- Énumérer les types de politiques de migration familiale
- Identifier les éléments qui dictent les politiques de regroupement familial
- Comprendre l’incidence de la séparation familiale sur les migrants et les familles restées au pays
- Comprendre les enjeux et les avantages de l’intégration réussie des migrants familiaux
La Déclaration universelle des droits de l’homme (1948, article 16[3]) définit la famille comme suit:
l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'État.
La Déclaration universelle des droits de l’homme (1948, article 16[3])
Cependant, aucune définition universellement acceptée de la famille en droit international n'est énoncée dans un instrument juridiquement contraignant. Les définitions de la famille en droit national varient d'une famille « proche », étroite, comprenant normalement les conjoints et les enfants à charge, à une définition élargie pouvant inclure les enfants non mariés (quel que soit leur âge), les enfants adoptés, les parents, les grands-parents et les arrière-grands-parents, les tantes et les oncles, les neveux et les nièces, les frères et sœurs et autres.
Le concept de famille est en constante évolution, pour des raisons telles que la diversité croissante des configurations familiales due à l'évolution des normes socioculturelles. Cette diversité s’exprime à travers la hausse du nombre de divorcés, de familles monoparentales et recomposées, de couples non mariés ou en union libre, de couples sans enfants, ainsi que par l'acceptation légale croissante des unions civiles et des mariages entre personnes du même sexe dans le monde entier. Dans le même temps, les configurations dites plus traditionnelles, telles que les familles élargies à plusieurs générations, redeviennent habituelles, en raison notamment de l'augmentation de l’espérance de vie. Pour les migrants, l'unité familiale s'étend souvent au-delà des frontières nationales, des membres étant répartis dans deux ou plusieurs pays, mais qui tiennent ensemble et créent ce qui peut être considéré comme un sentiment de bien-être collectif et d’unité, de « famille » (Bryceson et Vuorela, 2002). Pourtant, les politiques migratoires sont souvent lentes à reconnaître cette diversité à des fins de regroupement familial, de formation de la famille ou de migration matrimoniale.
Au cours des vingt dernières années, les politiques relatives à la migration familiale ont élargi le cadre du regroupement familial (OIM, 2004) pour inclure d'autres formes de migration familiale. Aujourd’hui, il existe quatre grandes catégories de migration familiale:
Le droit des non-ressortissants d’entrer et de séjourner dans un pays où des membres de leur famille résident légalement ou dont ils possèdent la nationalité, afin de maintenir l’unité familiale.
En général, cette catégorie inclut les enfants (qui souvent doivent être non mariés), les conjoints et parfois les parents qui rejoignent un proche ayant migré précédemment. Le regroupement familial reste la forme la plus courante de migration familiale (Réseau européen des migrations [REM], 2017).
Les membres de la famille sont admis dans le pays en même temps que le migrant principal.
Un résident ayant ou non la nationalité du pays épouse un(e) étranger(e) et parraine cette personne pour qu’elle soit admise dans le pays ou qu’elle change de statut.
L'adoption qui a lieu lorsqu'un enfant résidant habituellement dans un État contractant (« l'État d'origine ») a été, est ou doit être déplacé vers un autre État contractant (« l'État d'accueil »), soit après son adoption dans l'État d'origine par des époux ou une personne résidant habituellement dans l'État d'accueil, soit en vue d'une telle adoption dans l'État d'accueil ou dans l'État d'origine.
Un migrant familial est un migrant qui entre dans le pays par les voies de migration familiale énumérées ci-dessus et qui entretient une relation avec un résident du pays de destination (ressortissant ou migrant) qui le parraine pour le faire venir dans le pays de destination. Comme la migration familiale, le migrant familial est un terme qui englobe différentes situations (pour en savoir plus, voir Organisation pour la coopération et le développement économique [OCDE], 2017).
