Le droit international reconnaît la souveraineté de l’État, qui reconnaît à son tour le droit international (pour en savoir plus, consulter le Droit international de la migration). Dans le cadre de la gouvernance des migrations, les États ont le droit de réguler l’entrée et le séjour des ressortissants étrangers sur leur territoire, ainsi que le droit d’accorder la nationalité. La souveraineté de l’État doit néanmoins être exercée conformément aux obligations incombant à l’État en vertu du droit international. Ces obligations découlent des traités internationaux et des principes de conduite négociés et établis de bonne foi par les États eux-mêmes en vue de maintenir des relations pacifiques et l’ordre mondial. En d’autres termes, les droits humains découlent de la souveraineté de l’État puisqu’ils sont énoncés dans les traités internationaux négociés et ratifiés par les États.

S’agissant des droits humains, les États ont l’obligation de respecter et de protéger les droits humains de toute personne se trouvant sur leur territoire ou relevant de leur juridiction, sans aucune discrimination, y compris tous les migrants, quel que soit leur statut. Les États parties à des traités relatifs aux droits humains s’engagent à :

  • respecter les droits humains, s’abstenir de s’ingérer dans la jouissance des droits humains ;
  • protéger les personnes ou groupes de personnes contre les violations des droits humains ;
  • mettre en œuvre les droits humains, en prenant les mesures nécessaires pour faciliter leur jouissance.

Ainsi, les États ont l’obligation de s’abstenir d’entraver ou de compromettre la jouissance des droits d’une personne (en se livrant à des pratiques interdites, par exemple). De même, les États ont un devoir de protection contre les violations des droits humains. Ils doivent également prévenir ces violations et garantir une réparation. Sont notamment concernées toutes les situations de violation par des tiers, tels que les entreprises, le secteur privé et les acteurs non étatiques.

Les droits humains sont aussi les droits des migrants. Toutefois, certains droits peuvent être limités, notamment en ce qui concerne la nationalité ou le statut migratoire régulier. Pour être licites, ces limitations doivent être prévues par le droit national et doivent être nécessaires à la protection des intérêts légitimes de l’État (tels que la sécurité nationale, la sûreté et la santé publiques). Elles doivent également être non discriminatoires et compatibles avec les autres droits reconnus par le traité concerné. Ces limitations ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour répondre à l’intérêt légitime de l’État. En général, les instruments qui définissent les droits doivent préciser les raisons légitimes pour lesquelles des limitations peuvent être imposées, ainsi que la portée desdites limitations.

Dans certains cas exceptionnels, les États peuvent être temporairement exemptés de leurs obligations en matière de droits humains. On dit alors qu’ils dérogent à leurs obligations, ce qui peut se produire, par exemple, en temps de guerre ou d’urgence publique. La dérogation doit être proportionnée, limitée dans le temps et compatible avec les autres obligations de l’État en vertu du droit international. Aucune dérogation n’est autorisée aux règles jus cogens telles que la protection contre le refoulement (pour en savoir plus, voir la discussion sur le Droit international coutumier). En outre, aucune dérogation n’est autorisée pour certains droits fondamentaux énumérés dans des conventions telles que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) : le droit à la vie, l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l’interdiction de l’esclavage, le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique et le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

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Des migrants afghans manifestent contre les conditions de vie dans le centre d’accueil de Malakasa en Grèce, 8 juin 2016. © EPA/Yannis Kolesidis

Avantages d’une approche fondée sur les droits

Une approche de la gouvernance des migrations fondée sur les droits signifie que la politique migratoire nationale s’appuie sur les droits humains prévus en droit international. Les migrants ont des droits et lorsque leurs droits humains sont respectés, ils sont davantage en mesure d’apporter une contribution aux sociétés dans lesquelles ils résident et disposent de davantage de moyens pour soutenir le développement de leurs communautés et pays d’origine.

Les droits humains ne peuvent être protégés sans l’état de droit. L’état de droit est le moyen de mettre en œuvre les droits humains et de les faire passer du statut de principe à celui de réalité. Le respect des droits humains, y compris des droits de tous les migrants, quel que soit leur statut, est un prérequis et un élément essentiel de l’état de droit. Par ailleurs, les migrants, au même titre que les citoyens, sont liés par les lois du pays dans lequel ils vivent. S’ils ne respectent pas la loi, ils en subiront les conséquences (pour en savoir plus, voir le Droit international de la migration). Comme le prévoit l’article 34 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (ICRMW), aucune disposition du droit international ne dispense les migrants de l’obligation de se conformer aux lois nationales des pays de transit et de destination. Néanmoins, dans certaines circonstances, les migrants peuvent avoir besoin d’une protection en vertu du droit international. Dans ces circonstances, les États sont tenus de se conformer à ces lois, même si les migrants sont entrés dans le pays de manière irrégulière. Il peut s’agir de migrants demandeurs d’asile ou demandant une protection complémentaire/subsidiaire.

