Compatibilité des systèmes éducatifs

Un autre sous-groupe de jeunes migre à des fins éducatives. Le nombre d'étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur est en constante augmentation dans le monde entier (Cortina, Taran et Raphael, 2014, en particulier le chapitre 11). De nombreux jeunes considèrent l'éducation transfrontalière dans les pays à revenu élevé avant tout comme un moyen de s'assurer de meilleures opportunités de carrière. Pour certains, les diplômes obtenus à l'étranger sont perçus comme supérieurs, sur le plan académique, à ceux obtenus dans les pays d'origine. En outre, les compétences linguistiques et culturelles acquises pendant leurs études à l'étranger les rendent plus compétitifs sur le marché mondial (Vincent-Lancrin, Fisher et Pfotenhauer, 2015).

Les jeunes migrants, à l’instar des autres groupes de migrants, peuvent aussi décider d’étudier dans un pays à plus hauts revenus. Dans ce cas, leurs études pourront leur servir de tremplin à l’emploi et à la citoyenneté (Cortina, Taran et Raphael, 2014, en particulier le chapitre 11). Afin de répondre à leurs besoins, les décideurs politiques devraient donc, dans ce cas de figure, tenir compte du fait que certains jeunes sont obligés de travailler pendant leurs études pour les financer.

Ils peuvent, en sus, être confrontés à l’absence d’équivalence entre les systèmes éducatifs des pays d’origine et de destination. Ce qui peut poser des problèmes majeurs, lors de la recherche d'un emploi et de l'inscription à l'université. Par exemple, si un jeune a obtenu un diplôme d'études secondaires dans son pays d'origine et que ni l’école ni le diplôme ne sont reconnus par une instance réglementaire, l’étudiant comme l’université se retrouveront face à de grandes difficultés (voir Intégration et cohésion sociale).

Good Practice
Les écoles pour jeunes immigrants aux États-Unis réussissent à réduire les taux de décrochage scolaire

La LEAP English Academy de Saint Paul, dans le Minnesota, est un lycée alternatif créé pour accueillir des étudiants migrants plus âgés : des enfants de 16 à 17 ans et des jeunes adultes de 18 à 26 ans. Les étudiants sont principalement des migrants récemment arrivés dans le pays, ou de jeunes migrants venant d’abandonner le lycée. Le programme vise à aider les étudiants à améliorer leur maîtrise de l’anglais, à obtenir leur diplôme de fin d’études secondaires et à se préparer pour leur entrée à l’université ou dans le monde du travail.

Le programme est financé par des fonds publics. Les données recueillies par le personnel de l’Academy montrent que leurs étudiants sont capables de passer des examens standardisés et de décrocher leur diplôme plus tôt que les jeunes migrants d’autres lycées.

Le programme est exclusivement proposé aux jeunes migrants installés aux États-Unis depuis moins de deux ans et ayant peu de chances d’obtenir leur diplôme dans un lycée classique. Actuellement, l’Academy accueille plus de 240 étudiants, dont la plupart ont entre 18 et 20 ans. Ils sont originaires de 16 pays et parlent 19 langues différentes.

Source

National Conference on State Legislatures Children’s Policy Initiative, 2005.

Promotion et reconnaissance de la mobilité des apprenants

Le fait que des millions d’étudiants se déplacent montrent que les jeunes sont de plus en plus mobiles et qu’ils acquièrent des compétences utiles pour leur avenir au cours de leur expérience migratoire (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture [UNESCO], n.d.). Il a été démontré que la mobilité des apprenants, au sens de « mouvement transnational entrepris à des fins éducatives ou pour acquérir de nouvelles compétences ou connaissances » (Bačlija Koch, Dupouey et Lafraya, 2019), contribue au développement et à l’amélioration des aptitudes et des compétences, y compris interculturelles, pouvant in fine les aider à accéder à des emplois dans leur pays ou à l'étranger. Dans certains contextes, la migration à des fins éducatives a été intégrée dans les parcours éducatifs et de formation, constituant ainsi un élément clé dans la reconnaissance des qualifications ainsi qu'un moyen efficace de promouvoir l'intégration mondiale et régionale.

Ces programmes éducatifs et de formation qui offrent aux jeunes la possibilité d’effectuer une partie de leurs études à l'étranger, ou de suivre une formation pour développer leurs compétences et faire un stage, se traduisent par un enrichissement mutuel entre les cultures et les nationalités. L'Europe, continent où la mobilité des jeunes en matière d'apprentissage est l'une des plus avancées, a enregistré environ 3 millions de participants. Ces programmes ont également pour objectif de former des citoyens européens et de promouvoir l'intégration au sein du marché commun.

Mais la mobilité des étudiants est aussi en hausse hors d’Europe. Par exemple, les États-Unis, l'Australie et le Canada encouragent la mobilité des jeunes en organisant des programmes d'échange avec des étudiants de pays du monde entier. En Amérique du Sud, la ville brésilienne de Redenção compte un établissement d’enseignement supérieur (UNILAB) pour les étudiants migrants des pays africains lusophones (França et Padilla, 2018). Des programmes de mobilité similaires destinés aux apprenants pourraient être proposés plus systématiquement par d'autres régions désireuses de favoriser davantage l'intégration. Par exemple, l'Union européenne a financé des programmes de mobilité des jeunes pour les étudiants non européens (Bačlija Koch, Dupouey et Lafraya, 2019) et a étoffé les formes de mobilité qu'elle soutient pour y inclure le volontariat, les échanges éducatifs et les stages (Commission européenne, 2022 ; Roman et al., 2018).