« Avec la migration vient la famille », comme on peut le lire dans un portrait de la migration familiale réalisé par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (Chaloff et Poeschel, 2017). Bien que les données sur les migrations familiales ne soient pas disponibles pour de nombreux pays, les données relatives aux pays de l'OCDE montrent l'importance de cette catégorie de migration. Ces dernières années, la famille représentait le principal motif d'entrée des migrants dans le but de s'installer (c'est-à-dire d’un séjour permanent) dans les pays de l'OCDE, soit au total un tiers des flux entrants de migrants permanents en 2020 (OCDE, 2021). Si l'on tient compte de la migration temporaire, les chiffres sont plus élevés, car les transferts intra-entreprises et les migrants hautement qualifiés peuvent venir accompagnés de leur conjoint et de leurs enfants. Le regroupement était l'un des principaux motifs d'admission, et la formation de la famille est en augmentation, car les mariages contractés entre un étranger et un citoyen représentent déjà plus de 10 % de l'ensemble des mariages (Chaloff et Poeschel, 2017).
En outre, la migration familiale est liée à la durée du séjour des migrants : ceux qui ont leur famille à proximité sont plus susceptibles de rester, et la durée du séjour des migrants familiaux est généralement longue (Chaloff et Poeschel, 2017).
Étant donné l'importance numérique de la migration familiale, en particulier parmi les personnes qui s'installent de façon permanente, il est dans l'intérêt des États de gérer correctement cette catégorie de migration afin que l'afflux de migrants familiaux soit humain, ordonné et bénéfique pour les migrants comme pour la société. La vie familiale aide les migrants à normaliser leur existence dans le nouveau pays ; elle contribue à une plus grande stabilité et encourage la participation à la vie économique, sociale, culturelle et politique. En ce sens, elle peut favoriser l'intégration des migrants et leur permettre de contribuer pleinement à la société (Spitzer, 2018). L'intégration des migrants familiaux a également une incidence sur l'intégration de leurs enfants, en particulier dans le cas des travailleurs migrants peu qualifiés (OCDE, 2017). La présence de membres de la famille dans le pays d'accueil peut réduire les risques de mauvais traitements, d'abandon et d'exposition à l'exploitation (Kazmierkiewicz, 2017). En outre, les possibilités de visites familiales régulières et prévisibles offertes aux migrants temporaires peuvent permettre de réduire les séjours au-delà de la durée autorisée ou les entrées irrégulières. Les politiques visant à aider les migrants familiaux à venir et à s'intégrer dans le pays peuvent améliorer les résultats de la migration.
Du point de vue des pays d'accueil, la gestion des migrations familiales pose un certain nombre de problèmes (Chaloff et Poeschel, 2017). Notamment :
- Comment prévoir les flux migratoires familiaux ;
- Comment équilibrer les règles relatives à la migration familiale entre restrictions et ouverture ;
- Les conditions d'intégration ;
- Comment gérer les mineurs non accompagnés.
Dans de nombreux pays, il n'existe pas de politique officielle de migration familiale pour traiter ces questions. Et pourtant, les proches peuvent tout de même accompagner les travailleurs, mais cette possibilité ne concerne souvent que les travailleurs migrants qualifiés et les travailleurs à hauts revenus. Les réglementations restrictives ont une incidence importante sur la vie familiale et contribuent à la séparation des familles, y compris des enfants et de leurs parents, ce qui peut avoir ainsi des répercussions psychologiques à long terme sur les membres de la famille (Gil Araujo et Pedone, 2014 ; pour en savoir plus, voir Séparation des familles dans ce chapitre).
