Cette section aborde les efforts récemment déployés afin de renforcer la coopération internationale en matière de gestion des mouvements de populations. Ces efforts ont abouti à l’adoption du Pacte mondial pour les migrations.

Les États conservent la responsabilité principale sur les questions de migration. Toutefois, il est de plus en plus largement admis qu’aucun État agissant unilatéralement n’est en mesure de pleinement gérer la migration internationale, et ce constat transparaît dans le Pacte mondial pour les migrations. Les politiques unilatérales tendent à ignorer les intérêts des autres acteurs et conduisent souvent à des réponses dépourvues de vision à long terme. Au cours des deux dernières décennies, d’importantes avancées ont été enregistrées dans le domaine de l’établissement de normes, règles et procédures décisionnelles internationales pour la gestion des migrations selon une approche collaborative. Pourtant, en comparaison d’autres problématiques transnationales telles que la circulation mondiale des biens et des capitaux, il reste encore beaucoup à faire pour assurer une coopération internationale pleine et entière.

Divers facteurs ralentissent les avancées dans l’adoption d’un système plus cohérent de gouvernance mondiale des migrations (Martin et Weerasinghe, 2017) :

  • Les préoccupations relatives à la souveraineté. La migration affecte directement la souveraineté en raison de ses répercussions sur la protection des frontières, la croissance économique, la cohésion sociale, la population, les valeurs culturelles et religieuses, et enfin, la signification de la citoyenneté. Ces impacts sont à la fois ressentis par les pays de destination, les pays d’origine et les pays de transit.
  • La migration est souvent un enjeu contesté dans les politiques domestiques. Bien qu’il ne s’agisse souvent pas d’une question de premier ordre, la migration a un profond impact sur les résultats des élections lorsque le corps électoral craint ses répercussions en association avec d’autres facteurs, tels que le changement économique, social ou culturel.
  • Au sein des États, il existe souvent une dichotomie entre intérêts propres et migration, ce qui tend à complexifier toute approche constructive avec d’autres acteurs internationaux.
  • Il existe une asymétrie de pouvoir naturelle entre les pays d’origine et les pays de destination. Les pays d’origine sont généralement des pays à plus faible revenu, moins puissants que les pays de destination. Ces derniers tendent à être des puissances à dominance régionale ou mondiale capables de faire valoir leur droit à la souveraineté pour décider des personnes qui peuvent entrer sur leur territoire et y rester (Khadria, 2009). Ce constat vaut également pour la migration Sud-Sud et Sud-Nord.

Toutefois, le cœur du problème réside dans la difficulté à trouver un terrain d’entente sur le thème de la migration car cette question a, fondamentalement, trait à l’humain, contrairement aux accords mondiaux et institutions qui gèrent la circulation des biens et des capitaux. Comme le remarquent Martin et Weerasinghe (2017) dans leur contribution à l’État de la migration dans le monde 2018 :

Article / Quotes

Pour que le système de gouvernance mondiale des migrations profite aux États, aux migrants et à la société, les personnes mêmes dont les mouvements seront réglementés doivent être associées à l’élaboration et à l’amélioration des cadres, institutions et processus pertinents. Or, il est extrêmement difficile d’intégrer les migrants dans un tel système, notamment parce qu’on ne sait pas toujours bien qui peut représenter leurs intérêts dans un contexte donné.

Source

Martin and Weerasinghe, 2017.

La coopération internationale comporte trois composantes majeures :

  • Les normes et principes juridiques qui régissent l’approche des États face à cette problématique ;
  • Les mécanismes destinés à faciliter la consultation, la coopération et, à terme, la prise de décision inter-étatiques ;
  • Les organisations internationales qui assistent les États et autres acteurs concernés à concrétiser les objectifs définis conformément aux normes et principes adoptés.

Au cours des 30 dernières années, des progrès significatifs ont été réalisés dans le renforcement de ces composantes de la coopération internationale.

En ce qui concerne le premier aspect, par exemple, les États ont adopté des conventions juridiquement contraignantes évoquant les droits de toutes les personnes, y compris les migrants, ainsi que des protocoles sur la traite des personnes et le trafic illicite d’êtres humains (Trafic illicite de migrants et Traite de personnes et formes connexes d’exploitation et d’abus). La Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et son Protocole, adoptés bien avant ces instruments, ont été interprétés durant cette période de manière à fournir une protection à un plus large éventail de personnes, y compris à celles et ceux victimes de persécution liée au sexe.

Les mécanismes destinés à faciliter la coopération inter-étatique ont, quant à eux, vu le jour dans le cadre de procédures initiées par les Nations Unies et les États, à la fois aux niveaux régional, inter-régional et mondial (Dialogue politique inter-étatique sur les migrations). À travers la consultation et la coopération encouragées par ces mécanismes, les États sont amenés à appuyer des principes non contraignants et des pratiques recommandées dans les domaines du développement (Objectifs de développement durable, 2015), de la protection internationale des personnes déplacées par des risques naturels et les effets du changement climatique (Initiative Nansen, 2015), des migrants dans les pays en crise (Initiative « Migrants dans les pays en crise » [MICIC], 2016) et d’autres secteurs (découvrez d’autres secteurs d’intervention dans le Initiatives et engagements pour répondre aux migrations). Le Sommet des Nations Unies de 2016 pour gérer les mouvements massifs des réfugiés et des migrants, qui a conduit à la Déclaration de New York, a ouvert la voie au Sommet de Marrakech au cours duquel le Pacte mondial pour les migrations a été adopté. Il s’agit du premier cadre international répondant, de manière globale, à tous les aspects de la migration.

La troisième composante de la coopération internationale regroupe les institutions qui facilitent la collaboration, l’atteinte d’un consensus et la mise en œuvre des mesures définies (Acteurs et partenariats en faveur des migrations). Jusqu’en 2016, aucune agence des Nations Unies n’était investie d’un mandat uniquement consacré aux migrants autres que les réfugiés, même si plusieurs agences géraient les problématiques migratoires. Au cours de cette même année, l’OIM a rejoint le système des Nations Unies. Un nouveau changement est intervenu en 2018 avec la création, par le Secrétaire général des Nations Unies, du Réseau des Nations Unies sur les migrations, successeur du Groupe mondial sur la migration, afin de « mettre l’accent sur les questions pour lesquelles une approche commune du Systèmes des Nations Unies pourrait apporter une valeur ajoutée et dont les résultats et l’impact pourraient être immédiatement mesurés » [Traduction libre] (Réseau des Nations Unies sur les migrations, 2018).

To Go Further
Messages-clés
  • Bien que la souveraineté nationale demeure le principe fondamental de la gestion des migrations, les États reconnaissent de plus en plus qu’aucun pays agissant unilatéralement n’est capable de pleinement gérer ces mouvements.
  • La coopération internationale requiert des normes et principes juridiques reconnus, des mécanismes de consultation et de décision inter-étatiques ainsi que des institutions pour faciliter la coopération.