La Corée a mis en place différentes initiatives pour aider les familles de migrants. Elle met à disposition des informations en différentes langues pour faciliter leur adaptation, notamment un livret de bienvenue pour les migrants par mariage et un guide pour vivre en Corée, tous deux conçus pour les familles multiculturelles. Une application dédiée (appelée Danuri) fournit également des informations essentielles pour s'orienter dans ce nouveau pays, et un centre d'appel pour les familles multiculturelles est mis à disposition en différentes langues. Enfin, les centres de soutien aux familles multiculturelles proposent des services allant du conseil sur les questions familiales à la formation linguistique et professionnelle, en passant par des programmes culturels.
Soutenir l'intégration des familles de migrants permet de maintenir une stabilité familiale et permet aux migrants de mieux participer et contribuer à la société dans laquelle ils vivent. L'un des principaux défis auxquels sont confrontés les décideurs politiques qui s’intéressent à la migration familiale consiste à favoriser l'intégration des familles de migrants (Chaloff et Poeschel, 2017). Souvent, les migrants familiaux ne bénéficient d’aucun programmes d'intégration structurés, contrairement aux réfugiés qui en bénéficient à leur réinstallation, ou aux travailleurs migrants à qui l’on propose des emplois (OCDE, 2017). En outre, il peut être difficile d'identifier et d'entrer en contact avec les migrants familiaux : les services d'intégration, y compris les dispositifs d’insertion, se concentrent parfois sur les familles qui dépendent des aides sociales, mais beaucoup ne sont pas dans ce cas et passent donc sous les radars. Or, la capacité de subvenir à ses besoins sans dépendre des aides sociales est une condition préalable à l’entrée (OCDE, 2017). Enfin, si les migrants familiaux sont en principe pris en charge par le parrain qui les soutient économiquement, ce dernier ne connaît pas forcément tous les aspects de l’intégration et n’est pas en mesure d’apporter les conseils et l’aide nécessaires. Investir dans des initiatives d'intégration pour tous les migrants peut donc s’avérer être une approche efficace (pour en savoir plus sur ces initiatives, voir Intégration et cohésion sociale), en sus des mesures visant les migrants familiaux. Dans tous les cas, il est important de veiller à ce que les migrants familiaux soient éligibles aux mesures d'intégration (OCDE, 2017).
Institut coréen pour la santé et les affaires sociales (KIHASA), n.d.
Si tous les aspects de l'intégration peuvent avoir une incidence sur les familles, il est particulièrement important de prendre en compte l'accès au marché du travail, l'intégration socioculturelle, la langue et l'éducation, ainsi que le logement (pour en savoir plus sur les approches sectorielles de l'intégration ainsi que sur la lutte contre la discrimination et promotion des liens sociaux Intégration et cohésion sociale. Pour les aspects liés à la santé, voir Santé et migration).
- Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dans sa série « Les clés de l’intégration » : Making Integration Work: Family Migrants, 2017.
- Spitzer, D. Family Migration Policies and Social Integration, 2018. Présenté à la réunion du groupe d'experts des Nations unies sur les politiques familiales pour des sociétés inclusives.
Lorsque des membres de la famille rejoignent les migrants dans le pays de destination, ils n'ont pas toujours accès au marché du travail. Le droit de travailler dépend généralement du statut migratoire, bien que les conditions varient. Les membres de la famille ne peuvent parfois exercer que certaines professions ou n'obtenir le droit de travailler qu'après un certain temps. L'accès au marché du travail est souvent plus difficile pour les femmes, en particulier lorsqu'elles viennent d'un pays où la plupart des femmes ayant une famille à charge ne travaillent pas (Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE], 2017 ; pour en savoir plus, voir l’accès au marché du travail au Chapitre 2.4 Migration de main-d'œuvre). Les pays ayant une tradition d'immigration bien établie tendent à offrir à tous les migrants un meilleur accès à leur marché du travail. Certains pays connaissant depuis peu des taux d'immigration élevés ont aussi commencé à offrir un meilleur accès aux migrants et à leurs familles, grâce à une législation régionale.
