Chetail, V., Les sources du droit international de la migration (vidéo, 32 min), 2013.
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Goodwin-Gill, G.S., Droit international de la migration : introduction générale (vidéo, 32 min), 2008.
L’article 38 du Statut de la Cour internationale de justice (CIJ), annexé à la Charte des Nations Unies, énumère les sources du droit international suivantes :
- Les conventions internationales ;
- Le droit international coutumier ;
- Les principes généraux de droit ;
- Les décisions judiciaires (ou la jurisprudence) et la doctrine des juristes (publicistes) les plus qualifiés des différentes nations.
Le droit international de la migration faisant partie du droit international, les sources du droit international sont également les sources du DMI (Chetail, 2012 : 56). Les conventions internationales et le droit international coutumier sont considérés comme des sources primaires ; les principes généraux et la jurisprudence sont considérés comme des sources subsidiaires.
Les conventions internationales sont des accords juridiquement contraignants conclus entre des États, ou entre des États et des organisations internationales. Leur but est d’établir des droits et des obligations en vertu du droit international. D’autres termes tels que « traités », « accords », « pactes », « statuts » et « protocoles » sont également couramment utilisés. Une fois les termes du traité convenus, les États concernés signent le traité. En signant un traité, un État exprime son intention de s’y conformer. Toutefois, cette expression d’intention n’est pas contraignante en soi. Une fois le traité signé, chaque État traite ladite expression d’intention selon ses propres procédures et lois nationales. Souvent, l’approbation du parlement est requise. Une fois l’approbation accordée dans le cadre des procédures internes d’un État, celui-ci notifie aux autres parties qu’il consent à être lié par le traité. C’est ce que l’on appelle la ratification. Une fois ratifié, le traité est juridiquement contraignant pour l’État.
Une branche spécifique du droit international, appelée droit des traités, a pour objet la manière dont les traités entrent en vigueur et sont administrés. Les principales règles sont codifiées dans la Convention de Vienne sur le droit des traités. La Convention permet aux États de formuler des réserves aux traités, ce qui signifie qu’ils ne sont pas liés par la ou les dispositions spécifiques du traité à l’égard de laquelle ou desquelles ils ont formulé une ou plusieurs réserves.
Pour qu’une coutume devienne une norme de droit international, et donc un droit international coutumier, deux éléments sont nécessaires. Le premier élément est objectif : la pratique des États. En d’autres termes, il doit y avoir une pratique (ou une absence d’action) généralisée, cohérente et répétée de la part de la majorité des États. Le comportement d’un État est démontré, entre autres, par des déclarations officielles, des décisions de justice, la législation nationale, la réglementation administrative, les constitutions, les traités et la pratique diplomatique. Le deuxième élément est subjectif : l’opinio juris. Il s’agit de la conviction (« opinio ») d’un État qu’il est tenu par la loi (« juris ») d’agir ou de s’abstenir d’agir.
Les normes coutumières internationales lient tous les États, y compris ceux qui n’ont pas contribué à l’élaboration de la norme et indépendamment de la ratification du traité. Toutefois, un État n’est pas lié par la norme s’il fait preuve d’une objection constante et persistante à son égard.
Il existe également quelques normes de droit international qui sont absolues. Appelées jus cogens, elles sont si fondamentales qu’elles sont contraignantes pour tous les États et aucune dérogation ou exemption n’est permise. Par exemple, le principe de non-refoulement et l’interdiction de la torture, de l’esclavage, de la discrimination raciale et du génocide sont considérés comme des jus cogens.
La protection contre le refoulement est une norme internationale coutumière ayant le statut de jus cogens en droit international de la migration. En d’autres termes, une personne (quel que soit son statut juridique) ne peut en aucun cas être expulsée ou renvoyée vers un territoire lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle court un risque réel d’être persécutée ou de subir des atteintes irréparables à sa personne en cas de retour. Cette règle s’applique à tous, y compris aux migrants, quel que soit leur statut.
