Discrimination, accès à la citoyenneté et aux droits connexes

S’adapter à un nouveau pays peut s’avérer difficile, notamment pour les jeunes migrants qui ont connu des voyages longs et éprouvants ou sont arrivés dans un pays complètement différent du leur. Les jeunes migrants nouvellement arrivés peuvent avoir du mal à s'acclimater à leur nouvelle vie à l'étranger, qu'il s'agisse de s'habituer à un nouveau système scolaire, de se faire des amis, de trouver un emploi, de surmonter les barrières linguistiques et un climat de plus en plus hostile aux migrants (Hooper, Vincenza Desiderio et Salant, 2017). Les gouvernements des pays de destination peuvent jouer un rôle central en aidant les jeunes migrants à s’adapter et en veillant à ce qu’ils jouissent des mêmes droits que leurs citoyens et ne soient pas victimes de discrimination (voir Intégration et cohésion sociale).

Il est important de différencier les expériences des jeunes migrants nouvellement arrivés de celles des enfants ou petits-enfants d’immigrés, qu’on nomme souvent descendants d’immigrés. Chaque groupe de jeunes migrants est confronté à des défis différents selon leur expérience de la migration, leur sexe, leur statut juridique, qu'ils sont inscrits à l'école ou à l'université, ou déjà sur le marché du travail. Les descendants d’immigrés, en particulier, peuvent éprouver des difficultés à s'adapter et à trouver un équilibre entre les normes et les attentes du pays où ils sont nés et celles du pays d'origine de leurs parents.

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Source

IOM, 2017.

En outre, les jeunes descendants d’immigrés peuvent avoir un sentiment d'appartenance émotionnelle au pays d’origine de leurs parents ou être confrontés à un conflit intergénérationnel sur la question de l'identité. L’accès à la citoyenneté et ensuite leur participation à la vie publique, notamment, peuvent soulever des interrogations quant à l’appartenance et à l’identité (voir Participation à la vie publique et accès à la citoyenneté au Intégration et cohésion sociale). Savoir faire coexister plusieurs mondes, parfois opposés, détermine la manière dont ils vont être perçus par leurs cercles sociaux et par la société.

Les jeunes descendants d’immigrés peuvent également être vulnérables à diverses formes de discrimination et de xénophobie dans le pays où ils sont nés et ont grandi. Le fait d'être jeune et d'appartenir à un groupe ethnique minoritaire constitue un double défi. Ces jeunes sont parfois la cible de la radicalisation, surtout si leurs parents ont du mal à s'intégrer. Par exemple, les jeunes hommes et les adolescents issus de l'immigration doivent notamment faire face aux préjugés qui les dépeignent comme des criminels. Le manque de travail, d'éducation et d'opportunités sont des difficultés que ces jeunes doivent surmonter. Celles-ci peuvent engendrer des sentiments négatifs et du ressentiment qui à leur tour ont un impact sur la santé mentale et conduisent à la consommation de drogues et, dans certains cas, à la radicalisation des jeunes issus de minorités ethniques.

Cependant, de nombreux jeunes issus de l'immigration sont très résilients. Ils occupent une position singulière, entre deux pays, et disposent de ressources sociales, culturelles et économiques certaines. À ce titre, ils peuvent être un atout pour les pays d'origine et d'accueil. Il est donc important d'impliquer les jeunes descendants d’immigrés, ainsi que les jeunes migrants nouvellement arrivés, dans les mécanismes significatifs et participatifs d'élaboration des politiques. Cela permet de guider, de concevoir et de mettre en œuvre des politiques inclusives qui ont une incidence profonde sur leur avenir et sur la construction de sociétés harmonieuses.

Policy Approaches
Favoriser la résilience des jeunes issus de l’immigration
  • Renforcer le parcours scolaire des jeunes issus de l'immigration (Marchand et Siegel, 2015) grâce à un mentorat assuré par des enseignants ou des pairs.
  • Mettre à disposition un lieu d’échange culturel, par exemple par le biais de clubs sociaux, d'initiatives menées par des jeunes ou d'activités de loisirs ou sportives où les jeunes issus ou non de l'immigration peuvent œuvrer en faveur de la solidarité et de la diversité.
  • Encourager la participation civique et politique, comme le bénévolat, qui peut réunir différentes communautés, toutes générations confondues, pour contribuer au processus d'intégration. La participation à la vie publique peut aussi développer une conscience civique et un sentiment d'autonomie et d'appartenance.
To Go Further

