Même si la migration ne représente pas, en elle-même, un risque pour la santé, les circonstances entourant le processus migratoire peuvent affecter la santé des migrants de diverses manières et ce, à chaque étape de la migration (voir Figure 5). Les voyages dangereux, les changements dans la répartition des maladies, la mauvaise alimentation ou les mauvaises conditions de vie, ainsi que la détresse psychosociale, peuvent nuire à la santé à tous les stades (voir Le contexte mondial de la migration internationale pour une description des phases de la migration). La migration peut également avoir des incidences sur la santé mentale des migrants, exacerber ainsi les vulnérabilités préexistantes et freiner leur résilience. .

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Figure 5. Aspects des différentes étapes de la migration susceptibles d'affecter la santé
Source

Adapté de Vearey, Hui et Wickramage, 2019.

Si les migrants eux-mêmes ne présentent aucun risque sanitaire pour les communautés d’accueil, les véritables risques qui peuvent se poser en matière de santé publique tiennent au refus de fournir des services de santé complets, abordables et adaptés aux migrants tout au long du parcours migratoire. L'amélioration de l'accès des migrants aux services sociaux et de santé leur permet d'être et de rester en bonne santé et contribue à la bonne santé des communautés.

La santé avant le départ

Les activités sanitaires précédant la migration (ASPM) forment un ensemble de procédures suivies  dans le contexte de la migration régulière, qui visent au moins l'un des objectifs suivants :

  • Identifier des problèmes de santé qui revêtent une importance pour la santé publique (maladies transmissibles et non transmissibles) au regard de la législation du pays en question et du Règlement sanitaire international (RSI) ;
  • Assurer la continuité des soins à toutes les étapes de la migration: avant le départ, pendant le voyage, en transit et après l’arrivée ;
  • Constater l'aptitude à voyager dans un autre pays ;
  • Améliorer la santé des migrants avant leur départ vers un autre pays par des soins préventifs ou curatifs ;
  • Réduire au minimum ou atténuer les risques de la mobilité pour la santé publique.

Ces activités sanitaires constituent un outil précieux pour promouvoir la santé individuelle et publique. Les activités sanitaires précédant la migration permettent de promouvoir la santé des réfugiés et des migrants par des interventions sanitaires préventives et curatives concernant des affections qui, non traitées, pourraient nuire à l’état de santé général des migrants et à la santé publique des communautés d’accueil. Les activités sanitaires précédant la migration favorisent l’intégration des migrants dans le système de santé du pays d’accueil, en particulier lorsqu’elles sont appuyées par des services de santé adéquats avant et après l’arrivée et par des interventions à l’échelle communautaire. Toutefois, il est important de veiller à ce que ce dépistage de l'état de santé ne soit pas discriminant (voir dans ce chapitre : Droit et principes internationaux, sur le refus d'entrée sur le territoire des personnes atteintes du VIH/sida).

Policy Approaches
Mesures relatives à la santé des migrants avant le départ
  • Établir des partenariats entre le pays d'origine ou de destination pertinent et les prestataires de services ou les organisations internationales afin de procéder à des évaluations sanitaires avant le départ.
  • Définir les protocoles pour les activités sanitaires pré-migratoires avec un groupe de travail composé d’experts de la santé du pays d'accueil (tels que spécialistes de la santé publique, épidémiologistes, infectiologues, experts en vaccination, spécialistes de la santé mentale):
    • Proposer un protocole pour définir les objectifs et la portée de l’activité sanitaire;
    • Donner des conseils aux prestataires de services pour les procédures incluses.
  • Désigner des interlocuteurs médicaux pour créer des canaux de communication efficaces et recevoir des informations médicales confidentielles.
  • Instaurer un mécanisme de partage des données, pour permettre un transfert efficace et confidentiel des informations médicales, afin que les informations médicales parviennent au bon endroit en temps opportun, et en vue de faciliter la continuité des soins après l’arrivée.
  • Veiller à ce que les évaluations sanitaires des migrants soient techniquement fiables, qu'elles respectent la législation et les directives nationales et internationales en matière de santé, et qu'elles aient lieu en temps voulu et de manière efficace.
  • Veiller à ce que le migrant soit au cœur des activités sanitaires pré-migratoires, qu'il y ait accès et qu'elles soient adaptées aux profils des migrants et aux risques individuels auxquels ils sont exposés. Selon la situation, le type de migrant et les directives propres aux pays, les activités sanitaires précédant la migration comprennent certaines ou l’ensemble des composantes suivantes :
    • Examen des antécédents médicaux et vaccinaux;
    • Examen clinique approfondi;
    • Évaluation de la santé mentale;
    • Examens radiologiques ou analyses de laboratoire;
    • Conseils avant et après les tests de dépistage;
    • Orientation vers un spécialiste;
    • Éducation sanitaire;
    • Contrôles avant l'embarquement;
    • Administration de vaccins;
    • Administration d’un traitement pour d’autres maladies, ou orientation à cet effet;
    • Documents exposant en détail les constatations, et préparation des formulaires et documents de santé requis aux fins de l’immigration;
    • Communication confidentielle des informations ou documents pertinents aux autorités chargées de l’immigration ou de la santé publique;
    • Surveillance des maladies et riposte en cas de flambée;
    • Fourniture d’escortes médicales et organisation du voyage.
Source

 IOM, 2020.