Parmi les avantages d’une approche de la gestion des migrations fondée sur les droits figure l’octroi d’une légitimité internationale à la structure de gouvernance de l’État. Cette légitimité peut promouvoir la coopération internationale et régionale nécessaire à une gestion plus efficace des migrations sûres, ordonnées et régulières, étant donné que la migration est transnationale par nature. Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières offre aux États une opportunité idéale et un cadre pour ce faire.

Enfin, l’adhésion à une approche fondée sur les droits confère aux États l’autorité morale de promouvoir cette approche auprès de leurs voisins et au-delà, à l’occasion de divers forums et négociations à différentes échelles. Au niveau international, cette approche peut contribuer à une meilleure répartition des responsabilités dans le contexte migratoire et permettre aux différents États de mieux protéger leurs propres citoyens à l’étranger.

Le principe de non-discrimination et son effet sur la gestion des migrations

Le principe de non-discrimination est au cœur de la protection des droits humains et dépasse le cadre de la gouvernance des migrations. La non-discrimination est un principe transversal des droits humains faisant partie des normes indérogeables en vertu du droit international. La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) reconnaît dans son premier article que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ».

Ce principe est important pour tous, mais il l’est tout particulièrement pour les migrants. Les migrants sont particulièrement exposés au risque de discrimination, car ils ne sont pas ressortissants de leur pays de résidence, et sont souvent, entre autres, victimes de stigmatisation, de stéréotypes, de xénophobie et de racisme. Ils peuvent faire l’objet d’une discrimination fondée sur la race, l’origine ethnique, la couleur de peau, la langue, la religion, l’origine nationale, le statut juridique, etc. Le mythe voulant que les migrants volent des emplois et augmentent le taux de criminalité instille une peur qui peut alimenter la discrimination à leur égard.

Tout migrant en situation irrégulière est non seulement confronté à un risque accru de discrimination, mais risque également de se voir refuser l’accès à la justice et aux voies de recours pour les violations subies. La discrimination à l’égard des migrants peut se produire dans tous les contextes. Il peut s’agir notamment de la sphère publique, du lieu de travail, de l’accès à des services, tels que l’éducation et la santé, ou de la jouissance de leur droit à une vie familiale. La protection contre la discrimination permet également de prévenir les violations des droits humains des migrants.

 En vertu du droit international, la discrimination est définie comme suit.

Glossary

discrimination

Any distinction, exclusion, restriction or preference which is based on any ground such as race, colour, sex, language, religion, political or other opinion, national or social origin, property, birth or other status, and which has the purpose or effect of nullifying or impairing the recognition, enjoyment or exercise by all persons, on an equal footing, of all rights and freedoms.

(Consulter le Mémo sur les Principaux instruments des droits humains pour découvrir les instruments de protection contre la discrimination.)

L’interdiction de toute discrimination n’implique pas qu’un traitement différencié entre les migrants et les citoyens n’est jamais autorisé. Certains instruments prévoient la possibilité d’un traitement différencié. Par exemple, l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) sur le droit de vote ne fait référence qu’aux « citoyens » et l’article 13 du PIDCP relatif à l’expulsion ne s’applique qu’à un « étranger qui se trouve légalement sur le territoire ». Néanmoins, le droit international interdit tout traitement différencié fondé sur la nationalité, le statut migratoire ou tout autre motif, à moins que les critères de cette différenciation ne soient fondés sur le droit, appliqués dans la poursuite d’un objectif légitime et proportionnés à la réalisation dudit objectif (Comité pour l’élimination de la discrimination raciale [CERD], 2002). De même, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (2009) a confirmé que tout traitement différencié fondé sur des motifs interdits sera jugé discriminatoire « à moins que la différence de traitement ne soit fondée sur des critères raisonnables et objectifs ». En d’autres termes, la frontière entre le traitement différencié autorisé et la discrimination interdite est ténue, et un traitement différencié ou une distinction équivaudra à une discrimination si les principes du droit international ne sont pas respectés.

Si les efforts déployés pour lutter contre la discrimination à l’égard des migrants se concentrent souvent sur ce qui est directement ou indirectement fondé sur la « nationalité » ou le « statut de migrant », il convient également de s’intéresser aux multiples niveaux de discrimination. En d’autres termes, il convient de tenir compte des différents types cumulés de discrimination sur d’autres motifs interdits qui ont un effet supplémentaire sur les migrants (religion, genre, orientation sexuelle, âge, origine ethnique, etc.). De plus amples détails sur la lutte contre la discrimination fondée sur le genre par le biais d’une Législation et politique tenant compte de la dimension de genre et fondées sur la connaissance des faits et des droits sont disponibles au Genre et migration.

L’interdiction de la discrimination est également au cœur du droit international du travail puisque ses dispositions concernent le lieu de travail (plus d’informations sur le Droit du travail).

