Les « pare-feu » établissent une séparation stricte et réelle entre l’application des lois sur l’immigration et les services publics. Ainsi, les autorités chargées de l’immigration ne peuvent pas avoir accès aux informations relatives au statut migratoire des usagers des services publics. De même, les institutions responsables de la fourniture de ces services ne sont pas tenues d’enquêter ou de partager des informations sur le statut migratoire de leurs usagers. Ces institutions comprennent les prestataires de services dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la sécurité sociale, de l’aide sociale et de la protection des travailleurs, ainsi que la police et le système judiciaire. Seul mécanisme permettant aux migrants d’exercer et de jouir de leurs droits humains sans crainte d’être dénoncés aux autorités chargées de l’immigration, ces « pare-feu » sont une conséquence inéluctable de l’obligation des États de protéger toutes les personnes relevant de leur juridiction contre la discrimination, conformément aux normes et règles internationales en matière de droits humains.
Tous les droits humains (à quelques rares exceptions) sont d’égale importance, et les migrants de même que les ressortissants peuvent s’en prévaloir. Ce thème se concentre sur plusieurs droits particulièrement importants dans le cadre de la migration. Il en décrit le contenu, tel que reconnu par les instruments internationaux et régionaux ainsi que par le droit international coutumier. Ces droits comprennent des droits civils, politiques, économiques et sociaux. Ce thème présente la façon dont ces droits ont été interprétés et développés par les décisions judiciaires pertinentes et les organes de traités sur les droits humains.
Les migrants éprouvent très souvent des difficultés à exercer et jouir pleinement de leurs droits humains. Cet état de fait est dû à la discrimination potentielle à laquelle les migrants peuvent être confrontés dans les sociétés qui les accueillent, ainsi qu’à d’autres complications liées à la migration. Pour surmonter ces difficultés, les États adoptent de plus en plus de mesures « pare-feu » entre les services sociaux et les autorités chargées de l’immigration. Ces mesures facilitent l’accès aux services sans discrimination. Elles sont également dans l’intérêt de la société et contribuent au maintien de l’état de droit. Elles évitent également que les migrants, en particulier ceux qui sont en situation irrégulière ou de vulnérabilité, ne s’abstiennent de faire valoir leurs droits par crainte d’être dénoncés, expulsés ou placés en détention.
- Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), Promising Local Practices for the Enjoyment of the Right to Health by Migrants, 2019. Comprend des exemples de pare-feu et le droit à la santé des migrants.
Le droit à la vie est consacré dans de nombreux instruments régionaux et traités en matière des droits humains. Veuillez consulter le Mémo sur les Principaux instruments des droits humains pour une liste des instruments pertinents et articles connexes.
Interdiction de privation arbitraire de la vie
L’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) reconnaît le droit inhérent de chacun à la vie, que « nul ne peut être arbitrairement privé de la vie » et que le droit à la vie « doit être protégé par la loi ». La protection du droit à la vie s’applique sans distinction ni discrimination de quelque nature que ce soit, et que toutes les personnes se voient garantir un accès égal et effectif à des voies de recours en cas de violation de ce droit (PIDCP, article 2).
En vertu du droit international, l’interdiction de la privation arbitraire de la vie est absolue. Dans son Observation générale nº 36, le Comité des droits de l’homme sur les droits civils et politiques précise que la privation de la vie est arbitraire si elle est incompatible avec le droit international ou avec le droit interne.
Néanmoins, une privation de la vie peut être autorisée par le droit national et demeurer arbitraire. Par exemple, et s’agissant de la peine de mort, les États qui n’ont pas aboli la peine de mort doivent limiter l’application de la peine de mort aux cas où elle est conforme « à la législation en vigueur au moment où le crime a été commis » (PIDCP, article 6) ; lorsqu’elle s'applique aux « crimes les plus graves » (PIDCP, article 6) ; lorsqu’elle respecte les droits à un procès équitable, et notamment le droit de solliciter la grâce ; et lorsqu’elle est exécutée d’une manière ou selon des méthodes compatibles avec les articles 6 et 7 du PIDCP (qui interdissent la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants).
En matière de gouvernance des migrations, cela concerne les situations dans lesquelles l’État décide de renvoyer une personne hors de son territoire vers un autre État où cette personne a été condamnée à mort ou pourrait certainement l’être. En vertu du droit international, le principe de non-refoulement interdit aux États de transférer ou renvoyer de leur juridiction ou de leur contrôle effectif, dans certaines circonstances, des individus (plus de détails dans Protection contre le refoulement, plus bas dans ce chapitre).
Le Comité des droits de l’homme a estimé que le principe de non-refoulement est applicable lorsqu’il existe un risque de violation du droit à la vie en raison de la peine de mort. En 2003, dans l’affaire Judge c. Canada, le Comité des droits de l’homme a conclu que le Canada, en qualité d’État partie ayant aboli la peine de mort, avait violé le droit à la vie d'un migrant en vertu de l’article 6, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) en le déportant aux États-Unis, où il était condamné à mort, sans s’assurer que la peine de mort ne serait pas exécutée.
L’obligation de l’État de prévenir la privation du droit à la vie et de protéger ce droit a également des conséquences substantielles sur le recours à la force à des fins d’application de la loi, y compris pour le contrôle des frontières et des migrations, tant par les agents de l’État que par les entités privées et les personnes agissant au nom de l’État. L'emploi :
d’une force potentiellement létale dans le cadre du maintien de l’ordre est une mesure extrême à laquelle il ne devrait être recouru que lorsque cela s’avère strictement nécessaire pour protéger la vie ou prévenir un préjudice grave découlant d’une menace imminente... La privation intentionnelle de la vie par quelque moyen que ce soit n’est autorisée que si elle est strictement nécessaire pour protéger la vie contre une menace imminente.
(Comité des droits de l’homme, Observation générale nº 36, 2018.
Par conséquent, tout acte accompli lors de la procédure d’application de la loi entraînant le décès d’un migrant, y compris tout acte visant à empêcher l’entrée irrégulière sur le territoire, doit faire l’objet d’une enquête par l’État compétent et de poursuites s’il est jugé arbitraire. À défaut, les États peuvent être tenus pour responsables en vertu du droit international.
Obligation de protéger le droit à la vie
En vertu du droit international, les États ont l’obligation de protéger le droit à la vie. En matière de gouvernance des migrations cette obligation est souvent liée aux interventions des États pour sauver les vies de migrants en danger.
Dans les années 1990, de nombreux Albanais sont entrés en Italie irrégulièrement par la mer. En réponse à cette vague, l’Italie a signé un accord avec l’Albanie, permettant à la marine italienne d’arraisonner et de fouiller les navires albanais. En 1997, le bateau « Kater I Rades » a coulé à la suite d’une collision avec un navire de guerre italien, dont l’équipage tentait d’arraisonner le navire albanais. Cinquante-huit personnes ont perdu la vie. Les autorités italiennes ont poursuivi le commandant italien pour homicide involontaire, car il avait exposé les passagers du bateau albanais à un risque disproportionné par rapport à l’objectif poursuivi, à savoir le contrôle des frontières.
Ultérieurement, quelques survivants ont saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) dans l’affaire Xharava et autres c. Italie et Albanie. La Cour a conclu à son irrecevabilité, car les autorités italiennes avaient dûment enquêté sur l’affaire et avaient saisi le tribunal italien pour déterminer si les mesures prises pour contrôler l’immigration avaient été appliquées conformément à l’obligation de respect du droit à la vie.
Interdiction de l’esclavage et de pratiques analogues à l’esclavage
L’interdiction de l’esclavage est l’une des premières décisions du droit international à être universellement acceptée en 1815, dans la Déclaration relative à l’abolition universelle de la traite des esclaves (Consolidated Treaty Series, vol. 63, nº 473). Depuis, l’interdiction de l’esclavage a été intégrée à divers traités internationaux (consulter une liste d’instruments à la section Lois et principes internationaux du Traite de personnes et formes connexes d’exploitation et d’abus).
L’interdiction de l’esclavage et des pratiques analogues à l’esclavage a déjà atteint le niveau de droit international coutumier et jus cogens (c’est-à-dire qu’il s’agit de droits indérogeables). La Cour internationale de Justice (CIJ) considère la protection contre l’esclavage comme un droit absolu auquel nul ne peut déroger (CIJ, 1970).
Et pourtant, l’esclavage et les pratiques analogues à l’esclavage continuent d’exister et les migrants en sont souvent les victimes. Les migrants deviennent vulnérables à l’esclavage et aux pratiques analogues à l’esclavage (par exemple, l’exploitation sexuelle ou par le travail sous la contrainte, la traite d’êtres humains, la servitude et la sujétion) pour diverses raisons et à différents moments, en particulier s’ils sont en situation irrégulière. L'obligation des États d’abolir l’esclavage et les situations analogues à l’esclavage comprend l’adoption de lois, politiques et pratiques destinées à garantir à toute personne, y compris aux migrants sans distinction de leur statut, une protection efficace contre ces crimes (plus de détails sur les Lois et principes internationaux pertinents dans le Traite des personnes et formes connexes d’exploitation et d’abus).
Dans l’affaire Siliadin c. France, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a statué sur l’applicabilité de l’article 4 de la Convention européenne des droits de l’homme interdisant l’esclavage, la servitude et le travail forcé et obligatoire au cas d’une migrante en séjour irrégulier en France. Siliadin, une jeune fille togolaise de 15 ans est arrivée en France avec Mme D., une ressortissante française d’origine togolaise, avec un visa touristique. Elles étaient convenues que Siliadin travaillerait au domicile de Mme D. jusqu'à ce que le coût de son billet d’avion soit remboursé, et que Mme D. l’inscrirait à l'école et s’occuperait de son dossier d’immigration. Au lieu de cela M. et Mme D ont confisqué le passeport de Siliadin et l’ont forcée à travailler comme femme de ménage non rémunérée. Elle a ensuite été « prêtée » à M. et Mme B, qui ont décidé de la « garder » comme femme de ménage et nounou non rémunérée, travaillant 15 heures par jour, sept jours sur sept, sans jours de repos. Elle était occasionnellement, de manière exceptionnelle, autorisée à sortir le dimanche pour aller à la messe.
