Confiance de la population et redevabilité

Les habitudes de consommation de l’information ont évolué, essentiellement sous l'influence des médias numériques et réseaux sociaux. Du fait de ces évolutions, le paysage médiatique est beaucoup plus fragmenté. Néanmoins, le public se repose encore sur les médias pour comprendre les questions clés telles que la migration. Les conséquences des fausses informations sur la migration, diffusées de manière virale dans les médias, sont donc graves. Une couverture médiatique inadaptée, unidimensionnelle ou partiale peut saper la bienveillance ou le soutien du grand public à l'égard des migrants et de la migration en faisant d’eux des boucs émissaires culturels, et conduire à des difficultés d’intégration (Berry, Garcia-Blanco et Moore, 2015).

Il peut s’avérer difficile pour les fonctionnaires de déterminer avec précision la nature et l'importance des informations partagées ou révélées au public, en particulier sur les sujets sensibles. Par conséquent, la présentation et la description des migrants et de la migration par la classe politique dans les médias sont importantes. En effet, les voix dominantes du paysage politique sont souvent amenées à s'exprimer dans les médias sur le thème de la migration. Une communication bidirectionnelle entre le gouvernement et les médias demande certes beaucoup de temps mais est efficace. Dans le cadre de tels canaux, il est possible de rédiger des communiqués de presse, de réaliser des rapports de fond ou d’accorder des interviews aux médias.

Policy Approaches
Renforcer la confiance de l'opinion publique et la redevabilité des médias
  • Permettre au gouvernement d’élaborer des stratégies de communication solides par la compréhension du paysage médiatique.
  • Améliorer la capacité du gouvernement à communiquer largement et efficacement par la cartographie des organes de presse du pays et la conclusion de partenariats aux niveaux institutionnel et individuel.
  • Établir des relations avec les médias et renforcer leur redevabilité par des formations destinées aux agences de presse, aux journalistes et aux éditeurs.
  • Favoriser la transparence et l'établissement de partenariats afin d’améliorer la couverture médiatique par la mise en place de séances d’information ou d'interactions interpersonnelles sur le thème de la migration.
  • Aider les journalistes débordés à intégrer à la fois le contexte et l’analyse dans leurs reportages par la mise à disposition d'informations actualisées, rigoureuses et contextualisées sur des formats rapides et faciles à assimiler pour élargir l’angle sous lequel la migration est présentée.
  • Permettre aux journalistes d'obtenir de l’information sur le terrain et ainsi d'intégrer des points de vue humains et des voix de migrants dans les reportages en leur ouvrant l'accès aux camps de réfugiés et aux endroits similaires. Cette approche favorise une couverture objective, moins centrée sur le gouvernement et plus globale.
Good Practice
Mobilisation du leadership politique et de la confiance de l'opinion publique en Nouvelle-Zélande

La Première ministre de la Nouvelle-Zélande, Jacinda Ardern, a démontré que le leadership politique avait le pouvoir d'édifier des sociétés inclusives lorsqu'elle s’est adressée aux médias après les attentats terroristes perpétrés contre deux mosquées à Christchurch en mars 2019. 49 personnes ont trouvé la mort lors de ces événements tragiques, dont des enfants et des familles entières.

La Première ministre a qualifié l’événement de « l’un des jours les plus sombres pour la Nouvelle-Zélande ». Elle a parlé des victimes et de leur famille en ces termes : « Ils ont choisi la Nouvelle-Zélande comme terre d'accueil. Et ils sont ici chez eux. Ils sont nous. La personne qui a commis cet acte de violence contre nous, ne l’est pas. » Sa déclaration désavouait la notion d’« autres » qui rejette le sentiment d'appartenance. Elle donnait le ton et un cadre pour les réactions et discours publics et politiques à la suite de cette tragédie.

Source

The Guardian, 15 March 2019.

Communiquer sur les faits

La rigueur de l’information est sans doute l’outil politique le plus important au sein de sociétés confrontées à une diversité croissante (OIM, 2011). L’élaboration de politiques fondées sur des données probantes est nécessaire pour étayer des projets de communication ciblant divers publics. Parallèlement, l'indication de chiffres et de statistiques sans contexte peut créer, auprès de la population, le sentiment d’être assiégé et fragiliser l’empathie de l'opinion publique.

Les données isolées peuvent avoir pour effet de sensationnaliser, de politiser ou de simplifier à outrance des faits. Elles doivent donc être présentées dans le cadre d’un dossier d’information complet. Par exemple, il convient de prêter attention à la différence entre les « populations » de migrants et les « flux » migratoires, tout en donnant la préférence à la couverture du premier sujet plutôt que du dernier (plus d’informations au « Données, études et analyses dans le cadre de l'élaboration d’une politique »). 

Image / Video

Source

IOM, 2013.

Dans le cadre de la communication sur les effets de la migration sur l’économie, par exemple, il convient d’associer les données relatives à l’impact fiscal net des migrants à des informations probantes sur les conditions et les besoins du marché du travail et les pénuries de compétences, à la contribution de la migration qualifiée à la création d’emplois et à la croissance économique ainsi qu'aux tendances démographiques et aux effets du manque de main-d'œuvre sur le développement économique et les services publics.