Quelques exemples de ces risques de préjudice irréparable sont présentés ci-dessous :
- La torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et autres risques pour la vie ;
- Le déni flagrant du droit à un procès équitable ;
- Les atteintes à la liberté de la personne ;
- Les formes graves de violence sexuelle et sexiste ;
- La peine de mort ou le placement dans le couloir de la mort ;
- Les mutilations génitales féminines ;
- La mise à l’isolement prolongée ;
- Les violations graves des droits économiques, sociaux et culturels (équivalant à une violation du droit à la vie ou à l’absence de torture, à des conditions de vie dégradantes, à l’absence totale de traitement médical ou à une maladie mentale).
Le principe de non-refoulement est indérogeable, c’est-à-dire qu’il ne peut en aucun cas être suspendu ou limité. Il est établi par le droit international relatif aux droits de l’homme, le droit international des réfugiés, le droit international humanitaire, le droit pénal transnational et le droit de la mer (pour en savoir plus sur la Protection contre le refoulement, veuillez consulter le chapitre 1.3.1 Droits humains des migrants : vue d’ensemble).
La troisième source du droit international est constituée par les principes généraux du droit, communs aux principaux systèmes juridiques du monde et généralement acceptés comme étant contraignants au niveau international (Robertson, 2002 : 92). Pour qu’un principe général de droit existe, il doit être généralement reconnu par les États. Ces principes découlent des systèmes juridiques nationaux et/ou sont formés au sein du système juridique international. On peut citer comme exemples le principe de non-rétroactivité du droit pénal, les garanties d’une procédure régulière, les normes minimales de traitement, etc. Nombre d’entre eux existent déjà dans divers traités et/ou dans le droit international coutumier
La quatrième source est constituée par les décisions judiciaires (ou la jurisprudence). Au sens strict, les tribunaux internationaux ne sont pas liés par les précédents judiciaires. Toutefois, dans la pratique, les tribunaux internationaux et régionaux s’efforcent de suivre les jugements antérieurs, afin d’ajouter un certain degré de stabilité au processus de prise de décision judiciaire (Shaw, 1997 : 86). En tant que tels, ces jugements ont largement contribué au développement du droit international de la migration. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en est un exemple clair, en ce sens qu’elle a joué un rôle crucial dans l’interprétation des droits et obligations des États parties à la Convention européenne des droits de l’homme à l’égard des migrants (pour en savoir plus, veuillez consulter la section Systèmes régionaux dans ce chapitre).
Dans l’affaire Bah c. Royaume-Uni, la plaignante a fait valoir qu’elle et son fils étaient victimes de discrimination en raison de leur statut d’immigrants. Lors de l’examen de cette affaire, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a interprété l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif à l’interdiction de la discrimination, en relation avec le statut d’immigrant. L’article 14 stipule que « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » [italique ajouté]. La Cour a estimé que le statut d’immigrant peut être considéré comme une « autre situation » aux fins de l’article 14.
Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), affaire Bah c. Royaume-Uni, 2011.
Le droit souple est établi dans des instruments tels que les « déclarations », les « recommandations », les « plans d’action », les « lignes directrices » et les « pactes mondiaux ». Bien qu’il ne s’agisse pas d’une source de droit contraignante, il contribue à l’élaboration d’une conduite commune entre les États et les organisations internationales. Le droit souple fournit généralement un cadre politique de coopération conforme à la fois à la souveraineté des États et au droit international. Le droit souple sert d’outil pour faciliter, au niveau politique et pratique, l’opérationnalisation des normes de droit international (droit contraignant) que les États se sont engagés à respecter (par la ratification de traités, ainsi qu’en vertu du droit international coutumier et du principe de bonne foi qui s’applique à tous les États). Par exemple, dans le domaine du droit international de la migration, le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières de 2018 constitue un instrument de droit souple important.