L’affaire a été portée devant la justice française, qui l’a examinée en vertu des articles 225-13 et 225-14 du Code pénal, qui érigent en infraction le fait de soumettre une personne « à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine en abusant de sa vulnérabilité ou de sa situation de dépendance ». Bien que Siliadin ait obtenu des réparations civiles, M. et Mme B ont été acquittés.
Siliadin a alors intenté une action contre la France devant la CEDH. Elle a soutenu que les articles 225-13 et 225-14 du Code pénal étaient si ouverts et évasifs qu’une protection effective et suffisante contre les pratiques dont elle avait été victime ne lui avait pas été assurée, en violation de l’article 4 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La CEDH a fait droit à sa demande. Elle a relevé que l’esclavage et la servitude n’étaient pas en tant que tels réprimés par le droit pénal français, car les articles 225-13 et 225-14 du Code pénal n’abordaient pas spécifiquement les droits garantis en vertu de l’article 4 de la Convention. Ainsi, la victime, soumise à des traitements contraires à l’article 4 et maintenue en servitude, n’a pas vu les auteurs des actes condamnés au plan pénal. La CEDH a conclu que les dispositions pénales applicables en France n’ont pas assuré à la victime une protection suffisante et effective contre la servitude à laquelle elle a été assujettie. En conséquence, elle a conclu que la France avait violé la Convention européenne des droits de l’homme.
La CEDH a statué en 2005 ; en 2003, la France avait déjà modifié le Code pénal pour le mettre en conformité avec la Convention européenne des droits de l’homme.
Travail forcé
En droit, le travail forcé se distingue de l’esclavage et des pratiques analogues à l’esclavage. Néanmoins, il a pratiquement le même impact sur la personne, notamment en matière de dignité, de droits et de bien-être.
Tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré.
En vertu de la Convention (nº 29) sur le travail forcé (C029), les États parties ont une responsabilité de « supprimer l’emploi du travail forcé ou obligatoire sous toutes ses formes dans le plus bref délai possible ». Cette convention a été complétée par la Convention (nº 150) sur l’abolition du travail forcé de l’OIT (1957 [C105]), qui abolit le travail forcé à des fins politiques et de développement économique, en tant que mesure de discipline du travail ou de punition pour avoir participé à des grèves, et en tant que mesure de discrimination.
- Organisation internationale du travail (OIT), Protocole relatif à la Convention sur le travail forcé, 2014 Cette note fournit des conseils sur les mesures à prendre pour éliminer toutes les formes de travail forcé conformément au Protocole et à la Recommandation 203 qui complètent la Convention (nº 29) de l’OIT sur le travail forcé (C029).
- Union Interparlementaire et OIT, Éliminer le travail forcé, 2019
Traite des personnes
Aujourd’hui, la communauté internationale poursuit sa lutte contre l’exploitation, en allant au-delà de l’interdiction de l’esclavage, des pratiques analogues à l’esclavage et du travail forcé/obligatoire. À l’exception de quelques définitions relatives à l’exploitation des enfants dans la Convention relative aux droits de l’enfant (CNUDE), le droit international ne donne pas de définition exacte de l’exploitation. Toutefois, en vertu du Protocole de Palerme, les États sont tenus d’incriminer la traite des personnes, qui doit être commise « à des fins d’exploitation ».
Érigée en infraction dans la plupart des législations nationales, la traite des personnes est souvent qualifiée d’« esclavage moderne ». L’esclavage, les pratiques analogues à l’esclavage et le travail forcé sont spécifiquement inclus dans la définition de l’exploitation proposée par le Protocole de Palerme, avec la prostitution, l’exploitation sexuelle et le prélèvement d’organes. Néanmoins, la liste n’est pas exhaustive afin que d’autres formes et situations d’exploitation soient couvertes par le droit national (en savoir plus sur la définition et la Traite des personnes dans le contexte migratoire au Traite des personnes et formes connexes d’exploitation et d’abus).
Le Protocole de Palerme reconnaît également le besoin de protection et d’assistance des victimes, bien que cela dépende des moyens et des ressources des États. Aux niveaux régional et national, les instruments juridiques définissent plus précisément les obligations des États en matière de protection et d’assistance aux victimes. (Pour en savoir plus, consulter Protection des migrants victimes de la traite au Traite des personnes et formes connexes d’exploitation et d’abus).
L’interdiction de la torture et des peines et traitements cruels, inhumains et dégradants est inscrite dans divers traités internationaux et régionaux en matière de droits humains. Consulter le Mémo sur les Principaux instruments des droits humains pour les instruments et articles pertinents.
L’article 4 du PIDCP et l’article 2 de la Convention contre la torture (CAT) précisent que l’interdiction de la torture est absolue. En effet, aucun État n’est autorisé à y recourir ni n’est dispensé d’assurer une protection contre celle-ci. Ainsi, tout État peut poursuivre un auteur présumé, indépendamment du lieu où le crime a été commis, de la nationalité de l’auteur présumé ou de la nationalité de la victime.
Il n’existe aucune définition juridique distincte des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Néanmoins, dès lors qu’ils sont similaires à la torture, les États ont une obligation de protéger les individus contre ces traitements en vertu du PIDCP et de la CAT.
PIDCP | CAT | |
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Obligations nÉgatives | S’abstenir de commettre des actes interdits | |
Obligations positives |
Prendre des mesures pour : (a) empêcher que de tels actes se produisent ; (b) veiller à ce qu’ils fassent l’objet d’une enquête et de poursuites en bonne et due forme lorsqu’ils se produisent ; (c) veiller à ce que les victimes aient accès à des voies de recours et à une indemnisation. |
|
Empêcher et punir les acteurs privés qui se livrent à des actes interdits (les acteurs privés relèvent directement de ces actes). |
La responsabilité d’un État est engagée seulement si ledit État n’empêche pas les actes de torture ou de mauvais traitements par les acteurs privés : (a) qui sont consentis ; (b) dont les autorités étatiques avaient connaissance ou avaient des motifs raisonnables de savoir qu’ils étaient commis ; (c ) d’offrir un recours contre les conséquences de ces actes. |
Les obligations des États de protéger contre la torture, les peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants sont très importantes pour les migrants, tant en ce qui concerne la détention des immigrants que leur retour.
Dans l’affaire S. F. et autres c. Bulgarie, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a examiné l’affaire d’une famille irakienne avec trois enfants, placés dans un centre de détention de la police alors qu’elle était entrée en Bulgarie de manière irrégulière. La Cour a conclu que malgré la courte durée de la détention (entre 32 et 41 heures), les conditions physiques de la cellule, ainsi que l’interdiction d’accéder aux toilettes et le fait que la famille ne s’est pas vue proposer des boissons ou de nourriture pendant plus de 24 heures constituaient un traitement inhumain et dégradant, interdit en vertu de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Le principe de non-refoulement protège toute personne - indépendamment de sa nationalité, de son absence de nationalité ou de son statut migratoire - contre l’expulsion ou le refoulement vers un État si :
- elle a une crainte justifiée de persécution à son retour, pour l’un des motifs protégés en vertu de la Convention relative au statut des réfugiés ;
- il y a des motifs sérieux de croire que la personne risque d’être soumise à la torture dans le pays ;
- il y a des motifs sérieux de croire qu’il existe un risque de préjudice irréparable, découlant, par exemple, de :
- peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
- violations du droit à la vie ;
- rejet flagrant du droit à un procès équitable ;
- violation de l’intégrité ou de la liberté de la personne ;
- formes graves de violences sexuelles ou basées sur le genre ;
- la peine de mort ;
- la mutilation des organes génitaux féminins ;
- l’isolement cellulaire prolongé ;
- graves violations de droits économiques, sociaux et culturels équivalant à une violation du droit à la vie ou du droit à la protection contre la torture ; conditions de vie dégradantes ; absence de traitement médical , ou maladie mentale.
Le refoulement est interdit explicitement ou implicitement en vertu du droit international des réfugiés, du droit international relatif aux droits humains, du droit pénal transnational, du droit international humanitaire et du droit de la mer. Veuillez consulter le Mémo sur les Principaux instruments des droits humains pour une liste des instruments pertinents et articles connexes. Bien qu’elles ne soient pas identiques, les portées des obligations en matière de non-refoulement découlant de divers instruments internationaux peuvent se chevaucher ou se compléter pour combler les lacunes en matière de protection. Au fur et à mesure de l’évolution du droit international, ces obligations peuvent se chevaucher ou se compléter davantage
Qui bÉNÉficie d’une protection ? | Quel prÉjudice ? | Les exceptions | |
---|---|---|---|
Instruments mondiaux | |||
Convention de 1951 et protocole relatifs au statut des réfugiés article 33 |
Toute personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. | Menace à la vie ou la liberté (ou violations graves des droits humains équivalent à de la persécution) en raison de l’un des cinq motifs. | Raisons sérieuses de considérer un demandeur d’asile comme un danger pour la sécurité du pays d’asile ou qui, ayant été l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays. |
Convention contre la torture (CAT) article 3 |
Toute personne, lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire que la personne risque d'être soumise à la torture. | Torture, telle que définie à l’article 1 de la CAT. | Aucune. |
Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) Articles 2, 6 et 7 et potentiellement, d’autres droits de la Convention selon le cas |
L’obligation que fait l’article 2 aux États parties de respecter et garantir à toutes les personnes se trouvant sur leur territoire et à toutes les personnes soumises à leur contrôle les droits énoncés dans le Pacte entraîne l’obligation de ne pas extrader, déplacer, expulser quelqu’un ou le transférer par d’autres moyens de leur territoire s’il existe des motifs sérieux de croire qu’il y a un risque réel de préjudice irréparable dans le pays vers lequel doit être effectué le renvoi ou dans tout pays vers lequel la personne concernée peut être renvoyée par la suite, tel le préjudice envisagé aux articles 6 et 7 du Pacte (Comité des droits de l’homme, 2004 : par. 12). | Tout préjudice irréparable, tel que la privation de la vie (article 6 du PIDCP, la torture ou les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (article 7 du PIDCP). | Aucune. |
INSTRUMENTS RÉGIONAUX | |||
Convention européenne des droits de l’homme (ConvEDH) articles 2, 3, 5 et 6 |
Toute personne, s’il existe des « motifs sérieux de croire qu’il y a un risque réel » de traitement interdit par l’article 3 ou par le droit à la vie (par exemple, CEDH, Bader et autres c. Suède, 2005b [en anglais]). Toute personne s’il existe un « risque réel de violation flagrante » des droits protégés en vertu de l’article 5 en cas de retour (CEDH, Tomic c. Royaume-Uni, 2003a [en anglais] ; CEDH, Othman (Abu Qatada) c. Royaume-Uni, 2012 [en anglais |
Torture et traitements inhumains, violations du droit à la vie. Violation « flagrante » des droits à la liberté et à la sûreté (article 5) ou à un procès équitable (article 6) en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme. |
Aucune. |
Convention américaine relative aux droits de l’homme article 22, paragraphe 8 |
Toute personne à un pays « si, dans ce pays, son droit à la vie ou à la liberté individuelle risque d’être violé en raison de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de son statut social ou de ses opinions politiques » [traduction libre] (voir aussi CIDH, Famille Pacheco Tineo c. État plurinational de Bolivie, 2013 [en anglais]). |
Vie, intégrité ou liberté de la personne | Accune |
Remarque : cette liste n’est pas exhaustive.
