismes ministériels et administratifs à tous les niveaux de gouvernement) et les parties prenantes externes (telles que la société civile et les organisations internationales).
  • Mettre en place une campagne de sensibilisation pour expliquer les grandes lignes du processus d’intégration et encourager la participation des parties prenantes clés tout en veillant à une représentation égalitaire et diversifiée.
  • Rassembler des acteurs reconnus pour identifier les priorités et objectifs stratégiques.

PLAN D’ACTION

  • Instaurer une plate-forme consultative nationale sur la migration et le développement, généralement composée non seulement d’institutions gouvernementales mais aussi d’acteurs non gouvernementaux.
  • Organiser un atelier consultatif national pour échanger sur les résultats de l’analyse de la situation et définir des objectifs stratégiques. Cette étape permet d’assurer une compréhension commune entre toutes les parties prenantes concernées.
  • Suite à l’atelier, établir un plan d’intégration de la migration dans la politique de développement (« un plan d’action »). Sont notamment définis les objectifs stratégiques, les bénéficiaires, la redevabilité, les ressources et le calendrier, les mécanismes décentralisés et la coordination entre différents niveaux de gouvernance (nationaux et infranationaux). La politique peut être autonome ou intégrée dans des cadres existants ou dans une politique sectorielle spécifique.
  • Réviser le plan d’action par le biais d’un processus consultatif, par exemple avec la plateforme consultative nationale. À l’issue de cet examen, le plan sera adopté.

DURABILITÉ

  • Évaluer les besoins techniques et en matière de capacités par le biais d’ateliers conjoints, de visites d’étude, de formations, d’apprentissage entre pairs, de conférences, etc.
  • Renforcer les capacités des institutions qui ne sont pas traditionnellement impliquées dans la migration, tout en renforçant les capacités des institutions spécifiques à la migration sur les questions non migratoires. De cette manière, la coordination entre les ministères est plus efficace.
  • Établir un plan de financement et institutionnaliser la politique et ses composantes.

SUIVI ET ÉVALUATION

  • Mettre en place un cadre de suivi et d’évaluation (S&E) pour déterminer ce qui suit :
    • La migration est-elle intégrée de manière adéquate au sein des différents secteurs politiques et échelons gouvernementaux ?
    • Comment la politique contribue-t-elle à la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) ?
    • Aux niveaux national/infranational, les parties prenantes soutiennent-elles la mise en œuvre de la politique ?
    • Comment les débordements et compromis des politiques sont-ils identifiés et traités ?
    • Comment les synergies sont-elles créées et maintenues ?
    • Quelles répercussions transfrontalières (la coopération ou le dialogue internationaux par exemple) sont-elles amorcées sur la base de cette évaluation ?
  • Selon la structure gouvernementale d'un État donné, il peut s’avérer nécessaire de codifier de diverses manières les changements de politique, notamment par une mise en œuvre législative ou réglementaire.
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Policy Approaches
Intégrer la migration dans la planification du développement

À la fin d’un cycle, la réussite est consacrée par l’institutionnalisation du processus. Chaque processus d’intégration a ses propres particularités mais nécessite :

  • Un mandat légitime du gouvernement ;
  • Une institution responsable (l’équipe d’experts) ;
  • Une base de connaissances (l’analyse situationnelle) ;
  • Une intervention de diverses parties prenantes pour assurer l’adhésion et l’appropriation dès les premières phases du processus ;
  • La création de mécanismes et d’organismes consultatifs (y compris un comité national) ;
  • Un renforcement des capacités ;
  • Un suivi et une évaluation ;
  • Un lien entre les efforts d’intégration de la migration et la mise en place du Programme pour 2030 et du Pacte mondial sur les migrations.
Messages clés
  • L’intégration de la migration dans la planification des politiques nécessite l’élaboration de politiques qui reconnaissent l’interconnexion des migrations avec d’autres domaines politiques.
  • L’intégration a pour objectif d’améliorer la cohérence des politiques, de mettre en place de mécanismes de coordination intersectorielle efficaces, de reconnaître la diversité des parties prenantes et de les impliquer tout au long du processus.
  • Les mécanismes d’intégration de la migration dans la planification politique varient en fonction du contexte. Ils ne peuvent être élaborés qu’après une bonne compréhension des réalités de la migration.
  • es partenariats sont essentiels à la mise en place de mécanismes d’intégration.