Le droit international de la migration est un cadre juridique qui peut éclairer l’élaboration des politiques en matière de migration.

Un État ne peut pas utiliser le droit national pour justifier le non-respect de ses obligations en matière de droit international (mondial et régional). En d’autres termes, les États ont le devoir de modifier et d’adopter toutes les lois et mesures pertinentes dès la ratification d’un instrument de droit international. Néanmoins, le droit international coutumier et les normes de jus cogens auxquelles il ne peut être dérogé s’appliquent à tous les États, indépendamment de la ratification d’un traité. Par exemple, tous les États doivent reconnaître le principe de non-refoulement et l’interdiction de la torture, du génocide et de l’esclavage (pour en savoir plus, veuillez consulter la section Droit international coutumier dans ce chapitre).

La plupart du temps, pour intégrer le droit international au niveau national, les États adoptent ou modifient leur législation nationale. En outre, les conventions internationales peuvent comprendre des obligations spécifiques entraînant pour les États parties l’obligation de les mettre en œuvre et/ou de prévoir des mesures générales de mise en œuvre au niveau national.

Example
l’obligation de pénaliser la traite des êtres humains dans la législation nationale

Selon le Protocole sur la traite des personnes, les États parties doivent ériger la traite des êtres humains en infraction pénale.

Aux Pays-Bas, la principale source du droit pénal est le Code pénal néerlandais et la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle constituait déjà une infraction au regard du droit pénal néerlandais lorsque le Protocole sur la traite a été rédigé. Toutefois, après avoir adhéré au Protocole sur la traite, le législateur néerlandais a modifié le code pénal. Il a décidé de reprendre presque mot pour mot la définition du Protocole. Ce faisant, il a élargi l’éventail des comportements constitutifs de la traite des êtres humains pour y inclure d’autres formes d’exploitation et il a veillé à ce que son droit national s’aligne sur le droit international.

Pour se conformer au Protocole sur la traite des personnes, l’Italie a adapté sa législation nationale, notamment en ce qui concerne la protection des victimes. Depuis 1998 (Décret législatif n° 286 du 25 juillet 1998), les victimes de la traite peuvent se voir accorder un premier permis de séjour temporaire de six mois, qui peut être prolongé de 12 mois supplémentaires si cela est jugé nécessaire. À l’expiration de la période maximale de 18 mois, la victime peut transformer le permis de séjour temporaire délivré en vertu de l’article 18 du décret législatif n° 286 en un visa de travail ou d’études. Toutefois, l’objectif de cette disposition n’est pas de prévoir un délai de réflexion en soi, mais d’offrir une protection directe à la victime. Il existe une autre option, en vertu de l’article 13 de la loi n° 223 de 2003 (entrée en vigueur en 2005 avec le décret présidentiel n° 235). En vertu dudit article, les victimes potentielles peuvent se voir accorder un permis de séjour temporaire de trois à six mois, au cours duquel les autorités peuvent chercher à établir si la personne est une victime de la traite ou non, auquel cas elle peut recevoir un permis au titre de l’article 18 et être inscrite à un programme d’assistance.

La mise en œuvre effective du droit international de la migration impose également que les gouvernements publient des règlements administratifs expliquant comment ils entendent mettre en œuvre la loi nationale et/ou ce qu’un migrant est tenu de faire pour se conformer à la loi. L’existence d’une stratégie globale en matière de migration permet de garantir la cohérence, de combler les lacunes et de mesurer les progrès accomplis. Il s’agit également d’un outil efficace pour mettre en œuvre les obligations internationales d’un État en matière de gouvernance de la migration.