Le principe de non-refoulement fait partie du droit international coutumier (HCR, 2007).
En vertu du droit des réfugiés, ce principe a été défini dans plusieurs instruments internationaux relatifs aux réfugiés, tant au niveau universel qu’au niveau régional (en savoir plus sur le Droit des réfugiés).
En vertu du droit international relatif aux droits humains, le principe de non-refoulement s’étend au-delà de la protection des réfugiés et s’applique à toute personne sans discrimination, indépendamment de ses antécédents criminels ou de considérations sécuritaires. Le principe s’étend ainsi aux situations où il existe des motifs sérieux permettant de croire que la personne encourt un risque réel d’atteinte irréparable à son droit à la vie, à son droit de ne pas subir de torture ou à son droit à la liberté (ce qui constituerait de graves violations des droits humains) en cas de retour. Les États ont adopté différentes formes de protection juridique (généralement de manière temporaire) applicables aux migrants qui ne peuvent être refoulés en application du principe de non-refoulement tels que les migrants en situations vulnérables ne pouvant bénéficier de la protection accordée aux réfugiés internationaux en vertu de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés – tels que les enfants séparés et non accompagnés ou les migrants atteints d’une maladie grave.
- Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) et DLA Piper, Mécanismes d’admission et de séjour fondés sur les droits de l’homme et la protection humanitaire : cartographie des pratiques nationales, 2018 [en anglais]. Comprend des exemples de cas de migrants ne pouvant être refoulés conformément au principe de non-refoulement.
Le principe de non-refoulement n’est pas mentionné sous ce terme exact dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la Convention européenne des droits de l’homme ou la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Il dérive néanmoins des dispositions spécifiques de ces traités.
Le Comité des droits de l’homme relatif aux droits civils et politiques a conclu que les États parties au PIDCP :
ne doivent pas exposer des individus à un risque de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en les renvoyant dans un autre pays en vertu d’une mesure d’extradition, d’expulsion ou de refoulement.
Comité des droits de l’homme, Observation générale nº 20, 1992, par. 9.
Selon le Comité des droits de l’homme, l’État ne doit pas renvoyer l’individu uniquement si le risque de torture et de mauvais traitements est réel et constitue une conséquence du renvoi. La simple angoisse de quitter un État de résidence de longue durée ne suffit pas à elle seule à constituer un mauvais traitement (Comité des droits de l’homme, Canepa c. Canada, 1997a).
La Convention contre la torture (CAT) aborde également le principe de non-refoulement. La CAT ne protège la personne contre le renvoi que lorsqu’il existe un « risque de torture réel, prévisible et personnel » (CAT, S.P.A c. Canada, 2005 [en anglais]), et non pour d’autres formes de mauvais traitements (voir en détail la section Traite, retour et réintégration).
Les mécanismes régionaux et internationaux relatifs aux droits humains ont également abordé l’interdiction du non-refoulement. Ces mécanismes ont interprété les violations graves de droits économiques, sociaux et culturels comme des violations du droit à la vie ou à la protection contre la torture ou les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et donc comme des motifs de non-refoulement. Par exemple, des conditions de vie dégradantes ou une absence de traitement médical dans le pays dans lequel une personne peut être renvoyée, ou la maladie mentale d’une personne sont des motifs de non-refoulement (voir, respectivement, CEDH, M.S.S. c. Belgique et Grèce, 2011 ; Comité des droits de l’homme, C. c. Australie, 2002 [en anglais] ; Comité des droits de l’homme, A.H.G c. Canada, 2011). Les principes et la protection assurée par le non-refoulement abordé ci-dessus s’appliquent également aux enfants de migrants. Néanmoins, la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC) prévoit une protection supplémentaire pour les enfants dans le contexte du retour, fondée sur le principe de « l’intérêt supérieur de l’enfant » (pour en savoir plus, voir Vue d’ensemble sur les droits fondamentaux des enfants migrants).
- OIM, International Migration Law Information Note on the Principle of Non-refoulement, 2014.
- Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), The Principle of Non-refoulement under International Human Rights Law, n.d.
- Chetail, V. The Principle of Non-refoulement in International Law (conférence), n.d.
L’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) stipule que « Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévue par la loi ». Le PIDCP ne propose pas de liste explicite des motifs de détention autorisés, mais il interdit expressément l’arrestation ou la détention arbitraire et toute privation de liberté illégale, inutile ou disproportionnée. (Consulter le Mémo sur les Principaux instruments des droits humains pour une liste des instruments pertinents et articles connexes.)
toute forme de détention ou d’emprisonnement, ou le placement d’une personne dans un établissement public ou privé de surveillance dont elle n’est pas autorisée à sortir à son gré, ordonné par une autorité judiciaire ou administrative ou toute autre autorité publique.
PIDCP, Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, article 4.
Selon le Comité des droits de l’homme, la notion de légalité exige que la détention soit fondée sur des « motifs et selon une procédure » prévus par le droit national. Cela a été interprété comme une exigence selon laquelle les motifs de détention et les procédures de mise en œuvre de ces détentions doivent être « clairement définies et énumérées de manière exhaustive dans la législation ». De même, ces procédures doivent être suffisamment précises afin d’éviter toute interprétation ou application trop large ou arbitraire.
La notion d’« arbitrarité » doit également être interprétée au sens large, afin d’englober des aspects d’inadéquation, d’injustice et d’imprévisibilité. Une procédure qui se révélerait inadéquate, injuste ou imprévisible peut être considérée comme arbitraire. Par conséquent, une détention consécutive à une arrestation légale se doit d’être non seulement légale, mais aussi raisonnable dans toutes les circonstances. Par ailleurs, elle doit être nécessaire dans toutes les circonstances, notamment pour prévenir tout risque de fuite ou d’élimination de preuves. La notion de proportionnalité est également pertinente dans ce contexte. La sanction doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction (Comité des droits de l’homme, Observation générale nº 35, 2014).
Dans le contexte migratoire, le droit international évolue vers la non-criminalisation de la migration irrégulière et s’éloigne de la détention de migrants en situation irrégulière, bien que de nombreux États placent encore en détention les migrants en situation irrégulière. On observe avec inquiétude que certains pays s’appuient sur le droit pénal pour faire appliquer les lois sur l’immigration, ce qui est contraire aux normes du droit international, car cela conduit souvent à une détention arbitraire. Les migrants en situation irrégulière ne doivent pas être qualifiés de criminels ni traités comme tels, comme le prévoit notoirement le Protocole contre le trafic illicite de migrants. En effet, les organes internationaux des droits humains considèrent la détention pénale des migrants comme disproportionnée (Comité sur les travailleurs migrants, Observation générale nº 2, 2013). En 2008, le Groupe de travail sur la détention arbitraire a conclu que « le fait d’ériger en infraction l’entrée illégale dans un pays va au-delà de l’intérêt légitime qu’ont les États à contrôler et réguler l’immigration clandestine et conduit à des détentions non nécessaires » Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies, 2008). Dans son Rapport annuel de 2010 et sa Délibération révisée nº 5 sur la privation de liberté des migrants de 2018 [en anglais], le Groupe de travail sur la détention arbitraire a également conclu que :
- « la détention pour infraction à la législation sur l’immigration devrait être progressivement abolie »(2010) ;
- « les politiques et procédures de rétention des migrants ne doivent pas être discriminatoires ou faire des distinctions fondées sur la situation juridique de la personne. Le fait de placer une personne en rétention uniquement sur la base d’une distinction telle que la race, la couleur, le genre, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la situation économique, la naissance, la nationalité et tout autre statut sera toujours arbitraire » (2018).
En fait, le Pacte mondial pour la migration représente une occasion, pour les États qui l’ont accepté, de réduire la migration irrégulière. Dans ce Pacte, les États s’engagent à créer des voies de migrations sûres, ordonnées et régulières, à ne recourir au placement en rétention administrative des migrants qu’en dernier ressort et chercher des solutions de rechange (en premier ressort) conformément à l’objectif 13 du Pacte mondial pour la migration.
Le Comité des droits de l’homme a conclu que la rétention administrative des migrants à des fins de contrôle de l’immigration ne constitue pas nécessairement une violation de l’article 9 du PIDCP. En effet, cela :
peut indiquer la nécessité d’une enquête et il peut y avoir d’autres facteurs spécifiques aux individus, tels que la probabilité de fuite et le manque de coopération, qui peuvent justifier une rétention pour une période donnée... Toutefois, l’absence de ces facteurs spécifiques à un individu peut rendre la rétention arbitraire, même si l’entrée est irrégulière.
Comité des droits de l’homme, A. c. Australie, 1997b.
(Plus de détails sur la Rétention administrative au Migration régulée : gestion des frontières).
Selon le Comité des droits de l’homme, tout recours à la détention des immigrants doit être une mesure exceptionnelle de dernier ressort, soumise au principe de légalité, de caractère raisonnable, de nécessité et de proportionnalité sur la base d’une évaluation individuelle dans chaque cas. Cette évaluation doit tenir dûment compte des effets que la détention peut avoir sur la santé mentale et physique de la personne. Dans sa Délibération révisée nº 5 sur la privation de liberté des migrants, le Groupe de travail sur la détention arbitraire (2018) a conclu que des mesures alternatives et non privatives de liberté, telles que l’obligation de se présenter, devraient toujours être envisagées avant de recourir à la détention. Ce principe est également reflété dans l’objectif 13 du Pacte mondial pour la migration.
