- Impliquer les professionnels de la santé dans le dialogue, la planification et l’allocation des ressources pour les interventions liées à la traite des personnes. Par exemple, les inclure dans les forums de coordination multisectorielle impliquant les ministères concernés (tels que le travail, le commerce, les services sociaux, les services de protection de l’enfance et l’application de la loi). Les professionnels de la santé peuvent veiller à ce que des solutions en matière de services de santé soient incluses, en particulier dans les secteurs peu réglementés ou dans les situations de travail irrégulières, et peuvent contribuer à augmenter les capacités d’autres secteurs gouvernementaux et non gouvernementaux s’occupant de la traite des êtres humains.
- Mettre en place des mécanismes d’orientation après la traite, combinés aux cadres juridiques essentiels en matière de sécurité sanitaire. Veiller à ce que les services de santé soient intégrés dans les mécanismes d’orientation après la traite et envisager de garantir un accès universel à la couverture médicale.
- Fournir aux professionnels de santé une formation adaptée sur la traite d’êtres humains et sur les procédures de détection et d’orientation sécurisée des victimes potentielles. Tirer parti de leur expertise lors de l’élaboration des services de santé et de systèmes d’orientation pour venir en aide aux victimes de la traite des personnes.
- Demander aux forces de l’ordre, services d'immigration et agences en charge de la traite des êtres humains de mettre en place un système d’orientation national. Veiller à ce que le système inclue la participation de services gouvernementaux et non gouvernementaux, afin de garantir un soutien et une protection complets.
- Approuver les législations nationales (ou les amendements aux législations existantes) qui exigent la fourniture de soins de santé aux personnes victimes de la traite, y compris les migrants transfrontaliers.
- Enregistrer et signaler les risques pour la santé et la sécurité associés à la traite des personnes dans le contexte de l’exploitation par le travail.
- Développer des stratégies prévoyant des inspections régulières dans les industries et secteurs professionnels spécifiques où l’exploitation et la traite des êtres humains sont fréquentes, et dédier les ressources budgétaires nécessaires à la mise en œuvre de ces stratégies.
- Fournir des services pour les victimes de la traite des personnes sur la base de pratiques qui font passer en priorité la santé et la sécurité, telles que les procédures utilisées par les programmes destinés aux victimes d’agressions sexuelles et de violences domestiques.
- Identifier les approches efficaces en matière de soutien concernant la santé mentale après la traite, ainsi que les obstacles et les défis liés à leur mise en œuvre.
Tel qu’énoncé au Traite des personnes et formes connexes d’exploitation et d’abus, la traite des personnes constitue une grave violation des droits de l’homme souvent accompagnée d’atteintes physiques et psychologiques. Il est fréquent que les personnes victimes de trafic illicite vivent et soient forcées de travailler en marge de la société, en étant souvent en proie à des formes de discrimination et de négligence, tout en ne bénéficiant que d’un accès limité aux services de santé. Les problèmes de santé rencontrés peuvent être bénins ou graves et être influencés par :
- des maladies génétiques ou chroniques préexistantes ;
- une exposition à des maladies infectieuses ou d’autres risques sanitaires liés aux conditions d’exploitation et aux conditions de vie déplorables ;
- des violences physiques, sexuelles et psychologiques continues ;
- des risques liés à des formes d’exploitation spécifiques ;
- une détérioration des conditions sanitaires en raison de l’absence de diagnostic et de soins.
De nombreuses personnes victimes de la traite développent des problèmes de santé cumulés et interdépendants qui comprennent :
- des problèmes liés à la santé sexuelle et reproductive, plus particulièrement pour les personnes ayant fait l’objet de violences sexuelles ou d’exploitation sexuelle ;
- des problèmes de santé physique ;
- des problèmes de santé mentale :
- des maladies psychosomatiques ;
- des réactions naturelles face au traumatisme et autres problèmes liés au processus de guérison ;
- un usage nocif ou une dépendance aux substances psychoactives ;
- des réactions sociales telles que le rejet d’une famille ou d'une communauté.