Si les politiques de migration familiale sont essentiellement des politiques d'immigration, il convient de noter que, du point de vue des pays connaissant une émigration pérenne et importante, la migration familiale soulève aussi des questions en matière de gestion des migrations. Elle est étroitement liée, par exemple, aux envois de fonds, car ceux-ci sont souvent destinés à des proches restés au pays. Les familles jouent également un rôle central dans les décisions de départ et de retour. Certains pays ont donc élaboré des politiques visant à soutenir les ressortissants qui se trouvent à l'étranger et les proches qui les accompagnent ou les rejoignent ultérieurement. D'autres politiques visant les émigrants s’intéressent essentiellement à favoriser les envois de fonds qu’ils font parvenir à leurs proches restés au pays. Les Philippines disposent d'un certain nombre de politiques prenant en considération les familles de migrants (par exemple, la loi de 1995 sur les travailleurs migrants et les Philippins de l’étranger). En outre, des institutions spécialisées dans l'assistance aux ressortissants à l'étranger prennent également en compte les questions liées aux familles de migrants, y compris les familles restées aux Philippines (telles que la Commission des Philippins à l'étranger ou l'Administration de la protection sociale des travailleurs à l'étranger). De l'autre côté du monde, l'Équateur fait référence aux familles transnationales dans sa constitution et sa loi sur la migration (Ley Organica de Movilidad Humana, article 3).
Il n'existe pas de base de données mondiale sur la migration familiale, couvrant tous les pays et toutes les régions du monde. Même lorsque des données sont disponibles, il est souvent difficile d'intégrer et d'harmoniser des ensembles de données d'origines diverses, car ceux-ci ont recours à des catégorisations et des définitions des groupes de migrants différentes, à des cadres méthodologiques divergents et à une ventilation incorrecte (ou insuffisante) des données. Par exemple, les enfants adoptés peuvent ou non être considérés comme des enfants migrants, en fonction des règles régissant leur adoption et leur nationalité. De même, l'admission des membres de la famille des travailleurs migrants n'est pas toujours prise en compte dans les principales statistiques sur les migrations familiales, en particulier dans le cas des travailleurs migrants temporaires qui se déplacent dans le cadre de transferts intra-entreprise. Dans les régions où des accords de libre circulation sont en vigueur, telles que l'Union européenne, les individus peuvent ne pas être comptabilisés comme se déplaçant pour des raisons familiales car ils ne détiennent pas de permis de séjour correspondant à cette catégorie.
Dans le même temps, en examinant uniquement les statistiques compilées sur la base des catégories de visas, il est difficile de se faire une idée précise des caractéristiques des migrants familiaux : même s'ils sont autorisés à travailler ou à étudier, ils ne seront enregistrés qu'en tant que « migrants familiaux ».
Il est également difficile d'anticiper les flux de migrants arrivant dans cette catégorie puisque les différentes catégories de migrants (telles que travailleurs migrants, étudiants et migrants bénéficiant d'un visa humanitaire) connaissent des schémas de regroupement différents (Chaloff et Poeschel, 2017).
Bien qu’il existe aujourd’hui de nombreuses études sur les familles transnationales et leurs réseaux et pratiques (par exemple, Goulbourne et al., 2010; Baldassar et Merla, 2014; Al-Sharmani, Tiilikainen et Mustasaari, 2017), nous avons encore peu d'informations au niveau mondial sur le nombre exact de personnes vivant dans des familles transnationales, ou sur la dynamique récente de la migration familiale. De nombreuses études s’appuient sur de petits échantillons et des approches ethnographiques (Bryceson et Vuorela, 2002). De nouveaux ensembles de données couvrant un large éventail de régions d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine commencent à produire des résultats et à permettre des comparaisons plus solides entre les pays et les régions (Caarls et al., 2018 ; Mazzucato et Dito, 2018 ; DeWaard, Nobles et Donato, 2018). Ces études ont attiré l’attention sur les différents types de familles transnationales ; sur les différences de la parentalité transnationale entre les hommes et les femmes; et les conséquences des politiques migratoires sur le regroupement familial et la formation des familles transnationales. Ces familles peuvent connaître des changements constants à mesure que le cycle de vie de la famille évolue (Bryceson, 2019).