Les initiatives suivantes montrent comment les groupes dirigés par les jeunes peuvent orienter la mise en place de projets visant à prévenir et à combattre la discrimination, renforçant par la même l'autonomie de groupes de jeunes plus larges, de leurs parents et des communautés dans leur ensemble :

  • L’Association Migration, Solidarité et Échanges pour le Développement (AMSED) à Strasbourg a organisé un échange intitulé « Un monde d’échanges » pour 36 jeunes provenant de trois pays d'accueil européens (Allemagne, Suède et France) et de trois pays d'émigration méditerranéens (Turquie, Liban, Algérie).
  • Equality, Diversity and Inclusion Strategy, lancée par le British Council, est un projet permettant à des jeunes issus d'écoles ethniquement et culturellement diverses de décider de l'ordre du jour, de négocier des accords et d’élaborer une charte de l'étudiant pour des écoles inclusives.
Participation des jeunes à l’élaboration des politiques

Les jeunes migrants sont ceux qui connaissent le mieux les réalités quotidiennes et les difficultés à jouir pleinement de leurs droits. À ce titre, ils devraient jouer un rôle déterminant dans l’élaboration de politiques et de programmes qui les concernent et impactent leur vie. Les jeunes migrants, de par leur connaissance unique de la situation, peuvent apporter un nouvel éclairage sur les politiques actuelles et leur efficacité et suggérer des améliorations pour les politiques futures (Nations Unies, 2018).

Concernant les jeunes migrants de moins de 18 ans, la Convention relative aux droits de l'enfant (CRC ou CIDE) rend compte de l'obligation des États de prendre en compte le droit des enfants à la participation. Elle reconnaît le potentiel des enfants à enrichir les processus de prise de décision, à partager des points de vue et à participer en tant que citoyens et acteurs du changement (voir Migration des enfants).

To Go Further
  • La Convention relative aux droits de l’enfant stipule que les enfants sont des personnes à part entière, qu’ils jouissent du droit à la participation et d’être entendus sur toutes les questions les concernant. Elle exige que leurs opinions soient entendues et prises en considération en fonction de leur âge et de leur maturité (voir en particulier les articles 9, 31 et 40).

La participation des jeunes directement concernés par la migration en tant que parties prenantes dans le processus d'élaboration des politiques peut avoir une incidence importante sur l'efficacité des politiques migratoires liées aux jeunes. On compte trois types de participation : consultative, collaborative et orientée par les jeunes. La participation consultative des jeunes est amorcée et gérée par des professionnels qualifiés, mais peut inclure des enquêtes ou l'implication des jeunes migrants dans la recherche ou la participation à des forums sur la jeunesse et la migration. La participation collaborative est également amorcée par des adultes mais donne aux jeunes la possibilité de prendre une part active au processus décisionnel à toutes les étapes ou à certaines d’entre elles. La participation orientée par les jeunes permet à ces derniers d'exercer un rôle important dans l'élaboration des politiques, afin de formuler des propositions et de lancer des activités, et de s'organiser (Youth Working Group of the DFID-CSO [Department for International Development - Civil Society Organisation] Children and Youth Network, 2010).

Il est également bénéfique de permettre aux jeunes migrants de participer au processus d'élaboration des politiques puisqu’il leur permet d'acquérir des compétences de vie et ainsi de renforcer leur estime de soi, leur inclusion sociale, leur sens des responsabilités et leur compréhension des processus décisionnels. Dans les pays de destination, la participation peut permettre aux jeunes migrants de se sentir plus valorisés et acceptés par la société, tandis que dans les pays d'origine, elle peut aider les migrants de retour ou les migrants potentiels à se réintégrer dans la société, à trouver un moyen de se faire entendre et à se sentir plus appréciés. La participation peut donc être un instrument essentiel pour promouvoir la cohésion sociale et saper les préjugés sur la migration (voir chapitre 1.4.5 Consultations).

