Principes généraux de la migration

Les débats publics actuels portent sur de nombreuses problématiques liées aux migrations, qui nécessitent toutes des communications opportunes et objectives. Ces problématiques comprennent les déplacements à l'intérieur des pays, la migration environnementale, la migration irrégulière, le trafic illicite de migrants, la traite des personnes, la migration mixte, la santé des migrants, la migration de main-d'œuvre, les droits des migrants, le regroupement familial, l’intégration et la cohésion sociale, les rapatriements de fonds et le développement durable. De surcroît, chacune de ces problématiques interagit avec d'autres dimensions : les enfants, le genre et la protection. Bien que souvent interconnectées, ces thématiques sont toutes des sujets à part entière qui exigent des connaissances techniques spécifiques, une utilisation nuancée du langage ainsi que des stratégies et approches de communication ciblées. Plusieurs termes utilisés dans les communications sont définis de manière spécifique en droit international (voir le « Droit international de la migration »).

To Go Further
  • Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), Droit international de la migration : Glossaire de la migration, 2019. Ce document a été publié pour répondre à certaines variations et incohérences terminologiques relevées dans les discours des États et d’autres acteurs sur la migration. Les définitions des termes liés à la migration qu'il contient sont basées sur des instruments internationaux contraignants.
Policy Approaches
Communiquer sur la migration
  • La communication doit avoir une finalité spécifique liée aux objectifs de la politique.
  • Le public cible doit être clairement défini.
  • Des études comportementales peuvent permettre de répondre aux inquiétudes des citoyens de toutes les couches sociales. Pour être convaincants, les efforts de communication visant à faire évoluer les mentalités et les comportements doivent s'appuyer sur de telles études.
  • Les messages clés doivent être pertinents au regard des problèmes de gestion des migrations alors rencontrés.
  • Les communications inclusives sont éclairées par diverses perspectives. Pour bien communiquer, il faut que divers partenaires soient impliqués, notamment des migrants et des communautés locales dans toute leur diversité, les autorités locales, les médias et des entreprises.
  • Pour communiquer clairement, il convient d'éviter le jargon et le langage d’initiés.
  • L’intégration d’histoires personnelles de migrants permet de renforcer la pertinence des messages de plaidoyer et de les rendre plus éloquents.
Terminologie globale

Les abus de langage dans le discours public, de même que l’utilisation malveillante de certains termes, peuvent suggérer des intentions inexactes et biaiser le débat sur la migration. Ces situations non seulement compliquent la gestion efficace des migrations, mais elles renforcent également les préjugés et la xénophobie.

L’utilisation de la terminologie correcte est essentielle pour une communication efficace sur les migrations. Elle assure une compréhension plus éclairée et diminue les risques de désinformation et donc de stigmatisation et de dénigrement des migrants. Elle ouvre la voie à un discours public plus objectif et constructif, qui peut à son tour appuyer une action politique éclairée.

Lors de toute communication sur la migration, il est important de désigner les migrants en tant que « personnes ». Il existe de nombreuses manières d’identifier les personnes (notamment « immigrant », « émigrant », « demandeur d’asile » ou « réfugié »), mais il est important d’adopter une approche qui reconnaisse les personnes comme des détenteurs de droits et des êtres humains.

Image / Video

Source

IOM/Amanda Nero, 2016.

Il convient d’observer la terminologie suivante :

Migrants ou réfugiés ?

Un migrant désigne toute personne qui, quittant son lieu de résidence habituelle, franchit ou a franchi une frontière internationale ou se déplace ou s’est déplacée à l’intérieur d’un État, (1) sans distinction du statut juridique de la personne ; (2) que le déplacement soit volontaire ou involontaire ; (3) quelles que soient les causes du déplacement ; et pour qui, au moment du déplacement, le retour imminent n’était pas envisagé ou possible (plus d’informations au « Contexte global de la migration internationale »).

Le terme réfugié est défini et consacré par la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et son protocole de 1967, qui prévoit pour les réfugiés une protection et des droits spécifiques. Les États sont responsables en matière d’attribution du statut de réfugié.