Malheureusement, il n'existe aucune recommandation sur la manière d'améliorer les données sur les migrations familiales. En l'absence de données complètes et comparables à l'échelle internationale sur les migrations familiales, et au vu du champ d’étude limité pour ce type de données, il est nécessaire de combler les lacunes existantes. Celles-ci comprennent, par exemple, la collecte et l'analyse systématiques de données sur le travail et les contributions fiscales des migrants familiaux dans les pays de destination qui pourraient permettre de contrer les récits fallacieux à ce sujet et à élaborer des politiques fondées sur des données probantes. Des études sur la manière dont les politiques migratoires et l'accès aux marchés du travail et au logement orientent les décisions d'intégration ou de retour dans le pays d'origine peuvent également servir de base à l'élaboration des politiques (Martínez-Buján, 2019). Vous trouverez ci-dessous quelques sources de données, de recherches et d'analyses
- Dossiers administratifs : ils représentent la principale source de données sur la migration familiale. Ces dossiers comprennent les premiers permis de séjour des migrants et des personnes ayant obtenu un visa de protection.
- Recensements et registres : ils peuvent également fournir des données sur la migration familiale.
- Enquêtes : outre les enquêtes non liées à la migration (telles que sur la main-d'œuvre et les ménages), certains pays ont également mené des enquêtes par panel.
- Base de données de l’OCDE sur les migrations internationales. Elle fournit des informations sur les catégories de migrants à partir des types de permis de séjour. Les migrants familiaux sont dénombrés selon deux catégories : les « migrants familiaux » et la « famille accompagnante des travailleurs ». Sur la base de ces données, l’OCDE présente ses estimations sur la migration familiale dans son rapport annuel Perspectives des migrations internationales.
- En termes d'intégration, l’index des politiques d'intégration des migrants (MIPEX) a produit la comparaison la plus complète des politiques publiques d'intégration, en tenant compte du regroupement familial, de ses conditions et des droits connexes de 38 pays (dont ceux appartenant à l'Espace économique européen (EEE), l'Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis, le Japon, la Corée et la Turquie).
- Le portail de données sur les migrations de l'OIM inclut certaines sources de données et présente aussi les lacunes et les défis liés à la migration familiale.
- Les organisations internationales publient ponctuellement des rapports sur le thème de la migration familiale qui donnent un bon aperçu des tendances aux niveaux mondial et régional. Voir, par exemple, le chapitre 7 « Les familles dans le contexte de la migration » d'ONU Femmes, le rapport « Le progrès des femmes dans le monde - Les familles dans un monde en changement » (2019-2020) (ONU Femmes, 2019), le chapitre 3 « Portrait des migrations familiales dans les pays de l’OCDE » et Perspectives des migrations internationales (Chaloff et Poeschel, 2017).
Pour en savoir plus sur la consultation et l'utilisation de données pour l’élaboration des politiques, voir Données, études et analyses dans le cadre de l'élaboration d’une politique.
Le droit au respect de la vie familiale est garanti par plusieurs instruments internationaux. Il joue un rôle dans les décisions relatives à la migration familiale, par exemple lorsque des proches entrent dans le pays de destination en tant que famille accompagnante, à des fins de formation de la famille ou de regroupement familial, ou via l'adoption. Au-delà des décisions d'admission, le droit au respect de la vie familiale est également pris en compte dans les décisions d'expulsion.
Les États peuvent refuser l'entrée aux membres de la famille si les demandeurs ne remplissent pas les conditions d'admission. Cependant, la discrimination entre les demandeurs éligibles est contraire aux droits humains. Les gouvernements peuvent également essayer d’expulser des résidents ayant une vie familiale établie parce qu'ils ont commis des crimes, n'ont pas de statut d'immigration régulier ou sont considérés comme « indésirables ». Dans certains cas, cette approche peut constituer une violation du droit international en matière de protection de la vie familiale, bien que le regroupement familial soit rarement mentionné expressément dans les instruments internationaux.
Instruments mondiaux |
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Remarque : cette liste n’est pas exhaustive.
Déclarations des Comité des droits humains |
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Remarque : cette liste n’est pas exhaustive.