Dans le cas des réfugiés :
Les États contractants n’appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée au sens prévu par l’article premier, entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation, sous la réserve qu’ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières.
Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, article 31.
Le Comité des droits de l’homme a rappelé l’obligation des États d’envisager des alternatives à la détention des immigrants. Dans sa jurisprudence, le Comité des droits de l’homme a estimé que les États violaient l’article 9 du PIDCP lorsqu’ils ne parvenaient pas à démontrer que des moyens moins invasifs auraient pu servir le même objectif. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire a également considéré que, dans le contexte du renvoi, lorsque « les chances de renvoi dans un [délai] raisonnable... sont faibles, l’obligation du Gouvernement de recherche des mesures de substitution à la détention devient d’autant plus pressante » Groupe de travail sur la détention arbitraire, 2008 : par. 25).
- Groupe de travail sur la détention arbitraire, Délibération révisée nº 5 sur la privation de liberté des migrants, 2018 [en anglais].
- Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Principes directeurs :Principes directeurs relatifs aux critères et aux normes applicables à la détention des demandeurs d’asile et alternatives à la détention, 2012. Mis à jour régulièrement, ces principes directeurs se concentrent sur le cas des réfugiés.
- Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme des (HCDH), Principes et directives recommandés sur les droits de l’homme aux frontières internationales, 2014
- Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, 1988
La pandémie de COVID-19 a touché les personnes en situation de vulnérabilité et les communautés marginalisées de manière disproportionnée. Les migrants, en particulier ceux placés en détention, sont notamment touchés. Les conséquences du recours accru à la détention des immigrants dans le contexte de la COVID-19 sont lourdes : détention indéfinie dans des établissements surpeuplés pour certains, situations prolongées de vulnérabilité pour d’autres, risque accru d’infection pour l’ensemble des détenus, du personnel, de leurs familles et de leurs communautés.
Néanmoins, « la pandémie de COVID-19 offre l’occasion d’envisager des alternatives à la détention des immigrants comme une solution viable qui, tout à la fois, répond aux préoccupations de santé publique et garantit l’accès des migrants aux droits de l’homme et aux services essentiels » (Groupe de travail sur des alternatives à la détention des immigrants, 2020). Un nombre croissant d’États a accordé la priorité aux droits des migrants et opté pour le désengorgement des centres de détention.
Dans ce contexte d’urgence, et conformément au droit international relatif aux droits humains et au Pacte mondial sur les migrations (objectif 13), le Réseau des Nations Unies sur les migrations a proposé des orientations clés pour soutenir et collaborer avec les États afin d’identifier des solutions appropriées et respectueuses des droits humains face à la pandémie de COVID-19, pour la sécurité de tous. S’agissant de la détention des immigrants, et conformément aux pratiques prometteuses adoptées par les États pendant la pandémie, les orientations préconisaient :
· un moratoire sur le recours à la détention des immigrants, à savoir la suspension de cette pratique et la volonté d’y mettre un terme ;
· le développement, la mise en œuvre et l’élargissement d’alternatives à base communautaire et non privatives de liberté ;
· la libération de tous les migrants détenus au profit d’alternatives, en prévoyant des garanties appropriées et en accordant la priorité aux enfants, aux familles et aux autres migrants en situation de vulnérabilité ;
l’amélioration des conditions générales dans les lieux de détention d’immigrants pendant la transition vers ces alternatives.
Si le droit international prévoit quelques limitations au droit à la liberté, l’interdiction de la privation arbitraire de liberté est absolue. La détention arbitraire n’est jamais justifiée, même en cas d’urgence nationale, pour maintenir la sécurité publique ou pour des raisons sanitaires. L’interdiction absolue de la privation arbitraire de liberté doit être respectée lorsque des mesures d’urgence en matière de santé publique sont mises en place pour lutter contre la pandémie. Notamment, lorsqu’il n’y a aucune perspective de retour, une personne placée en détention aux fins d’exécution du retour doit être libérée immédiatement. Dans le cas contraire, il s’agit d’une détention arbitraire.
- Groupe de travail sur la détention arbitraire, Délibération nº 11 sur la prévention de la privation arbitraire de liberté dans les situations d’urgence de santé publique, 2020 [en anglais].
- Réseau des Nations Unies sur les migrations, COVID-19 et détention des immigrants : Que peuvent faire les gouvernements et les autres parties prenantes ?, 2020.
- Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), COVID-19 and the Human Rights of Migrants: Guidance, 2020.
En vertu du droit international relatif aux droits humains, l’intérêt supérieur de l’enfant est une considération primordiale dans toutes les actions concernant les enfants. Ce principe s’applique à tous les enfants relevant de la compétence de l’État, indépendamment de leur statut migratoire ou de celui de leurs parents. Les États ont l’obligation de veiller à ce que, dans le contexte migratoire, les enfants soient avant tout traités comme tels, et de veiller à ce que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant soit prioritaire par rapport aux objectifs de gestion des migrations ou à d’autres considérations administratives.
Parfois, les relations d’un enfant avec ses parents sont interrompues par la migration, lorsque les parents migrent sans l’enfant ou l’enfant sans les parents. Dans de tels cas, il convient de tenir compte de la préservation de l’unité familiale lors de l’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant dans les décisions de regroupement familial. L’obligation de l’État de dûment tenir compte de l'intérêt supérieur de l’enfant est une obligation globale. En d’autres termes, elle englobe toutes les institutions publiques et privées de protection sociale, les tribunaux, les autorités administratives et les organes législatifs impliquant ou concernant des enfants.
- Comité des droits de l’enfant des Nations unies, Observation générale nº 14, 2013. Aborde le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale.
- Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), Principes et directives recommandés sur les droits de l’homme aux frontières internationales, 2014.
La détention a de nombreuses conséquences négatives sur la santé et le développement des enfants, y compris des risques de violences et de mauvais traitement, d’automutilation voire de suicide [Coalition internationale sur la détention (IDC), 2017]. En 2017, le Comité des droits de l’enfant et le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ont conclu dans leurs Observations générales conjointes que la détention des enfants migrants était contraire au droit de l’enfant au développement et au principe de l'intérêt supérieur de l’enfant (pour en savoir plus, voir l’Intérêt supérieur de l’enfant et le cas des Enfants séparés et non accompagnés au Enfants et migration). Les comités ont réitéré leurs déclarations passées, affirmant que l’entrée ou le séjour irréguliers ne peuvent en aucun cas avoir des conséquences similaires à celles qui résultent de la commission d’un crime. Ils ont conclu que le recours à la détention d’un enfant en tant que mesure de dernier ressort n’est pas applicable dans les procédures d’immigration en vertu de l’article 37, point b), de la Convention relative aux droits de l’enfant (CNUDE), qui peut s’appliquer dans des contextes tels que la justice pénale pour les mineurs.
Le Comité sur les droits de l’enfant a conclu que la détention des enfants fondée sur leur statut de migrant ou celui de leurs parents n’est jamais dans l’intérêt supérieur de l’enfant et constitue une violation manifeste des droits de l’enfant. La détention des immigrants – même pour une durée limitée ou dans des contextes relativement « respectueux de l’enfant » – n’est jamais appropriée pour les enfants (Comité des droits de l’enfant des Nations unies, 2012 [en anglais]).
Lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant exige que la famille reste unie, l’exigence de ne pas priver l’enfant de sa liberté s’étend aux parents et tuteurs de l’enfant. Dans de tels cas, des solutions non privatives de liberté peuvent être identifiées pour toute la famille (Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 2015). (Pour en savoir plus sur les conséquences négatives de la détention sur les familles, veuillez consulter Séparation des familles.)
Veuillez consulter le Mémo sur les Principaux instruments des droits humains pour une liste des instruments pertinents et articles connexes.
se réfère généralement à la capacité des personnes à utiliser pleinement les procédures juridiques existantes conçues, de manière formelle ou informelle, pour faire valoir leurs droits conformément à des normes substantielles d’équité et de justice.
Programme des Nations unies pour le développement [PNUD], 2005.
Le droit d’accès à la justice ne se limite pas à l’adoption d’un système garantissant l’accès à la justice. Il vise plutôt à permettre à chaque personne d’accéder concrètement à ce système, sans discrimination et en tenant compte des éventuels obstacles auxquels l’individu peut être confronté. L’accès à la justice n’est véritablement réalisé qu’au moment où la décision prise par les institutions judiciaires compétentes a force obligatoire et où elle est exécutée.
Le droit d’accès à la justice est au cœur de la protection effective de la dignité humaine. Il est essentiel pour lutter contre l’impunité, offrir des voies de recours et assurer l’état de droit. Il existe néanmoins un fossé alarmant entre les droits que les migrants détiennent en vertu de la loi, y compris le droit d’accès à la justice, et la mise en œuvre desdits droits.
L’accès à la justice est garanti par différents instruments juridiques internationaux et régionaux. Par exemple, l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) fait référence au droit à un recours utile pour tous les droits prévus par ledit Pacte, et pour tous les individus, y compris les « travailleurs migrants... et toute personne se trouvant sur le territoire ou relevant de la juridiction de l’État partie » (CCPR, Observation générale nº 30, 2002).
Les éléments fondamentaux du droit d’accès à la justice sont :
- la reconnaissance de la personnalité juridique ;
- l’égalité devant les cours, les tribunaux et autres mécanismes de règlement de litiges ;
- les garanties du droit à un procès équitable ;
- le droit à un recours effectif.
L’accès effectif à la justice signifie l’accès à chaque étape de la « chaîne judiciaire », de la recherche d’informations à l’accès à un tribunal, en passant par l’obtention d’une décision et la mise en œuvre des voies de recours appropriées. Pour les migrants, l’accès à la justice est important tout au long de leur parcours migratoire.