Article / Quotes
refugee

Un réfugié est une personne qui craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays.

Source

United Nations, 1967.

Les termes de migrant environnemental et de réfugié environnemental sont actuellement utilisés pour décrire les personnes en déplacement dans le contexte du changement climatique. Cette terminologie fait toujours l’objet d’un débat, car elle implique différents droits et obligations. À l’heure actuelle, il n'existe pas de fondement juridique en droit international pour ces termes (plus d’informations au « Migration, environnement et changement climatique »).

Le terme demandeur d’asile, souvent utilisé de manière erronée, désigne une personne cherchant à obtenir la protection internationale et dont la demande n’a pas encore été tranchée de manière définitive. À terme, tous les demandeurs d’asile ne sont pas reconnus comme réfugiés (OIM, 2019) (plus d’informations au « Droit international de la migration »).

Compte tenu de ces définitions, le terme « migrant » peut être employé génériquement ou comme référence initiale dans une communication sur la migration irrégulière ou la migration mixte. Les migrants peuvent englober les réfugiés, les demandeurs d’asile, les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI), les travailleurs migrants, les migrants environnementaux, les victimes de la traite et les enfants non accompagnés. En revanche, lorsqu'il ne fait aucun doute qu’une personne est un.e réfugié.e, il faut utiliser ce terme

Migration irrégulière ou illégale ?

La migration irrégulière a été définie comme le mouvement de personnes contrevenant aux lois, aux réglementations ou aux accords internationaux qui régissent l’entrée ou la sortie du pays d’origine, de transit ou de destination. Il s’agit du terme privilégié pour désigner le mouvement de personnes en dehors des canaux de migration régulière (plus d’information sur la Migration régulière vs irrégulière au « Le contexte global de la migration internationale »).

Le terme migration illégale – ou migrant illégal – suggère que la migration est criminelle et insinue qu’il n’est pas nécessaire de respecter les droits humains du migrant. Les migrants, comme tout être humain, ne peuvent en aucun cas être qualifiés d'illégaux. Quelqu’un ayant commis un vol n’est pas un « être humain illégal » même si cette personne a commis un acte répréhensible pénalement.

Le terme de migration irrégulière (au lieu de « illégale ») est donc recommandé, car les migrants irréguliers ne sont pas des êtres humains illégaux, mais des personnes en situation irrégulière. Le terme « migrants irréguliers » englobe des migrants qui n’ont peut-être pas d’autres options que d’utiliser les canaux irréguliers, et dont les actions, de fait, ne peuvent pas être, ou ne devraient pas être considérées comme illégales. Ces personnes comprennent les réfugiés, les victimes de la traite et les enfants migrants. Les migrants ne respectent pas tous la loi d'office, pas plus que les citoyens, mais le fait d'être sur un territoire de manière irrégulière ne fait pas d'eux une « personne illégale ».

Trafic illicite des migrants ou traite des personnes ?

Ces deux expressions sont souvent utilisées à tort de façon interchangeable dans le domaine public (plus d’informations sur les Interconnexions entre le trafic illicite de migrants et la traite des personnes). Néanmoins, en droit international, les victimes de la traite requièrent une protection supplémentaire et spécifique. L’utilisation de la terminologie correcte permet d’identifier et de protéger les victimes, et de mettre en place des politiques et des mesures programmatiques spécifiques. Aussi, le manque de mise en avant des victimes de la traite dans les communications de crise risque, aux frontières, de perturber ou de retarder la prise en charge prévue dans les programmes destinés à les identifier et à les protéger

Image / Video

Source

IOM/Amanda Nero, 2017.

Le genre dans les communications

Alors que les hommes et les femmes migrent dans des proportions pratiquement égales, la manière dont ils sont dépeints n'est pas toujours représentative de cette réalité mais parfois stéréotypée. S’abstenir de stéréotyper les groupes sexospécifiques peut contribuer à améliorer la compréhension et la connaissance de la complexité des défis de la migration, ce qui permet une politique de réponses plus efficace. Par exemple, les hommes et les garçons sont également victimes de la traite à des fins de travail forcé ou d’exploitation sexuelle. Les femmes et les filles ne sont pas les seules concernées. Par ailleurs, les femmes et les filles migrantes ne sont pas uniquement des victimes, mais également des cheffes de file, des entrepreneuses et des soutiens de famille.