Réseaux de jeunes et développement

L’idée au cœur des réseaux de jeunes est de faciliter la participation et l’auto-organisation de ces derniers. Les jeunes sont vus comme les « porteurs de flambeau » du Programme de développement durable à l’horizon 2030, qui appelle à l'élaboration et à l'activation de politiques et d'actions pour la jeunesse justes et fondées sur des données probantes (Département des affaires économiques et sociales des Nations unies [DAES-ONU], 2018). Les réseaux de jeunes peuvent provoquer le changement grâce au partage d’informations, à la coopération à des initiatives et décisions ciblées, par exemple. Et ce, dans l’intérêt des enfants, des jeunes, des adultes et des programmes. Ces réseaux occupent une position de premier plan pour favoriser l’adaptation des politiques et programmes de développement aux contextes nationaux et locaux sur la base des expériences vécues par les jeunes. Ils offrent souvent aux jeunes des possibilités de développement personnel grâce à la formation professionnelle et à l’acquisition de connaissances. Ils contribuent à un développement de plus grande ampleur grâce à leur impact social et à la participation des jeunes à des activités et des projets au sein de leurs communautés.

Les réseaux de jeunes ont été reconnus comme des parties prenantes importantes, et se sont souvent mobilisés les premiers pour le changement sur les questions de justice sociale, comme dans le cadre du Pacte mondial pour les migrations (voir la campagne #Youth4Migration). Cependant, ils se heurtent souvent à des obstacles lorsqu'il s'agit de participer (Grand groupe des Nations unies pour les enfants et les jeunes [UNMGCY], n.d.). Il s'agit notamment, pour les jeunes et réseaux de jeunes, de l'exclusion du processus décisionnel des structures gouvernementales quant à la mise en œuvre des politiques aux niveaux régional, national et local. Mais aussi de l'insuffisance des financements qui permettraient une participation significative des jeunes et du manque de données ventilées par âge pour définir des politiques fondées sur des données probantes.

To Go Further
  • Le Grand groupe des Nations unies pour les enfants et les jeunes (UNMGCY) est un espace officiel et auto-organisé permettant aux enfants et aux jeunes de prendre part à certains processus politiques intergouvernementaux et connexes au sein des Nations unies.
  • La Stratégie des Nations unies pour la jeunesse (2018) vise à soutenir les initiatives et les activités des jeunes sur le terrain et au niveau national contribuant au développement et à l’application du Programme 2030. Elle présente quatre domaines fonctionnels (action directrice des jeunes ; connaissances et innovation ; investissements et solutions ; redevabilité) et cinq domaines d’action prioritaires afin de donner aux jeunes les moyens de réaliser leur potentiel.
Policy Approaches
Participation des jeunes à l'élaboration des politiques
  • Encourager les jeunes migrants et les migrants de retour à jouer un rôle de premier plan dans la sensibilisation et les mentalités à l'égard de la migration au sein des communautés, grâce aux médias sociaux et à d'autres canaux de communication.
  • Identifier les lois et autres pratiques discriminatoires susceptibles de restreindre la participation des jeunes à des associations en raison de leur âge, de leur sexe, de leur classe sociale, de leur orientation sexuelle ou d'autres caractéristiques.
  • Inclure une grande diversité de jeunes, en termes notamment d'âge, de sexe, de nationalité et de milieu socioéconomique, dans le processus d'élaboration des politiques.
  • Prendre acte que certains jeunes migrants peuvent rencontrer des obstacles pour participer au processus d'élaboration des politiques ; par exemple, ceux qui étudient et travaillent manquent de temps.

Dans les pays d'origine

  • Créer des forums permettant aux jeunes de partager leurs expériences de voyage à l'étranger afin d'améliorer à la fois la réintégration et les services offerts aux migrants de retour.
  • Offrir un espace aux jeunes pour qu'ils soient davantage impliqués dans les négociations avec les pays de destination pour le développement de canaux réguliers et d'accords bilatéraux, tout en sensibilisant aux réalités auxquelles sont confrontés les jeunes de retour et/ou les migrants potentiels.
  • Inclure dans les campagnes de communication des informations sur les dangers de la migration irrégulière afin de dissuader d'autres jeunes d'emprunter la même voie.

Dans les pays de destination

  • Favoriser le dialogue et le partage d'expériences entre les groupes de migrants de différents pays pour qu’elles servent de sources de conseils pour les migrants nouvellement arrivés.
  • Favoriser les activités civiques et culturelles des jeunes migrants dans leur nouvelle communauté et accroître leur participation au processus démocratique.
Source

GMG, 2014.

Good Practice
Aide professionnelle aux jeunes en Allemagne (« Jugendberufshilfe »)

Si la participation des jeunes à l'élaboration des politiques de l'emploi semble limitée, il existe des agences de protection de la jeunesse qui jouent un rôle dans la réglementation de certains secteurs de l’emploi et de la formation. En Allemagne, par exemple, dans le cadre de l'aide professionnelle aux jeunes (« Jugendberufshilfe »), les organismes de protection de la jeunesse aident les jeunes socialement et personnellement défavorisés à passer de l'école à la formation professionnelle, puis à l'emploi rémunéré. Depuis 1980, les jeunes de moins de 25 ans bénéficient d'une aide pour le passage de l'école au monde du travail.