Entrée dans le pays
L’accès à la justice est important pour les décisions relatives à l’entrée des migrants dans un État. Les États sont encouragés à mettre en place des mécanismes permettant de disposer de suffisamment de temps pour évaluer la situation individuelle de tous les migrants, sans discrimination, et qu'ils bénéficient de conseils juridiques compétents, d’une représentation, d’un soutien et d’un accès à tous les documents relatifs à l’affaire, notamment afin d’identifier correctement les besoins de protection individuels et le statut de chacun et d’organiser une orientation appropriée (Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme [HCDH], 2014). Dans ce contexte, il est important de rappeler que chacun a le droit de demander l’asile et que l’interdiction du refoulement est absolue. En conséquence, quiconque doit être autorisé à exercer ce droit, même à la suite d’une entrée irrégulière dans un pays. De même, les victimes de la traite des personnes ou de trafic illicite ne devraient pas être pénalisées ou criminalisées en cas d’entrée irrégulière, conformément à la Convention de Palerme.
Dans ce contexte, le droit d’accès à la justice est également pertinent. Selon une analyse détaillée de l’accès des migrants à la justice, l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme (ConvEDH) dispose que toute personne dont l’accès au territoire ou aux procédures met en porte-à-faux des droits garantis par les instruments relatifs aux droits humains doivent avoir accès à un recours effectif devant une instance nationale (OIM, 2019 [en anglais]).
Il en va de même pour les décisions relatives au retour. Le droit des migrants de contester la décision relative à leur retour est reconnu par le droit international, régional et national. Pour les migrants dans les centres de détention des immigrants, l’accès à la justice, qui est un droit humain, est souvent le moyen de recouvrer la liberté et de remédier aux violations des droits.
Dans une affaire portée devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en 2012, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, les requérants étaient des ressortissants somaliens et érythréens, qui faisaient partie d’un groupe de personnes tentant de rejoindre l’Italie à bord de trois bateaux en traversant la mer Méditerranée depuis la Libye. Le 6 mai 2009, alors qu’ils se trouvaient dans la zone de recherche et de sauvetage dont Malte est responsable, ils ont été interceptés par les autorités italiennes et remis aux autorités libyennes au port de Tripoli. Outre les violations des articles 3 et 4 de la Convention européenne des droits de l’homme (l’interdiction d’expulsion collective), la CEDH a également conclu à la violation de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, les migrants ayant été privés de toute voie de recours avant l’application de la mesure d’éloignement.
CEDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie [en anglais], 2012b.
Séjour
Pendant leur séjour dans le pays, les migrants peuvent avoir besoin de recourir à la justice pour des questions de droit civil, de droit du travail et de droit de la famille, ainsi que lorsqu’ils sont victimes d’actes criminels ou d’autres violations. Dans tous ces cas, ils doivent avoir accès à des procédures non discriminatoires, à des informations sur les mécanismes disponibles et les procédures requises, et peuvent également avoir besoin d’un soutien linguistique, de conseils et d’une représentation juridiques , et que ce soit gratuitement et sur un pied d’égalité avec les citoyens. De même, l’assistance et la protection consulaires du pays d’origine peuvent aider les migrants à accéder à la justice à l’étranger.
Certaines catégories de migrants peuvent éprouver plus de difficultés à accéder à la justice pour plusieurs raisons.
Migrants en situation irrÉGULIÈre | En raison de leur situation irrégulière et du manque d’informations, certains migrants peuvent s’abstiennent d’accéder à la justice et à d’autres services sociaux lorsqu’il n’existe aucun pare-feu (c’est-à-dire des lois et pratiques interdisant le transfert d'informations entre les autorités et abolissant l’obligation de signaler le statut migratoire des individus) (Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, 2018), 2018). |
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Travailleurs migrants |
Les migrants en situation régulière s'abstiennent également souvent de saisir les tribunaux en cas d’exploitation sur le lieu de travail lorsque les lois en matière de migration lient leur statut au parrainage de leur employeur (Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille [CMW], Observation générale nº 1, 2011). Les travailleurs migrants temporaires peuvent éprouver des difficultés à accéder à la justice s’ils doivent retourner dans leur pays d’origine dans le cadre des programmes de migration temporaire de main-d’œuvre. Cela crée un obstacle géographique à la revendication de leurs droits dans le pays où l’exploitation a eu lieu. |
Enfants sÉPARÉs et non accompagnÉs | Les enfants séparés et non accompagnés ont besoin du soutien d’un tuteur ou représentant légal pour bénéficier d'un accès effectif à la justice, lequel doit être adapté à leur âge et à leur sensibilité. |
En vertu du Pacte mondial sur les migrations, les États reconnaissent l’importance de l’accès à la justice pour les migrants, non seulement comme un droit en soi, mais aussi comme un outil permettant d’accéder à d’autres droits. Les États signataires se sont engagés à :
fournir aux migrants nouvellement arrivés des informations et conseils juridiques ciblés, sexospécifiques, adaptés à l’enfant, accessibles et compréhensibles sur leurs droits et obligations, y compris concernant... l’accès à la justice pour porter plainte en cas de violation de leurs droits.
Pacte mondial sur les migrations, objectif 3.
Veuillez consulter le Mémo sur les Principaux instruments des droits humains pour une liste des instruments pertinents et articles connexes.
Le droit au respect de la vie familiale est lié au droit au respect de la vie privée (pour en savoir plus sur la protection des données, consulter Utilisation des données pour l’élaboration de politiques au Chapitre 1.4.2 Données, études et analyses dans le cadre de l'élaboration d’une politique). Ce principe est consacré dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) et dans divers autres instruments (consulter le Mémo sur les Principaux instruments des droits humains pour une liste des instruments pertinents et articles connexes) Les déclarations et observations générales conjointes des comités participent à comprendre de quelle façon appliquer les instruments.
Déclarations du comité |
Précise que le terme « famille » doit être interprété au sens large de manière à « inclure tous les membres composant la famille telle qu'on la conçoit dans la société de l'État Partie concerné » [traduction libre].
Pose l’obligation d’adopter des mesures appropriées, au niveau interne et en coopération avec d’autres États, « afin d’assurer l’unité ou le regroupement des familles, en particulier lorsque leurs membres sont séparés » [traduction libre].
Réaffirme que les droits en vertu du PIDCP « doivent être garantis sans distinction entre les citoyens et les étrangers » [traduction libre]. |
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Observations générales conjointes |
Développe le principe général relatif aux droits humains des enfants dans le contexte de la migration internationale. |
Remarque : Cette liste n’est pas exhaustive.
Le Comité des droits de l’homme sur les droits civils et politiques a précisé que le terme « famille », aux fins du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) :
doit être compris au sens large... pour inclure tous ceux qui composent une famille telle qu’elle est conçue dans la société concernée. La protection de cette famille n’est pas nécessairement compromise, dans quelque cas que ce soit, par l’absence de liens formels de mariage, notamment lorsqu’il existe une pratique locale de mariage coutumier ou de fait. La séparation géographique, l’infidélité ou l’absence de relations conjugales ne portent pas atteinte non plus au droit à la protection de la vie familiale. Néanmoins, il faut en premier lieu qu’il existe un lien familial à protéger
Comité des droits de l’homme, Ngambi et Nébol c. France, 2004a ; soulignement ajouté.
Dans l’affaire Ngambi et Nébol c. France, le Comité des droits de l’homme a considéré qu’un lien familial était insuffisant dès lors que les prétendus actes de mariage et de naissance présentés pour justifier les relations étaient des faux. Par ailleurs, les requérants n’avaient apporté aucune autre preuve justifiant leurs prétendus liens de parenté. Dès lors que l'existence d’un lien familial doit constituer la base d’une violation de l’article 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), mais qu’il a été constaté que ce lien n’existait pas en l’espèce, la demande basée sur la vie familiale s’est révélée infondée dans cette affaire.
La jurisprudence de la CEDH éclaire également les critères requis pour conclure à l’existence d’une « vie familiale » entre un parent et un enfant, en précisant qu’il n'est pas nécessaire qu’un enfant soit le fruit d’une relation maritale pour que des liens familiaux protégés soient institués. Dans l’affaire Elsholz c. Allemagne (CEDH, 2000), le requérant, père d’un enfant né hors mariage d’une mère dont le requérant était désormais séparé, a contesté la décision d’un tribunal allemand rejetant sa demande de droit de visite de son fils. La CEDH a réaffirmé que la notion de famille ne se limite pas aux relations basées sur le mariage et peut englober d’autres liens « familiaux » de facto. Elle a également ajouté que l’enfant né d'une telle union est de plein droit une partie de cette unité « familiale » dès le moment et par le fait même de sa naissance, et que la jouissance mutuelle par le parent et l’enfant de la compagnie de l’autre constitue un élément fondamental de la vie familiale, même si les parents ont mis un terme à leur relation.
CCPR, Benjamin Ngambi et Marie-Louise Nébol c. France, 2004a; CEDH, Elsholz c. Allemagne, 2000.
Les instruments régionaux en matière de droits humains et les mécanismes connexes – notamment la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) – ont une jurisprudence abondante sur la définition de la vie familiale. (Pour en savoir plus sur la composition de la famille, consulter l’Importance de gérer la migration familiale au Famille et migration. Plus de détails sur les Instruments régionaux pertinents sont aussi disponibles au Famille et migration.)
Le droit au respect de la vie familiale est pris en compte dans les décisions d’admission et d’expulsion des membres de la famille.
Vie familiale et entrée de membres de la famille
Le droit au respect de la vie familiale revêt de l'importance pour l’entrée des migrants. Les individus cherchent souvent à entrer dans un pays pour rejoindre un membre de leur famille qui y réside déjà. Différents instruments définissent les obligations des États parties en matière d’autorisation d’entrée sur le territoire lorsque la vie familiale est établie.
Pacte international relatif aux droits civils et politiques articles 17 et 23 |
Article 17 : « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile » Article 23 : « La famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’État. » |
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Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille article 44 |
« Les États parties prennent les mesures qu’ils jugent appropriées et qui relèvent de leur compétence pour faciliter la réunion des travailleurs migrants avec leur conjoint ou avec les personnes ayant avec eux des relations qui, en vertu de la loi applicable, produisent des effets équivalant au mariage, ainsi qu’avec leurs enfants à charge mineurs et célibataires. » Remarque : Cette disposition s’applique aux migrants en situation régulière. |
Convention relative aux droits de l’enfant article 10 |
Concerne « toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d’entrer dans un État partie [à la convention] ou de le quitter aux fins de réunification familiale[...] dans un esprit positif, avec humanité et diligence[...] les États parties veillent en outre à ce que la présentation d’une telle demande n’entraîne pas de conséquences fâcheuses pour les auteurs de la demande et les membres de leur famille ». |
Les règles discriminatoires en matière de réunification familiale peuvent violer la protection du droit à la vie privée et familiale. Cette question est évaluée au cas par cas par le tribunal ou l’organisme de défense des droits humains. |
Remarque : Cette liste n’est pas exhaustive.