En outre, les groupes sexospécifiques n’incluent pas uniquement les hommes et les femmes, mais aussi les personnes qui s’identifient comme non-binaires. Les différents groupes sexospécifiques n’ont pas la même expérience de la migration. Ils sont souvent victimes d'inégalités dans les traitements qu'ils reçoivent et dans l'accès à la protection sociale et aux services sociaux dont ils bénéficient (plus d’informations au « Genre et migration »). En conséquence, il importe de veiller à l’équilibre et à la représentativité des genres en termes de nombre d’histoires et d’images présentées dans les communications.

Principes fondamentaux d’une bonne communication sur la migration
Table
Tableau 1. Principes d’une bonne communication sur la migration

LANGAGE NEUTRE ET OBJECTIF

  • Éviter de décrire les migrants en termes évoquant des catastrophes.
  • Utiliser un langage et un ton neutres permettant une information plus précise et objective.
  • Veiller à l’exactitude des faits, qui doit être le socle de la communication sur la migration.
  • Étayer les données et les statistiques par des histoires personnelles.
APPROCHE PANGOUVERNEMENTALE
  • S'assurer que les mêmes données migratoires sont utilisées par tous les organes gouvernementaux, et que les communications de chaque organe sont cohérentes.
  • Informer toutes les instances gouvernementales des politiques migratoires générales et des objectifs de communication.
TRANSPARENCE
  • Ouvrir l’accès aux informations sur les questions migratoires pour permettre la participation politique, la prise de décisions et engager la responsabilité du gouvernement.
  • S'assurer que l’information est transparente, à jour et facile à trouver sur tous les médias et autres outils numériques.

GLOBALITÉ

  • Inclure des stratégies ciblant diverses phases de la migration. Par exemple : avant l’arrivée, pendant le transit, à l’arrivée dans le pays de destination et au retour.
  • Prévoir la participation des migrants eux-mêmes dans les campagnes nationales. Ils pourront ainsi expliquer la réalité de leur périple.
PARTENARIAT
  • Présenter des informations sur la migration depuis différentes sources. Des partenariats solides avec de multiples acteurs sont essentiels pour assurer la cohérence des informations. Ils participent également à une plus large diffusion de l’information auprès du public.
  • Conclure des partenariats, dans le cadre des campagnes nationales, avec des acteurs non gouvernementaux, tels que les médias, les associations de la société civile, la diaspora et les ONG ou encore les entreprises privées et les écoles.
  • Intégrer les autorités locales dans la communication sur la migration, car elles ont un rôle essentiel à jouer.
PROACTIVITÉ ET ACTUALITÉ
  • Communiquer des informations à jour, rigoureuses et claires pour endiguer les rumeurs et les on-dit, et apaiser l’anxiété et la tension du public.
  • Affirmer la perspective gouvernementale dans le discours public et médiatique par une communication proactive , ce qui réduit les possibilités de désinformation.

Langage neutre et objectif

La migration est une aventure humaine impliquant une grande diversité de personnes. Reconnaître cette réalité est un aspect important des communications autour de la migration. Il est préférable d’éviter de décrire les migrants dans des termes évoquant des catastrophes (inondations/ vagues), une crise, l’armée (invasion), des animaux (essaim), des menaces (illégaux/ criminels) ou une pression (virus). Cette approche évitera que le gouvernement n’incite à des discours haineux et à l’intolérance ou n’y contribue en créant un discours d’opposition : « eux » contre « nous ». L’adoption d’un langage et d’un ton neutres permet un débat plus raisonné, conduisant à une politique efficace. Cette approche contribue à réduire l’hostilité générale à l'égard de la migration, à créer une relation de confiance entre les migrants et le gouvernement, à sauver des vies et à poser les fondations d’une intégration réussie au sein des communautés.

