Il n’existe pas de définition juridique de la migration régulière ou irrégulière. Ces termes sont utilisés par les États et autres acteurs de la migration pour décrire la manière dont les ressortissants étrangers franchissent les frontières internationales. L’OIM définit les migrations sûres, ordonnées et régulières comme suit :
Cette section considère la migration sous plusieurs angles. Tout d’abord seront abordés la migration régulière par opposition à la migration irrégulière ainsi que les modes d’entrée, de transit et de séjour. Et enfin, à la suite de l’étude de la section précédente, seront examinés les différents types de migration volontaire, forcée et mixte (et pourquoi il est difficile de maintenir une dichotomie stricte entre migration volontaire et forcée).
Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières ne définit pas la migration régulière mais inclut les composantes possibles de politiques en matière de migrations régulières : des lois et politiques en matière d’immigration, les critères et formalités d’obtention, le coût et les modalités de conversion des visas, les critères d’obtention d’un permis de travail, le niveau de qualification professionnelle requis, les modalités d’évaluation des titres de compétences et les équivalences, les perspectives de formation et d’études ainsi que le coût de la vie et les conditions de vie dans certains pays.
La migration irrégulière est définie comme suit :
Dans une note, les Termes clés de la migration de l’OIM indiquent clairement que le fait que les migrants puissent migrer irrégulièrement « n’exonère pas les États de l’obligation de protéger leurs droits » [traduction libre] (OIM, 2019: 116). De même, le document décrit des catégories de migrants qui utilisent des voies irrégulières mais qui ont néanmoins besoin de certaines formes de protection, y compris les « réfugiés, victimes de la traite des personnes ou enfants migrants non accompagnés » [traduction libre].
Dans la pratique, ces deux formes de migration sont parfois difficiles à distinguer. Certaines personnes franchissent les frontières de manière totalement irrégulière, clandestinement, sans contrôle par aucune autorité consulaire ou par les autorités de l’immigration, ou encore en utilisant des documents falsifiés. D’autres personnes voyagent avec des passeports et des visas valides ; cependant, après leur entrée sur le territoire, elles dépassent délibérément ou accidentellement la durée de validité et/ou de séjour de leur visa, travaillent ou exercent des activités différentes sans autorisation.
L’inverse peut également se produire. Une personne peut entrer dans un territoire ou y séjourner irrégulièrement mais régulariser ensuite sa situation.
La migration irrégulière est souvent associée au trafic illicite de migrants et à la traite des personnes (pour en savoir plus, consultez le Trafic illicite de migrants et le Traite des personnes et formes connexes d’exploitation et d’abus). Cependant, certains migrants irréguliers voyagent seuls ou avec l’aide de membres de leur famille. Les migrants qui font appel à des passeurs ont recours aux services de petites organisations ou peuvent être les clients de vastes réseaux internationaux (ou une association des deux). D’autres migrants sont victimes de trafic illicite – ce qui signifie qu’ils sont contraints de franchir des frontières internationales ou amenés à le faire par la tromperie, à des fins d’exploitation sexuelle ou d’exploitation par le travail. Certaines personnes victimes de trafic illicite entrent de manière irrégulière dans un État, tandis que d’autres utilisent des voies régulières. Les passeurs qui facilitent les passages frontaliers irréguliers le font en contrepartie d’un avantage financier. Lorsque les migrants ayant recours aux services de trafiquants d’êtres humains sont contraints à la servitude pour dettes afin de rembourser le prix de leur transport clandestin, le trafic illicite peut se muer en traite des personnes.
- Triandafyllidou, A., L. Bartolini et C.F. Guidi, Exploring the Links between Enhancing Regular Pathways and Discouraging Irregular Migration: A Discussion Paper to Inform Future Policy Deliberations, 2019.
- Division de la population du Département des affaires économiques et sociales des Nations (UNDESA), Politiques démographiques mondiales 2019, 2020b [en anglais].
- Yayboke, E.K. et C.G. Gallego., Out of the Shadows: Shining a Light on Irregular Migration, 2019.
- Triandafyllidou, A. et M.L. McAuliffe, Migrant Smuggling Data and Research: A Global Review of the Emerging Evidence Base, 2018.
Il existe un continuum entre migration volontaire et migration forcée. À un extrême, la migration volontaire intervient lorsque des migrants décident de quitter leur pays volontairement et en toute connaissance de cause, et qu’ils entrent dans un autre pays avec l’autorisation des autorités. Ces migrants respectent, généralement, les exigences d’entrée établies par le pays de destination en matière d’admission. La plupart des migrations volontaires relèvent de l’une des catégories suivantes :
- Migration de main-d’œuvre. La migration de main-d’œuvre peut être saisonnière de manière temporaire mais pas saisonnière, circulaire ou récurrente, de manière indéfinie (sans limitation dans le temps) ou permanente. Elle peut concerner tous les niveaux de compétences. Pour en savoir plus, veuillez consulter le Chapitre 2.4 Migration de main-d’œuvre.