Dans le cadre de la communication sur les taux de criminalité, il faut s’interroger sur le récit véhiculé. Certains médias ont commencé à taire l’origine ethnique ou la nationalité dans les reportages relatant des faits divers, sauf lorsque l’information était pertinente, notamment dans les cas d’agressions xénophobes ou de crimes haineux. Cette approche s'explique par une meilleure compréhension du lien entre couverture médiatique et stéréotypes. Lorsque les migrants sont accusés à tort, dans les médias, d'être les principaux auteurs de crimes, le gouvernement doit procéder à une communication proactive de données officielles pour réfuter ces fausses informations, à la fois dans les médias traditionnels et numériques. Il importe également de communiquer des informations factuelles complémentaires sur les crimes perpétrés à l’encontre des migrants, qui sont peu ou prou signalés.

Policy Approaches
Lignes directrices en cinq points pour la couverture journalistique de la migration

Lignes directrices conçues par le Ethical Journalism Network (ou Réseau du journalisme éthique), applicables à quiconque communique sur la migration :

  1. Présenter des faits, pas des préjugés : les médias doivent toujours s’efforcer d’être fidèles aux faits. Apporter des informations probantes aide à mieux comprendre le monde qui nous entoure.
  2. Connaître le droit (y compris la terminologie) : les médias doivent apporter une information rigoureuse. Les journalistes couvrant le domaine de la migration devraient avoir une formation spécifique sur le sujet.
  3. Faire preuve d’humanité : les médias devraient toujours être justes. La migration est avant tout une étiquette, créée pour réguler le phénomène des flux transfrontaliers ; les personnes en mouvement sont avant tout des êtres humains, comme n’importe qui d’autre.
  4. Parler au nom de tous : les histoires ont toujours plus d’une facette. Les médias doivent veiller à rapporter les histoires sous tous leurs angles.
  1. Lutter contre la haine : les discours haineux constituent un crime. Tous les médias devraient toujours lutter contre la haine, quelle que soit l’histoire qu’ils couvrent pour leur public.
Communication centrée sur les personnes

La seule présentation des faits, tels que les données et les statistiques sur la migration, tend à désincarner et déshumaniser les migrants en les rendant anonymes et androgynes, ce qui renforce la notion d’« Autres » au sein de la communauté d’accueil et a un effet néfaste.

La communication d'informations complémentaires plus personnelles sous différents formats pour illustrer les données des études peut aider les journalistes à donner un visage humain au reportage. L'aide apportée aux journalistes pour leur faciliter l'accès aux migrants et à leurs histoires peut avoir le même effet. Une approche centrée sur les personnes permet de transmettre l’information et les messages à un public plus large et moins spécialisé, et ce, de manière plus détaillée et efficace. Cette approche démontre également de manière concrète tout ce qu’apportent les migrants au pays d’accueil ; elle permet aux communautés d'accueil de mieux s’identifier aux migrants et de faire évoluer les mentalités. Les images constituent un outil puissant pour transmettre des messages pluridimensionnels qui peuvent concourir à changer la manière dont sont perçus les migrants. Par exemple, des images de migrants dans des emplois de première ligne, notamment dans la santé, les forces de l’ordre et aux urgences, ou dans des secteurs essentiels comme la technologie, l’éducation, l’agriculture ou les affaires, illustrent de manière subtile l’intégration des migrants dans la société et leur contribution au développement social et économique. Une approche visuelle et narrative basée des témoignages personnels est particulièrement efficace en termes d’identification et d’empathie.

Good Practice
Encourager les migrants à devenir leurs propres messagers

Il est possible d'aider les médias à avoir un accès direct aux migrants, ce qui leur permettra de partager, dans leurs reportages sur la migration, des perspectives authentiques d’expériences vécues. Au Royaume-Uni, des organismes tels que Migrant Voice, IMiX, NEON et OnRoad mettent les migrants en relation avec les médias. Ils soutiennent les migrants pour qu’ils soient capables de devenir leur propre porte-parole, d’élaborer les récits de la migration et de contribuer au débat public. Le développement de médias distincts dédiés aux migrants et à la diaspora devrait être encouragé, car il s’agit d’un moyen efficace d’intégrer les migrants de manière plus positive dans leur nouvel environnement et de contribuer au dialogue interculturel dans les communautés (Lobera, Arco et Giménez, 2017).

Messages clés
  • Des séances thématiques d’information réunissant des représentants de divers ministères permettent de communiquer des informations objectives et pangouvernementales, renforcent l’expertise des médias et améliorent la couverture médiatique générale. Le contenu, la fréquence et le ton de la communication gouvernementale et de la couverture médiatique influencent l'attitude du public.
  • Des formations spécialement conçues pour les médias et dédiées aux principes de la couverture médiatique de la migration, en particulier au niveau de la première ligne locale, témoignent de l’engagement du gouvernement en faveur d'un journalisme équitable et rigoureux.
  • La transparence de la communication à la fois sur les aspects positifs et négatifs de la migration est essentielle pour bâtir la confiance du public et des médias, et témoigner de la redevabilité du gouvernement.
  • Les différents organes gouvernementaux devraient adopter une approche collaborative lors de la communication des faits et des chiffres afin de garantir la cohérence et la crédibilité, tout en réduisant les possibilités d’élaboration de politiques malavisées.
  • Les contacts entre les médias, les migrants et les associations communautaires promeuvent une culture de la couverture médiatique objective par l’inclusion de voix diverses.