Le droit à une vie familiale n’oblige pas nécessairement un État à respecter le choix de domicile conjugal ou à autoriser le regroupement familial sur son territoire. En Europe, selon la CEDH, la Convention européenne des droits de l’homme (ConvEDH) exige que l’État mette en balance les intérêts de la personne et les siens propres dans le contrôle des migrations. L’application de conditions à la réunification familiale - notamment un revenu régulier et des conditions de logement suffisants - a été jugée non contraire au droit au respect de la vie privée et familiale, pour autant que ces conditions ne soient pas trop restrictives.
Vie familiale et retour
Le droit au respect de la vie privée et familiale est également d'intérêt dans le contexte de l’expulsion. Les décisions d’expulsion peuvent indubitablement interférer avec le droit à la vie familiale, même si ces décisions ne constituent pas nécessairement une violation du droit international et régional en matière de respect de la vie familiale et privée. Seules les interférences illégales et arbitraires avec la vie familiale sont interdites. Le fondement juridique et la légitimité de la mesure, y compris sa nécessité et sa proportionnalité, sont donc pris en compte. Ainsi, un équilibre correct des intérêts est nécessaire dans le contexte de l’expulsion, tout autant que dans le contexte de l’entrée. Un équilibre est nécessaire entre, d’une part :
la portée des raisons invoquées par l’État partie pour justifier l’éloignement de la personne concernée et, d’autre part, le degré de difficultés que la famille et ses membres rencontreraient du fait de cet éloignement.
CCPR, Jonny Rubin Byahuranga c. Danemark, 2004b [en anglais] ; et CCPR, Hendrick Winata et So Lan Li c. Australie, 2001 [en anglais].
Lorsque la personne risquant l'expulsion a commis une infraction pénale et constitue de ce fait une menace à l’ordre national, les instruments régionaux fournissent des indications sur les mesures à prendre (voir le Famille et migration pour en savoir plus).
Les instruments internationaux en matière de droits humains interdisent la privation arbitraire de nationalité. Veuillez consulter le Mémo sur les Principaux instruments des droits humains pour une liste des instruments pertinents et articles connexes.
Privation de nationalitÉ (gÉNÉRALITÉ) |
N’est légitime que lorsqu’elle n’est PAS arbitraire. En pratique, elle :
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La privation de nationalitÉ, pouvant ENTRAÎNER l’apatridie |
Peut être légitime dans les circonstances suivantes :
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Cette dernière disposition peut exposer les migrants au risque d’apatridie, en particulier lorsqu’ils n’ont pas droit à la nationalité de leur pays de résidence ou qu’ils ne l’ont pas obtenue. Néanmoins, le nombre d’États appliquant ces critères diminue considérablement (Secrétaire Général des Nations Unies, 2013 ; Manby, 2016).
Néanmoins, la Convention sur la réduction des cas d’apatridie de 1961 stipule, dans son article 8, que les États doivent s’interdire de priver de sa nationalité un individu si cette privation doit le rendre apatride. En vertu de l’article 9, les États doivent s’interdire de priver de leur nationalité un individu ou groupe d’individus pour des raisons d’ordre racial, ethnique, religieux ou politique.
En outre, davantage d’États autorisent la double nationalité afin de faciliter la contribution des migrants au développement du pays d’origine et du pays de destination. L’accroissement de la mobilité, les mariages entre personnes de nationalités différentes, la possibilité pour les enfants d’acquérir la nationalité des deux parents, le développement de nouvelles règles et normes en matière de droits humains et l’évolution des politiques ont contribué à l’augmentation du nombre de personnes possédant une double, voire multiple, nationalité (Gilbertson, 2006).
En vertu de la Convention sur la réduction des cas d’apatridie, les États parties ont pris d'importants engagements pour lutter contre l’apatridie. L’un de ces engagements concerne l’octroi de la nationalité aux enfants nés de leurs ressortissants à l’étranger, sans aucune entrave liée au genre des parents ou toute autre circonstance, ainsi qu’aux enfants nés sur leur territoire qui, autrement, seraient apatrides (pour en savoir plus sur le Droit à l’enregistrement à la naissance et aux papiers d’identité, consulter le Enfants et migration). En 2019, même si la plupart des États autorisent la transmission de la nationalité du parent à l’enfant, indépendamment du lieu ou des circonstances de la naissance de cet enfant, certains États continuent de limiter le droit des femmes à transmettre leur nationalité à leurs enfants sur un pied d’égalité avec les hommes (HCR, 2018 [en anglais]). Le cas échéant, dans l’optique de réduire et de prévenir l’apatridie tout en garantissant la non-discrimination et l’égalité des genres devant la loi, les lois qui refusent aux femmes le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants sur un pied d’égalité avec les hommes devraient être modifiées pour permettre aux mères d’avoir le même droit que les pères de transmettre leur nationalité à leurs enfants.
L’apatridie expose une personne à divers risques de violation de ses droits et de discrimination :
- L’apatridie est souvent un élément déclencheur de la migration forcée.
- Lorsque des personnes apatrides émigrent, elles le font souvent de manière irrégulière, car elles ne possèdent pas les documents nécessaires. Elles sont donc exposées à d’autres risques, notamment la détention illégale et prolongée et d’autres violations des droits humains. Si elles peuvent être obligées de quitter le pays où elles séjournent irrégulièrement, d’autres États peuvent également ne pas les reconnaître comme des ressortissants et leur refuser l’accès à leur territoire.
- Les migrants apatrides sont également privés de toute protection consulaire et diplomatique.
- Les enfants nés de parents séjournant de manière irrégulière dans un pays peuvent ne pas être enregistrés. À long terme, cela augmente le risque d’apatridie, car ces enfants sont confrontés à des difficultés croissantes pour prouver leur identité et leur lien avec l’État dont ils ont la nationalité.
Les Rohingyas sont une minorité ethnique musulmane dont les membres sont dispersés dans le monde entier. Parmi eux, environ 1 million vivaient au Myanmar jusqu’en 2017, la majorité dans l’État de Rakhine. La plupart des membres de ce groupe n’ont pas de papiers officiels et sont donc apatrides. Plus de 600 000 d’entre eux ont fui le Myanmar pour le Bangladesh en 2017, créant l’une des crises humanitaires les plus graves dans la région récemment.
- Haut Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies (HCDH), Le HCDH et le droit à une nationalité.
- Secrétaire Général des Nations Unies, Droits de l’homme et privation arbitraire de la nationalité, 2013.
- Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Conventions des Nations Unies sur l’apatridie.
À l’instar des droits civils et politiques, les États doivent respecter, protéger et garantir l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels. L’article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) exige des États qu’ils « agi[ssen]t » pour « assurer progressivement » les droits visés « au maximum de [leurs] ressources disponibles ».
Dans son Observation générale nº 3, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels explique le contenu de cet article et la nature des obligations des États. Selon ce comité, si dans certains cas les États ont l’obligation d’« assurer progressivement » l’exercice des droits, dans de nombreux cas il existe une obligation de remédier immédiatement à la situation, notamment lorsque le principe de non-refoulement ou le principe de non-discrimination sont en jeu. De même, « chaque État partie a l’obligation fondamentale minimum d’assurer, au moins, la satisfaction de l’essentiel de chacun des droits. »
Comme indiqué plus haut, les droits énoncés dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) s’appliquent généralement aux citoyens et aux migrants. Un manque de ressources disponibles ne peut constituer une justification objective et raisonnable d’une différence de traitement à moins « qu’aucun effort n’a[it] été épargné pour utiliser toutes les ressources qui sont à [l]a disposition [d’un État partie] en vue de remplir, à titre prioritaire, ces obligations minimum » (Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale nº 20, 2009).
Dans une autre observation générale, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a également fait référence au principe général de droit international pour éviter des mesures rétrogrades (c’est-à-dire, des mesures qui réduiraient ou limiteraient les protections) dans le cadre des obligations des États en vertu du Pacte, (Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale nº 19, 2008 ; voir aussi Comité des droits économiques, sociaux et culturels, 2017). Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a souligné que les États ont des obligations fondamentales qui ne doivent pas être restreintes sur la base de la nationalité ou du statut juridique (Comité des droits économiques, sociaux et culturels, 2017). Ces obligations fondamentales consistant à mettre chacun à l’abri de la faim, à assurer un accès à l’eau suffisant pour satisfaire les besoins de base, l’accès aux médicaments essentiels et l’accès à une éducation conforme aux « normes minimales » en la matière.
- Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), Questions fréquemment posées concernant les droits économiques, sociaux et culturels, fiche d'information nº 33, 2008.
- HCDH, Key Concepts on ESCRs: What are the Obligations of States on Economic, Social and Cultural Rights?, n.d.
- HCDH, Les droits économiques, sociaux et culturels des migrants en situation irréguliers, 2014b.
Le droit à un niveau de vie suffisant est également consacré dans divers instruments sur les droits humains. Veuillez consulter le Mémo sur les Principaux instruments des droits humains pour une liste des instruments pertinents et articles connexes. En vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), ce droit suppose :
le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence.
PIDESC, article 11.
En outre, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a conclu que le droit à l’eau est également un droit humain, lié au niveau de vie (Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale nº 6, 1995 ; Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale nº 15 faisant référence à l’article 11, 2003). Par l’intermédiaire de ses diverses Observations générales, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a clarifié la nature des obligations des États en vertu de l’article 11 du PIDESC (voir, notamment, Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale nº 12, 1999a) :
- Obligations immédiates : le droit à la nourriture, à l’eau, aux vêtements et au logement.
- Obligations de réalisation progressive : le droit à la nourriture, à l’eau, aux vêtements et au logement, et le droit à l’amélioration continue des conditions de vie.