La directive de l'Union européenne sur le regroupement familial (directive 2003/86/CE) permet aux membres de la famille ressortissants de pays tiers d'accéder aux marchés du travail des États membres de l'Union européenne, que ce soit dans le cadre d'un emploi ou d'une activité indépendante, tout comme leurs parrains ressortissants de pays tiers (généralement leurs conjoints). En outre, la directive a mis fin au test du marché du travail (communément appelée la « préférence communautaire ») pour les proches des migrants, ce qui a considérablement augmenté leurs chances de trouver un emploi. L'Italie et la Grèce ont mis en œuvre des changements juridiques en conséquence et ont respecté le droit européen qui contient des protections fortes en termes des droits de l'homme humains et des obligations en matière d'aide aux migrants réguliers.
Robin-Olivier, 2016.
L'impossibilité pour les migrants familiaux de travailler peut entraîner une insécurité financière et émotionnelle et avoir une forte influence sur les projets familiaux à long terme, tels qu'acheter une maison ou fonder une famille (Scherer, 2009). Les responsables politiques des pays de l'OCDE ont constaté que les restrictions imposées aux droits des conjoints à travailler peuvent avoir un effet dissuasif sur les migrants potentiels, ce qui n'est pas dans l'intérêt du pays si les migrants ont des compétences recherchées (Chaloff et Poeschel, 2017). Les efforts visant à retenir les familles peuvent également être bénéfiques pour le pays de destination, car les conjoints des migrants qualifiés tendent eux aussi à l’être (Chaloff et Poeschel, 2017). En revanche, ériger des obstacles ou retarder l'accès des migrants familiaux au marché du travail peut les pousser vers le marché informel et contribuer à la dévalorisation de leurs compétences et de leur expérience (OCDE, 2017).
Outre l'accès des migrants familiaux au marché du travail, les politiques de soutien à l'entrepreneuriat, de reconnaissance des qualifications et d’aide à la formation professionnelle et à la formation continue peuvent également favoriser l’accès des migrants familiaux au marché du travail (pour en savoir plus sur ces politiques, voir Migration de main d'œuvre). Offrir des conseils aux familles dans le cadre d’une mesure pratique comme l'orientation avant le départ pour les aider à se préparer et à rechercher un emploi en amont peut constituer une mesure complémentaire (OCDE, 2017 ; pour en savoir plus sur l’orientation avant le départ, voir Adéquation entre l'aide à l'intégration avant le départ et à l'arrivée dans la discussion sur les approches globales de la gestion de l’intégration du Chapitre 2.8 Intégration et cohésion sociale). En général, les politiques en faveur de l'accès des migrants familiaux au marché du travail s’avèrent plus efficaces si elles tiennent compte de la dimension de genre (pour en savoir plus sur Genre et migration de main-d'œuvre, voir Genre et migration).
L’importance de la langue
La connaissance de la langue du pays de destination est un facteur clé qui permet aux migrants de comprendre leur nouvelle société, de s'y orienter et d'y participer (Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE] et Union européenne [UE], 2018). La capacité des migrants familiaux à aider leur famille, et notamment à veiller au développement de leurs enfants, est liée à leur connaissance des services disponibles, du fonctionnement des systèmes de santé et d'éducation et des possibilités d'emploi qui s’offrent à eux, entre autres. L’accès à ces connaissances dépend fortement de la maîtrise de la langue.
Elle peut d’ailleurs être une condition préalable à l'entrée dans le pays des migrants familiaux ou, plus souvent, une condition après l’arrivée. Les migrants familiaux peuvent être tenus de s'inscrire à des cours et/ou de passer des tests attestant d’un certain niveau de compétence dans un certain laps de temps (OCDE, 2017). De nombreux pays, dont la plupart des pays de l'OCDE, proposent des formations linguistiques financées avec des fonds publics (OCDE et UE, 2018), bien que des organisations non gouvernementales (ONG) et des institutions privées en proposent également.