Example
le permis de protection temporaire (PPT) de la Colombie pour les migrants vénézuéliens

La Colombie est le pays qui accueille le plus de migrants et de réfugiés vénézuéliens, soit au moins 1,7 million de Vénézuéliens, ce qui représente plus de 37 % des 5,5 millions de réfugiés et de migrants vénézuéliens estimés dans le monde. Alors qu’un grand nombre d’entre eux s’étaient vus accorder un permis de séjour et un séjour régulier jusqu’en janvier 2021 (760 000), en mars 2021, environ 8 800 Vénézuéliens étaient en attente d’une demande d’asile et seuls 774 Vénézuéliens ont été reconnus en tant que réfugiés. Plus de la moitié des Vénézuéliens présents en Colombie n’ont pas de statut régulier, ce qui affecte leur capacité à accéder à leurs droits, aux services essentiels, à la protection et à l’assistance. Malheureusement, avec la pandémie de COVID-19 qui aggrave les besoins, de nombreux réfugiés et migrants vénézuéliens, qui ont déjà affronté une situation difficile, éprouvent encore davantage de difficultés à survivre car ils sont confrontés à une aggravation de la pauvreté, à des pertes d’emploi, à des expulsions, à la faim et à un manque de nourriture et d’accès aux traitements médicaux.

Les mécanismes de protection des droits de l’homme des Nations Unies et de l’Organisation des États américains ont reconnu que le Venezuela traverse une crise politique, sociale, humanitaire et économique prolongée et exacerbée. Cela signifie que les personnes qui retournent au Venezuela sont exposées à une situation où leurs droits de l’homme sont menacés, étant donné que la gravité et la détérioration de la situation économique et sociale limitent considérablement la jouissance des droits économiques et sociaux[1].

La Colombie est également partie aux instruments internationaux et régionaux pertinents en matière de droits de l’homme (Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et Convention américaine relative aux droits de l’homme (« Pacte de San José, Costa Rica »), entre autres).

Dans ce contexte, la Colombie a reconnu qu’il était urgent de transformer la permanence temporaire des Vénézuéliens en Colombie en un séjour temporaire plus long. La Colombie est également préoccupée par l’augmentation des marchés illégaux dans le contexte de la migration (faux documents, passeurs, trafiquants) et souhaite décourager l’augmentation de la migration irrégulière, tout en offrant des voies de migration régulières aux migrants vénézuéliens qui entrent par les zones frontalières autorisées par l’autorité migratoire. La régularisation est également la clé des solutions à long terme, y compris l’accès au marché du travail, ce qui permet de réduire la dépendance des personnes à l’égard de l’aide humanitaire tout en contribuant au redressement socio-économique du pays post-COVID-19.

Le 1er mars 2021, le gouvernement colombien a adopté, par le Décret n° 216, le statut de protection temporaire des migrants vénézuéliens dans le cadre d’un régime de protection temporaire et d’autres dispositions migratoires connexes. Ce statut est un mécanisme juridique de protection temporaire pour les migrants vénézuéliens qui souhaitent rester temporairement en Colombie et qui répondent à des critères spécifiques, notamment :

  • présence régulière sur le territoire colombien en tant que titulaire d’un des permis de migration délivrés par la Colombie (permis d’entrée et de séjour (Permisos de ingreso y permanencia - PIP) ; permis de séjour temporaire (Permiso temporal de Permanencia - PTP), permis spécial de séjour (Permiso Especial de Permanencia – PEP ; Permiso Especial de Permanencia para el Fomento de la Formalización - PEPFF) ;
  • présence régulière sur le territoire colombien en tant que titulaire d’un Sauf-conduit de séjour SC-2 ;
  • présence en situation irrégulière sur le territoire colombien au 31 janvier 2021 ;
  • entrée régulière sur le territoire colombien du 29 mai 2021 au 28 mai 2023

Ce statut de protection temporaire des migrants vénézuéliens est composé du registre unique des migrants vénézuéliens et du permis de protection temporaire (PPT), dont la validité sera de dix ans, jusqu’au 30 mai 2031. Les Vénézuéliens qui remplissent les critères susmentionnés peuvent demander le document d’identification PPT. En outre, les demandeurs d’asile et les personnes dont la procédure d’asile est ouverte peuvent décider de demander le PPT, mais leur processus de protection internationale ne sera pas affecté tant que le PPT n’aura pas été autorisé. Les migrants vénézuéliens ne pouvant pas être titulaires de deux permis, ils peuvent décider a) de conserver le PPT ou b) de demander l’asile ou de poursuivre leur procédure de protection internationale des réfugiés. Le permis spécial de séjour (PEP), le permis précédent adopté par le gouvernement colombien, peut également être converti en un nouveau PPT. Le PPT permet la régularisation de certains migrants en situation irrégulière et facilite l’accès aux droits étant donné qu’il donne accès aux services de base, y compris au système national de santé et aux plans de vaccination COVID-19.