Pour répondre aux mythes relatifs au nombre de migrants dans les pays de destination, les communications gouvernementales peuvent réaliser une comparaison entre d'une part, les données sur les populations de migrants et les chiffres annuels nets de la migration et d'autre part, les conclusions des dernières enquêtes de perception et sondages d’opinion. Dans la plupart des pays communiquant des informations précises sur la population migrante, les personnes participant aux sondages sont moins enclines à déclarer qu’il y a trop d’immigrants dans leur pays, comparativement aux pays où ces données ne sont pas transmises à la population (McAuliffe et Ruhs, 2017) (plus d’informations sur Communiquer les faits au prochain paragraphe de ce chapitre).

Communication pangouvernementale

Il arrive que la migration relève de l'entière responsabilité d’un unique ministère ou département gouvernemental. La migration est cependant corrélée à de nombreux autres enjeux relevant des attributions de plusieurs organismes officiels. Pour s’assurer de la réussite d’une politique, la communication de l’ensemble du gouvernement doit être harmonisée.

L’exactitude des faits doit être le socle de la communication sur la migration. En renforçant la coopération et la coordination entre les offices de statistiques nationales, les ministères et les organisations qui sont à l’origine des données sur la migration, le gouvernement a la possibilité d'améliorer le partage de données, d'harmoniser leur utilisation et d'aligner la terminologie pour assurer une communication cohérente (pour plus d’informations, voir le « Données, études et analyses dans le cadre de l'élaboration d’une politique »).

 

Image / Video

Source

IOM, 2013.

Toutes les instances compétentes doivent être informées de la politique migratoire globale et des objectifs de communication (Ahad et Banulescu-Bogdan, 2019). Il est utile que toutes les instances gouvernementales en charge de sujets en lien avec la migration sachent quelles informations chaque instance prévoit de publier, et quand. Un audit peut être une solution judicieuse pour obtenir ces renseignements et les partager. Chaque département et ministère disposera ainsi d'une meilleure visibilité sur l'impact que peuvent avoir ses communications sur les autres. La création de systèmes organiques et formels destinés à renforcer la collaboration entre toutes les instances compétentes, permet une communication gouvernementale cohérente et intégrée sur la migration. L’intervention de spécialistes de différents domaines renforce les connaissances et la compréhension au sein du gouvernement, ce qui a une incidence sur l’élaboration de la politique.

En outre, il est utile de s'assurer la participation des gouvernements locaux et régionaux, et d’établir une coordination avec eux, étant donnée leur position de « premiers intervenants » (OIM, 2018). Il en résultera une communication plus authentique et fiable, ancrée dans l’expérience vécue des migrants et de ceux qui travaillent avec eux, ce qui peut améliorer l’adhésion locale aux politiques nationales et encourager le soutien de la communauté à la mise en œuvre de la politique.

Transparence

Il est essentiel de répondre directement aux préoccupations de l'opinion publique en expliquant la situation des citoyens et ressortissants étrangers ainsi que les droits dont tous disposent. Cette démarche est importante pour clarifier la logique de la politique migratoire d’un gouvernement, et ainsi éviter les malentendus tant au niveau social que politique, et rendre les règles et les procédures migratoires plus accessibles. En conséquence, la consultation est un élément essentiel de l’élaboration d'une politique (plus d’information au « Consultation »).

L’information doit être transparente, à jour et facile à trouver dans les médias de masse et sur les réseaux sociaux ainsi qu'à l'aide d’autres outils de communication. Les canaux de communication bidirectionnelle avec le public présentent le double avantage de relayer l’information et de recueillir diverses contributions pour alimenter la politique et les programmes. Ils sont la preuve que le gouvernement est à l’écoute. Toutefois, la communication multimédia exige d’importantes ressources et beaucoup de temps. De ce fait, dans le cadre d’une collaboration pangouvernementale, une dotation adéquate en ressources est nécessaire pour permettre une communication transparente et plus efficace

Good Practice
Consultations publiques à Hambourg, Allemagne

L'information et la consultation des résidents locaux sur certaines questions migratoires spécifiques, telles que l’ouverture de centres de migrants, peut participer à désamorcer voire à éviter les tensions. Le cas de la ville de Hambourg en Allemagne en offre un exemple parlant.