Les femmes peuvent être désavantagées lorsqu'il s'agit d'apprendre la langue du pays de destination, notamment si elles sont moins qualifiées et disposent de moins de ressources financières. Les femmes possédant un capital culturel plus élevé et libres de suivre des cours de langue en personne sont plus à même d’atteindre le niveau linguistique requis. Elles peuvent également être dotées d’un capital économique supérieur et financer des cours de langue dans leur pays d'origine avant le départ. D'autres femmes auront des difficultés à suivre des cours de langue ou de formation civique pour diverses raisons liées à la famille, notamment les tâches domestiques et la garde des enfants, mais aussi aux longues heures de travail qu’elles effectuent dans des emplois subalternes. Les migrantes chinoises au Canada ont comparé cette situation à un « cercle vicieux » dont il est difficile de sortir (Man, 2004).
Une maîtrise insuffisante de la langue peut confiner les migrants familiaux aux espaces et fonctions domestiques, aux emplois peu qualifiés et à des réseaux sociaux spécifiques à une langue. Elle peut également les empêcher d’accéder aux services dont ils ont besoin et auxquels ils ont droit. Et aussi donner le sentiment de manquer d’autonomie et influer négativement sur le bien-être et le sentiment général d'appartenance au fil des années (Pot, Keijzer et De Bot, 2020). Si les enfants s’intègrent et apprennent la nouvelle langue plus rapidement que leurs parents, ils peuvent alors jouer le rôle d'interprètes pour ces derniers. Toutefois, il s’agit d’une situation qui peut soumettre la famille à des facteurs de stress et avoir une incidence supplémentaire sur l'intégration de la famille.
- Veiller à ce que des informations de base sur l’intégration soient fournies aux migrants familiaux dans différentes langues, notamment sur l'apprentissage de la langue, l'accès aux services ou au marché du travail (par exemple, grâce à des services d'interprétation et la traduction de documents). Envisager un partenariat avec des organisations de la société civile et des résidents de longue date faisant du bénévolat.
- Favoriser et soutenir l'apprentissage des langues. Par exemple, proposer des cours de langue plus proches du lieu de résidence afin que les personnes ayant la charge des enfants puissent y assister.
- Permettre aux personnes ayant la charge d'autrui de participer aux cours de langue et aux activités d'intégration. Cet objectif peut être atteint en :
- Proposant davantage de services de garde d'enfants gratuits ou à tarif rédui;
- Mettant à disposition des modes de prestation flexibles pour les activités compatibles avec la garde d'enfants (par exemple, des horaires en soirée ou des activités d'apprentissage linguistique auxquelles les parents et les enfants peuvent participer ensemble);
- Offrant des solutions de garde d'enfants pendant les activités.
Éducation des membres de la famille
La garantie d’une meilleure éducation pour les enfants est souvent un facteur important pour la migration des familles. L'endroit où les enfants vont à l'école peut avoir une influence sur la décision de la destination et du moment de la migration pour toute la famille. Les décisions de migration familiale peuvent aussi dépendre de l'âge des enfants, le présupposé étant que les enfants plus jeunes s'adaptent mieux à l'école et apprennent plus facilement la langue du nouveau pays (Ryan et Sales, 2013). Des données montrent que les migrants qui arrivent avant l'âge d’être scolarisé obtiennent des résultats et acquièrent des compétences quasi identiques à ceux des locuteurs natifs, tandis que ceux qui arrivent plus tard s'en sortent nettement moins bien (OCDE, 2017). Ce qui tend à suggérer que permettre l'arrivée des enfants à un jeune âge peut contribuer positivement à leurs résultats scolaires et à leur intégration (OCDE, 2017). (Pour plus de détails sur l'éducation des enfants migrants, voir Migration des enfants).
Les programmes d'apprentissage pour adultes peuvent aider les parents à soutenir leurs enfants, ainsi qu'à acquérir une langue, des compétences et des qualifications pour participer au marché du travail.
- Favoriser l'arrivée des enfants en âge préscolaire grâce à des mesures appropriées. Par exemple:
- Permettre aux enfants d'accompagner le premier parent migrant;
- Encourager l'arrivée précoce des familles ayant des enfants en bas âge, par exemple en réduisant les frais de demande de visa;
- Donner la priorité aux procédures de regroupement familial pour les familles ayant de jeunes enfants.
- Veiller à ce que les enfants et les adolescents migrants soient inclus dans les politiques et les systèmes d'éducation nationaux.
Remarque : certaines de ces mesures sont tirées de l'OCDE, 2017.