- Formation d’une famille or regroupement familial. La plupart des pays limitent l’admission des époux/épouses et des enfants mineurs des citoyens et des personnes disposant d’un statut légal d’immigrant, alors que certains admettent les membres plus éloignés de la famille du membre d’origine. De très nombreux pays imposent des obligations financières au parrainage des demandeurs. Certains autorisent l’entrée des membres de la famille uniquement si le parrain dispose d’un statut permanent ou d’une durée indéterminée. Par ailleurs, d’autres pays imposent des restrictions d’âge aux membres de la famille autorisés à entrer sur le territoire. Ainsi, les époux/épouses doivent avoir atteint un âge défini ou les enfants doivent avoir moins d’un âge déterminé. Pour en savoir plus, veuillez consulter la section Modification des politiques en matière de migration familiale du Chapitre 2.5 Famille et migration.
- Éducation. L’admission des étudiants étrangers (parfois connus sous le nom d’étudiants internationaux) est, elle aussi, réglementée. Si la plupart de ces étudiants intègrent des établissements d’enseignement supérieur, certains sont admis dans des écoles du cycle secondaire voire primaire et d’autres dans des établissements d’enseignement professionnel ou d’apprentissage des langues. Dans certains cas, les étudiants adressent personnellement et directement leur demande d’admission à l’établissement. Dans d’autres cas, ils participent à des programmes d’échange à dimension éducative ou culturelle qui permettent aux étudiants d’intégrer des établissements.
À l’autre extrême, la migration forcée implique que les personnes déplacées n’ont que peu d’autre alternative à la fuite.
Ces facteurs déclencheurs peuvent comprendre des menaces mettant en péril la vie des migrants ou leurs moyens de subsistance, qu’il s’agisse de causes d’origine naturelle ou humaine (par exemple les catastrophes naturelles, environnementales, chimiques ou nucléaires, les famines ou projets de développement). Comme indiqué ci-dessous, le terme « migration forcée » est débattu en raison du large consensus sur l’existence d’un continuum dans la capacité d’agir pour tous les migrants (OIM, 2019). En fait, beaucoup de migrants (si ce n’est la plupart) se situent entre ces deux extrêmes : leur migration est régie à la fois par des éléments de choix et de coercition.
Les réfugiés ainsi que les personnes menacées de torture sont les seuls groupes de migrants forcés à être expressément protégés, par le droit international, contre les retours forcés. D’autres personnes exposées à un risque de préjudice irréparable relèvent d’instruments internationaux, régionaux et nationaux en matière de droits humains et de migration (veuillez consulter le Droits humains des migrants : vue d’ensemble pour en savoir plus). En vertu de la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés, un réfugié est défini à l’article 1 A(2) comme toute personne :
Qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays.
Assemblée générale des Nations Unies [AGNU], 1951.
En Afrique, les définitions ont été élargies afin d’inclure les personnes contraintes de fuir du fait « d’une agression, d’une occupation extérieure, d’une domination étrangère ou d’événements troublant gravement l’ordre public dans une partie ou dans la totalité de son pays d’origine ou du pays dont elle a la nationalité » (Convention régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, 1961). Et en Amérique latine, la définition s’étend aussi « aux personnes qui ont fui leur pays parce que leur vie, leur sécurité ou leur liberté étaient menacées par une violence généralisée, une agression étrangère, des conflits internes, une violation massive des droits de l’homme ou d’autres circonstances ayant perturbé gravement l’ordre public »(Colloque sur la protection internationale des réfugiés en Amérique centrale, au Mexique et au Panama, 1984).
Les États n’ont pas l’obligation d’admettre un réfugié ou une victime de torture qui est à l’extérieur de son territoire. Toutefois, il existe une interdiction de refoulement (retour forcé) d’un réfugié qui se trouve sur le territoire d’un État, sauf dans certains cas particuliers où la personne concernée constitue une menace pour le pays. En vertu de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants, les États sont soumis à une interdiction absolue de refouler toute personne qui risque d’être soumise à la torture.
Dans d’autres cas où la coercition existe, la décision d’admettre ou d’éloigner un migrant forcé relève du pouvoir discrétionnaire de l’État. Cependant, rares sont les États qui disposent de cadres législatifs ou réglementaires leur permettant de déterminer, de manière systématique, qui doit être admis ou, au moins, qui ne doit pas être expulsé dans ces situations. Le Pacte mondial pour les migrations reconnaît l’existence de lacunes. Au paragraphe 21(g), le Pacte encourage les États à :
Établir à l’échelle nationale et régionale des dispositifs permettant l’admission et le séjour pour une durée appropriée, par compassion, pour des motifs humanitaires ou compte tenu d’autres considérations, de migrants contraints de quitter leur pays d’origine en raison d’une catastrophe naturelle soudaine ou d’autres situations précaires.