Afin de limiter la colère de l'opinion publique au sujet de l’emplacement d’un centre d’accueil pour migrants, les fonctionnaires locaux de Hambourg ont organisé 34 ateliers au cours desquels les participants ont reçu une présentation complète de cette thématique complexe. La promotion des ateliers a été réalisée dans divers médias et dans des brochures représentant une audience totale de 5 millions de citoyens. 400 résidents ont assisté aux sessions. Le thème général de l’hébergement des réfugiés a tout d’abord été présenté aux participants qui ont été invités à poser des questions sur les sites retenus pour les centres.

Divers outils multimédias ont été utilisés, de la projection de films d’animation à l’emploi de cartes. Les résidents locaux qui ont assisté aux ateliers ont eu accès à toutes les données sur les différents emplacements possibles dans les sept arrondissements de la ville de Hambourg – depuis le nombre de migrants résidant dans l’arrondissement jusqu'aux parcelles disponibles – de façon à les aider à identifier les sites les plus appropriés. Les emplacements ont ensuite été proposés au personnel de la Coordination Centrale des Réfugiés, qui a sélectionné les sites correspondant le mieux à tous les critères établis.

La consultation a été une réussite malgré d’importants défis. Certains participants ont exprimé des inquiétudes quant à une manipulation de la consultation par le gouvernement dans le but de contrôler politiquement la réponse à la création de centres de réfugiés. Cependant, après avoir établi que les critiques étaient surtout fondées sur des informations floues ou erronées, ces inquiétudes ont pu être dissipées en fournissant des informations plus précises et en discutant plus avant des sites spécifiques, dans le cadre du processus

Source

Ahad et Banulescu-Bogdan, 2019 ; Noyman et collab., 2017.

Globalité

Les stratégies de communication seront particulièrement efficaces si elles ciblent les différentes phases de la migration. Par exemple, il est utile pour les migrants potentiels d’être informés à la fois des limites de la migration et des opportunités qu’elle représente, par le biais de campagnes nationales et locales avant le départ ainsi que pendant le transit. Des informations détaillées sur les moyens d’obtenir de l’aide en cas de détresse et les moyens d’éviter les recruteurs illégaux ou les passeurs et les trafiquants de personnes sont également importantes.

Dès leur arrivée dans leur pays de destination, les migrants doivent avoir accès à des informations claires et précises sur les lois et les conditions spécifiques associées à leur statut, notamment la durée et la finalité de leur séjour, ou les permis de travail. Une prise de décision informée tout du long du processus de migration est un facteur clé à la fois pour la sécurité et pour la réussite des histoires migratoires. De telles campagnes nationales peuvent également fournir des informations sur les agences pour l’emploi, les associations de migrants et autres services.

En plus des ministères gouvernementaux et des autorités locales, ces campagnes bénéficient généralement d'un partenariat entre différents acteurs, comme les médias, la société civile, les associations, la diaspora, les ONG ainsi que les entreprises privées et les écoles. Les médias sont essentiels au succès de ces campagnes puisqu’ils peuvent participer à leur diffusion auprès d'une large proportion de la population, tant au niveau local que national (voir le Paysage médiatique dans le contexte de la migration).

Ces campagnes sont plus performantes lorsqu'elles font appel aux migrants eux-mêmes pour expliquer la réalité de leur périple. En général, la communication entre pairs est plus efficace que les messages officiels, en particulier dans les zones où la confiance de l'opinion publique à l’égard des institutions officielles est faible. Par exemple, pour sensibiliser aux risques et aux opportunités de la migration, des interviews de migrants de retour dans leur pays d’origine pourraient être diffusées et étayées par des histoires illustrant des réussites et des échecs. Des campagnes similaires peuvent également être proposées dans les pays de transit afin d’informer les personnes qui sont toujours en déplacement et qui pourraient se retrouver en situation de détresse.