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L’indivisibilité et l’interdépendance des droits, et leur effet sur la gestion des migrations

Les droits humains sont indivisibles. En d’autres termes, tous les droits humains ont la même importance, et la pleine jouissance de chaque droit est étroitement liée à la jouissance des autres. La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) entérine des droits civils, politiques, économiques et sociaux. Le fait que la DUDH ait été traduite en deux pactes distincts n’est que le reflet de la situation politique de la Guerre froide. Le préambule des deux pactes insiste sur la jouissance de tous les droits et leur indivisibilité. Pour les migrants comme pour les citoyens, la jouissance de leurs droits civils et politiques dépend de l’exercice de leurs droits économiques et sociaux, dont ils sont complémentaires. Les principes qui sous-tendent les droits humains sont l’égalité et la non-discrimination, l’universalité et l’inaliénabilité, l’indivisibilité et l’interdépendance des droits.

Mais que signifient ces droits et principes en termes de gouvernance des migrations et d’obligations concrètes des États ? La prochaine partie de ce chapitre met en lumière l’indivisibilité et l’interconnexion des droits humains ainsi que leur signification pour les migrants et la gouvernance des migrations. Bien que n’ayant pas vocation à être exhaustif, il présente brièvement le contenu de quelques droits civils et politiques. Les droits sociaux, économiques et culturels seront également examinés ultérieurement dans ce chapitre.

Si les droits humains sont consacrés par le droit international, la mise en œuvre effective des droits consacrés dans les instruments internationaux est très souvent assurée par des acteurs nationaux et infranationaux. Au niveau national, les droits humains sont intégrés dans les constitutions nationales, dans les garanties législatives et réglementaires liées aux droits (comme la législation et les politiques qui reconnaissent les droits des migrants) et dans le développement du système judiciaire qui garantit les droits procéduraux (tels que la mise à disposition des migrants des moyens concrets pour jouir de leurs droits). Au niveau infranational, les institutions locales sont souvent chargées de veiller à ce que les migrants jouissent de leurs droits, tels que les hôpitaux locaux (droit à la santé), les écoles (droit à l’éducation) et le système judiciaire (droit à la justice).

Toutefois, des défis subsistent, en particulier puisque les États cherchent à trouver un juste équilibre entre les différents intérêts en jeu. Les mesures proposées ci-dessous visent à garantir que les politiques respectent, protègent et mettent en œuvre l’exercice des droits humains des migrants, conformément au droit international. Elles s’appliquent aux politiques concernant chacun des droits énoncés à la section Droits spécifiques pertinents dans le contexte migratoire du présent chapitre.

Policy Approaches
Processus suggéré pour l’intégration des principes des droits dans la formulation d’une politique
  • Identifier les détenteurs de droits affectés par la politique. Veiller à prendre en considération les personnes directement et indirectement touchées, ainsi que les personnes marginalisées ou en situation de vulnérabilité.
  • Identifier les débiteurs d’obligations impliqués dans la mise en œuvre de la politique. Il s’agit notamment des représentants des États et d’autres acteurs pertinents.
  • Identifier les droits concernés par cette politique et les obligations correspondantes des débiteurs d’obligations dans le respect de ces droits.
  • Réaliser une évaluation de l’impact sur les droits.
  • Revoir la politique en réponse à l’évaluation de l’impact sur les droits.
  • Mettre en place des mécanismes d’évaluation et de redevabilité permanents, ainsi que des mécanismes de plainte et de recours en cas de violation de droits.

Remarque : Pour plus de détails sur ces mesures, consulter le billet Comment intégrer les principes des droits dans l’élaboration des politiques ?

Messages clés
  • Les droits humains découlent de la souveraineté de l’État puisqu’ils sont énoncés dans les traités internationaux négociés et ratifiés par les États. Ainsi, protéger les droits humains dans le cadre de la gouvernance des migrations implique d’agir en conformité avec la souveraineté de l’État.
  • Les États sont tenus de respecter, protéger et mettre en œuvre l’exercice des droits humains, y compris les droits des migrants.
  • Il existe de rares exceptions aux obligations en matière de droits humains des migrants, notamment (1) les limites prévues par le droit national ; (2) des dérogations temporaires dans des conditions spéciales (telles que la guerre ou les urgences publiques) ; et (3) des différences de traitement entre les ressortissants et les migrants prévues dans les instruments internationaux ou justifiées par le droit national. Ces limitations doivent néanmoins être conformes aux dispositions du droit international relatives à ces exceptions.
  • Le principe de non-discrimination est au cœur de la protection des droits humains des migrants. Seuls certains droits et/ou certaines circonstances limitées peuvent justifier que des distinctions soient opérées entre ressortissants et non-ressortissants en ce qui concerne la jouissance de ces droits (base juridique, intérêt public/objectif raisonnable et proportionnalité).
  • À l’instar des ressortissants, les migrants ne peuvent jouir de l’intégralité des droits humains que si tous ces droits sont protégés, étant donné que les droits humains sont indivisibles et interdépendants.