La santé des migrants en transit

Pendant le voyage, ainsi que dans le ou les pays de transit, l'état de santé de migrants dépendra des conditions dans lesquelles a lieu la migration et du mode de déplacement. Celle-ci peut se révéler traumatisante dans le cas d’abus et de violences physiques, sexuelles et émotionnelles. De telles situations peuvent rendre les migrants plus vulnérables aux maladies transmissibles en raison de la promiscuité, de mauvaises conditions d'hygiène, ou des maladies chroniques peuvent être exacerbées en raison d’un manque d'accès aux soins et aux traitements. Les conditions varient également selon que le migrant voyage seul ou en groupe, et sont d’autant plus difficiles pour certains groupes comme les enfants (les mineurs non accompagnés notamment), les femmes et les personnes en situation de handicap. Les déplacements dus au changement climatique – catastrophe brutale ou facteurs chroniques tels que l'élévation du niveau des mers – peuvent engorger les systèmes de santé le long des routes migratoires, et créer des difficultés d’accès aux services. Le trajet vers le pays de destination peut être long et s'accompagner de blessures physiques, d'exploitation ou de violences sexuelles, ou se dérouler dans des conditions qui mettent la vie des migrants en danger (s’ils passent plusieurs jours cachés dans un camion, par exemple, ou dans l’espace exigu d’un bateau ou sous des trains en marche). Il peut aussi arriver, aux migrants sans papier notamment, d’être appréhendés, puis placés en détention pendant plusieurs mois ou années dans des sites insalubres. Un grand nombre de personnes qui se lancent dans ces dangereux périples perdent la vie avant d’arriver à destination.

Policy Approaches
Mesures concernant la santé des migrants en transit
  • Améliorer les protocoles sanitaires au niveau transfrontalier ;
  • Lancer et mettre en œuvre des initiatives politiques multinationales, transfrontalières et régionales, telles que la protection sociale et l'assurance maladie transférables, et les mécanismes d’orientation régionaux ;
  • Renforcer les capacités des membres du personnel, services et centres de soins le long des itinéraires migratoires, afin d’améliorer l’accessibilité et la mise à disposition de services culturellement compétents qui tiennent compte des problématiques propres aux migrants et de leurs besoins, y compris pour ceux qui ont été appréhendés et seraient éventuellement détenus ;
  • Faciliter la continuité des soins.
La santé à l’arrivée/dans le pays de destination et durant l’intégration

À leur arrivée dans les pays d'accueil, les migrants peuvent être exposés à des facteurs socio-économiques qu'ils n'ont peut-être pas rencontrés dans leur pays d'origine et qui ont une incidence sur leur santé (déterminants socio-économiques de la santé), tels que l'exclusion, la discrimination, l'exploitation, les barrières linguistiques et culturelles et les difficultés d'accès aux services de santé. Les changements de mode de vie dus à l'acculturation et à l'assimilation peuvent également influer sur la santé des migrants, selon la culture des pays d'origine et de destination. De nombreux migrants, indépendamment de leur statut juridique, peuvent être confrontés à des vulnérabilités sanitaires liées à la disponibilité, à l'accessibilité, à l'acceptabilité et à la qualité des services en raison des inégalités sociales dans les pays de destination. Après avoir quitté leur pays d'origine - où ils pouvaient bénéficier d'une certaine forme de protection sociale en termes de santé ou d’emploi, tels qu'une assurance maladie ou un réseau d’aide en cas de maladie - les migrants en transit ou dans les pays de destination sont parfois privés de ces protections sociales, ce qui peut entraîner un accès limité, de mauvaise qualité ou inexistant aux services de santé, en raison des facteurs mentionnés ici.

La probabilité de conséquences négatives sur les déterminants de la santé et l’état de santé est plus élevée pour les femmes, les enfants et les migrants peu qualifiés, notamment s'ils sont en situation irrégulière (voir Accès aux services). Enfin, les attitudes xénophobes des communautés d'accueil, y compris des prestataires de soins de santé, peuvent aggraver l'état de santé des migrants et aboutir à l’exclusion sociale.