United Nations General Assembly, 2018.
Le Pacte présente une série de mesures que les États peuvent adopter à cet égard. Parmi celles-ci, des visas humanitaires, des parrainages privés, l’accès à l’éducation pour les enfants et des permis de travail temporaires.
Il n’est pas aisé de déterminer si des mouvements sont volontaires ou forcés, même si les deux possibilités sont souvent présentées de manière binaire, comme s’il n’existait pas d’entre-deux. À l’instar des mouvements, qui peuvent être réguliers ou irréguliers, certains peuvent être clairement volontaires ou forcés. Cependant, beaucoup sont plus difficiles à catégoriser que d’autres. Le terme migration mixte décrit le continuum de mouvements et les difficultés auxquelles les États sont souvent confrontés lors de leur décision d’octroi ou non du statut de réfugié.
Les migrations sont mixtes à trois égards.
- Tout d’abord, il existe des mouvements dans le cadre desquels migrants volontaires et migrants forcés utilisent les mêmes moyens de transport et arrivent ensemble dans les pays de transit et les pays de destination. Certains de ces migrants sont des réfugiés, et ont, à ce titre, droit à la protection que leur procure le droit international. D’autres fuient des situations où leur vie est également en danger et peuvent, dans certains cas, bénéficier d’une protection internationale qui leur est conférée par une réglementation nationale ou de manière discrétionnaire par les autorités. Enfin, certains sont à la recherche de meilleures opportunités, pour eux-mêmes et pour leur famille. Il peut se révéler difficile de catégoriser les migrants, surtout lorsque ces personnes quittent des situations très similaires. Or, s’il devait être appliqué à toutes ces personnes, le processus de détermination du statut de réfugié serait à la fois long et coûteux, sans nécessairement conférer de protection aux migrants qui en font la demande ni entraîner l’éloignement de ceux qui ne réalisent pas cette démarche.
- Ensuite, on distingue les facteurs mixtes de migration conduisant à des mouvements de masse. Par exemple, les facteurs politiques, tels que les conflits et violations des droits humains, peuvent s’associer à d’autres circonstances, comme des catastrophes naturelles ou un effondrement économique, et ainsi provoquer des mouvements à grande échelle.
- Et enfin, les migrations sont mixtes car les raisons qui incitent les personnes à migrer à titre individuel, et non en groupes, peuvent être multiples. Certaines personnes ou familles sont parfois contraintes de quitter leur pays du fait de conditions qui mettent leur vie en danger, mais elles choisissent une destination précise en raison des plus grandes opportunités dont elles bénéficieront dans cet endroit plutôt que dans un autre. Parfois, ces opportunités sont économiques ou associées aux solides réseaux sociaux dont elles disposent. Mais d’autres fois, c’est pour des raisons de sûreté et de sécurité qu’elles se rendent dans la destination de leur choix. Il arrive également qu’un État particulier adopte des catégories plus larges en matière de protection des personnes dont la vie est en danger dans le pays d’origine. La capacité d’agir dont font preuve les migrants dans le choix de leur destination n’enlève rien au caractère « forcé » de la migration. Cependant, leur statut de réfugié peut être plus difficile à déterminer par les décideurs politiques.
Comme le souligne la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales des Nations (UNDESA), les pays à revenu élevé accueillent essentiellement la migration de main-d’œuvre et la migration familiale, tandis que les pays à revenu faible ou intermédiaire sont la destination des populations déplacées à l’intérieur de leur propre pays qui fuient les conflits ou les persécutions (pour consulter les statistiques relatives aux déplacements, veuillez consulter la section Ampleur et nature de la migration internationale au XXIe siècle, dans ce chapitre). Ces tendances ont des répercussions sur le type d’assistance dont les migrants ont besoin, sur les défis de développement qui résultent de la pression excessive que subissent les infrastructures en place et sur les réponses politiques appropriées qu’il convient d’apporter (Division de la population de l’UNDESA, 2020a).
- S’il n’existe pas de définition juridique de la migration sûre, ordonnée, régulière ou irrégulière, les États utilisent ces termes pour distinguer les différents types de mouvements qui sont conformes au droit international et national, et qui interviennent d’une manière qui protège les droits des migrants, par opposition aux mouvements qui ont lieu en dehors de ces cadres.
- La plupart des migrations ne sont ni totalement volontaires, ni totalement forcées. Il s’agit davantage d’un continuum entre ces deux extrêmes.
- Les catégories utilisées par les États tendent à caractériser les migrants selon qu’ils correspondent ou non à ce continuum. Ainsi, la migration de main-d’œuvre, la migration familiale et la migration à des fins éducatives sont considérées comme volontaires, tandis que les migrations du fait de violences, de conflits ou de catastrophes sont considérées comme forcées.