Le Centre pour les droits civils et politiques (CCPR) a parfois constaté des violations des droits liés à la famille dans des cas d'expulsion de résidents de longue durée, eu égard à la reconnaissance de la famille comme « élément naturel et fondamental de la société » ou du droit de l'enfant à la protection. Ce que les instruments internationaux entendent par vie familiale figure dans le débat sur les droits civils et politiques, à savoir les obligations des États à l'égard du droit au respect de la vie familiale, au chapitre 1.3.1 Droits humains des migrants : une vue d'ensemble.
Communication n°2243/2013 Husseini c. Danemark, constatations adoptées le 24 octobre 2014. L'expulsion d'un ressortissant afghan ayant fait l'objet de condamnations pénales graves a violé les articles 23 et 24 lorsque l'État n'a pas pris en compte les intérêts de ses enfants (CCPR, 2014).
Communication n°1011/2011, Madafferi c. Australie, constatations adoptées le 26 juillet 2004. L'expulsion d'un ressortissant italien dont l'épouse et les quatre enfants étaient des ressortissants australiens a violé les articles 17, 23 et 24 lorsque les condamnations pénales ont eu lieu avant l'entrée en Australie et que la famille a rencontré de graves difficultés pour se réinstaller en Italie (CCPR, 2004).
CCPR, 2004.
L'absence de dispositions formelles sur le regroupement familial dans la Convention relative au statut des réfugiés rend les lignes directrices et les résolutions des Nations Unies particulièrement importantes :
- Assemblée générale des Nations unies, Respect du droit à la liberté universelle de voyager et importance capitale du regroupement familial : résolution, A/RES/63/188, 2008.
- Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Lignes directrices sur le regroupement familial des réfugiés, 1983.
- Assemblée générale des Nations unies, Assistance aux mineurs réfugiés non accompagnés : résolution, A/RES/56/136, 2001a.
- Assemblée générale des Nations unies, Bureau du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés : résolution, A/RES/55/74, 2001b
Instruments régionaux |
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Note: This list is not exhaustive
L'Europe dispose de la protection régionale la plus puissante en matière de regroupement familial, en raison des interprétations judiciaires de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme par la Cour européenne des droits de l'homme et de l'incidence du droit de l'Union européenne. D'autres systèmes juridiques régionaux n'ont pas encore élaboré une législation ou une jurisprudence harmonisée en matière de regroupement familial.
L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme prévoit le droit au respect de la vie privée et familiale. Sont considérées comme constitutive d’une vie familiale les relations entre les époux et entre les parents et leurs enfants. L'existence de la vie familiale doit être établie dans d'autres cas, ce qui peut créer des difficultés lorsque les parties ne vivent pas dans le même État.
Si la vie familiale existe, l'ingérence d'une autorité publique dans l’exercice de ce droit, y compris par le biais de mesures d'immigration, peut être légale si elle sert l'un des intérêts publics énumérés à l'article 8(2) (tels que la sécurité nationale, la sûreté publique, le bien-être économique du pays, la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale, ou la protection des droits et libertés d'autrui) et si elle est « nécessaire dans une société démocratique » (c'est-à-dire proportionnée). La question clé est celle de la proportionnalité, car les contrôles de l'immigration sont censés servir l'intérêt public. Cet intérêt s’exprime généralement par la recherche d'un juste équilibre entre l'intérêt public et l'intérêt individuel dans la vie familiale. Eu égard à l’appréciation largement accordée aux États sur ce qu'exige l'intérêt public, ces affaires sont difficiles à gagner. Toutefois, la Cour a donné quelques indications sur les facteurs pertinents.
Lorsqu'une personne est menacée d'expulsion en raison d'une infraction pénale, les facteurs pertinents sont les suivants :
- la nature et la gravité des infractions, le temps écoulé depuis l'infraction et la conduite ultérieure ;
- la durée de résidence ;
- la nationalité des parties ;
- la situation familiale du demandeur ;
- la connaissance par le conjoint de l'infraction dès le début de la relation ;
- les difficultés rencontrées par le conjoint dans l'autre pays ;
- l’intérêt supérieur et le bien-être des enfants ;
- les liens sociaux, culturels et familiaux avec le pays d'accueil et le pays de destination.