Good Practice
Intégrer les migrants dans les communications entre pairs à Dakar

« Migrants comme Messagers », une campagne de sensibilisation entre pairs, a été déployée dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. Dans ce cadre, des événements ont été organisés dans des salles communales, des témoignages filmés diffusés et des sessions de questions-réponses interactives réalisées avec des migrants de retour. Les migrants potentiels touchés par ces campagnes, de même que les personnes ayant exprimé un intérêt pour la migration, se sont sentis mieux informés et sensibilisés aux risques de la migration irrégulière. Faire des migrants de retour des messagers de confiance dans les communications entre pairs est une stratégie efficace de communication sur la migration.

Source

Dunsch, Tjaden et Quiviger, 2019.

Partenariats pour une portée maximale

Dans les communautés où vivent les migrants, les autorités locales ont un rôle essentiel à jouer dans la communication sur la migration. Il est important que les autorités locales s’engagent à dissiper les mythes et à sensibiliser leurs communautés aux questions liées à la migration, en utilisant des informations dûment contextualisées. Grâce à la diversité culturelle de leurs ressources, les villes peuvent servir d’interface pour la coordination ainsi que de partenaires pour les responsables de la stratégie de communication gouvernementale nationale afin de renforcer l’inclusion, la compréhension mutuelle et la cohésion sociale. Les autorités locales sont également bien placées pour informer les migrants de leurs droits et des services à leur disposition sur le terrain (Migration Ville-à-Ville en Méditerranée [MC2CM], 2019).

L'établissement de partenariats avec les autorités locales, les associations de migrants et la diaspora, les dirigeants communautaires, la société civile, les entreprises et les organisations internationales permet de communiquer de manière plus éclairée et d’optimiser la diffusion. Cette approche facilite également une réponse à la migration à la fois plus optimale et mieux coordonnée, et instaure des liens incitant d’autres acteurs à devenir les messagers d’une politique ou d’une action gouvernementale (plus d’informations au « Élaboration d’une politique migratoire »).

Good Practice
Partenariats avec les communautés artistiques

Les partenariats avec les communautés artistiques sont des plateformes efficaces pour la diffusion de récits migratoires positifs. En voici deux exemples :

  • Le Festival International du Film sur la migration se déroule chaque année entre la dernière semaine de novembre et la journée internationale des migrants (le 18 décembre). Dans le cadre de l’édition 2018 du festival, plus de 500 projections d’une sélection de films internationaux ont été organisées dans 104 pays. Chaque projection a été l'occasion, pour les représentants des migrants, du gouvernement, de la société civile et pour des experts sur le terrain, de discuter de ces enjeux de manière formelle et informelle.
  • La Commission européenne a commandé une cartographie des programmes culturels en lien avec la migration. 96 initiatives ont été identifiées comme actions spécifiques visant à intégrer les migrants par le biais de l’art. La majorité de ces événements culturels a eu lieu à Barcelone, Berlin et Londres, la plupart étant organisés par des ONG locales ou des associations de la société civile et des collectifs d’artistes. Cependant, il arrive que les autorités locales financent ces activités (McGregor et Ragab, 2016).

Communication proactive et opportune

Les gouvernements ont la possibilité de prévenir les crises socio-économiques et politiques, et d'atténuer l’anxiété de l'opinion publique grâce à des communications proactives, opportunes et transparentes. En orientant les termes du débat dès le début et en s’assurant que le gouvernement adopte une position claire dans le discours public et médiatique, une communication rapide et rigoureuse peut éviter ou réduire tout risque de désinformation et de propagation de fausses informations. Cette approche constitue également une stratégie importante pour réfuter des informations fausses ou trompeuses dans le domaine public, lesquelles peuvent amorcer une crise ou impacter négativement les personnes et les communautés. Dans les situations d'urgence ou post-conflit, des informations à jour, exactes et claires sauvent des vies, et dissipent les rumeurs et les on-dit qui amplifient les tensions sociales. Il est ainsi possible de limiter les conflits potentiels, tout en évitant une détérioration de la situation humanitaire.