Les États ont l’obligation directe d’assurer un accès à la nourriture et à l’eau aux migrants, indépendamment de leur statut (Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale nº 12, 1999a). En outre, le Comité des droits de l’homme et la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) ont conclu que les violations des droits économiques, sociaux et culturels (notamment, par exemple, lorsque les migrants se retrouvent sans abri et sans ressources) pourraient entraîner des violations de l’interdiction de torture et d’autres peines et traitements inhumains et dégradants. À ce titre, les États sont tenus de s’abstenir de renvoyer les migrants vers un pays où ils risqueraient de subir de telles violations (consulter, par exemple, Comité des droits de l’homme, Warda Osman Jasin c. Danemark, 2015 et CEDH, M.S.S. c. Belgique et Grèce, 2011).
Le droit à un logement convenable fait partie intégrante du droit à un niveau de vie suffisant (Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels [PIDESC], article 11). Selon le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale nº 4, 1991 [en anglais]), le droit à un logement convenable comporte plusieurs aspects :
- protection juridique contre l’expulsion forcée, le harcèlement et d’autres menaces ;
- garantie de la disponibilité de services, structures et infrastructures essentiels pour la santé, la sécurité, le confort et l’alimentation, notamment l’accès à l’eau potable ainsi qu’à l’énergie nécessaire pour préparer à manger, se chauffer et s’éclairer ;
- caractère abordable des frais de logement, afin qu’ils ne compromettent pas la satisfaction d’autres besoins fondamentaux ;
- logement habitable et sûr protégeant des intempéries et des maladies et offrant un espace adéquat ;
- logement accessible aux personnes qui y ont droit ;
- logement situé dans un endroit permettant l’accès à l’emploi, aux services de santé, aux écoles, aux crèches et à d’autres établissements sociaux.
Un logement adéquat est un droit essentiel pour toute personne, y compris les migrants. Certains aspects de ce droit sont assortis d’obligations à effet immédiat pour les États, et les violations de ces obligations peuvent être contestées.
Dans l’affaire du Centre sur les droits au logement et les expulsions (COHRE) c. Italie (2010), le Comité européen des Droits sociaux (CEDS) a conclu que l’Italie avait commis une violation aggravée du droit à un logement convenable, tel que reconnu par la Charte sociale européenne (révisée), en raison de politique et de pratiques ayant eu pour conséquence des conditions de logement ségréguées et manifestement inadéquates pour les résidents Roms et Sintés. De même, ces politiques et pratiques ont entraîné l’expulsion de communautés entières et l’expulsion massive de migrants roms hors d’Italie.
La violation a été qualifiée d’aggravée, car les expulsions forcées ciblaient spécifiquement les minorités raciales et ethniques et parce que les autorités publiques, au lieu de tenter de mettre fin aux actes de violence perpétrés par les personnes procédant aux expulsions forcées, ont exacerbé ces violences et les expulsions forcées qui en ont résulté.
Comité européen des Droits sociaux (CEDS), Centre sur les droits au logement et les expulsions (COHRE) c. Italie, 2010.
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD, 2004) et le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (2016), ainsi que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (article 3) traitent tous de la non-discrimination dans l’accès à un logement convenable. Tel qu’indiqué dans ces instruments, l’accès à un logement convenable comprend :
- l’accès au logement et à des dispositifs sociaux ;
- la protection contre l’exploitation en ce qui concerne les loyers ;
- la protection contre les pratiques discriminatoires des agences de logement ;
- l'absence de ségrégation.
Les organes internationaux et régionaux des droits humains ont accordé une attention particulière aux obligations des États en matière de logement adéquat pour les migrants en situation irrégulière. La Rapporteuse spéciale sur le logement convenable a précisé que « le logement ne peut être refusé à des migrants en situation irrégulière » (2010 : paragraphe 93). Le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, a également demandé aux États de:
au minimum, fournir aux migrants en situation irrégulière et risquant de se retrouver sans abri un logement garantissant leur dignité et allouer des fonds aux refuges hébergeant des migrants en situation irrégulière. ent doit être accordé à tous les migrants, quel que soit leur statut.
Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants, 2010: para. 88.
Le Comité européen des Droits sociaux (CEDS) a adopté une approche similaire, estimant que le droit au logement doit être accordé à tous les migrants, quel que soit leur statut.
Dans l’affaire Défense des Enfants International (DEI) c. Pays-Bas, le Comité européen des Droits sociaux (CEDS) a conclu qu’un abri doit être assuré à tous les migrants, quel que soit leur statut. Selon la décision du CEDS un État est tenu de fournir un logement tant que les migrants sans papier sont sous sa juridiction et incapables de se loger par eux-mêmes. En outre, il affirme que les conditions de vie de l’abri« doivent respecter la dignité des personnes ». Les migrants en situation irrégulière peuvent n’avoir aucune alternative au logement fourni par l’État. À ce titre, « l’expulsion d’un abri doit être interdite », car l’expulsion placerait le migrant, en particulier les enfants, « dans une situation d’extrême détresse, qui est contraire au respect de la dignité humaine ».
CEDS, Défense des Enfants International (DEI) c. Pays-Bas, 2009.
En dépit de ces déclarations et décisions, certaines législations nationales à travers le monde érigent en infraction la location de logement aux migrants en situation irrégulière, lesquels peuvent même se voir refuser l’accès aux centres pour les personnes sans-abri et démunies. Même lorsque des migrants en situation irrégulière sont admis, des règles obligeant les refuges à les signaler aux autorités entravent en pratique l'utilisation par les migrants de ces refuges (Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne [FRA]), 2011 : 8.
Les droits liés à la santé sont reconnus par divers instruments internationaux et régionaux en matière de droits humains. Veuillez consulter le Mémo sur les Principaux instruments des droits humains pour une liste des instruments pertinents et articles connexes.
Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) reconnaît le « droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre » (article 12). Selon l’Observation générale nº 14 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, le droit à la santé comprend le droit qu’a toute personne de contrôler sa santé et son corps, et le droit à un système de protection de santé qui donne à toute personne des chances égales de jouir du meilleur état de santé qu’elle soit capable d’atteindre. Le droit à la santé est interprété comme allant au-delà des biens, services et équipements de santé et couvre également les déterminants de la santé, tels que :
l’accès à l’eau salubre et potable et à des moyens adéquats d’assainissement, l’accès à une quantité suffisante d’aliments sains, la nutrition et le logement, l’hygiène du travail et du milieu et l’accès à l’éducation et à l’information relatives à la santé, notamment la santé sexuelle et génésique.
Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale nº 14, 2000.
Dans son Observation générale nº 14, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels clarifie l’obligation légale des États de s’abstenir de refuser ou de limiter l’égalité d’accès des migrants en situation irrégulière aux soins de santé préventifs, thérapeutiques et palliatifs. Cela signifie que les États sont tenus de fournir non seulement des biens, services et équipements de santé, mais également les déterminants de santé énumérés ci-dessus. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a établi et défini les critères fondamentaux du droit à la santé et précisé que tous les services, biens et équipements de santé doivent être disponibles, accessibles, acceptables et de bonne qualité.
Un autre aspect important est la participation de la population à toutes les décisions relatives à la santé aux niveaux communautaire, national et international.
Les obligations des États comprennent la garantie que tous les éléments susmentionnés sont disponibles et accessibles, et que leur qualité est adéquate et acceptable d’un point de vue éthique et culturel (pour en savoir plus, consulter Lois et principes internationaux au Santé et migration. Consulter également Lois et principes internationaux au Enfants et migration pour les aspects spécifiques aux enfants et au droit à la santé).
En vertu des règles relatives au droit à la santé, les migrants doivent être pris en compte, recensés et inclus, sans discrimination et quel que soit leur statut juridique, dans chacun des groupes prioritaires à la vaccination identifiés par les instances nationales dans leurs plans de distribution. Les États doivent veiller à ce que les non-ressortissants soient inclus dans les différents groupes prioritaires qu’ils identifient, quel que soit leur statut. En conséquence, les travailleurs sanitaires migrants, les migrants bloqués, les migrants âgés, les migrants souffrant de graves problèmes de santé, les migrants en détention, les migrants en situation irrégulière ou sans papier, les réfugiés, les demandeurs d’asile, les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et autres personnes vulnérables en déplacement doivent tous être pris en compte lors de la quantification des besoins en matière de distribution de vaccins. L’inclusion de migrants et d’autres populations difficiles à atteindre dans les programmes nationaux de vaccination doit être fondée sur le risque plutôt que sur la nationalité, quel que soit le statut juridique. L'ampleur des effets d’un programme de vaccination sur la santé publique ne peut être satisfaisante que par une approche inclusive. Dans l’intérêt de tous, les services et soins de santé liés à la COVID-19, y compris le vaccin, doivent être accessibles par toute personne sans aucune discrimination, notamment les plus vulnérables et marginalisées.
- Directeur général de l’OIM, Message vidéo sur la journée internationale des migrants, 18 décembre 2020 [en anglais].
- Giammarinaro, M.G., et L. Palumbo, COVID-19 and inequalities: Protecting the human rights of migrants in a time of pandemic (Migration Policy Practice Journal), 2020.
- Organisation mondiale de la Santé (OMS), Preparedness, Prevention and Control of Coronavirus Disease (COVID-19) for Refugees and Migrants in Non-camp Settings: Interim Guidance, 2020.
Le droit à l’éducation est largement protégé en vertu du droit international (consulter le Mémo sur les Principaux instruments des droits humains pour une liste des instruments pertinents et articles connexes). À l’instar d'autres droits économiques, sociaux et culturels, le droit à l’éducation implique des obligations concernant la disponibilité, l’accessibilité et l’acceptabilité. Le droit à l’éducation est également assorti de l’obligation d’adaptabilité. De fait, l’éducation doit s’adapter aux besoins des sociétés et de leurs membres issus de divers milieux culturels et sociaux (Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale nº 13, 1999b).
Selon le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (1999b) et le Comité des droits de l’enfant (Observation générale nº 1, 2001) les obligations principales des États en vertu du droit à l’éducation comprennent :
- assurer l’accès aux établissements d’enseignement et aux programmes éducatifs publics sans discrimination ;
- veiller à ce que les objectifs d’éducation respectent les traités en matière de droits humains ;
- fournir un accès gratuit et obligatoire à l’éducation pour tous ;
- adopter et mettre en œuvre une stratégie nationale d’éducation ;
- respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs de choisir les modalités d’éducation, pour autant que ce choix soit conforme aux normes éducatives minimales.