Policy Approaches
Mesures sanitaires dans les pays de destination
  • Favoriser le dialogue multisectoriel. Élaborer des politiques et des stratégies sensibles à la problématique de la migration dans le domaine de la santé et d’autres domaines, et inclure les migrants dans les instruments de suivi et les mécanismes de financement de la santé.
  • Intégrer des considérations sanitaires dans toutes les politiques migratoires, et des considérations migratoires dans toutes les politiques sanitaires, le cas échéant.
  • Inviter les communautés de migrants à faire part de leurs inquiétudes et des obstacles à l’obtention de soins, afin de mieux les comprendre. Travailler avec elles pour les sensibiliser au droit à la santé et aux droits connexes, et leur communiquer comment et où accéder aux services ; et s’engager dans des activités de promotion de l’éducation à la santé adaptées aux différents contextes.
  • Renforcer la capacité des établissements, des services et du personnel de santé pour que les services de santé soient compétents sur le plan culturel et sensibles aux besoins des migrants en étant disponibles, accessibles (physiquement et financièrement, et non discriminatoires), tolérants (par rapport au genre, à la langue et à la culture) et de bonne qualité.
  • Adopter une politique de pare-feu entre le système de santé et les systèmes juridiques et migratoires.
  • Participer à une communication efficace et rapide avec les pays d'origine concernant les patients transférés, et assurer la continuité des soins pour tous les patients migrants, indépendamment de leur genre, de leur âge ou de leur statut juridique (OIM, 2016).

Pour en savoir plus, voir Intégration et cohésion sociale.

La santé après le retour

La santé des migrants de retour dans leur pays ou leur communauté d'origine est étroitement liée aux déterminants sociaux et aux facteurs de risque pour la santé que les migrants ont accumulés tout au long des phases migratoires. Selon l’expérience de migration vécue, les migrants rentrent au pays dans un état de santé différent et peuvent être confrontés à des problèmes de santé divers. Après le retour, la santé des migrants dépend aussi de la disponibilité, de l'accessibilité et du caractère abordable des services sanitaires et sociaux du pays, y compris des services facilitant l'intégration dans la communauté d'accueil (OIM, 2007 ; Commission des déterminants sociaux de la santé, 2008 ; Grondin, 2004 ; Carballo, 2006). Les candidats au retour ont parfois des besoins ou des problèmes de santé susceptibles d'impacter leur retour. La continuité des soins est un autre enjeu important de la mobilité des populations. Indépendamment des circonstances de leur migration, les migrants de retour dans leur pays ont parfois des problèmes de santé mentale et des difficultés psychosociales face à la nécessité de se réadapter. Les considérations sanitaires doivent être intégrées tout au long du processus de retour, depuis la phase de préparation du retour jusqu'à la phase de réintégration, et des mécanismes appropriés doivent être mis en place pour guider et permettre la mise en œuvre réussie de l'aide au retour volontaire et à la réintégration (AVRR) pour les migrants avec des besoins sanitaires (plus de détails dans Retour et réintégration des personnes avec des besoins sanitaires).

Policy Approaches
Mesures relatives à la santé après le retour

La Figure 6 donne un aperçu des facteurs de vulnérabilité et de résilience pouvant avoir des incidences sur la santé des migrants tout au long des phases migratoires.

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Figure 6. Sommaire de la vulnérabilité et de la résilience aux différentes phases des parcours migratoires, sous l’angle de la santé
Source

 

Source : OIM, OMS et gouvernement du Sri Lanka, 2017.

Remarque : SSP : soins de santé primaires ; DME   dossier médical électronique.

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Messages clés
  • La migration n'est pas en soi un risque pour la santé. En revanche, les conditions dans lesquelles se déroule la migration avant le départ, en transit, à l'arrivée ainsi que pendant le séjour et l'intégration dans le pays de destination, et/ou au moment du retour et de la réintégration, peuvent accroître la vulnérabilité aux problèmes de santé.
  • Les migrants ne représentent aucun risque sanitaire direct pour les communautés d'accueil. En revanche, le refus d'offrir aux migrants des services de santé adaptés à leurs besoins et abordables au cours des différentes phases de la migration constitue un risque pour la santé publique.
  • Pour que les migrants soient en bonne santé dans des communautés qui le sont tout autant, il convient d'améliorer l'accès aux services sanitaires et sociaux pour tous les migrants, indépendamment de leur statut migratoire.
  • Veiller à ce que les migrants soient en bonne santé et qu'ils le restent contribue à la bonne santé des communautés. La santé est un prérequis fondamental à la contribution des migrants au développement social et économique de leurs communautés d'accueil et de leurs communautés d'origine.
  • Les migrants dans des situations de vulnérabilité sont souvent confrontés à de nombreuses difficultés pour accéder aux services de santé et pour rester en bonne santé en transit et dans le pays de destination.