  • L’unité administrative spéciale Migración Colombia constitue l’entité responsable de ces procédures. Le gouvernement examine actuellement l’adoption de la résolution qui vise à mettre en œuvre et à rendre opérationnel le statut de protection temporaire des migrants vénézuéliens, c’est-à-dire à entamer les procédures d’identification, d’enregistrement, de collecte de données, de biométrie et d’émission du nouveau PPT.

[1] Cela inclut, par exemple : la plus grande période d’hyperinflation qu’ait connu la région, affectant la capacité d’acheter les aliments de base, des médicaments et d’autres biens de première nécessité ; le salaire minimum correspond à 2 dollars par mois (en septembre 2019). Une famille aurait donc besoin de gagner l’équivalent de 41 mois de salaire minimum pour couvrir uniquement les achats alimentaires de base ; l’accentuation des inégalités ; les services publics sont victimes de graves interruptions récurrentes ; de graves pénuries de carburant ; le manque d’accès aux médicaments et aux traitements et une pénurie de fournitures qui a provoqué de nombreux décès évitables et de graves problèmes opérationnels dans le secteur de la santé ; les actes de violence perpétrés contre les peuples autochtones, y compris les décès ; les violations des droits indigènes et environnementaux dans la région de l’Arc minier de l’Orénoque, les exécutions extrajudiciaires et l’absence de mécanismes de protection efficaces pour les témoins et les membres de la famille des victimes, dont la majorité sont des femmes ; les membres des forces de sécurité reconnus coupables de violations des droits de l’homme ; la répression politique et la réduction de l’espace démocratique ; les détentions arbitraires ; le harcèlement ; la violation du droit à un procès équitable, y compris le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial ; la criminalisation des activités des organisations nationales de défense des droits de l’homme (Adapté de : Exposé sur la situation des droits de l’homme en République bolivarienne du Venezuela, Quarante-deuxième session du Conseil des droits de l’homme, Déclaration de Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, 9 septembre 2019).

Parce qu’il est le résultat d’accords entre États sur des normes générales et des lignes de conduite, le droit international de la migration fournit des orientations sur la manière dont les États peuvent réglementer et traiter les différents aspects de la migration au niveau national et respecter la conformité avec les normes du droit international.

Policy Approaches
Orientations pour l’élaboration de politiques tenant compte du genre dans le cadre de la CEDAW

La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) exige des États parties qu’ils élaborent une législation sur certains aspects (comme l’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe dans le domaine de l’éducation). Elle encourage également l’élaboration de politiques tenant compte du genre en fournissant des suggestions concrètes. Celles-ci comprennent, par exemple, l’adoption de mesures temporaires spéciales visant à accélérer l’instauration d’une égalité de fait entre les hommes et les femmes ou l’adoption de mesures spéciales qui visent à protéger la maternité (article 4).

La mise en œuvre du droit international de la migration dépend du travail quotidien d’un grand nombre de fonctionnaires de différents ministères et niveaux de gouvernement, y compris les autorités locales et municipales. Il s’agit non seulement des autorités chargées des frontières et de l’immigration, de la police, des procureurs, des inspecteurs du travail et du personnel consulaire, mais également des autorités sanitaires, des prestataires de services sociaux, des spécialistes de la protection de l’enfance et de l’éducation.

To Go Further

 

De nombreux États ont mis en place des institutions nationales des droits de l’homme (INDH) ou des mécanismes nationaux de prévention (MNP) pour la promotion et la protection des droits de l’homme. La société civile, les organisations non gouvernementales et à but non lucratif, les mouvements, les groupes, les individus et les initiatives jouent un rôle important en aidant les gouvernements à garantir la mise en œuvre de la législation et des politiques, ainsi qu’à surveiller et à traiter les principales préoccupations en matière de droits humains au niveau national, y compris les droits humains des migrants.