Le principe de non-discrimination est particulièrement important pour l’éducation. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a souligné que « l’éducation doit être accessible à tous en droit et en fait, notamment aux groupes les plus vulnérables, sans discrimination » et que « le principe de non-discrimination s’étend à toutes les personnes d’âge scolaire qui résident sur le territoire d’un État partie, y compris les non-nationaux, indépendamment de leur statut juridique » (Comité des droits économiques, sociaux et culturels, 1999b). (Pour en savoir plus, voir Vue d’ensemble sur les droits fondamentaux des enfants migrants au Chapitre 1.3.3 Enfants et migration.)
En matière de gouvernance des migrations, l’éducation est un outil efficace pour lutter contre la xénophobie et la discrimination, et pour promouvoir la diversité au sein des sociétés (pour en savoir plus, voir Initiatives visant à promouvoir la mixité sociale et les liens communautaires au Chapitre 2.8 Intégration et cohésion sociale).
En 1960, les États membres de l’UNESCO ont adopté la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement, qui s’applique également à la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’éducation et au droit des migrants à l’éducation. Les articles 1 et 2 de la convention définissent la « discrimination » comme « toute distinction, exclusion, limitation ou préférence qui, fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la condition économique ou la naissance, a pour objet de détruire ou d’altérer l’égalité de traitement en matière d’enseignement ». L’article 3 entérine les principes de non-discrimination relatifs à l’admission des élèves dans les établissements d’enseignement : égalité de traitement (fondé sur le mérite ou les besoins) en ce qui concerne les frais de scolarité et l’assistance financière ; aucune restriction ou préférence fondée sur l'appartenance à un groupe dans le système éducatif ; accès égal à l’éducation entre les ressortissants nationaux et les étrangers. En outre, en vertu de l’article 4, les États parties ont le devoir de :
- rendre obligatoire et gratuit l’enseignement primaire ;
- généraliser et rendre accessible à tous l’enseignement secondaire sous ses diverses formes ;
- rendre accessible à tous, en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, l’enseignement supérieur ;
- assurer l’exécution par tous de l’obligation scolaire prescrite par la loi ;
- assurer dans tous les établissements publics de même degré un enseignement de même niveau et des conditions équivalentes en ce qui concerne la qualité de l’enseignement dispensé ;
- encourager et intensifier par des méthodes appropriées l’éducation des personnes qui n’ont pas reçu d’instruction primaire ou qui ne l’ont pas menée à terme, et leur permettre de poursuivre leurs études en fonction de leurs aptitudes ;
- assurer sans discrimination la formation à la profession enseignante.
Le droit à la sécurité sociale est reconnu par plusieurs traités internationaux en matière de droits humains (consulter le Mémo sur les Principaux instruments des droits humains pour une liste des instruments pertinents et articles connexes).
Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) établit le droit à la sécurité sociale. Selon le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, ce droit comprend :
sans discrimination, afin de garantir une protection, entre autres, contre : a) la perte du revenu lié à l’emploi, pour cause de maladie, de maternité, d’accident du travail, de chômage, de vieillesse ou de décès d’un membre de la famille ; b) le coût démesuré de l’accès aux soins de santé ; c) l’insuffisance des prestations familiales, en particulier au titre des enfants et des adultes à charge.
Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale nº 19, 2008.
Le droit à la sécurité sociale comprend les systèmes contributifs (c’est-à-dire, les systèmes constitués de contributions obligatoires des membres, des employeurs et, parfois, des États) et des systèmes non contributifs (c’est-à-dire, des systèmes pouvant être universels et fondés sur les besoins).
Selon le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (Observation générale nº 19, 2008), les obligations fondamentales des États en matière de droit à la sécurité sociale imposent :
- d’assurer l’accès à un régime de sécurité sociale qui garantisse, au minimum, un niveau basique de prestations, qui leur permette aux personnes de bénéficier au moins des soins de santé essentiels, d’un hébergement et d’un logement de base, de l’approvisionnement en eau et de son assainissement, de denrées alimentaires et des formes les plus élémentaires d’enseignement ;
- de garantir le droit d’accès aux systèmes ou régimes de sécurité sociale sans discrimination ;
- de respecter les régimes de sécurité sociale existants et de les préserver de toute interférence déraisonnable ;
- de prendre des mesures ciblées en vue de la mise en œuvre des régimes de sécurité sociale ;
- de contrôler la mesure dans laquelle le droit à la sécurité sociale est réalisé.
En ce qui concerne ces droits, bien que les distinctions fondées sur la nationalité ou le statut migratoire ne constituent pas toujours une discrimination interdite en vertu du droit international, ces distinctions doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et être nécessaires et proportionnées.
En vertu de l’article 27 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, les États doivent examiner la possibilité de rembourser aux intéressés les montants des cotisations qu’ils ont versées, lorsque la législation applicable prive les travailleurs migrants d’une prestation. Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille constate en outre que dans les cas de pauvreté et de vulnérabilité extrêmes les États parties devraient assurer une assistance sociale d’urgence aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille en situation irrégulière, y compris des services d’urgence pour les handicapés, aussi longtemps que nécessaire (Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, Observation générale nº 2, 2013).
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels affirme également que :
Lorsque des non-ressortissants, y compris des travailleurs migrants, ont cotisé au système de sécurité sociale, ils doivent être en droit d’obtenir les prestations associées à ces cotisations, ou récupérer ces dernières lorsqu'ils quittent le pays. Le droit à prestations d’un travailleur migrant ne doit pas non plus être affecté par un changement de lieu de travail... Toute restriction, notamment tout délai de qualification, doit être proportionnée et raisonnable... Les réfugiés, les apatrides et les demandeurs d’asile, ainsi que d’autres personnes et groupes défavorisés et marginalisés, doivent bénéficier, dans des conditions d’égalité, de l'accès aux régimes de sécurité sociale non contributifs, notamment d’un accès raisonnable aux soins de santé et aux prestations familiales, conformément aux normes internationales.
Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale nº 19, 2008.
La Cour interaméricaine des droits de l’Homme a reconnu qu’un État viole les droits humains d’un travailleur migrant, qu’il soit pourvu de documents ou non :
Lorsqu’il refuse le droit à une retraite à un travailleur migrant qui a versé les cotisations nécessaires et rempli toutes les conditions légalement exigées des travailleurs, ou lorsqu’un travailleur s’adresse à l’organe judiciaire correspondant pour faire valoir ses droits et que cet organe ne lui accorde pas la protection ou les garanties judiciaires qui lui sont dues.
Cour interaméricaine des droits de l’Homme, 2003 ; soulignement ajouté.
La CEDH a également examiné le droit à la sécurité sociale des travailleurs migrants en situation régulière en vertu du droit à la propriété, et conclu que la non-reconnaissance du droit aux systèmes sociaux non contributifs ou à l’assistance d’urgence fondée sur la nationalité est une discrimination interdite en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH, Koua Poirrez c. France, 2003b et CEDH, Gaygusuz c. Autriche, 1996).
Droits civils et politiques
- Indépendamment de leur statut, les migrants jouissent d’un éventail de droits civils et politiques au même titre et sur la même base que les ressortissants nationaux. Certains sont des droits absolus auxquels nul ne peut déroger (par exemple, le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à l’esclavage, et le droit ne pas être soumis à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants).
- Le fait l’entrée illégale dans un pays dépasse l’intérêt légitime des États à contrôler et réguler l’immigration clandestine, et conduit à des détentions inutiles. Bien qu’autorisée à ce jour comme mesure de dernier ressort et dans des conditions strictes afin de respecter le droit à la liberté, la détention des immigrants doit être progressivement supprimée. Des mesures alternatives et non privatives de liberté, telles que l’obligation de présentation aux services de gendarmerie, devraient toujours être envisagées avant de recourir à la détention.
- Les enfants migrants ne devraient jamais être placés en détention indépendamment du statut juridique et migratoire de leurs parents. En effet, la détention n’est jamais dans l’intérêt supérieur de l’enfant et constitue une violation de ses droits. Des solutions de prise en charge et des programmes communautaires appropriés doivent être mis en place pour assurer l’accueil adéquat des enfants et de leurs familles.
- En vertu du principe de non-refoulement, les migrants, quel que soit leur statut, ne peuvent être renvoyés dans un État où ils courent un risque réel d’être victimes de graves violations des droits humains. Le principe de non-refoulement s’applique à tout individu, sans exception.
- Les décisions relatives à l’éloignement ou au retour des enfants doivent également inclure une évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant, ce qui relève de la responsabilité de l’État, tel que prévu par la Convention relative aux droits de l’enfant. Les droits liés à la vie familiale sont également pertinents dans le contexte des éloignements, et l’ingérence dans le droit à la vie familiale d’un migrant doit être concilié avec les intérêts de l’État.
Droits économiques, sociaux et culturels
- À l’instar des droits civils et politiques, les États doivent respecter, protéger et garantir l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, sans discrimination.
- En vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), concernant certains droits, les États peuvent assurer progressivement le plein exercice des droits, dans la mesure des ressources disponibles. Néanmoins, les États sont tenus de prendre des mesures immédiates concernant les obligations fondamentales afin de préserver le contenu minimum essentiel de chaque droit.
- Toute différence de traitement en matière d’accès aux droits économiques, sociaux et culturels fondée sur la nationalité ou le statut migratoire doit respecter la loi, poursuivre un objectif légitime et y être proportionnée.
- Les États ne peuvent invoquer un manque de ressources disponibles pour justifier la restriction de la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels fondée sur la nationalité ou le statut migratoire, en particulier en ce qui concerne les obligations fondamentales, telles que celles liées à l’accès à la nourriture et à l’eau pour satisfaire les besoins élémentaires, à l’accès aux médicaments essentiels et aux formes élémentaires d’enseignement. L’accès à un abri et un logement appropriés, ainsi qu’à des soins médicaux primaires et d’urgence doit également être assuré indépendamment du statut.
- Les organes de traités sur les droits humains ont souligné l’importance de la mise en place de « pare-feux » entre les prestataires de services et les autorités chargées de l’immigration afin de garantir que les migrants ne s'abstiennent pas d’accéder à leurs droits économiques, sociaux et culturels, tels que la santé et l’éducation, ainsi qu’à leur droit d’accès à la justice par crainte d’être dénoncés, déportés ou placés en détention.