Migration des jeunes et informations numériques

Les progrès technologiques peuvent influencer différents aspects de la migration. D'un point de vue positif, la technologie peut aider à régir et à contrôler la migration, tout en apportant des informations sur les difficultés pratiques, les dangers et les risques. L'utilisation du numérique est un domaine qui a attiré les chercheurs universitaires, en particulier lorsqu'il s'agit de montrer comment les jeunes migrants utilisent les réseaux sociaux pour s’informer sur les processus migratoires et mieux les comprendre, y compris les leurs. Les réseaux sociaux sont une source très importante de connaissances que les jeunes utilisent pour éclairer non seulement leur prise de décision en matière de migration, mais aussi d'autres aspects de leur vie, notamment leur participation à l'élaboration des politiques et à la vie civique (voir Données, recherche et analyse pour l’élaboration des politiques pour en savoir plus sur les réseaux sociaux en tant que source d'information).

Les jeunes migrants ont également recours aux réseaux sociaux pour sensibiliser et diffuser des informations sur les questions liées à la migration et à la jeunesse. Par exemple, Facebook, Instagram et TikTok servent souvent de plateformes aux jeunes pour obtenir des informations concernant leurs études, le renouvellement de leur visa, les cours de langue, les activités sportives et de loisirs, ainsi que pour aborder différents sujets (voir Communiquer sur le migration pour en savoir plus sur l'utilisation des médias sociaux pour partager et recueillir des informations sur les processus migratoires, les difficultés et les risques).

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Source

IOM, 2017.

D’un autre côté, les jeunes migrants ont tendance à se méfier des réseaux sociaux, préférant s'appuyer sur des informations provenant de leurs liens sociaux ou d'expériences personnelles (Dekker et al., 2018). Les réseaux sociaux font toujours courir un risque de désinformation. Ils sont utilisés dans le cadre d'escroqueries ou de fraudes qui exploitent la vulnérabilité des migrants en leur demandant leurs données personnelles pour obtenir des avantages financiers. Des criminels utilisent aussi cette technologie pour essayer de menacer la sécurité, la vie privée et la protection des données des migrants. Il est donc nécessaire de réduire les risques que représente l'utilisation de la technologie en matière de migrations.

Les technologies émergentes et de pointe sont susceptibles d'exacerber la fracture numérique et de constituer une menace supplémentaire pour le développement inclusif. Cependant, les jeunes ont tendance à être les premiers à adopter les nouvelles innovations technologiques. À cet égard, les décideurs politiques ne devraient pas ignorer les incidences sociales des technologies à la mode car elles pourraient être mises au profit de l'innovation dans les domaines de la gouvernance et de la gestion des migrations. L'association des jeunes aux technologies émergentes représente une opportunité largement inexploitée pour améliorer le bien-être mondial tout en développant le potentiel des jeunes (Département des affaires économiques et sociales des Nations unies [DAES], 2020).

Messages-clés
  • L'intégration au niveau politique présuppose de s’intéresser aux inégalités dans le système éducatif et la vie économique, tout en soutenant le droit et la pratique contre la discrimination, le racisme et d'autres obstacles structurels auxquels les jeunes migrants ou descendants de migrants peuvent être confrontés, que ce soit chez eux, à l'école ou sur leur lieu de travail.
  • L'intégration des jeunes dépend de différents facteurs : s’il s’agit de migrants nouvellement arrivés ou de descendants de migrants, selon leur sexe ou leur statut juridique, s’ils sont inscrits à l'école primaire, dans l’enseignement secondaire, à l'université ou s’ils sont déjà sur le marché du travail.
  • Les gouvernements nationaux et locaux peuvent faciliter la participation des jeunes migrants à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques inclusives et adaptées aux besoins.
  • Les gouvernements ont tout intérêt à encourager et à faire participer les réseaux de jeunes à l'élaboration de politiques et de programmes traitant des questions liées à la jeunesse aux niveaux national et international.
  • L'association des jeunes aux technologies émergentes peut permettre d'améliorer la gestion et la gouvernance des migrations, tout en développant le potentiel des jeunes.