Les personnes victimes de la traite subissent souvent des blessures physiques ou psychologiques, multiples et répétées et il en va de même pour les maladies dont elles souffrent. Des problèmes de santé invalidants, à long terme et/ou cumulés peuvent s’ensuivre. Les risques pour la santé peuvent perdurer même après la période d’exploitation. En plus des dommages physiques, les victimes de la traite subissent souvent des traumatismes et du stress psychologiques suite à des situations de traite lors desquelles leur vie était en danger. Le manque de contrôle sur les événements traumatiques souvent imprévisibles associés à la traite des personnes peut entraîner des réactions naturelles telles que la dépression, l’anxiété, l’hostilité ou l’irritabilité. Lorsque les femmes, hommes, filles, garçons ou les adultes et enfants de genre non conforme subissent souvent des abus sexuels, souffrent d’infections sexuellement transmissibles telles que le VIH et d’autres problèmes liés à la santé sexuelle ou reproductive, qui peuvent aggraver leur traumatisme psychologique. Les violences sexuelles sont souvent utilisées sur les hommes et garçons comme méthodes de torture. Les garçons, en particulier lorsqu’ils voyagent seuls et/ou sont victimes de la traite des êtres humains, courent un risque particulier de faire l’objet de violences sexuelles. Pour les femmes et les jeunes filles, d’autres risques de santé liés aux abus sexuels peuvent inclure les grossesses non désirées, les avortements à risques, les maladies inflammatoires pelviennes, la stérilité, les fistules vaginales, l’impossibilité d’avoir des enfants et d’autres problèmes de santé reproductive.
Outre les abus physiques et sexuels, les victimes de la traite sont également confrontées à d’autres risques pour leur santé :
- l’exploitation économique ;
- la confiscation des documents d’identité, qui limitent l’accès aux services de santé pour lesquels une identification est requise ;
- les risques professionnels tels que des conditions de vie et de travail dangereuses et relatives à l’exploitation ;
- une exclusion sociale liée aux barrières structurelles et socioculturelles qui empêchent d’accéder aux services de santé.
Malgré le dialogue international généralisé et la documentation sur les abus et l’exploitation graves liés à la traite, il existe très peu de stratégies menées par le secteur de la santé fondées sur des données probantes concernant la santé et la traite des êtres humains, et très peu de guides politiques pouvant être utilisés à grande échelle pour éclairer la conception de services de santé et de systèmes d’orientation destinés à soutenir les personnes qui ont été victimes de la traite d’êtres humains.
Les prestataires de santé sont plus susceptibles que d’autres professionnels d’avoir des contacts cliniques privés ou semi-privés avec des victimes de la traite des personnes. En recevant une formation appropriée sur les procédures d’identification et d’orientation en toute sécurité, ils peuvent jouer un rôle essentiel dans l’élaboration d’interventions politiques pertinentes et aider les personnes à quitter des situations dangereuses et d’exploitation (voir Borland et Zimmerman, 2009 ; Zimmerman et al., 2014 ; Buller et al., 2015). Pour mettre en place des mesures de santé et de sécurité dans un environnement politique éclairé et réactif, il est essentiel d’inclure la communauté de la santé et de développer des instruments axés sur les conséquences sanitaires de la traite des êtres humains en général et sur les besoins sanitaires des survivants de la traite en particulier. La prise en compte de la santé des victimes de la traite doit être une composante essentielle de l’ensemble des options d’intervention afin de garantir l’intégration des services de santé dans les mécanismes d’orientation après la traite. De cette manière, l’expertise des professionnels de la santé pourra éclairer les efforts déployés par les acteurs non sanitaires de la lutte contre la traite pour identifier les victimes potentielles de la traite et soutenir les survivants dans leur rétablissement.
- Baldwin, S., J. Barrows et H. Stoklosa, HEAL Trafficking and Hope for Justice’s protocol toolkit for developing a response to victims of human trafficking in health care settings, 2017.
- HEAL Trafficking, Introductory training on human trafficking for U.S. health care professionals: Essential Content, 2018.
- Greenbaum, V.J. et al., Multi-level prevention of human trafficking: The role of health care professionals, 2018.
- Stoklosa, H. et al., Health care providers’ experience with a protocol for the identification, treatment, and referral of human-trafficking victims, 2017.
- Ottisova, L. et al., Prevalence and risk of violence and the mental, physical and sexual health problems associated with human trafficking: An updated systematic review, 2016.