Au fil du temps, les instruments de droit souple ou leur contenu peuvent devenir du droit international coutumier, voire servir de tremplin pour l’adoption de traités. Par exemple, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 a servi de tremplin aux Pactes de 1966.
Les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies constituent un exemple de droit souple. Bien qu’elles ne soient pas juridiquement contraignantes, elles indiquent ce que les États considèrent comme juste ou injuste dans les relations internationales. Conformément au droit international relatif aux droits de l’homme, l’examen des rapports des États parties, des communications individuelles et des observations générales effectué par les organes conventionnels compétents fournit une interprétation faisant autorité en matière du traité spécifique qu’ils contrôlent. De même, les rapports et les déclarations sur les mécanismes de procédure spéciale en matière de droits de l’homme aident à déterminer les obligations et les droits définis par le droit international des droits de l’homme.
En 2017, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a révisé sa précédente délibération n° 5 relative à la privation de liberté des migrants. La délibération révisée était basée sur la pratique existante du groupe de travail en matière de détention des migrants, ainsi que sur les nouveaux développements de sa propre jurisprudence et du droit international. En d’autres termes, la délibération représente les décisions existantes du groupe de travail et rassemble les règles relatives à la détention.
La délibération établit que les migrants et les demandeurs d’asile, indépendamment de leur citoyenneté, de leur nationalité ou de leur statut migratoire, ont droit à la liberté personnelle, car celle-ci « est fondamentale et s’étend à toutes les personnes en tout temps et toute circonstance ». L’interdiction de la détention arbitraire ne souffre aucune exception : la délibération note que la détention arbitraire ne peut jamais être justifiée « y compris pour aucune raison liée à l’urgence nationale, au maintien de la sécurité publique ou aux mouvements importants d’immigrants ou de demandeurs d’asile ». La délibération établit également que la criminalisation de l’entrée et du séjour irréguliers des migrants dans un pays « excédera toujours l’intérêt légitime que portent les États à la protection de leur territoire et à la régulation des flux migratoires irréguliers ». En d’autres termes, la migration irrégulière ne doit pas être criminalisée. La délibération interdit explicitement la privation de liberté des enfants, qu’ils soient demandeurs d’asile, réfugiés, apatrides ou migrants. Il en va de même pour les enfants qui voyagent seuls ou qui ont été séparés de leur famille. La délibération précise également que la détention de migrants pendant les procédures d’immigration « doit être justifiée : elle doit être raisonnable, nécessaire et proportionnée à la lumière des circonstances propres à chaque cas ». Cette détention n’est autorisée que lorsqu’elle dure le moins possible, qu’elle n’a pas de caractère punitif et qu’elle fait l’objet d’un réexamen périodique au fur et à mesure qu’elle se prolonge dans le temps. Enfin, elle établit que la détention doit être une mesure exceptionnelle et que des alternatives à la détention doivent être recherchées afin de garantir le caractère exceptionnel de ladite détention.
- Les principales sources du droit international de la migration sont les traités et le droit international coutumier.
- Le droit international coutumier est contraignant pour les États sans ratification (par exemple, les lois interdisant la torture et le refoulement). D’autres instruments juridiques internationaux sont également contraignants, sous réserve qu’ils soient ratifiés. Toutefois, la signature sans ratification oblige les États à ne pas agir à l’encontre de l’esprit de l’instrument signé.
- Les principes généraux du droit, qui sont généralement acceptés dans les principaux systèmes juridiques et reconnus comme contraignants au niveau international, ainsi que le droit souple, constituent d’autres sources pertinentes du droit international de la migration. Bien que non contraignant, le droit souple joue un rôle important dans l’élaboration d’un code de conduite partagé par les États et les organisations internationales. Il peut également inspirer des instruments de droit contraignant et, au niveau des politiques et des pratiques, il contribue à la mise en œuvre du droit contraignant.