Dans les affaires d'immigration impliquant des conjoints, le tribunal applique des critères similaires aux affaires d'expulsion et d'admission. Les facteurs pertinents sont les suivants :
- le niveau de rupture de la vie familiale ;
- l'importance des liens au sein de l'État ;
- l'existence d'obstacles insurmontables à la vie dans le pays d'origine ;
- les facteurs liés au contrôle de l'immigration ou à l'ordre public ;
- la connaissance du statut précaire de migrant avant la formation d’une vie familiale ;
- l'intérêt supérieur des enfants.
En pratique :
- Les migrants fondent et agrandissent souvent une famille en sachant que leur statut de migrant est précaire ; par conséquent, les affaires dans lesquelles les États violent le droit au respect de la vie familiale n'aboutissent que dans des circonstances exceptionnelles. Par exemple, dans l’affaire Jeunesse c. Pays-Bas, 2014, une mère migrante est demeurée aux Pays-Bas après l’expiration de son visa, mais les circonstances ont été considérées comme exceptionnelles. Le fait de lui refuser le droit de rester avec sa famille a été considéré comme une violation du droit au respect de la vie familiale.
- Une violation du droit au respect de la vie familiale peut également survenir lorsqu'un migrant précédemment régulier perd son statut (par exemple, CEDH, 1988).
- La Cour a également parfois exigé des États qu'ils admettent des enfants lorsque les parents sont déjà des résidents légaux, reconnaissant que l’intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale. Tous les cas n'aboutissent pas et il est difficile d'identifier des principes cohérents.
- Un refus discriminatoire peut également entraîner une violation du droit au respect de la vie familiale (par exemple en appliquant des règles plus strictes à l'admission des maris qu'à celle des femmes, comme ce fut le cas dans l'affaire Abdulaziz Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, 1985, 7 EHRR 471 [CEDH, 1985]).
Enfin, la législation de l'Union européenne prévoit le regroupement familial des citoyens de l'Union européenne dans l'exercice de leur droit à la libre circulation (directive 2004/38/CE). Les membres de la famille ne doivent pas nécessairement être des citoyens de l'Union européenne et les règles sont beaucoup plus accommodantes que celles généralement en vigueur en vertu du droit national concernant les membres de la famille admis et les conditions d'entrée et de séjour. La législation de l'Union européenne prévoit également des droits plus limités en matière de regroupement familial pour les résidents de longue durée qui ne sont pas citoyens de l'Union européenne (directive 2003/86/CE).
Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), 2001 ; CEDH, 2006 ; CEDH, 2014.
Il n'existe pas d'initiative unique axée sur le thème de la famille et de la migration. Ce sujet en recoupe de nombreux autres et est abordé, le cas échéant, dans le cadre de discussions liées à d'autres thèmes tels que la migration de main-d'œuvre, la migration des enfants, les jeunes et la migration, l'intégration et la cohésion sociale, le retour et la réintégration, entre autres.
Programme 2030 pour le développement durable
L'un des principaux axes des Objectifs de développement durable consiste à promouvoir une plus grande ventilation des données afin de mieux servir certains groupes vulnérables et de veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte. La cible 17.18 prévoit des données ventilées par statut migratoire. Bien que les ODD ne mentionnent pas la migration familiale, il existe un certain nombre de thèmes en rapport avec les membres de la famille et leur intégration.
