Les membres de la famille peuvent être séparés pendant des périodes plus ou moins longues. Dans certains cas, pendant des décennies. On sait peu de choses sur les différences de coûts et d'opportunités qu'implique la séparation des familles, et sur les différences de situations lorsque le père migre plutôt que la mère, et vice versa (parmi les recherches quantitatives récentes à ce sujet, voir, par exemple, Parreñas, 2008 ; Caarls et al., 2018 ; DeWaard, Nobles et Donato, 2018 ; Mazzucato et Dito, 2018). Cependant, il est clair que le transnationalisme et la séparation des familles ont des répercussions sur la manière dont les membres de la famille organisent leur vie, restent en contact les uns avec les autres et se répartissent et partagent les responsabilités (Baldassar et Merla, 2014). Il a été constaté, notamment, que la séparation de la famille avaient des conséquences économiques, sociales, psychologiques et sanitaires durables et très néfastes sur les familles concernées, qui peuvent même s’étendre sur plusieurs générations (Spitzer, 2018). En général, la séparation de la famille :
- peut engendrer des difficultés économiques (Zentgraf et Stoltz Chinchilla, 2012) ;
- désorganise la structure des ménages, les rôles et les relations entre les sexes, car les contacts peu fréquents peuvent créer des tensions et complexifier les relations entre les migrants et les membres de leur famille. Les relations entre conjoints ou entre parents et enfants peuvent être difficiles à rétablir ou à ajuster après le regroupement familial (Spitzer, 2018 ; voir les informations complémentaires au Migration des enfants) ;
- peut concourir à réduire les réseaux familiaux, qui peuvent ne plus fonctionner comme des moyens de soutien (Spitzer, 2018) ;
- provoque généralement un stress immense qui peut se traduire par des problèmes de santé ;
- peut donner lieu à une migration de retour, souvent irrégulière, notamment dans le cas de la population réfugiée (Al-Jablawi, 2018).
Pour les migrants dans les pays de destination, la séparation de la famille peut également avoir des répercussions sexospécifiques. Il est fréquent, par exemple, que les mères se sentent coupables de laisser leurs enfants au pays, ce qui ne s’inscrit pas dans les conceptions socioculturelles de la maternité (OIM, 2015 ; Zentgraf et Stoltz Chinchilla, 2012). La responsabilité quant aux soins a de fortes implications en termes de genre, tout particulièrement pour les femmes qui deviennent des mères à distance et doivent s’occuper d'autres membres de la famille (pour en savoir plus, voir Normes de genre, facteurs déclencheurs et discrimination.
Les conséquences sur les familles restées dans le pays d'origine sont les suivantes :
- Conséquences négatives sur les enfants, notamment sur leur santé et leur développement psychosocial, éducatif et émotionnel. C’est particulièrement le cas dans les familles où les deux parents sont des travailleurs migrants et où les enfants restés au pays sont pris en charge, pour une longue durée, par des personnes telles que les grands-parents, les frères et sœurs ou d'autres membres de la famille. Des problèmes tels que la négligence (lorsqu'ils sont privés de nourriture, peu nourris, mal nourris ou pas régulièrement nourris), la pauvreté aiguë ou la stigmatisation au sein de la communauté peuvent accroître le taux de migration irrégulière et risquée de ces enfants qui souhaitent retrouver un parent ou améliorer leurs perspectives professionnelles ou éducatives.
- Difficultés pour les personnes ayant la charge d’autrui, qui peuvent eux-mêmes avoir besoin d’être pris en charge et être en souffrance psychologique à cause de la séparation et/ou de la charge qui repose sur eux. Les femmes étant souvent les principales personnes à s’occuper des autres, elles peuvent être particulièrement touchées par la situation (voir l'exemple ci-dessous).
- Conséquences négatives pour les personnes âgées et les personnes en situation de handicap, qui sont aussi particulièrement exposées lorsque les proches qui s'occupent d'elles partent et sont dans l’incapacité de continuer à s’occuper de leur propre famille élargie. Comme mentionné plus haut, les femmes étant souvent les principales personnes à s’occuper des autres, ce risque est particulièrement élevé lorsque les femmes migrent (OMS, 2017 ; Wickramage et al., 2015).
- Conséquences négatives sur les communautés dans les contextes où de nombreux émigrants laissent des membres de leur famille au pays. L'effet multiplicateur d'une augmentation du nombre de proches « absents » peut avoir des effets dévastateurs sur la cohésion sociale et le tissu psychosocial d'une communauté (Siriwardhana et al., 2015).
- Difficulté à faire face à la perte lorsque les familles restées au pays perdent le contact avec les proches qui ont migré, n'ont aucun moyen de savoir où ils se trouvent et s'ils sont en bonne santé, notamment si les proches ont migré par des voies irrégulières et dangereuses. Ce qui peut engendrer un stress intense et des difficultés face à la perte (Projet Migrants Disparus).
La séparation des familles est devenue une caractéristique sociale des pays comptant un grand nombre d'émigrants dont les familles restent au pays. De plus en plus de gouvernements reconnaissent la nécessité de s'attaquer à ce problème. Bien qu'il s'agisse d'un phénomène courant, les types et les niveaux d'intervention pour lutter contre la séparation des familles varient considérablement d'un pays à l'autre.