Pour en savoir plus sur l'importance de la langue et de l'éducation pour l'intégration, voir les approches sectorielles de l'intégration au Chapitre 2.8 Intégration et cohésion sociale. Pour en savoir plus sur les jeunes et la migration à des fins éducatives, voir Jeunes et migration.
Le logement est un élément majeur de l'intégration des migrants et de leurs familles. Cependant, le logement n'est pas suffisamment pris en compte dans les débats politiques. « Le logement est souvent considéré comme acquis » (Grødem et Hansen, 2015), en partie car on considère que les migrants pouvant subvenir aux besoins des proches qui les rejoignent sont aussi en mesure de payer un loyer (Chaloff et Poeschel, 2017).
Certains pays ont posé comme l’une des principales conditions au regroupement familial le fait de disposer d'un logement « adéquat ». Plus les lois devenaient restrictives, et plus cet élément relevait du pouvoir discrétionnaire de l’administration, ce qui a parfois paralysé le processus de regroupement. C'est ce qui s'est produit, par exemple, dans le cas des femmes migrantes latino-américaines qui travaillent dans le « secteur sous-réglementé, informel et parallèle » du travail domestique en Espagne (Gil Araujo et González-Fernández, 2014). Parce qu'elles vivent souvent au domicile de leur employeur et qu'elles ont des contrats précaires, elles ne remplissent pas toujours les conditions requises pour être réunies avec leurs enfants dans leur pays de destination. Il peut être difficile pour les migrants qui parrainent leur famille de trouver un logement sans devoir le partager avec de nombreux proches ou d'autres migrants, qui ne soit pas temporaire et se trouve dans un endroit sûr et soit axé sur la communauté.
- Créer des programmes ciblés sur le logement et l'aide aux familles de migrants avec enfants. Fournir des logements sociaux abordables, de taille appropriée, de bonne qualité, sécurisés, dans des quartiers sûrs et dotés d'équipements de loisirs adéquats.
Pour en savoir plus sur l'importance du logement pour l'intégration, voir les approches sectorielles de l'intégration au Chapitre 2.8 Intégration et cohésion sociale.
- Souvent, les migrants familiaux ne bénéficient d’aucun programmes d'intégration structurés contrairement aux autres migrants (tels que les travailleurs migrants). Pourtant, si leur parrain peut répondre à leurs besoins financiers, il n'est pas toujours le plus à même de leur apporter les conseils et l’aide nécessaires à une intégration réussie des migrants familiaux dans leur nouveau pays.
- L'accès au marché du travail peut être limité pour les proches des migrants. Ce qui a une incidence sur la stabilité financière et émotionnelle de la famille et par conséquent sur son intégration. Les politiques de soutien à l'intégration de ces migrants sur le marché du travail, y compris avant le départ, peuvent accompagner efficacement l'intégration des familles entières.
- La langue est un facteur d'intégration important que les migrants familiaux peuvent avoir du mal à acquérir. C'est notamment le cas lorsque les migrants n'ont pas le temps ou les ressources nécessaires pour investir dans l'apprentissage de la langue avant et après leur arrivée, par exemple en raison de leurs responsabilités domestiques et de soins. Sans compétences linguistiques, les migrants familiaux sont moins à même d’accompagner leurs enfants dans leur scolarité et de participer activement à la société. Favoriser l'apprentissage de la langue est donc essentiel pour l'intégration des familles de migrants.
- L'éducation est un aspect central de la vie des familles migrantes, car les enfants et les parents peuvent s’inscrire à des programmes d’enseignement. Soutenir les deux permettra aux enfants de mieux réussir à l'école et aux parents d’aider leurs enfants et d'améliorer leurs propres compétences pour entrer sur le marché du travail.
- Le logement détermine fortement la vie familiale en termes d'intimité, d’équilibre et de liens sociaux. Bien que les parrains soient tenus de garantir un logement aux migrants familiaux qui les rejoignent, ils peuvent rencontrer des difficultés et avoir besoin d'aide pour l’obtention d’un logement qui ne soit pas partagé avec plusieurs proches ou d'autres migrants, temporaire ou qui se trouve dans un endroit sûr et orienté vers la communauté.