- Cible 5.C
Adopter et renforcer des politiques saines et une législation ayant force exécutoire pour la promotion de l'égalité des sexes et l'autonomisation de toutes les femmes et les filles à tous les niveauxs. - Cible 10.C
D’ici à 2030, faire baisser au-dessous de 3 % les coûts de transaction des envois de fonds effectués par les migrants et éliminer les couloirs de transfert de fonds dont les coûts sont supérieurs à 5 %.. - Cible 10.7
Faciliter la migration et la mobilité de façon ordonnée, sûre, régulière et responsable, notamment par la mise en œuvre de politiques migratoires planifiées et bien gérées.
Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières
Le Pacte mondial pour les migrations, en tant que document juridiquement non contraignant, ne crée aucune nouvelle obligation pour les États. Au contraire, il rassemble les obligations et engagements existants en matière de droits humains dans un cadre migratoire et vise à favoriser leur mise en œuvre de manière cohérente. La vie familiale est mentionnée à plusieurs reprises. Nous indiquons ici certaines des suggestions les plus significatives visant à faciliter les déplacements familiaux, en particulier ceux des enfants.
Le regroupement familial est spécifiquement mentionné dans l'objectif 5 (« améliorer l’accès et la souplesse des voies de la migration régulière »). Les autres objectifs pertinents sont les suivants :
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Objectif 5
Améliorer l’accès et la souplesse des voies de la migration régulière
i) Faciliter l'accès aux procédures de regroupement familial pour les migrants à tous les niveaux de compétences par des mesures appropriées favorisant l’application du droit à la vie familiale et l'intérêt supérieur de l'enfant, notamment en réexaminant et en révisant les conditions applicables, par exemple en matière de revenus, de maîtrise de la langue, de durée du séjour, de permis de travail et d'accès à la sécurité sociale et aux services sociaux.
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Objectif 11
Gérer les frontières de manière intégrée, sûre et coordonnée
e) Veiller à ce que les services de protection de l’enfance soient rapidement informés lorsqu’un enfant non accompagné ou séparé traverse une frontière internationale et à ce qu’ils prennent part aux procédures visant à déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant, conformément au droit international, notamment en formant les gardes-frontières aux droits de l’enfant et aux procédures adaptées aux enfants, telles que celles qui interdisent la séparation des familles et prévoient le regroupement familial en cas de séparation.
- Objectif 16
Donner aux migrants et aux sociétés les moyens de parvenir à la pleine intégration et à la cohésion sociale
c) Définir des objectifs politiques nationaux à court, moyen et long terme concernant l'intégration des migrants dans les sociétés, notamment en matière d'intégration sur le marché du travail, de regroupement familial, d'éducation, de non-discrimination et de santé, y compris en encourageant les partenariats avec les parties prenantes concernées.
Il existe également des mécanismes consultatifs interétatiques sur la migration, dont des processus consultatifs régionaux sur la migration (PCR). La plupart des PCR et forums interrégionaux sur la migration (FIR) n'ont pas abordé spécifiquement la question des migrations familiales. La quinzième conférence régionale du Processus de Puebla, qui avait pour thème central la migration et la famille, a toutefois été une exception. Elle :
A reconnu l'impact de la migration sur l'unité familiale et l'importance de la prise en compte de la famille dans l'élaboration des politiques migratoires, la nécessité d'adopter une perspective transversale incluant et favorisant l'intégration familiale, et le potentiel de la migration en tant que catalyseur du développement dans les communautés d'origine et de destination.
Conférence régionale sur les migrations [CRM], 2010.
D'autres PCR et FIR ont permis d’avoir des discussions pertinentes sur la famille en abordant des sujets thématiques tels que la vulnérabilité des femmes, des enfants et des enfants non accompagnés, ou l'égalité des sexes et l'autonomisation (pour en savoir plus, voir Genre et migration, Migration des enfants et Jeunes et migration). En outre, un certain nombre de dialogues ont abordé la question de l’intégration, qui concerne les migrants familiaux.
Les PCR peuvent également commander des études sur certains aspects de la migration familiale. La migration régulière étant devenue aussi une préoccupation majeure dans les dialogues régionaux, il est possible d'inclure davantage de discussions sur les migrants familiaux et leur intégration.