To Go Further

Dans le cadre d’un système juridique national, la plupart des violations des droits de l’homme peuvent faire l’objet de recours internes par le biais de mécanismes judiciaires et/ou quasi-judiciaires (tels que les tribunaux nationaux, les médiateurs ou autres mécanismes de plainte). Ces mécanismes doivent être indépendants et impartiaux. Tout individu doit avoir accès à la justice, en tant que droit de l’homme, pour demander et obtenir réparation en cas de violation du respect de la loi. Par conséquent, le pouvoir judiciaire peut être appelé à interpréter et à faire respecter la loi dans les affaires liées aux migrations. Bien que le pouvoir judiciaire fonde ses jugements sur le droit national, les juges nationaux se réfèrent souvent aux instruments internationaux ou régionaux ou à la jurisprudence lorsqu’ils traitent des affaires liées aux migrations, afin d’interpréter et de clarifier les droits et les obligations des parties concernées.

Example
Le rôle de contrôle du médiateur

Depuis l’arrivée d’un grand nombre de migrants en Grèce en 2015, le Médiateur grec a géré le suivi de leur situation et a appelé le gouvernement à prendre des mesures concrètes. En juin 2017, le Médiateur grec a publié son rapport spécial Flux migratoires et protection des réfugiés, qui met l’accent sur les défis rencontrés par la Grèce pour assurer le respect des normes du droit international de la migration, sur les îles et sur le continent. Parmi les problèmes identifiés figurent le recours à la détention, la sécurité dans les camps, l’éducation des enfants (en particulier sur les îles), l’identification et l’orientation des personnes en situation de vulnérabilité, le respect des garanties procédurales dans les procédures de retour et de réadmission, ainsi que les questions de protection de l’enfance.

Lorsque les voies de recours internes sont épuisées, des mécanismes et des procédures de plaintes ou de communications individuelles sont disponibles aux niveaux régional et international (comme indiqué ci-dessus à la section Mécanismes de contrôle) pour contribuer à garantir l’application et le respect des normes internationales ou régionales au niveau national.

Case Study
Comment les tribunaux nationaux utilisent les instruments juridiques régionaux

Dans un arrêt de 2018, le Tribunal administratif fédéral de Suisse s’est penché sur le droit d’un enfant au regroupement familial, pour un enfant devenu majeur au cours de la procédure. Le Tribunal a fondé son arrêt sur l’article 44 de la loi fédérale sur les étrangers, ainsi que sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Sur la base de l’article 8 de la CEDH, le tribunal suisse a interprété le droit suisse en concluant que le droit au regroupement familial ne s’éteint pas lorsque l’enfant qui pourrait en bénéficier atteint l’âge de la majorité au cours de la procédure.

Le droit international de la migration lie les États parce que, dans le cas des traités, celui-ci a été négocié et accepté par eux. La souveraineté nationale et la protection des droits des migrants ne sont pas contradictoires mais se renforcent mutuellement ; ce sont les deux faces de la même médaille. En tant que droit élaboré par des États souverains, le droit international de la migration sert les intérêts des États et est fermement ancré dans les pratiques existantes.

Messages clés
  • Les États sont tenus de modifier et d’adopter les lois et mesures pertinentes lors de la ratification d’un instrument de droit international. Néanmoins, le droit international coutumier et les normes de jus cogens auxquelles il ne peut être dérogé sont applicables à tous les États, indépendamment de la ratification d’un traité.
  • Le droit international de la migration ne se limite pas à l’obligation d’aligner les lois et politiques nationales sur les normes internationales, mais sert également de feuille de route et de guide pour l’élaboration des politiques nationales.
  • Pour intégrer le droit international au niveau national, les États adoptent ou modifient leur législation nationale. Les politiques mettront en œuvre ces changements juridiques.
  • Des institutions nationales des droits de l’homme (INDH) ou des mécanismes nationaux de prévention (MNP) peuvent être créés pour aider les gouvernements à veiller à la mise en œuvre de la législation et des politiques conformément aux normes en matière de droits de l’homme.
  • Les plaintes pour violation des droits humains des migrants sont généralement traitées au niveau national par des mécanismes judiciaires et/ou quasi-judiciaires (tels que les tribunaux nationaux, les médiateurs ou d’autres mécanismes de plainte), en tant qu’organes indépendants et impartiaux, avant d’être soumises aux niveaux régional et international.