Good Practice
Promouvoir les échanges pour faciliter l’intégration interculturelle et économique

Le programme Erasmus offre aux étudiants universitaires la possibilité de passer une année à l'étranger et d’obtenir la reconnaissance de leurs examens. Bien qu'il n'y ait pas de limite d'âge pour Erasmus, la plupart des bénéficiaires appartiennent à la catégorie des jeunes.

Au fil des ans, l'Union européenne a progressivement élargi le programme, qui s’appelle désormais « Erasmus+ », afin d'y inclure les États non-membres de l'Union européenne et dans la perspective de réduire le chômage. Il promeut l'équité et l'inclusion des participants issus de milieux défavorisés et ayant moins d'opportunités, y compris les migrants ou les réfugiés, grâce à un soutien spécifique, à la définition de priorités et à l'utilisation ciblée des fonds.

Le programme Erasmus a contribué à créer une génération entière de jeunes qui comprend parfaitement les bénéfices et la force que l'unité et l'intégration peuvent apporter. En favorisant l'intégration interculturelle, ces programmes de mobilité pour les apprenants ont également des effets transfrontaliers : par exemple, ils ont une incidence directe sur les économies régionales, tout en encourageant le dialogue et l'apprentissage interculturels, la tolérance et la compréhension mutuelles pour lutter contre le racisme et la xénophobie.

Source

Bačlija Koch, Dupouey et Lafraya; Commission européenne.

Programmes de mobilité pour les jeunes

D'autres programmes de mobilité pour les jeunes se déroulent en dehors des cadres institutionnels. Comme l’« année de césure » qui consiste à suspendre ses études pendant un an pour voyager avant d’entrer à l’université, ou à partir après l’université avant de rejoindre le marché du travail. Les jeunes migrants peuvent effectuer des stages bénévoles dans des organisations de la société civile ou des séjours prolongés dans un autre pays.

Si l’« année de césure » peut sembler venir perturber le cursus, tel un abandon précoce des études, elle est en réalité particulièrement enrichissante en termes de développement personnel (Vogt, 2018) et d’acquisition de compétences interculturelles. Les séjours à l'étranger peuvent également améliorer la confiance en soi, faire gagner en maturité et rendre plus indépendant, à l’instar de ce qui a été observé dans les expériences de mobilité des étudiants (Murphy-Lejuene, 2002). L'année de césure doit être appréhendée différemment de la migration, dont les principaux moteurs sont les motivations économiques et politiques. Ici, la dimension personnelle et l’empreinte culturelle sont très différentes.

Policy Approaches
Permettre aux jeunes migrants d’atteindre leurs objectifs éducatifs et professionnels
  • Encourager l'offre de cours à temps partiel et/ou en ligne pour répondre aux besoins des jeunes migrants qui doivent travailler tout en poursuivant leurs études (Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE], 2018).
  • Autoriser les étudiants étrangers à travailler à temps partiel pour financer leurs études.
  • Proposer des formations professionnelles et à l’entrepreneuriat, des cours de « rattrapage » et de « formation continue » aux jeunes migrants qui ont quitté l’école, n’ont pas suivi l’intégralité de leur scolarité primaire ou ne maîtrisent pas bien la langue.
  • Encourager la formation continue, associée à une requalification permanente, non seulement via l’enseignement formel mais aussi la formation professionnelle tout au long d’une carrière.
  • Favoriser la mobilité des apprenants en collaborant avec les institutions éducatives sur les démarches réglementaires adéquates pour la délivrance de visas et de permis de séjour étudiants.
  • Encourager la mobilité des jeunes en créant des programmes ad hoc, grâce à des accords bilatéraux ou multilatéraux, ou de manière unilatérale.
Good Practice
programmes visant à maintenir les liens entre les jeunes et la patrie de leurs ancêtres

Bien que les programmes de mobilité des jeunes aient été largement associés aux pays de destination, les gouvernements des pays d'origine peuvent également choisir des membres de la diaspora pour devenir les porte-paroles et/ou sponsors de divers programmes de mobilité des jeunes. Le programme Taglit-Birthright, lancé en 1999 par le gouvernement israélien en coordination avec la Birthright Israel Foundation et les communautés juives partout dans le monde, en est un exemple saillant.

Il a permis à des centaines de milliers de Juifs âgés de 18 à 26 ans d'effectuer des stages et des travaux d'intérêt général pour une durée déterminée. D’autres pays s’en sont inspirés et ont reproduit cette initiative comme le Birthright Armenia et d'autres programmes d'immersion culturelle mis en place par la Commission des Philippins d'outre-mer (CFO) et le ministère des Affaires indiennes d'outre-mer (MOIA), entre autres. Tous, à l’instar de Taglit-Birthright, visent l’immersion sociale, économique et culturelle à travers des stages et des travaux d’intérêt général pour les jeunes de la diaspora.

Messages-clés
  • Le nombre de jeunes qui décident de migrer pour leurs études, voyant dans cette démarche un espoir d'obtenir ensuite un meilleur emploi, a considérablement augmenté. Cependant, les pays dont une forte proportion de jeunes migrent pour cette raison devraient donner la priorité à la question de la compatibilité des systèmes éducatifs pour qu’elle ne devienne pas un obstacle.
  • Ce type de mobilité permet en effet aux jeunes d'acquérir des aptitudes et des compétences à l'étranger, dans le cadre de programmes d'échange ou d’« années de césure », et de multiplier ainsi leurs chances de trouver un emploi tout en favorisant leur développement personnel.
  • Les gouvernements, en soutenant les programmes de mobilité des jeunes, facilitent l’intégration interculturelle et économique régionale tout en réduisant le taux de chômage et l’inadéquation des compétences.