 

Policy Approaches
Top 10 des conseils pour la réalisation de campagnes d’information percutantes

Les campagnes d’information réunissent des activités interdépendantes et complémentaires qu'il est possible de personnaliser afin de diffuser un message spécifique à destination d’un public aussi large ou restreint que nécessaire. L'objectif est d’influencer ou de changer les comportements. L'efficacité d’une campagne d’information, et donc sa capacité à faire évoluer les perceptions, réside dans sa crédibilité. Or, cette crédibilité nécessite avant tout des informations véridiques et objectives. Pour être les plus percutantes, les campagnes doivent s'inscrire dans un large dispositif de communication et répondre aux conditions suivantes :

  1. Avoir un objectif clair.
  2. Collaborer avec les ministères depuis l’étape de la planification jusqu’à la mise en œuvre, pour assurer leur harmonisation et leur rigueur.
  3. Reposer sur des données probantes et non sur des hypothèses.
  4. Faire partie d’un ensemble plus vaste de mesures visant à régler les problèmes de la migration.
  5. Avoir un public cible clairement défini et, le cas échéant, prendre en compte ses spécificités en âge et en genre.
  6. Être porteuses de messages auxquels il est possible de s’identifier, et non de messages qui répandent la peur.
  7. Établir un équilibre entre les messages « positifs » et les messages « négatifs », car les extrêmes peuvent tous deux être contreproductifs.
  8. Avoir recours à un « messager » qui renforce la crédibilité de l’information et génère de l’empathie.
  9. Comprendre de quelle manière le public cible consomme l’information, et associer cette connaissance aux stratégies de production et de diffusion de la campagne.
  10. Intégrer dès le départ des outils d’évaluation afin d’optimiser les connaissances utiles aux futures campagnes.
Source

OIM, 2017 ; Tjaden, Morgenstern et Laczko, 2018.

Good Practice
Campagnes d’information aux Philippines

Les Philippines ont réalisé des campagnes afin d’informer les futurs travailleurs des risques et des opportunités inhérents à la migration. Ces campagnes, qui bénéficient du soutien de l’Autorité du travail à l’étranger des Philippines (Philippines Overseas Employment Authority [POEA]), ont un public cible et un objectif clairement définis ainsi que des modes de diffusion soigneusement choisis.

Aux Philippines, la radio est le moyen de communication le plus répandu. Le dimanche, la POEA diffuse une émission de radio en partenariat avec les ONG locales pour s'adresser aux travailleurs, notamment ceux vivant en zone urbaine. Elles intègrent dans cette émission des informations sur le marché du travail, la culture des pays de destination et les moyens de reconnaître les recruteurs illégaux et de s’en protéger. En plus de cette émission de radio, les campagnes d’information prévoient également d’autres activités, telles que des ateliers locaux, des rencontres interpersonnelles avec des migrants de retour et des formations dispensant des informations élémentaires sur les risques et opportunités de la migration.

Les campagnes comprennent également des annonces de service public, des bandes dessinées, des dessins animés et des affiches portant sur les risques et opportunités de la migration. Sur son site Internet, la POEA propose des informations détaillées sur les ambassades et les agences de recrutement, et présente des informations abondantes sur le recrutement illicite et sur l’accès à une assistance téléphonique en cas de détresse.

Source

Development Research Centre, 2008.

Messages clés
  • Les mots ont de l’importance. Il est indispensable de former le personnel de l’ensemble du gouvernement afin d’harmoniser la connaissance, la compréhension et le consensus sur l’emploi de la terminologie de la migration, et ainsi de garantir uniformité et cohérence.
  • Il importe de connaître les objectifs, de cerner les publics cibles et de savoir quels outils et plateformes sont les plus à même d’être efficaces.
  • La communication, interactive ou interpersonnelle, au sujet des défis de la migration, notamment sur les médias numériques, dans les mairies, lors de consultations communautaires et publiques ou au sein de groupes de travail, est à la base des mécanismes d’écoute pour construire la confiance à l’égard du gouvernement et pour tâcher d’identifier des solutions.
  • Il importe également de favoriser des partenariats solides avec toutes les parties prenantes de la migration.
  • Les émotions et expériences migratoires vécues doivent être intégrées aux stratégies de communication. Il s'agit de la clé pour construire des messages et des contenus auxquels un large public peut s'identifier.